À peine un mois après la sortie de leur troisième album, Halo, nous avons eu l’occasion de discuter avec Camille et Benoît de Grand Blanc. Ce fut l’occasion d’en apprendre davantage sur la nouvelle direction musicale du groupe, de leur nouveau label Parages et de leurs voyages qui ont inspiré ce troisième opus d’une grande douceur.
P&P : Bonjour Camille et Benoît, comment ça va ?
Benoît : Ça va bien, on répète pour les premiers lives et c’est cool franchement, on a bien travaillé, on est contents !
P&P : Félicitations pour Halo. C’est quoi l’inspiration principale derrière l’album ?
Camille : Je pense que c’était notre vie ensemble pendant ces quelques années. Ça a duré trois, quatre ans, je pense ? Enfin depuis la fin de notre dernier album, on a passé pas mal de temps ensemble, on a vécu dans une maison, dans laquelle on se trouve actuellement et on a construit un studio, on a monté un label et on a pris le temps de vivre ensemble et je pense que cet album parle de ça.
Benoît : Et puis en vivant dans une maison, notre rythme de vie et notre manière de faire de la musique ensemble a pas mal changé. On avait plus de label, on était en train de monter le nôtre, donc on avait plus forcément d’agenda. Le studio, c’est plus genre la journée et puis le soir tu rentres chez toi. On vivait un peu à l’intérieur de notre album. L’inspiration, ça a aussi été ça, cette espèce de rythme super lent, voir les saisons passer, tout ça.
Camille : Et aussi l’extérieur, les alentours de la maison dans laquelle on vivait qu’on a appelé « Parages » qui est le nom de notre label aussi. On avait un peu cette map autour de la maison qu’on explorait et qu’on a apprivoisé avec le temps et l’extérieur se retrouve pas mal dans le disque.
P&P : Et d’ailleurs cet album est beaucoup plus organique que les précédents. Est-ce que ça vous est justement venu de cette cohabitation, cette volonté de changer de style ?
Benoît : Oui, effectivement tu parles d’organique et c’est marrant parce que vivre ensemble en communauté, c’est quelque chose d’organique en soit. On travaille avec Adrien Pallot qui nous aide à réaliser nos disques depuis le premier. Il a été pas mal à la maison aussi et parfois on dit qu’Adrien c’est la personne qui nous a appris que faire à manger et tenir une maison quand tu fais de la musique dans une maison, c’est presque aussi important que faire de la musique pour faire un disque. Donc je pense que le côté organique, littéralement, il vient aussi du bon fonctionnement de notre communauté. Enfin, c’était comme ça qu’on allait faire un bon disque et après ça répond à organique dans le sens plus esthétique du terme, comme on était dans une maison, on travaillait pas forcément les chansons sur ordi mais parfois dans le jardin avec une guitare acoustique. C’était plus light, on avait pas besoin de se brancher. Et ce mode de vie a fait que dans cet endroit, c’était hyper adapté d’avoir des instruments acoustiques, d’enregistrer des choses dans les alentours, ça a fait le son de Halo. Et c’était à la fois un choix artistiques et à la fois on s’est adaptés à ce qu’on avait sous les yeux.
On a pris le temps de vivre ensemble et je pense que cet album parle de ça.
P&P : Dans l’album, on entend beaucoup de field-recordings, est-ce que c’est une manière de laisser entrer les gens dans votre cocon ?
Camille : Hmm oui. C’est trop bien si ça te fait ressentir ça. On s’est pas forcément dit que les auditeurs étaient avec nous, c’était pas par égoïsme, c’est parce qu’on savait pas si l’album allait sortir un jour et comment il allait sortir. On était en train de faire notre label en même temps et on était plein d’incertitudes, de joie, de sentiments mélangés dans tous les sens et je pense que c’est un peu pour ça que cet album ressemble à ça. On s’est finalement octroyés pleins de libertés, c’est parce qu’on était vraiment entre nous. Tous ces sons qui sont organiques, ça vient du fait qu’on a fait ça avec les moyens du bord et au lieu de camoufler ces bruits extérieurs et ces bruits ambiants, on a décidé d’en faire quelque chose de musicalement intéressant. Si par exemple, sur un enregistrement, on entend la pluie, on va la mettre encore plus fort.
Benoît : Donc si on l’avait mise moins fort, de toute façon elle aurait été là et dans certains courants créatifs, il y a des artistes qui s’imposent des contraintes pour être créatifs, et c’est devenu ça à un moment pour nous. On n’a pas choisi, mais c’est devenu un contrainte créative. C’est trop bien parce que parfois t’es perdu dans le morceau et si tu mets la pluie plus fort et ça donne une idée qu’on avait pas prévu. Ça nous laisse aller dans le sens du courant. Essayer d’être un peu réaliste. Comme disait Camille, c’était un peu notre vie ensemble dans la maison notre source d’inspiration donc il y avait un peu un côté documentaire avec ces sons directs et essayer de rester fidèle à ce que c’était.
Camille : Et puis il y a aussi ce truc de « macro ». Notre musique est liée à des lieux depuis le début. Je sais pas, c’est comme ça, on a toujours bien aimé parler des lieux dans lesquels on vivait, avec lesquels on interagissait, que ce soit quand on partait en voyage ou notre ville… Et là, la façon dont ça s’est manifesté sur ce disque c’est avec la présence du son direct. C’est un peu comme avoir un microscope et de se dire « ce petit son-là, il pourrait avoir du sens avec ces mots-là ». S’attarder un peu sur les choses du réel.
P&P : Et vous avez voyagé en Roumanie juste avant. Est-ce que ça a eu un impact sur la conception de l’album ? Parce que vous parlez beaucoup de voyages, d’évasion dans votre musique.
Camille : On est partis en Roumanie, parce qu’on avait deux dates là bas. C’était la fin de la tournée du précédent album et on a décidé de faire un road trip dans le delta du Danube. C’était l’idée de Benoît et ça nous a séduits aussitôt. Le delta du Danube, c’est un énorme marécage, on va dire, où d’un côté on a le Danube et de l’autre côté la mer sur une centaine de kilomètres avec des méandres, des roseaux, des oiseaux, des grenouilles… et au milieu t’as vraiment rien. Nous, on était dans une auberge et c’étaient des maisons sur pilotis. C’est à ce moment-là qu’on s’est dit que ce paysage était vraiment beau et qu’on devrait peut-être se remettre à faire de la musique et en fait, j’avais mon enregistreur et le premier son du disque qu’on entend, c’est le son de cette soirée. Enfin c’est les grenouilles du delta du Danube. Et je trouve ça trop bien de commencer par là sur l’album parce que c’est un peu là où tout a débuté pour Halo.
Benoît : Cet endroit a aussi posé un doute, il est très vaste, mais comme il y a beaucoup de roseaux au niveau de l’eau, il n’y a pas de relief donc tu ne peux jamais vraiment saisir l’immensité qu’il y autour de toi, tu la pressens et ça s’est mis à ressembler un peu à ce qu’on vivait à la maison où on voit le ciel par le vélux et c’est tout. Et c’est pas non plus un paysage très vaste ou très exotique notre maison mais on a dû voir au travers. Ce voyage est raconté dans « Loon » et c’est l’un des premiers morceaux du disque. Ce voyage, il fallait qu’on le raconte et on a un peu travaillé sur ce récit tout au long du disque. On répétait cette histoire et c’est devenu notre légende.
Camille : Oui, une petite chanson de départ sur la quête.
P&P : Vous avez commencé à travailler sur cet album en 2019. Est-ce que vous pensé que le covid et le confinement ont eu un impact sur la conception de l’album ?
Camille : Non, je pense pas. Évidemment, tout ce qui nous entoure a une incidence sur nos actions et la pandémie a eu une incidence, pour le coup, sur toute la planète. Mais nous, on était déjà dans la maison au moment de la pandémie, on commençait déjà à faire ce travail ensemble et en fait c’est arrivé à un moment où on était déjà un peu installés. Ça faisait peut-être déjà deux semaines qu’on était là et puis on est restés coincés, comme tout le monde, et on a juste continué à faire ce qu’on avait prévu de faire.
Benoît : En plus, si on avait enregistré l’album comme les précédents à Paris, ça aurait été un facteur énorme mais là, on était déjà entre nous, on sortait pas trop de la maison, on avait tout ce qu’il fallait. Par exemple, il y a une chanson « dans le jardin, la nuit » sur le disque sur un moment qu’on a vécu ensemble où on a vu un truc bizarre dans le ciel la nuit. En fait, la boite d’Elon Musk lançait des satellites pour faire des réseaux de 5G et en fait ça faisait une espèce de colonne d’étoiles bizarres. Et puis on a fait une chanson dessus.
P&P : Parlez-nous de la pochette de l’album, est-ce que c’est une photo du ciel vu depuis votre maison ? Les fameux parages ?
Camille : La pochette a été réalisée par un collectif qui s’appelle « C’est Ainsi » et en fait Labex fait partie de ce collectif. Il fait des photos passées dans la moulinette de ses ordinateurs on va dire. Il fait un peu de l’impressionnisme numérique et on adore ce qu’il fait. on lui a demandé de faire la pochette et il est venu faire des photos à la maison pendant deux jours. Et cette pochette c’est probablement le résultat de quelques photos mélangées. C’est en quelque sorte une vue du jardin et c’est très parlant pour nous.
P&P : Tous vos textes sont écrits en français. Est-ce que vous voyez ça comme une prise de risque ou comme une évidence, quand on voit des artistes non-anglophones écrire en anglais malgré tout ?
Benoît : C’est pas une évidence, non. Ça fait trois albums qu’on écrit comme ça.
Camille : Après notre rapport à la langue, il est différent pour chaque personne. On pourrait jamais s’imaginer écrire dans une langue qu’on maitrise pas intrinsèquement. Si on parlait couramment d’autres langues, on écrirait dans d’autres langues oui. J’ai grandi en chantant des chansons en anglais, c’est une langue hyper ronde avec des diphtongues, des longues voyelles et c’est super pratique mais bon, quand je chante des textes en français, j’ai plutôt tendance à étirer les mots pour les faire sonner comme les chansons que j’avais appris à chanter. L’idée c’est d’essayer de proposer quelque chose qui ressemble vraiment à qui on est, d’essayer d’avoir sa patte.
Benoît : Mais c’est de moins en moins une prise de risque et puis on essaye d’être honnêtes les uns avec les autres et on a fait comme ça, parce que ça nous paraissait évident. Le français peut être aussi musical que l’anglais et on y travaille beaucoup à cette musicalité.
Camille : On n’est pas des pop stars, on se sent pas trop concernés par l’accessibilité, on sait très bien qu’on ira pas à Coachella (rires). Et si un jour, on passe à Coachella, on chantera nos textes en français.
On s’est battus pour qu’il existe ce disque et ça lui donne plus de valeur.
P&P : Vous avez créé un label, « Parages » il y a un an. On voit de plus en plus d’artistes créer leur label, pour faire fi des contraintes imposées par les gros labels, peut-être. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer ce label ?
Camille : Ça coûte très très cher de faire un film. Alors qu’un album, ça coûte presque rien, notamment électro, tu peux tout faire tout seul, l’enregistrer, le produire, le sortir sur Spotify. Donc à partir de ce moment-là, pourquoi s’embarrasser d’un label ? Le label peut interagir dans la création d’un disque et quand tu veux être indépendant financièrement et artistiquement, autant créer son label. Tout dépend de la musique que tu veux faire bien sûr. Nous, on a décidé de faire un label parce que c’était le moment. Ça fait deux albums qu’on sort, avant on y connaissait rien à l’industrie de la musique mais maintenant si, on a un peu plus compris comment ça se passait. On va être peinards, on fait de la musique quand on veut, la sortir comme on veut et sortir absolument ce qu’on veut. Si demain, on fait une chanson toute seule et que je l’adore, je peux la sortir sur Spotify et ça s’arrête à peu près là.
Benoît : Bon bien sûr, ça rajoute du boulot mais le rapport au produit fini n’est pas du tout le même. On est passionnés par ce qu’on fait et on essaye de s’investir au maximum dans nos disques et là, comme on fait absolument tout, c’est vrai que tenir le vinyle dans nos mains, il y a un rapport à ta musique qui est plus intense et complet. Donc il y a une pression qui s’ajoute mais à la fois quand tu es content, tu sais pourquoi tu l’es.
Camille : C’est un sentiment vraiment d’accomplissement quand tu fais tout de A à Z. On l’a pas fait entièrement tous seuls parce qu’on s’est entourés de personnes qui nous ont aidés pour le faire mais on était au centre de la production. C’est nous qui avons instigué l’idée de faire un album seuls et ça n’a pas de prix. C’est fou quand tu te dis que tout est passé par nous. On s’est battus pour qu’il existe ce disque et ça lui donne plus de valeur.
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