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Julia Escudero

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Sea Girls - Nouveau Casino - 2022
Sea Girls au Nouveau Casino – Crédit photo : Louis Comar

Il y a du Sam Fender chez Sea Girls. C’est bien la première chose qui frappe lorsque l’on découvre le nouveau jet du quatuor originaire de Londres. Formé en 2015, le groupe a su rapidement asseoir une certaine notoriété auprès d’un public anglo-saxon mais aussi international. En cause, une recette qui marche à tous les coups : un rock indé accessible mais soigné, des refrains accrocheurs, une bonne humeur communicative,quatre garçons dans le vent ( ou bien dans la mer). C’est le 18 mars 2022 que les compères revenaient avec l’efficace et millimétré « Homesick ». Une belle machine rodée de 13 tubes paramétrés pour les ondes de radios, les festivals,  le live et ces soirées d’été qui ne finissent pas entre barbecues et bières entre amis.

Surfer sur le feel good

Un premier titre « Hometown » et le ton est déjà donné. Dans les bras du groupe, le public retrouve une certaine candeur adolescence qu’il est bon revivre. Les guitares promettent d’avoir éternellement 15 ans, de pouvoir à jamais profiter d’une naïveté désirée et d’amours torturés. De quoi faire chanter immédiatement les foules et provoquer une addiction instantanée pour ceux qui cherchent à se procurer un filtre de jouvance. C’est d’ailleurs ce premier titre qui est le plus Sam Fend-esque de l’opus. Deux notes et nous voilà déjà plongés dans un tourbillon feel good sans prétentions mais pas sans saveurs. L’artiste n’est pourtant pas le seul auquel il sera aisé de comparer le quatuor mené par Henry Camamile. L’âme des Kooks plane immanquablement sur « Lonely », troisième titre de l’opus. On y retrouve les montées aiguës, le sens du rythme et les clubs anglais propres à « Junk of the Heart ». Quelques part la voix de Luke Pritchard dans son approche vocale semble également avoir déboulé sur l’album. Avec ses instruments, armes tranchantes dont tout est fait pour séduire, Rory Young (guitare), Andrew Dawson (basse) et Oliver Khan (batteries),  ne se privent pas de convoquer l’âme de The Killers. C’est sur son premier essai « Open up your head » et le titre « Ready for more » que la comparaison est la plus évidente. Single en puissance, le tube se décline et explose à l’oreille. Il n’en fallait pas plus pour lancer une grosse machine et faire mordre à l’hameçon au combien attractif un public qui deviendrait rapidement accros. D’ailleurs, nos savants musiciens usent de tous les éléments à leur disposition pour séduire s’offrant sur leur nouvel album quelques balades accrocheuses notamment sur « Cute Guys » où voix claire et guitare acoustique ouvrent un bal à fleur de peau qui prend en ascension et en montées vertigineuses.

Comme pour beaucoup le confinement a été l’occasion d’une véritable remise en question. Vingt dates européennes étaient programmées, toutes en tant que tête d’affiche et voilà que le monde s’est arrêté. Trois ans que le groupe n’avait pas pris le temps de souffler et battait des records sortant ainsi 44 titres en 4 ans et demi. Prolifique certes, mais difficile de se centrer sur une écriture plus personnelle dans ce tourbillon fou. C’est donc dans le creux de la vague, en barbotant parmi les écumes que Sea Girls décide de publier un album personnel et sincère. Le rêve de son chanteur en somme. « Homesick » de son propre aveux traite du besoin de se sentir à sa place quelque part que se soit un lieu ou avec une personne. De quoi finir la galette sur une promesse à demi-mot « I Got You ». Et il faut bien admettre que la musique a le pouvoir magique de vous faire appartenir à une communauté confinés ou pas … à moins bien sûr que le live ne vous y encre encore plus. D’ailleurs, nous allons y revenir.

Sea Girls : ras-de-marée en live

Sea Girls - Nouveau Casino - 2022
Sea Girls au Nouveau Casino – Crédit photo : Louis Comar

Rien ne permet de mieux se plonger dans l’univers d’un groupe que de s’y confronter en concert . Et pour cette approche parisienne, c’est au Nouveau Casino de Paris qu’il fallait se rendre le 2 avril 2022. La formation y avait donné rendez-vous à un public d’afficionados chaud bouillant. D’ailleurs, comme pour  illustrer son potentiel à être adoré par un public en demande, un membre de l’assistance s’était déplacé avec une pancarte en forme de cœur et rappelait qu’il peut encore être bon flirter entre l’amour musical et l’amour … tout court. Les français étaient là, mais les anglais aussi venus en masse soutenir leur scène bien au-delà des frontière. Bouillants avant même les premiers notes, les voilà qui chantent sur tous les titres un à un. Il faut dire que le groupe leur donne de quoi s’en donner à cœur joie. Non seulement la machine à tubes est parfaitement rodée en concert mais en plus l’énergie est présente, donnée en grosse dose. Quelque part, il est clair que la formation a vocation à aller chercher jusqu’au spectateur le plus réticent de la salle pour le faire rentrer dans sa performance. C’est ainsi qu’en sueur, le frontman se retrouve sur le bar de la salle à chanter au milieu de fans clairement en trans. En live, la musique de Sea Girls prend clairement une vocation entre pop et rock où efficacité est maîtresse. Si quelques morceaux peuvent sembler trop proche de titres déjà entendus chez d’autres groupes, l’atmosphère électrique et les sourire cajoleurs de nos compères font mouche. Le passage du studio à la scène se fait impeccablement, les morceaux y défilent avec la même vocation, entrer dans les esprits et les conquérir. Le public fait des vagues et se tasse aux premiers rangs, les copains s’en amusent avec une fougue proche d’une scène très années 2000. Sea Girls avaient déjà conquis le Reading Festival en Angleterre, la France sera la prochaine sur sa liste. Et c’est bien de cette scène sans prétention, digeste mais bougrement efficace dont il est ici question, puisque c’est elle qui sait créer l’union et faire chavirer nos salles de spectacles.

 


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Geoffrey Le Gouaziou @Célia Le Goaziou

Originaire de Nantes, Geoffrey le Goaziou, est un véritable passionné de folk. Sensible aux mélodies travaillées, aux émotions brutes taillées comme du diamant et à la guitare sèche, le prodige ensorcelle avec sa voix de velours et ses accords qui touchent droit au cœur. Membre du collectif la Folk Station, il officie seul en configuration guitare / voix et évoque nostalgie et grands espaces au court de compositions aussi sensibles qu’intimistes.  Le 22 avril il publiera son premier album « Somewhere Quiet ». Pour donner un aperçu de son univers à fleur de peau et enivrant, le chanteur nous a offert une très belle séance acoustique en direct du disquaire de la rédac’ The Mixtape dans le quartier des Abbesses.

Découvrez et laissez vous charmer par les titres « Bili », «  »Somewhere Quiet » et « Shell », un mini concert en ligne tout en douceur.

Découvrez la session acoustique de Geoffrey Le Goaziou

Vidéo et montage : Théophile Le Maitre – Merci beaucoup pour ce beau travail

The Mixtape : 32 rue des Trois Frères 75018 Paris



 

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Photo : Louis Comar

Vous ne le connaissez pas encore ? Voilà qui ne va pas durer. Depuis qu’il est sorti de son nid, le colibri Oete n’a de cesse de faire tourner les têtes. Le jeune chanteur a tout de ce qui fait l’étoffe des plus grands. Et il le prouve dès son premier titre « La tête pleine », perle pop de la chanson française, délicieusement moderne, impeccablement arrangée, consciente de ses classiques tout en ayant sa propre identité. Et puis il était ses plumes : des plus belles parures. Oete allie la candeur des débuts qui touche au cœur à la grandeur de celui qui saura remplir des stades. Un rapide coup d’œil à l’un de ses concerts ne pourrait d’ailleurs que vous convaincre alors que le virtuose ondule et communie.

Un autre titre « Hpv » et une reprise de Niagara « Pendant que les champs brûlent » n’ont fait que confirmer l’évidence. La voix grave et électrisante du bonhomme subliment un immense potentiel d’écriture, une force de frappe musicale rare. Alors, les regards ont commencé à se porter sur lui avec une attention toute particulière. Sans surprise, le musicien a été propulsé en première partie de Fishbach, Julien Doré ou encore Feu! Chatterton. Et puis il fait également à très juste titre partie de la sélection des Inouïs du Printemps de Bourges où il y a fort à parier qu’il saura faire des étincelles. Ce 4 mars, notre petit oiseau déploie une nouvelle fois ses ailes avec un tout nouveau titre « Défense » et donc son clip.

 « Défense » : un classique instantané

Quelques notes bien senties, un beat qui s’accélère et se diffuse et voilà que la voix d’Oete s’impose. Le premier couplet sonne comme une évidence de la chanson française, il appelle à la danse avec une retenue mélancolique comme ont toujours su le faire les poètes que notre sol a pu héberger. Savamment dosé, on y retrouve la capacité à faire des hits de son idole Fishbach. Le refrain entre naturellement dans les têtes. Sans jamais y forcer son chemin, radiophonique sans être surfait, accessible sans jamais tomber dans la facilité, ce « Défense » marquera les esprits et deviendra, c’est une évidence, rapidement culte. Préparez-vous à la tornade Oete, elle devrait très prochainement prendre l’ampleur de celle qui était annoncée depuis ses débuts d’Eddy de Pretto.

Oete annonce sa tournée

oete tournée


big thief dragon new warm mountain i believe in youIl était une fois un monde dans lequel tout devait aller vite. Les albums devaient être courts, la musique devait servir à faire danser, les paroles devaient parfois offrir des punchlines à répéter en soirées.  Et puis, comme d’un coup de baguette magique voilà que Big Thief y sortait un nouvel album à contre-pied des attentes. Il y réunissait 20 titres dont chacun y prenait le temps d’exister, de se laisser vivre, de flotter dans les airs et de percuter les cœurs. Pas étonnant donc que ce joyau, digne des plus belles tiares se soit nommé « Dragon new warm mountain I believe in you ». Un animal imaginaire et majestueux tout aussi onirique que la balade au pays imaginaire que le groupe nous invite à visiter.

Au commencement était la douceur

C’est sur la pointe des pieds qu’Adrianne Lenker et sa troupe engagent cet album. « Change » convoque l’âme d’une folk inspirée où il fait bon exister. L’entrée dans cet univers se fait avec douceur. Les notes se délient et se dégustent, tout ici n’est que luxe et volupté. Dans ce royaume lointain les hôtes proposent de prendre part à une fête improvisée. « Time Escaping » a la gaîté d’une nuit autour d’un feu de camps, où histoires et danses se mêlent. Elle se poursuit sur « Spud Infinity ». Pour parfaire le moment, la joyeuse bande invite les instruments folkloriques à se joindre à l’évènement. Tout en gardant sa profonde mélancolique à la pop acide, Big Thief crée une aparté emprunte de joie et pourrait bien rapatrier quelques joyeux lutins alors que les notes sautillent et les ombres virevoltent au gré des flammes.

Et puis, place à la féerie, aux rivières de diamants. Le titre qui donne son nom à l’album donne envie de croire. Le Monde pourrait être peuplé de nymphes et autres créatures mystique. Rêve éveillé aux confins de la pop, sa douceur n’a d’égale que sa maîtrise et son rayonnement. La voix aérienne y répond avec délicatesse aux notes savamment pensées. Comme dans une rivière au mille reflets, elle coule de source, sonne autant comme une évidence connue qu’une individualité revendiquée.

S’envoler en terre pop

Il est temps de s’envoler et de déployer les ailes de « Sparow ». D’ailleurs, le titre n’a de cesse de décoller en une ritournelle qui se répète. Là encore l’évidence folklorique répond à une voix aérienne qui sait se casser pour mieux marquer ses mots. La comptine y est appuyée et vu du ciel que les paysages sont beaux. Comme dans un cocon chaleureux, Big Thief cajole et envoûte. Ce titre biblique évoque par ailleurs avec subtilité la genèse, la pomme acide se revendique et se déguste comme un poison dans lequel il est bon croquer.

S’en suit le magistral « Little things », un petit rien royal qui pose son ton dès ses toutes premières secondes. S’il fallait évoquer la perfection dream pop, le morceau ferait office d’exemple. Sa retenue musicale fait écho à un entrain à la perfection rare. Montée en puissance constantes, la voix s’y positionne avec naturel, elle se positionne en tête pour mieux masser les esprits en un simple coup de baguette aux milles étoiles. Les guitares s’emballent, l’invitation à s’échapper est là mais aussi l’obsession pour l’être aimé. Ces petites choses que l’on aime dans ce morceaux le rendent addictif, poignant. Chaque note y est un élément à chérir qui compose un grand tout à aduler.

Un second acte entre folklore et magie pop

big thiefEn sa moitié, l’opus donne du souffle pour mieux repartir avec entrain sur « Flower of blood ». Doit-on penser à « Blood Flowers » l’album culte des Cure ? Il en a du moins le génie. Sans s’aventurer dans les sombres contrées du groupe de Robert Smith, la formation en garde la beauté mélancolique.

Pour plus de noirceur il faudra attendre les prochains titres. « Blurred View » évoque l’épaisseur de Portishead et a l’étoffe d’un « The Rip ». Pour se remettre et comme un clin d’œil au début de l’opus il faudra s’oser sous la lune de « Red Moon » une danse mystique aux nombreuses vertus proches de la sorcellerie.  Big Thief n’a de cesse de se réinventer, de changer de ton en gardant ses gammes. Impossible de ne pas marquer le pas sur ses dernières notes qui s’emballent à toute allure.

Si l’album était jusqu’ici conçu comme un rêve, il est temps d’ouvrir les yeux. Les rythmiques puissantes appellent d’ailleurs l’oreille à prêter attention dès les premiers instants de « Wake Me Up to Drive ». Mais comme toujours, le début ne laisse en rien présager la fin. Comme sur des montagnes russes, l’album prend le temps de faire des poses, de s’offrir des montées sans fin pour mieux apprécier l’univers qu’il invente. La voix d’Adrianne devient enfantine avant de mieux reprendre cette rayure folk qui lui confère son sublime.

Un essaim vibrant

Il est singles qui ne se détachent pas des albums. Ils sont choisis par les maisons de disques pour leur qualités vendeuses mais non pour l’effort qu’ils représentent.  L’immense « Simulation Swarm » fait mentir tous les adages. En seulement quelques secondes le titre colle à la peau et au cœur. Ses répétitions savamment dosées se glissent dans les os. La résurrection est-elle possible ? Entre la berceuse apaisante et l’hymne hypnotique, un morceau aussi puissant du côté de la pop et de son amie la folk n’avait pas vu le jour depuis des années. Tourbillon aux mille merveilles, aux montées qui savent se maîtriser, au raffinement sans fin, il dégage la poésie d’un joyau brut. Le mont aux trésor de cet album est à écouter en mode repeat sans jamais sans lasser. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler le tout aussi intemporel « U.F.O.F ».

Il faudra pourtant le laisser, de façon assez abrupt il faut en convenir sur le titre d’après qui débute par la voix de sa chanteuse comment un raté travaillé, un démarrage à la hâte. Intitulé « Love love love », il ne peut que résumer en trois mots la sensation globale procurée par les 20 titre de cet opus qui passe sans jamais trébucher de la mélancolie au folklore toujours dans un pays où les mythes et croyances sont légions.

C’est « Blue Lighting » qui conclut dans la lumière cette démonstration de force contenue. Une dernière danse avant la fin pour redonner à la folk sa juste définition. Et la suite ? Elle conduira à reporter les deux concerts parisiens de Big Thief au mois de juin 2022. La princesse Adrianne Lenker elle et ses preux chevalier, vécurent aussi heureux que le public qui les écoute et il faut le souhaiter donneront naissance à beaucoup d’albums de ce calibre.