Voilà maintenant 40 ans que l’incroyable Klaus Nomi, révélé par David Bowie, nous quittait. Il était tragiquement la première victime célèbre du SIDA et emportait avec lui son esthétique alien comme sa capacité à unir les genres, magnifiant la new wave avec sa voix de baryton basse à contre-ténor. Aujourd’hui, Legacy Recordings a pris le pari de ré-éditer sa discographie, de fouiller dans les archives et de dévoiler des clips et titres inédits. L’occasion de redécouvrir l’œuvre de celui qui aura marqué et inspiré jusqu’au cinéma actuel, aux créateurs (de Givenchy à Jean-Paul Gautier) mais aussi la pop, Lady Gaga en tête de liste.
L’homme venu d’une autre planète
Il n’est pas surprenant que se soit David Bowie lui-même qui ait découvert Klaus Nomi. Né en 1944 et originaire de Bavière, Klaus Gerbe, de son véritable nom était aussi obsédé par les voix des ténors que par celles des cantatrices. Le destin lui octroya la capacité de reproduire celles de ces dernières, le promettant à un carrière hors normes. Homme frêle et délicat, il se lance dans la pâtisserie avant de décrocher en 1960 un poste de placeur au Deutsche Oper de Berlin. Obsédé par le monde du spectacle, il attend qu’il se fasse tard pour pouvoir performer. Il offre ainsi à la clientèle d’une discothèque gay qu’il fréquente ses interprétations de la Callas, qu’il imite volontiers.
Berlin est trop petit pour ses rêves de grandeurs, il doit partir sur une autre planète : celle qui permet d’exhausser les vœux et de toucher les étoiles. Le voilà qui arrive à New-York en 1972, là où les courants artistiques et de pensée se font : l’East Village.
Son arrivée ne passe pas inaperçue. Rapidement il se produit dans des cabarets entouré d’une troupe au look tout droit sorti des films de SF des années 50. Passé la surprise, son répertoire qui va de Camille Saint-Saëns à la pop sixties intrigue un certain public subjugué par sa voix. Le bouche à oreille opère, ses happening et la particularité de ses spectacles intriguent et interpellent. Pas au point de faire fortune pour autant, son spectre reste la scène underground.
Mais les choses tournent en la faveur de Klaus Nomi ( Nomi, nom qu’il utilise maintenant lui vient d’une référence à la revue Omni). Il est appelé par David Bowie lui-même pour l’accompagner sur le show télévisé Saturday Night Live en 1979.Une chance incroyable pour l’artiste que de pouvoir se produire en compagnie de son idole. Bowie porte alors son fameux costume de smoking géant qui pour la petite histoire nécessite deux hommes pour le porter tant il est lourd. Nomi alors choriste en arrière plan s’éprend pour cette tenue et s’en crée rapidement une version au rabais. Et sa performance, portée par son incroyable voix lui permet de se faire remarquer.
Le style comme arme maîtresse
Klaus Nomi se crée alors un personnage. Vêtu de noir et blanc, dans des costumes géants en plastique, les cheveux en M, un immense nœud papillon autour du cou, de la poudre blanche sur le visage et du rouge à lèvre noir pour parfaire le tout. Des allures de clown ? Non, il refuse cette appellation et préfèrera dire que son personnage est un extra-terrestre. Et ce style marque, en fait même une icône. A tel point qu’il traversera les générations : on le retrouve dans les créations de Givenchy, de Jean-Paul Gautier, dans les looks de Lady Gaga ou encore dans le cinéma, notamment la saison 11 d' »American Horror Story ». Mais ça ne suffit pas à lui apporter la fortune. Cherchant toujours à vivre de son art, il se désespère, mais ne lâche pas la musique pour autant.
Il enchaîne alors les relations sexuelles à risque, fréquente de nombreux hommes, on lui prête même une relation avec Jean-Baptiste Basquiat. Ce n’est que temporaire, les choses vont rapidement tourner en sa faveur. C’est finalement le producteur Miles Copeland qui accepte de lui donner une chance. Mais pour se faire il doit changer d’image et laisser tomber son groupe originel. Il accepte. Transformé il est signé chez RCA et rencontre enfin le succès. En 1981, il publie son premier album « Klaus Nomi » puis en 1982, son chef d’œuvre ultime « Simple Man ». Il est déjà malade et décline à vu d’œil. A l’époque , le SIDA qui le ronge est encore méconnu. La peur d’être contaminé se fait sentir. Ses proches n’osent plus l’approcher, il ne peut plus poursuivre sa carrière. Beaucoup trop vite, beaucoup trop jeune, il est alors seulement âgé de 39 ans, il décède. Avant de mourir en 1983 il sera néanmoins enfin reconnu comme un authentique chanteur d’opéra comme il en rêvait.
Deux albums, sublimes hybrides
Au court de se courte carrière Klaus Nomi signe donc deux sublimes albums : « Klaus Nomi » ( 1981) et « Simple Man » (1982). Tous deux des pépites sombres et excessivement écrites qui varient leurs influences pour donner naissance à une œuvre atypique et jamais consensuelle. On y retrouve autant l’attrait pour l’opéra que pour le rock’n’roll de l’artiste à la voix de ténor. Inclassables, à ne pas mettre entre toutes les mains tant ils sont pointus, ces joyaux trônent chez les plus mélomanes. Ces albums subjuguants sont peuplés de titres forts comme « Total Eclipse » et ses rythmiques presque militaires ou encore le culte « The Cold song ». Ce dernier, dramatique et puissant comme « La Traviata », hypnotise, surprend et émeut au plus haut point.
Si puissant qu’il se voit remixer par Arnaud Rebotini puis par Valdimir Cauchemar. Ce n’est pas le seul titre à vivre une deuxième vie en 2023. Deux albums de remixes de Klaus Nomi sont sorti au mois de septembre et décembre 2023. Sur le premier on retrouve notamment Agar Agar, Para One, Vince Clarke ou encore Mud Deep. Le second dont la parution est prévue au 15 décembre mettra à l’honneur Leonie Pernet, Superpoze, Ascendant Vierge ou encore GGGG.
Autant de façon de continuer de faire vivre génération après génération un artiste dont l’éphémère vie est loin d’être à l’image de son œuvre, elle immortelle.
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