Le samedi est arrivé et le soleil avec lui. Certes, les températures sont toujours beaucoup trop basses. Mais comme tous les parisiens ( et habitants du chaleureux département des Hauts-de-Seine), il suffit aux festivaliers de quelques rayons de soleil pour se convaincre que ça y est l’été est enfin dans la place. C’est donc le coeur empli de cette pensée magique que ces derniers se rendent dans l’immense Seine Musicale de Boulogne. La programmation y sera hétéroclite, les festivités nombreuses.
On crie « Bingo »
Si le public est moins nombreux aujourd’hui, il s’est tout de même déplacé en masse, une occasion de faire la fête en musique ne se perd pas. Il est encore tôt, il faut se mettre dans l’ambiance. Et rien ne rime autant avec bonne ambiance que disco bingo (même si j’en conviens il n’y a pas de o à la fin de ce mot). C’est donc au milieu de la salle, sur la scène du DJ peuplée d’une deux chevaux et d’écrans de télé rétros qu’est organisé ce jeu. En avant scène, une belle bande de danseurs habillés de vêtements pailletés à prédominance dorée. Pour les pies dans la salle, le sommet du bon goût (il n’y a aucun sarcasme ici, il faut toujours dire du bien des paillettes que l’on croise). Des stylos et des grilles sont distribués aux participants alors que le maître de cérémonie, fait comme il se plait à la dire « claquer ses boules ». Les heureux gagnants remporteront des shots de Get 27, des bulles et des paillettes. De quoi revivre la jeunesse dorée de nos grands-parents.
Pas le temps de niaiser pourtant, malgré une défaite par chaos et une incapacité flagrante à aligner les bons chiffres, le talent ne se force pas, il est temps d’aller écouter un peu de musique live. A commencer par celle de Romane sur la Petite Seine, là bas au fond à droite, vers le quai 9 3/4. Avec son timbre soul, la musicienne distille ses titres au fond pop où la voix prédomine. Elle présente son dernier single et empli le lieu de son timbre puissant. Sil faut convenir d’un certain jet soul, il y a un peu d’Alanis Morissette dans certaines de ses compositions. Ce petit quelque chose qui confère à la balade 90’s bien sentie et accrocheuse. Une chose est sûre, dans les premiers rang, une femme chante de bon coeur sur tous les titres et ne manque pas de les filmer chaque instant du concert.
Des déhanchés et des astres
Aujourd’hui, un rayon de soleil a donc réussi à faire son nid au milieu des nuages. C’est pour cette bonne raison qu’il faut absolument se rendre sur le parvis et profiter du show tout aussi chaud (jeu de mot de qualité supérieure) de David Walters. Ce touche à tout, globe trotteur aux nombreuses vies brouille les pistes en mélangeant les musiques traditionnelles du monde. Sonorités indiennes rencontrent des consonances cubaines, brésiliennes ou encore africaines. Le mélange prend aux jambes un public en demande qui délaisse les hot dogs pour se déhancher proche de la scène ou plutôt la seine (parce qu’on est dans les Hauts-de- Seine, faut suivre) du parvis.
Dehors il fait chaud, c’est plaisant (pensée magique toujours) et c’est donc avec quelques engelures provoqués par ce beau temps printanier, qu’il est temps de se rendre sur la Grande Seine pour profiter d’un des shows les plus attendus de la journée : j’ai nommé le retour de Disiz. Vous vous souvenez de lui, le monsieur avait débuté sa carrière en 95 ( ces années là…) et rencontré le succès en 2000 avec un premier titre « Le Poisson rouge ». Il est important de souligner l’immense travail fait aux lumières pour cette performance face à un public nombreux. Parfois bleues et rouges, parfois multicolores, la réalisation est impressionnante. La foule, connaisseuse des classiques du rappeur attend avec impatience de chanter sur ses plus gros succès. Beaucoup pourtant de ses nouveaux morceaux seront passés en revue alors que le mise en scène donne un ton relativement pop à la performance. La grand messe populaire est très bien accueillie malgré quelques ratés quand il s’agit de reprendre les paroles en choeur. De quoi peut-être frustrer notre hôte qui pourtant se donne à coeur de créer un show dynamique. En guise de preuve de bonne volonté et d’amour sincère, l’audience répond volontiers à chaque mouvement que propose le chanteur, et vas-y que ça lève les bras, danse, chante, le tout hypnotise, comme à chaque fois.
Hydromancie : divination aquatique
La nostalgie est maîtresse, c’est chose connue. Elle touche les années 90, 2000 mais pas que. Voilà donc qu’il faut retrouver les élégants Oracle Sisters sur la scène Riffx. Le trio a connu un certain succès avec la sortie de son premier EP « Paris I ». Aucun cours ne sera aujourd’hui donné par la formation, ils ne se priveront pas pourtant d’inviter l’audience à se prendre une belle leçon de folk dans les oreilles. Groupe pluri-nationales, de Bruxelles à New-York en passant par la Finlande, ses membres multiplient les origines, ils dévoilent avec une jolie retenue une folk qui sent bon les années 70. Deux chanteurs s’affairent de concert et il est aisé de penser aux immenses Simon & Garfunkel (dans cette parenthèse va se glisser une pause conseil : écoutez le « Songbook » de Paul Simon pour rendre votre vie plus belle). Les morceaux ont la simplicité et l’éminence précision tubesque des Beatles, rien que ça. « Ecoutez Simon & Garfunkel en allumant une bougie et vous verrez votre avenir » disait Zooey Deschanel dans « Presque Célèbre », c’est surement pour cette bonne raison que les Oracle Sisters ont cette vocation d’oracles…
En empruntant les couloirs de la Seine Musicale pour se glisser vers la scène Rodin en extérieur, on croise une performance artistique. Un jeu d’eau aux nombreuses couleurs projetés sur les murs. En pratique, le tout ressemble à une sorte de kaléidscope géant, un brin hypnotisant. Il suffit de s’asseoir en face pour se sentir soudainement serein, détendu (un brin défoncé). Les cercles bougent lentement, l’eau coule, encore un rond, c’est beau parce que ça bouge lentement, et puis c’est si coloré, c’est incroyable de … reprenons le fil de cet article même si tout le monde aurait bien aimé savoir comment cette histoire d’eau allait se terminer.
Ah les jolies colonies de vacances
Pas de vacances pour les braves mais un petit tour à la Colonie de Vacances. Le nom amusant d’un projet colossale où quatre scène extérieures jouent de concert et se répondent entre notes de guitares et de batterie pour un rendu rock qui swing. Le tout est complexe à l’oreille d’autant que le son y est très fort mais la performance en elle-même, mérite un tonnerre d’applaudissement. Au centre de cette orgie instrumentale, le public danse volontiers et ondule, comme les reflets d’eau colorés qui étaient si beaux.
A l’intérieur, sur la Grande Seine, il est temps d’aller faire coucou à Caballero & Jeanjass loin du vent qui souffle en extérieur. Le rap sombre du duo, assisté d’un DJ prend des couleurs pastels en live. Les punchlines fusent alors que le set a tout pour faire échos à une génération qui adule ses réseaux sociaux. Les deux jouent sur des phrases travaillées pour distiller un rap accessible et surtout dans l’air du temps. La foule est réactive et prend à grandes plâtrées ce qu’elle est venue chercher, des beats qui balancent et l’envie de se déhancher. En ça, le cahier des charges est respecté.
Du rock au rap, il n’y que quelques pas
L’accès aux stands est un peu plus aisé que la veille. L’affaire était encore vraie en début de journée. Il est pourtant difficile de se procurer à manger sans faire une longue queue dès 22 heures. Quelques chanceux attraperont un met rare en festival, on se demande bien pourquoi d’ailleurs : une bonne assiette de saucisses lentilles. Bingo terroir ! Ou pas, puisque l’une des performances les plus chaudes de la soirée va débuter: celle des très attendus Structures qui en profitent pour présenter leur nouvelle musicienne. Comme toujours le groupe de rockeurs balance avec une énergie survoltée un son qui tape juste et fort. Les musiciens balancent telle une tornade qu’on ne peut stopper un tourbillon aux notes post-punk qui sent bon les voisins d’Outre-Manche. Le tout fait osciller en masse dans l’optique de faire monter de quelques degrés la chaleur caniculaire de la journée et faire sentir la transpiration dans la petite salle. L’ardeur est un brin moins présente que lors de la prestation spectaculaire du groupe au MaMA festival, pour preuve les musiciens ne tomberont cette fois pas le haut. Il faut aussi admettre que les réglages sons ne tabassent pas assez pour rendre parfaitement honneur aux incroyables rockeurs. La voix de son chanteur au timbre aussi sombre que du Joy Division, n’a pourtant pas à rougir face aux autres membres d’une scène voisine à la Fontaines D.C ou encore Murder Capital en tête de liste. Le tout donne lieu à l’un des temps les plus fort la soirée.
Celle-ci touche presque à sa fin alors que le classique de festival IAM clôt le moment sur la Grande Seine. C’est sans leur traditionnel banc qu’ils débutent une performance soignée et donnent une belle leçon de Hip Hop à une nouvelle génération qui ne demande qu’à revisiter ses classique. Le flow fait danser, la bande ne lâche rien, enchaîne tubes sur tubes. Le débit est certes toujours impressionnant mais surtout la cohésion d’une équipe de chanteurs qui se connait par coeur et fait sonner ses voix à l’unisson. IAM est une bête de festival, une machine huilée et rodée qui saurait acquérir à sa cause jusqu’au plus réticent des spectateurs.
Il faut maintenant rentrer, demain, il faudra voter avant de retrouver le chemin du festival qui profitera de quelques degrés de plus. Prévoyez vos maillots de bain!