We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

La résilience. N’est-ce pas un concept qui colle bien aux temps actuels ? Nourris aux menaces, aux risques, les générations actuelles vivent dans une peur constante de perdre tous les acquis de leurs aînés voir même la possibilité de vivre sur cette planète. Alors résilience, certes pour lutter contre les angoisses. Et puis et surtout face aux immenses enjeux qui se jouent actuellement, il faut se battre. Dans ce cadre la culture et en particulier la musique sont autant d’armes à utiliser pour porter les débats et les voix. Le festival en lui-même devient d’ailleurs un étendard puissant pour canaliser les consciences, dialoguer et pousser à l’engagement.

Dans ce cadre, le très engagé We Love Green, aux portes de Paris s’est donné pour mission de faire cohabiter têtes d’affiches et écologie et de prouver que si la musique est elle aussi polluante, elle peut être déterminante dans la lutte pour une action groupée pour – comme le diraient les films Marvel- tout simplement sauver la planète.

We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

En ce dimanche 3 juin, la planète bois de Vincennes, elle, est éclairé d’un soleil qui tape fort. Le festival qui trainait la réputation d’une certaine malédiction, l’édition précédente avait dû être écourtée en raison d’intempéries violentes, peut enfin profiter d’une année sans accroc pour faire valoir ses revendications et présenter sa très éclectique programmation.  D’entrée le festival promet d’être le plus green possible : une tente baptisée Think Tank offre son lot de conférences et débats, le tri sélectif est fait, les toilettes sèches et urinoirs féminins sont utilisés, les éco cups n’ont pas été logotées pour forcer à les rendre et donc à les recycler, toute l’offre food est estampillée végétarienne et surtout chaque concert est précédé de spots diffusés sur les écrans qui bordent les scènes visant à sensibiliser à des points précis concernant l’écologie. Quelques animations s’ajoutent à la fête. Certaines sponsorisées ( Maison du Monde propose de réaliser des couronnes de fleurs, Deezer de gagner son festival …), d’autres sont prévues par le festival : des skaters professionnels font des rides, des sauts et donnent des cours aux néophytes. Sous le cagnard donc. Si tout ne peut être parfaitement green, l’affaire est complexe et y répondre prendra, on le sait ,des années de réflexion, la proposition se tient. L’autre atout du festival tient en sa décoration et le soin tout particulier porté à son ambiance : une tente emplie de plantations de chanvre, des drapeaux de toutes les couleurs l’emplissent.

We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

We Love la Grille de programmation

Au milieu de ces actions, place tout simplement à la musique. En début d’après-midi, we love griller sur les pelouse en écoutant Moodoid. La formation distille une chanson française version nouvelle vague avec une touche d’électo qui colle aux festivités estivales. Elle s’offre un petit verre de champagne en fin de set et trinque sur scène. Les bulles sont le reflet d’une effervescence musicale légère, la journée est lancée.

Moodoid – We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Comme il est de coutume à chaque festival en ce moment et dans l’optique de satisfaire une certaine jeunesse qui en est fervente, le Hip Hop est de la partie. J9UEVE se présente sur scène, avec la chance de jouer sous le chapiteau donc à l’ombre, avec un peu de retard. Si l’urbain a d’excellente propositions et sait créer du haut de gamme musicale, c’est loin d’être le cas de notre homme. La foule répond volontiers à ses propositions pleines d’auto-tune et de morceaux déjà entendus partout. Les clichés s’y enchaînent portés par des beats qui invitent à se déhancher avec trop de facilité. Difficile de comprendre ce qui peut bien motiver à adhérer à ces phénomènes de mode. Autant donc, changer de scène.

Heureusement, la programmation est variée et a de quoi satisfaire un large public. Vient alors à prendre possession de la grande scène, une proposition à l’élégance indéniable : Gabriels. Avec une soul digne des plus beaux lounges de Brooklyn, le groupe transporte dans un New-York old school et idéalisé. Le chanteur, malgré les fortes températures, en impose avec son smoking et une cape multicolore. Ses choristes, sublimes, ondulent en robes noires serties de gants roses. Mais tout ça n’est rien face à la puissance vocale et au groove déployé.  Les instruments se répondent à la perfection, convoquent l’ancien pour lui apporter une dose de modernité. On y trouve l’étoffe de l’immense Barry White dans les prouesses technique comme dans l’évidence mélodique. Le set se finit par un bain de foule pour le maître de cérémonie qui prêche et convainc.

Autre salle, autre ambiance, c’est au tour de Pomme de pousser la chanson sous le chapiteau. Son interview réalisée par Konbini donne le ton avant que la douce chanteuse n’arrive sur scène. Elle est accompagné de sa troupe de musiciens déguisés en champignons. Fort à propos pour un festival qui met en avant la nature. Pomme allie toujours lors de ses concerts douceur, humour et bienveillance. Sa voix juste et son timbre fluet attirent les festivaliers en masse, à tel point qu’il est difficile de se trouver une place  :  » On a la meilleure scène, déclare la chanteuse, elle nous permet d’être à l’ombre. » A l’ombre donc, la voilà qui nous entraine dans son Monde magique où les émotions à fleur de peau répondent aux notes et où les contes et blessures se déploient sur la pointe des pieds.

Pomme – We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

« Bon » soirée, qui va (de)crescendo

Bon Iver qui se lit comme un bon hiver donc, porte aujourd’hui bien mal son nom. A moins que sa folk apaisante ne soit promesse de rafraichissement. Le soleil se couche sur le bois de Vincennes, les couleurs deviennent ocres. Là, comme dans un songe, une voix claire s’élève. Les guitares suivent et viennent à masser les esprits. Elles enveloppent les pensées comme les températures enveloppent les corps. Peu de temps de paroles pour la formation qui préfère enchaîner ses morceaux et prendre par la main ses convives. La promenade est intense : des hauteurs aïgues des voix, voilà qu’on croise des vallées faites d’effets et de vocaliseurs, des rochers à gravir donnant au set un ton plus rock et un timbre plus rauque s’alternent. Les visages de Bon Iver sont pluriels et s’explorent laissant parfois une boule au ventre. Celle-là même qui rend immédiatement nostalgiques d’un bon concert. Il faudra se passer du magnifique titre « Flume » mais pas intégralement du massif album qu’est « For Emma, Forever Ago ». « Lump Sum » et le Pic « Skinny Love » à l’acoustique  le représentent dignement. Le souvenir de cette instant de communion restera gravé lui aussi pour toujours.

Bon Iver – We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Aimé Simone a toutes les cartes en main. Seul sur scène, le chanteur distille un son entre rock et rap et s’approprie l’intégralité de l’espace scénique.  Il invite une petite fille à le rejoindre sur scène pour chanter. Timide, elle peine à pousser la chanson. Ce n’est pas le cas du public qui lui, suit l’instant et répond volontiers aux interpellations qui lui sont faites. En plus de son répertoire, le musicien propose sa version personnelle et rythmée d’ « As it was » d’Harry Styles justement de passage dans la capitale quelques jours plus tôt. L’excitation est à son apogée, la clôture se prépare.

Aime Simone- We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

L’entièreté du festival afflue dans la même direction dans le bon ordre, pour venir applaudir Lomepal. Si le musicien est souvent associé au mouvement urbain, il a surtout l’étoffe de la grande chanson française et l’aura sertie d’adulation des icône internationales du rock. Lomepal est adoré par son public et chacun de ses titres fait indéniablement mouche. Chaque mot, chaque silence est repris en choeur par l’assistance toute entière du premier au dernier titre. L’homme a, il faut l’admettre, une prestance incroyable. Et surtout une capacité à conjuguer instantané et intemporel. Le premier parce que il suffit d’une écoute pour que ses mélodies entrent en tête avec une évidence de classiques, le second parce qu’il y a à parier qu’ils entreront dans la postérité. Une mélancolie certaine s’ajoute à une euphorie galvanisée et une scénographie aussi simple qu’élégante. Les singles s’enchainent alors que l’homme arpente la scène et son avancée. « Decrescendo »,  « A peu près », « Mauvais ordre » et le puissant « Trop beau » défilent. Le maître de cérémonie peut régulièrement lâcher le micro et laisser la foule prendre les rennes de l’instant. Pour autant, aucune fausse note ne vient faire souffrir le set lorsqu’il reprend la parole. Il en profite pour annoncer deux nouvelles dates à l’Accor Arena à l’hiver avant de poursuivre de plus belle, le plume aussi affutée que son flot. La cohésion qu’il inspire lui permet de signer des concerts magistraux. Ses vers, « Beau à la folie » donnent « Evidemment »  bien plus d’armes et font couler « Plus de larmes » en faveur de la protection de la planète. Un dernier titre, côté public « Les yeux disent » au revoir et à l’an prochain.


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