Burning Festival (2025)

Voilà trois ans que Pop’N’Shot n’avait pas pu assister au rendez-vous féministe de la rentrée. Le Burning, autrefois connu sous le nom de Burning Womxn, a choisi de se réinventer en abandonnant l’adjectif genré, afin de créer un espace plus inclusif, plus ouvert, plus accueillant. Ici, pas de cloison entre militantisme et création : tout est conçu pour croiser les voix, les vécus, les luttes.

LE BURNING : Petit Festival devenu GRand

En trois ans, Le Burning a bien grandi. Le Burning est d’abord né à la Maroquinerie, où s’est tenue sa toute première édition. Mais dès l’année suivante, le festival a trouvé refuge à la Bellevilloise, à peine quelques numéros de rue plus loin. La salle accueille depuis trois éditions ses ateliers, ses performances et ses rencontres. Ce passage d’un lieu à l’autre est une bénédiction pour le Burning : il permet d’offrir plus d’espace aux artisan.es, de donner plus d’ampleur aux débats et de permettre à un public toujours plus large de s’approprier ce festival féministe et inclusif. Merci La Bellevilloise, merci le Burning, on reviendra.

L’artisanat comme acte politique

Comme chaque année, le Burning propose donc concerts, performances, dj-set et marketplace. Broderies militantes, gravures qui réécrivent l’histoire des corps, bijoux upcyclés alliant esthétique et écologie, vêtements recyclés devenus manifestes textiles : chaque stand du Burning affirme que l’artisanat est un outil de résistance. Ce n’est pas un « art mineur » ni un « savoir-faire domestique » relégué à la sphère privée, mais une pratique qui se réapproprie son pouvoir politique. Parmi les stands, on rencontre notamment Tue L’Amour, vitrailleuse qui se réapproprie cet art jugé sacré, quasi religieux, pour lui donner une nouvelle fonction : apprendre à s’aimer et se libérer à travers l’art. Le résultat final est sublime, délicat, tout aussi sacré.

Dans la lenteur d’un fil tiré, dans la patience d’une gravure, dans la précision d’un sertissage, l’engagement se fait tangible. Loin de l’instantanéité des réseaux sociaux, l’artisanat rappelle que les luttes féministes se construisent dans la durée, dans la répétition, dans la transmission intergénérationnelle. C’est aussi ce que défendent les éditions de la terrasse, micro-édition artisanale, queer et décoloniale, qui revendiquent une tendresse radicale et une politique du soin. Fidèles à leur esthétique sans majuscules, elles conçoivent le mot lui-même comme un acte de résistance. Toujours en évolution, arraché à son contexte paginé, le mot s’émancipe et se transforme, jusqu’à habiter désormais les œuvres d’art.

Un féminisme au croisement des luttes

Le Burning ne défend pas un féminisme unique et homogène : il revendique l’intersectionnalité, l’inclusivité, l’ouverture. Le cercle de Lectures Féministes (au pluriel, s’il vous plaît), fait dialoguer Monique Wittig, Violette Leduc ou Virginia Woolf avec Rebeka Warrior et Maya Angelou, affirmant que les luttes féministes ne peuvent être pensées en dehors des rapports de classe, d’origines, de validisme ou d’orientation sexuelle.

Sur le terrain de l’artisanat, cette vision se traduit par une volonté de faire cohabiter écologie, justice sociale et luttes féministes. L’upcycling illustre cette articulation : redonner vie à un objet, c’est aussi questionner le productivisme mondialisé qui exploite les corps féminisés et racisés comme il exploite la planète.

L’intersectionnalité, ici, inclut aussi les luttes queer et trans, trop souvent marginalisées dans les espaces militants. Mais elle s’ouvre également à la solidarité internationale : des voix se sont élevées pour rappeler le sort des femmes palestiniennes, dont les combats pour la liberté s’inscrivent dans une histoire coloniale et patriarcale plus vaste. Le féminisme, affirme le Burning, ne peut être cohérent sans anticolonialisme.

Drag : la libération par l’excès des genres

L’artisanat ne se limite pas aux objets : il s’incarne aussi dans les corps. Les performances drag donnent, elles, une lecture radicale de la libération des genres et, paradoxalement, du corps féminin. En reprenant et en exagérant des codes extrêmement genrés (talons vertigineux, maquillages outranciers, silhouettes hypersexualisées) les drag queens révèlent à quel point ces normes sont construites, artificielles, presque absurdes. Dans cette caricature flamboyante, le « féminin » cesse d’être une injonction pour devenir un terrain de jeu, un espace de pouvoir.

C’est là que réside toute la force du drag : montrer que le corps de la femme, réduit trop souvent à un champ de contraintes et de violences, peut être reconfiguré en scène de libération. Le drag ne nie pas les oppressions liées au genre, il les expose, les détourne, les renverse. D’une certaine manière, la « bimbo » ou le « himbo » relèvent eux aussi d’un drag : ils exagèrent à l’extrême les rôles de genre, les incarnent jusqu’au grotesque. Mais là où la performance drag est reconnue comme un détournement, la société a tendance à lire la bimbo et le himbo au premier degré, comme s’ils validaient ces stéréotypes plutôt que de les subvertir. Tout est donc affaire de regard : ce que l’on perçoit comme caricature libératrice ou comme cliché enfermant dépend moins de l’incarnation que du contexte dans lequel elle est reçue.

Si le Burning a une qualité principale, c’est de créer du lien, des espaces de solidarité et de réflexion collective où chacun.e a sa place, son cri à pousser, sa voix à libérer. Chaque performance, création,  œuvre porte une revendication multiple : féministe, écologique, queer, antiraciste, anticoloniale. Intersectionnelle, donc, au sens plein du terme. Car l’art engagé, par essence, ne connaît pas de frontières.


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