Pour la première fois en France, « The Movie Music of Spike Lee & Terence Blanchard » met à l’honneur le Terence Blanchard Quintet et rien de moins que des intervenants tels que China Moses, Diane Reeves ou Angélique Kidjo pour célébrer la collaboration artistique entre Blanchard et le réalisateur Spike Lee. Un voyage musical dans l’univers de deux grands artistes. Reportage.
La Philharmonie de Paris est une des plus belles salles de la capitale. Il suffit de s’approcher de son imposante structure pour en être convaincu.
A 19 heures,le public prend place poliment dans la salle dont l’intérieur est aussi moderne que l’extérieur. Et c’est de façon toute aussi sage qu’il écoute les mots d‘Isabelle Giordano, l’éternelle Miss Cinéma sur Canal, pour ceux et celles… qui commencent à avoir un certain âge. Vantant les mérites des Audi Talent Awards en compagnie de Laurent Beyle ( DG de la Cité de la Musique Philharmonie de Paris) et de Marc Meurer ( Directeur Audi France), célébrant des talents français dans tout types de domaines depuis une douzaine d’années maintenant, il est grand temps de passer au vif du sujet, à savoir la représentation de Monsieur Terence Blanchard, de son quintette et du Britten Sinfonia que dirige talentueusement le maître d’orchestre Vince Mendoza.
C’est un voyage à travers les époques qui commence, que ce soit les différentes réalisations de Spike Lee ou les époques dans lesquelles les films se déroulent. Guidé par le rythme de la musique qui sait faire varier les plaisirs, tantôt lente, tantôt endiablée, on finit par s’abandonner à ses pensées et à se remémorer… Tel film, de quoi parlait-il déjà ? Et celui là ? L’avait-on aimé ? Tiens celui là je ne l’ai pas vu, tiens celui là était quelconque (Inside Man pour ne pas te nommer). On se dit que les images montrant quelques plans de chacun des films sont là pour illustrer et puis la beauté du jazz fait qu’on finit par voir au delà. On voit les carrières prometteuses de Denzel Washington et Wesley Snipes apparaître sous nos yeux, pleines de promesses.
Diane Reeves, Angelique Kidjo et China Moses viennent successivement donner de la voix pour faire procurer encore plus de plaisir au public qui ne se prie pas pour applaudir de plus en plus chaudement chaque fin de morceau. Chacune a son quelque chose à elle et est différente des autres, que ce soit dans la façon de chanter ou bien de bouger sur scène. Mais toutes, l’une après l’autre, font s’allier voix, instrument et image pour vous faire partir en voyage dans l’œuvre de Spike Lee. China Moses se démarque par une interprétation parler d’une chanson qui ne parle pas d’amour. Elle prêche, possédée par l’hommage à « Mo’Better Blues ». Une performance à couper le souffle qui n’enlève rien à la messe gospel que propose Diane Reeves et son timbre si particulier. La troisième grande dame de la soirée Angélique Kidjo brille quant à elle par son énergie folle.
Une pensée émue pour son mésestimé « 25ème heure » qui, cette fois a les honneurs d’être l’un des métrages sur lequel la bande à Terence Blanchard s’attarde (ou semble s’attarder ? Après tout, quand on prend du plaisir on ne voit pas le temps passer) avec Clockers et Jungle Fever. Pas forcément les plus bankables bandes de Spike Lee mais peut être parmi les plus personnelles. Après tout « La 25ème heure » n’était-elle pas une gigantesque déclaration d’amour à New York post 9/11 ?
« Macolm X » a aussi droit à un traitement tout particulier. Outre l’œuvre, c’est bien le personnage historique et son œuvre qui est salué entre musique et vidéos.
La salle s’est mise dans l’ambiance et on entend de plus en plus des « Whou » symptomatiques d’une bonne soirée. Le dernier segment de l’œuvre de Lee à être honoré en musique est son documentaire sur les ravages de Katrina à La Nouvelle Orléans. On peut connaître les images. On peut même avoir vu le documentaire. Pendant d’interminables minutes, les images de maisons délabrées, de cadavres flottants vont défiler sous nos yeux avec un accompagnement musical au diapason de la part du Terence Blanchard Quintet et du Britten Sinfonia. L’émotion nous envahit et on sent le poids de la tristesse et du désespoir dans chacune des notes sortants de chacun des instruments présents.
Ambivalence suprême, Blanchard nous apprend ou plutôt nous rappelle qu’il y aussi des temps « to celebrate » comme le veut la coutume à la Nouvelle-Orléans, cette ville qu’il affectionne tant. Chaque membre du quintette, China Moses, Diane Reeves, Angélique Kidjo… Tous et toutes ont droit à leurs applaudissements de la part des membres d’une salle littéralement conquise et qui oubliera presque d’être poli en se levant quasi instantanément quand Blanchard, Moses, Kodji et Reeves improviseront un morceau que l’on croirait tout droit sorti des « Aristochats ».
Les au revoir se font sous forme de salutations théâtrales alors qu’un à un les instruments s’arrêtent. Tant que des musiciens perdurent sur scène le rythme reprend encore et encore. Il n’y a pas de raison que la fête s’arrête et une fois la dernière note posée, libre à chacun de garder encore un peu la musique en tête, histoire de continuer la célébration dehors, dans les transports, la nuit chez soi et même de la prolonger à l’infini.
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