Ces chiens là sont enragés ! Depuis quelques années, le quintet Fat Dog déchaîne les foules sur les scènes des plus grands festivals européens. Sauvages, sans laisse ni harnais, Fat Dog fait sensation, marquant les esprits avec leur énergie indomptable. Leur premier album, Woof, sort le 6 septembre, s’annonçant déjà comme un aboiement tonitruant. C’est dans ce contexte électrisant que nous avons rencontré Chris Hugues (clavier/synthé) et Joe Love (chant), alors de passage à Paris pour promouvoir leur projet. On y parle de leurs concerts survoltés, de James Ford, et d’un violon qui prend la poussière… Rencontre.
FÉLICITATIONS POUR VOTRE PREMIER ALBUM, WOOF, COMMENT LE DÉCRIRIEZ-VOUS EN QUELQUES MOTS ?
Chris Hugues : Une épopée brève. (Rires) C’est un album rempli de hauts et de bas. On a eu quelques ballades, des morceaux plus brutaux, les quelques unes qu’on a déjà sortis. On a un certain acteur qu’on aime bien aussi.
Joe Love : Oui, on a voulu avoir l’air d’un Vincent Price du nord. C’est comme un faux concept album. On dirait à la première écoute et en fait pas du tout. Il y a beaucoup d’humour.
IL Y A BEAUCOUP DE RÉFÉRENCES SUR VOTRE ALBUM QUE ÇA EN EST DIFFICILE DE TOUT SAISIR ! COMMENT VOYEZ-VOUS VOTRE MUSIQUE ET VOTRE UNIVERS?
Joe Love : Confus. On sait pas trop ce qu’il se passe.
Chris Hugues : L’album peut donner l’impression qu’il a été fait sur un coup de tête, mais on a passé énormément de temps dessus.
ET L’ALBUM A UNE ESTHÉTIQUE ET UN SON TRÈS SCIENCE-FICTION, LA COUVERTURE ÉGALEMENT.
Chris Hugues : Oui, tout le monde aime cet univers dans le groupe. Certains d’entre nous sortent d’école de ciné donc ça influe sur notre musique. À la base, on était partis sur un truc un peu à la Blade Runner mais on a dévié sur un truc apocalyptique avec un chien géant. Je sais pas trop d’où ça vient. Très certainement du cerveau de Joe après avoir passé autant de temps à bosser les morceaux.
VOUS VOUS PRODUISEZ SUR SCÈNE DEPUIS QUELQUES ANNÉES, CERTAINS GROUPES VONT COMMENCER PAR SORTIR UN ALBUM AVANT DE PARTIR EN TOURNÉE, POURQUOI AVOIR COMMENCÉ PAR LE LIVE ?
Chris Hugues : On voulait établir une fanbase. Si tu sors une chanson en étant pas du tout connu, elle va juste s’évaporer dans l’éther. Et si tu commences par le live et que tu crées une connexion avec le public, tu peux vraiment retravailler la chanson encore et encore et préparer une belle sortie pour le morceau. Tu peux un peu plus contrôler la réception. Les fondations sont plus stables et un peu plus de monde t’attend au tournant et la chanson peut vivre sa meilleure vie.
L’album peut donner l’impression qu’il a été fait sur un coup de tête, mais on a passé énormément de temps dessus.
VOUS MENTIONNEZ SOUVENT EN INTERVIEW QUE LE SENS DE LA COMMUNAUTÉ EST IMPORTANT POUR VOUS ET QUE LE LIVE PERMET DE LE RENFORCER
Chris Hugues : Quand tu fais de la musique, il faut se jeter à l’eau, maintenir le contact, faire face au monde. C’est toujours agréable de créer le contact avec les gens et en apprendre sur ceux qui t’écoutent. Ça permet aussi de garder les pieds sur terre. Il y a un groupe sur Telegram où les gens se rencontrent et discutent. C’est là qu’on voit que ce besoin de communauté n’est pas qu’important pour nous. Et ça fait plaisir aussi de savoir qui nous écoute.
ET COMMENT EST-CE QUE LE LIVE A FAÇONNÉ VOTRE VISION DU STUDIO ? COMMENT RÉCRÉER CETTE ÉNERGIE SUR ALBUM ?
Joe Love : La musique, comme on la fait sonner en live, c’est comme ça qu’on veut la faire sonner sur album et recréer cette atmosphère.
Chris Hugues : C’est assez difficile à faire d’ailleurs !
Joe Love : Oui, l’énergie est très différente. Du coup en studio on se concentre beaucoup sur la basse, on l’augmente bien.
Chris Hugues : Le truc avec le studio, c’est que tu as l’opportunité de faire des choses auxquelles tu n’aurais pas pensé en live, ou que tu n’aurais pas pu faire. Et tout le monde peut se rassembler, créer ce truc un peu composite. C’est assez drôle comme processus.
VOUS AVEZ COLLABORÉ AVEC JAMES FORD (QUI A COLLABORÉ, ENTRE AUTRES, AVEC ARCTIC MONKEYS, FOALS, GORILLAZ OU THE LAST SHADOW PUPPETS, ETC) SUR CET ALBUM…
Joe Love : C’était fantastique !
Chris Hughes : Il est très humble pour quelqu’un qui a bossé sur des albums pareils. Il sait exactement où aller et ça faisait du bien d’avoir quelqu’un qui avait un objectif et savait quoi faire. Et si tu te perds un peu trop dans ta tête, il sait exactement comment te rediriger sur la bonne voie. Il avait ce sens de la deadline qu’on avait pas forcément et ça aidait à se concentrer.
ET DONC, ÇA VOUS ARRIVAIT D’AVOIR DES DÉSACCORDS DANS L’ORGANISATION ?
Joe Love : Oui et c’est normal ! Mais c’était pas tant des mésententes que pour lui certains morceaux étaient finis et j’avais toujours envie de rajouter quelque chose de plus. Et ça fait toujours peur quand le producteur te dit que c’est fini et tu te connais et tu sais que ça ne l’est pas.
Chris Hugues : Et c’est difficile de rentrer dans la tête de quelqu’un !
VOUS AVEZ JUSTEMENT DIT QUE L’ALBUM ÉTAIT UNE VISITE DANS VOTRE ESPRIT…
Joe Love : Putain, j’ai jamais dit ça (rires)
AÏE, C’ÉTAIT DANS LE DOSSIER DE PRESSE !
Joe Love : J’ai jamais dit ça ! « Une visite dans mon esprit » ! Wow, c’est trop prétentieux !
Chris Hugues : On dit beaucoup de conneries, et on nous a pris au mot ! Le mec qui écrit notre bio est un petit rigolo… On s’était assis toute une journée dans une salle qui ressemblait à un bureau de psy et il nous posait des questions un peu randoms ! Je me demande ce qu’il a ajouté.
J’AI D’AUTRES CITATIONS : « NOTRE MUSIQUE EST À L’OPPOSÉ DE LA MUSIQUE CÉRÉBRALE. » VRAI OU FAUX ?
Joe Love : Oui, ça je l’ai dit.
Chris Hugues : Oui on le dit tout le temps ça. À chaque fois qu’on dit ça, on passe un peu pour des cons mais c’est plus une mentalité. Il y a beaucoup de musique qui se prend la tête. On appelle ça de la chin-scratching music. Genre Black Country New Road, ça réfléchit beaucoup. Ce qu’on veut dire par là c’est que ça se pose trop de questions sur la manière d’appréhender la musique à un point où ça perd son amusement et sa spontanéité.
Joe Love : Certains groupes de rock américains par exemple donnent cette impression et celle de trop se regarder aussi, le look prédominant presque sur le reste. Mais ça on appelle ça du cock-rock, genre Queens of The Stone Age, c’est du cock-rock, mais ils sont fantastiques !
ET DERNIÈRE CITATION : « NOTRE MUSIQUE, C’EST COMME CRIER DANS UN OREILLER. »
Chris Hughes : Oh ! Ça tu l’as dit c’est ton genre !
Joe Love : Oui dans le sens où on sortait du confinement et ça nous rendait fous. On était tous mentalement instables suite à ça. Il y avait un besoin de catharsis. Mais quand tu y repenses, c’était une période particulière avec des bons moments.
Chris Hughes : Je buvais de la bière dans des pots à lait ! C’était le bon temps.
OUI, VOUS AVEZ FONDÉ LE GROUPE AU MILIEU DU CONFINEMENT. QUEL A ÉTÉ LE SENTIMENT DE CRÉER UN GROUPE PENDANT UNE PÉRIODE OÙ L’INDUSTRIE DU LIVE ÉTAIT EN PÉRIL ?
Joe Love : Des vilains garçons ! Cinq vilains garçons ! (Rires) Non, on se sentait bizarres. Nos premiers concerts étaient assis. Ce qui était étrange, au vu de la musique qu’on fait. On aurait dit un concert de jazz surréaliste.
La musique, comme on l’a fait sonner en live, c’est comme ça qu’on veut la faire sonner sur album et recréer cette atmosphère.
DANS VOS PERFORMANCES LIVES, QU’EST CE QUI EST SPONTANÉ ET QU’EST-CE QUI EST PLANIFIÉ ?
Joe Love : Tout est spontané !
Chris Hugues : On planifie rien ! Quand tu sens la musique dans ton corps, que tout se passe bien et que l’énergie du public est à fond, tu te lâches de plus en plus et ça devient vite animal en fait. Il faut juste crever l’abcès.
Joe Love : En concert en France, je me fais souvent entrainé dans la foule, je comprends jamais ce qu’il se passe ! Les gens montent sur la scène et se jettent dans la fosse et ils remontent plusieurs fois pour le faire. Et parfois, ils m’entrainent avec eux et je me laisse glisser !
Chris Hugues : Je pense que c’est comme ça que tu vas mourir, tu vas glisser de la scène, les gens vont s’écarter et tu vas casser comme un oeuf.
C’est comme ça que tu vas mourir, tu vas glisser de la scène, les gens vont s’écarter et tu vas casser comme un oeuf.
DONC VOUS N’ÊTES PAS FAN DE STAGE DIVING?
Joe Love : J’ai pas trop confiance, je sais pas si les gens vont réussir à supporter mon poids. Peut-être si je perds un peu de poids, allez! Mais c’est très français de monter sur scène et de se jeter dans le public ! Vous adorez faire ça, en Angleterre, on le fait pas tant que ça. J’ai vu ma copine le faire une fois et je l’ai vu être aspirée dans les abysses.
À PART ÇA, QUELLE SERAIT LA DIFFÉRENCE ENTRE LE PUBLIC FRANÇAIS ET LE PUBLIC ANGLAIS ?
Chris Hugues : Le public français est beaucoup plus alcoolique ! Nous, les anglais on est tout le temps bourrés donc c’est moins flagrant, là où le public français se met la tête à l’envers surtout pendant les concerts ou les soirs de matchs. Et ça a l’air violent.
Joe Love : Ma pire gueule de bois était en France !
VOUS ÊTES DU SUD DE LONDRES, QUELLE A ÉTÉ L’INFLUENCE DE SA SCÈNE MUSICALE SUR VOTRE MUSIQUE ?
Chris Hugues : Pour être honnête, l’influence a été dans le rejet de cette scène. On écoutait beaucoup d’artistes qui venaient de là-bas, Fat White Family, Black Midi, etc ! On voyait beaucoup de concerts, petit à petit on a fait des concerts d’artistes qu’on aimait vraiment pas. L’influence a été de déterminer ce qu’on aimait pas en fait.
CHRIS, QUAND TU AS REJOINS LE GROUPE, TU T’ES FAIT PASSER POUR UN VIOLONISTE ?
Chris Hugues : C’est vrai ! C’était trop embarrassant ! Je venais de me faire larguer et je suis allé à un de leur concert, je connaissais leur ancien claviériste et je suis allé le voir en leur faisant croire qu’ils avaient besoin d’instruments un peu plus divers. Je leur ai fait croire que j’étais un excellent violoniste. Je suis rentré chez moi, j’ai acheté un violon sur Ebay et j’ai dû traverser tout Londres pour le récupérer parce que j’étais tellement bourré que je me suis trompé dans l’adresse de livraison. C’était un violon pour enfant, et pendant une semaine, j’ai essayé d’apprendre et c’était horrible ! J’étais très arrogant ! Je me suis pointé à l’audition et ça a été une horreur !
Joe Love : J’étais furieux, j’avais l’impression de perdre mon temps. J’ai refusé de lui adresser la parole. Et puis on est allés au pub et on l’a accepté dans le groupe comme claviériste.
Chris Hughes : je t’avais trouvé très méchant.
ET TU AS TOUJOURS LE VIOLON ?
Chris Hugues : Oui, il prend la poussière. Peut-être que je vais essayer de m’y remettre. Mon rythme était très bon et mes voisins adoraient !
VOUS AVEZ DEUX RÈGLES DANS VOTRE GROUPE…
Joe Love : Oh mon dieu ! Bon on a un peu changé les règles entre temps : personne couche avec personne dans le groupe et faut être sympa, personne se comporte comme un connard sinon c’est dehors. Personne ne doit boire à 10h du matin, enfin on se disait ça avant de découvrir le pastis. Des règles normales en soit. On veut juste rester sains.
COMMENT PRIORISEZ-VOUS VOTRE SANTÉ MENTALE TOUT EN MAINTENANT LES OBLIGATIONS D’UN GROUPE DE ROCK ?
Chris Hugues : Je pense que je priorise ma santé mentale sur absolument tout dans ma vie. Si je me sens mal alors je ne réussirais rien à accomplir. C’est très important pour moi d’être dans le bon état d’esprit pour tout faire comme je veux le faire.
Joe Love : Et on communique beaucoup. C’est important, on vit beaucoup ensemble, on crée ensemble et on partage nos émotions dès qu’il le faut. Si l’un de nous va mal, on va s’occuper de lui, faire en sorte qu’il aille mieux. Avoir une mauvaise passe est toujours temporaire. Tu vas pas te sentir mal toute ta vie et il faut toujours se rappeler de ça.
Chris Hugues : Et qu’on va tous mourir.
Le premier album de Fat Dog, Woof sort le 6 septembre prochain et passent en concert à Paris au Petit Bain le 5 octobre 2024.
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