25 ans déjà que le festival Solidays a vu le jour. 25 années quand on y pense, c’est un long moment. La vie dans notre partie du Monde a complètement changé durant cette période. De l’avènement des smartphones, aux présidents qui défilent, des luttes sociales qui grossissent, des crises financières, la planète Starbucks, Amazon, l’inflation, les modes, la perception même de l’humanité, de la planète, notre rapport à la nature, aux animaux, tout est bien différent. En la matière la perception du VIH, la lutte contre la maladie, la vie en tant que personne séropositives elles aussi ont évolué. Et pourtant malgré ces 25 longues années, les souvenirs personnels et collectifs qui en découlent, l’engagement pour lutter contre cette maladie mais aussi contre la stigmatisation qui l’entoure restent à conjuguer au présent. A titre d’exemple très concret, il aura fallu attendre 2023 pour qu’en France la discrimination à l’embauche des personnes séropositives soient enfin levées dans l’armée. 2023, la chose parait hallucinante. A cela on peut ajouter les clichés, l’éducation pour lutter contre un mal qui peut paraitre à tord, lointain pour les nouvelles générations.
Lutte out loud
Alors pour y répondre, le message de Solidays reste toujours aussi pertinent et juste. Mais comment continuer année après année à le promulguer ? La réponse touche toujours à l’évidence : par l’art et son vecteur le plus puissant, le langage universelle, la musique. Elle permet d’attirer le nombre, de toucher les plus jeunes et d’en profiter pour assener des messages par tous les moyens : stands, intervenants, cérémonies. Il faut parler, il faut éduquer et il faut aussi chanter. Et pas seulement sur le VIH, conscient de son époque le festival s’est ouvert à de nombreux messages militants qui sont portés avant chaque concert pour que les voix soient entendues : on parle accueil des migrants chez soi autant que de la façon d’enfiler un préservatif avant de se mettre à danser. Les stands associatifs et les messages peuplent l’évènement autant que les conférences et que les temps forts et hommages. N’hésitez pas si vous y passez le week-end à y faire un tour, vous en sortirez mieux instruits et armés pour faire du Monde, à votre échelle, un bien meilleur endroit.
Retour vers le present
Evidemment Solidays, ce sont aussi des concerts et des moments festifs. Retour sur ceux qui ont marqué cette première journée placée sous le signe d’un soleil qui cogne fort et d’un festival qui affiche complet.
S’il n’avait fallu retenir qu’une performance de cette journée du vendredi, ce serait évidemment celle de Sofiane Pamart. Le génie du piano qui fait cohabiter classique et hip hop. Certains diraient que la nouvelle génération ne s’intéresse plus au classique (la belle musique ajouteraient les plus vieux). Et voilà que notre homme débarque pour donner tord aux on dit. Prodige du piano sur la scène Paris, la plus grande de l’évènement, le voilà de rouge vêtu, derrière son piano aidé d’une batterie pour rendre le classique moderne, jouer des antithèses et faire cohabiter les opposés. On dit bien qu’ils s’attirent non ? En l’occurence, l’alliance est magique. Le voilà donc qui balance des titres urbains français, dont Vald pour l’habiller de piano, les doigts flottants sur les touches. On danse sur du classique comme si on était à l’un des bal des « Chroniques de Bridgerton » en ne pouvant que reconnaître le génie instrumental qui tape sur ses touches noires et blanches. Le maître salue régulièrement l’assistance, un véritable salut comme au temps jadis. Mais en une performance se sont différents registres que tout semblaient opposer qui saluent l’audace et la créativité.
Autre temps fort que celui du concert de Juliette Armanet. Avec son décors sous forme de cercle lumineux rouge, la belle s’en donne à coeur joie et rencontre un public adepte qui connait son répertoire parfaitement. Tantôt au piano, tantôt face à l’assistance pour danser avec elle. Elle la remercie d’ailleurs à l’infinie : « Merci, merci, merci. » Encore et encore avant de « Brûler le feu » comme elle le promet et le chante. Le temps marquant de la performance reste bien sûr sa transformation en boule de disco humaine sur le « Dernier jour du disco ». Loin d’être la dernière note du disco, le titre s’étend et s’étire, le refrain revient encore pour permettre à tous.tes de mieux le chanter. Notre Véronique Sanson moderne profite de sa voix crystalline pour rendre la nostalgie bien plus belle, la scène 80’s bien plus actuelle. L’hypodrome de Longchamps est sous le charme.
Changement de registre
Au coeur de la programmation féminine de l’évènement, deux artistes marquent par leur changement et évolution de carrière. La première Jain, sur la scène Bagatelle a changé sa formation. Celle qui jouait solo avec ses pédales de distortion est maintenant accompagnée d’un groupe élevé derrière elle. Son registre se fait plus pop que le titre qui lui a fait rencontrer le succès « Makeba ». Evidemment, ce dernier est interprété à mi set alors que la chanteuse raconte sa vie au Congo qui a fortement influencée ses compositions et la découverte des instruments qui l’ont vu débuter. En avant-scène, la voilà qui danse volontiers. Exit le look noir et blanc, l’image forte de la musicienne est aujourd’hui happée dans le tourbillon de création musicale, à la découverte de singles qui font toujours mouche. Jain est une bête de festival, la chose est connue.
Autre changement radicale pour Adé, ex chanteuse de Therapie Taxi. Si en groupe, la musicienne mélangeait les registres et offrait un set aux paroles parfois trash, en solo elle se fait chanson plus pop. Exit les paroles vulgaires, notre musicienne est à fleur de peau et fait s’envoler sa voix. De noir vêtu, elle captive la foule et permet de penser à l’enjeu de savoir habiter pleinement une scène, à bouger son corps en musique. Sur la scène du Dôme, elle maîtrise l’exercice, se réinvente et se pose comme une nouvelle voix sur qui compter. Reste à saluer son premier single « Tout savoir » dont l’écriture précise entre profondément dans les esprits et qui a la fougue dansante d’un « J’ai plongé dans le bruit » de Baden Baden.
Fête populaire
Solidays c’est avant tout une grande fête dansante et enivrante. Elle commence tôt avec la prestation de Julien Granel, chanteur engagé qui fait vibrer la foule et la galvanise, ses cheveux multicolores dans le vent. Arc-en-ciel et paillettes peuplent sa performance sur la scène Domino. Le ton est au plaisir et à la convivialité. Tout le monde reprend en coeur ses titres, danse sans se prendre au sérieux, rit de bon coeur. De quoi faire de l’immense festival un petit village.
La nuit tout est permis, les festivités se prolongent jusqu’au 5 heures du matin alors que l’évènement change de visage. Familiale en journée, il devient une immense boite de nuit à ciel ouvert la nuit. La performance de Salut c’est cool ne fait pas mentir cette dernière phrase. Avec ses paroles barrées et ses excentricités mémorables, le groupe balance fort et rend la foule dingue au moment du célèbre « Techno toujours pareil » Boum Boum dans les oreilles certes, mais boum boum qui fonctionne à la perfection. Et ça saute, saute, saute jusqu’au bout de la nuit.
Solidays se tiendra jusqu’au 25 juin et promet de nombreux temps forts durant ce week-end. La fête est essentielle. Après tout, faire la fête comme disait lors de notre interview, Vitalic c’est politique.
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