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Gaîté Lyrique

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Geordie Greep, l’ex-leader de black midi, le groupe le plus cacophonique (dans le bon sens du terme) d’Angleterre ayant tiré sa révérence il y a quelques mois, se produisait à la Gaité Lyrique le 03 décembre pour présenter son premier projet solo sorti en octobre dernier, une véritable pépite bien plus digeste et libre que tout ce qu’a pu faire son groupe auparavant, réussissant le défi de garder intacte l’identité d’une musique aussi mathématique que complètement barrée.

Geordie Greep – Crédit : Théophile Le Maitre

Un album 10/10

Il fait partie de nos coups de cœur de l’année. The New Sound, première tentative en solo plus que réussie du frontman de black midi. L’album est dense, hyper puissant, et, contre toute attente, très très catchy. Et oui, Geordie Greep parvient à nous tirer quelques pas de danse, ce que n’avait pas vraiment réussi à faire black midi en trois albums. Il faut dire que ça n’était guère leur intention durant leur période d’activité, leur free rock progressif jazzy dissonant expérimental [rajouter un mot pour encore plus de complexité] ne cessant de repousser les limites du supportable. Le groupe avait le mérite de pousser à fond le délire, et l’élégance de ne faire aucun compromis. Mais après trois albums (tous excellents – coup de cœur pour le deuxième), leur séparation fut finalement plus un soulagement qu’autre chose. Néanmoins, se séparer d’un indéniable talent d’écriture et de l’originalité d’un style gloubi-boulga nous embêtait quelque peu. Heureusement que Geordie Greep avait plus d’un tour dans son sac. Le voilà le prolongement intelligent¸ le renouvellement parfait dont on avait besoin !

La cover de l’album parle d’elle-même : colorée, amusante, agréable à la vue alors qu’y figure tout de même une décapitation. On garde l’esprit dérangeant, et on y ajoute une touche décalée et sympathique. Et bien The New Sound, c’est tout à fait ça : plongée en eaux profondes mais pas si troubles que ça, grâce à ce qui fait tout son charme, l’envie de s’éclater dans le bordel.

 

Grimpez votre propre Everest !

L’album fait plus d’une heure, avec des morceaux dont la durée ne cesse de grimper jusqu’à atteindre les douze sur sa fin. C’est lourd, et il faut plusieurs tentatives pour atteindre le bout d’une traite. Mais lorsque ce bout est atteint, et que vous n’avez eu de cesse de repasser par les mêmes montagnes à gravir avant de voir le panorama complet, l’évidence s’impose à vous comme par magie : qu’est-ce que cette grimpe est jubilatoire ! Rien que l’échauffement sur « Blues » capte toute votre énergie. Quelle grandiose introduction bourrée en tension. Sur « Holy Holy », situé peu de temps après, la pression n’est pas tant relâchée, mais au moins, vous pouvez davantage laisser aller votre corps qui ne demande qu’à suivre le rythme contagieux du refrain. Quel sport et quelle éclate ! Mais ça n’est pas le moment de lâcher puisqu’il reste huit morceaux de taille prêts à vous percuter. « Through a war », « Motorbike », « As If Waltz » sont aussi costauds que les muscles de popeye. Drôle à dire après avoir vu son auteur sur la scène de la Gaité Lyrique, semblable à un lutin d’un autre temps, aussi maladroit que charmant dans sa prestance, l’air de ne jamais trop savoir ce qu’il fait là, et pourtant habité par la joie et la bonne humeur, toujours généreux avec ses musiciens et son public. Que de paradoxes ! Et c’est ça qui est beau. On se demande comment un petit bonhomme sapé aussi soigneusement peut-être à l’origine d’une musique aussi hargneuse.

 

Formation JAZZ ROCK

Geordie Greep est accompagné de cinq musiciens, à la guitare, à la basse, à la batterie, au violoncelle et au clavier. Une belle troupe pour faire vivre comme il se doit cet album monstre. La formation débute seule pendant dix minutes au moins, se lançant dans une sorte d’improvisation en mode jam session. Rien à voir avec l’album. Ca groove et ça commence bien. Geordie Greep se fait attendre. On se doute qu’à partir du moment où il entrera en scène, le changement de ton sera radical. Et finalement non, puisqu’en arrivant, il dessine quelques pas de danse avant de rejoindre à la guitare ses compères dans l’improvisation. Au bout de quelques minutes, il finit par dire « le morceau va s’arrêter dans 3 2 1… », puis, sans trêve, le concert bascule immédiatement dans le monde semi-horrifique de The New Sound, avec une mélodie plus serrée, une rythmique plus marquée, des musiciens tout de suite plus en tension. C’est le morceau « Walk On » qui ouvre le bal.

 

loin des clichés rock

La voix de Geordie Greep, théâtrale, tellement anglaise et flexible, sonne merveilleusement. Limite un peu trop fort, comparé aux instruments. Mais on ne va pas se plaindre, pour une fois que c’est dans ce sens-là. Comment décrire cette manière de chanter si particulière ? Très loin des stéréotypes liés au rock, et qui accorde beaucoup d’importance aux mélodies. C’est le genre de voix que l’on entend peu, expansive, labyrinthique… Elle donne à son possesseur un air de crooner aristocrate (c’est la seule comparaison qui nous est venu). De tous les métiers qu’on pourrait lui attribuer, chanteur de rock serait probablement le dernier à nous venir en tête. Mais c’est précisément là que la magie intervient, par le contraste saisissant qui existe entre cette capacité vocale et la rigueur instrumentale qui l’accompagne.

 

Une balance maitrisée

Hyper généreux, le set durera deux heures et alternera constamment entre le morceaux de l’album et des moments d’improvisation pareils à l’introduction du concert. Un peu de liberté et de souplesse ne fait pas de mal. Car il y a tant de rigueur dans la musique de Geordie Greep qu’il est utile de relâcher la pression. D’ailleurs, l’album est tellement carré, mathématique et puissant en studio, que sur scène, il a un peu de mal à trouver l’impact nécessaire pour vraiment nous chopper, ce qui est moins le cas des moments improvisés qui finissent toujours par nous emporter.

Le public de la Gaité Lyrique, en tout cas, est très réceptif. Les applaudissements à chaque fin de morceau sont de plus en plus vigoureux, et Geordie a l’aura d’une star ce soir-là. Ca n’est plus vraiment dur, dur d’être un bébé, lorsque l’on porte ce prénom et que l’on est un petit prodige.


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