C’est sans nul doute la plus belle surprise de l’année jusqu’à maintenant : the Fooler, le nouvel album du californien Nick Waterhouse, actif dans la musique depuis une dizaine d’années (37 ans aujourd’hui), touche la perfection. C’est d’autant plus surprenant que nous n’attendions rien de lui particulièrement, sans cesse mitigés par ses productions depuis que nous l’avons découvert avec son troisième album, sur lequel figurait le fameux « Katchi », repris ensuite avec Ofenbach dans une version mastodonte aux plusieurs dizaines de millions d’écoutes. Aujourd’hui, en plus de nous offrir son œuvre la plus aboutie, le chanteur parvient à donner à cette dernière une odeur de classique. Oui the Fooler est déjà un petit chef-d’œuvre, dont la qualité dépasse à des années lumières ses précédentes compositions. Son récent concert à la Boule Noire, dans un cadre très intimiste, était là pour en témoigner.
L’artiste et son bijou poli
Amateur d’une musique dont les IA doivent ignorer l’existence, celle du vieux Rythm & Blues américain mélangé à un grain de soul et un autre de Rock’n’Roll, Nick Waterhouse a fait sa marque de fabrique sur cet aspect légèrement arriéré, avec une image de crooner en chemise se baladant dans des salons mondains américains des années 40/50/60. Symbole d’une Amérique classe, propre, éclairée de nuit en ne perdant rien de sa superbe… Nick Waterhouse a donc toujours été tourné vers le passé, mais avec une justesse que l’on peut difficilement lui reprocher. Le rôle lui colle à la peau.
Ce dernier album, son 6e, est le marqueur de l’évolution du personnage. Plus profond, plus sincère encore, plus attentif aux détails. The Fooler est à propos d’un endroit, d’une vie qu’il a vécu, et dont il souhaite se détacher. Il s’agit de San Francisco, où il s’est installé à l’âge de 20 ans. Dans cette ville fantasmée qu’il ne reconnait plus désormais, il dépeint dans son album les fantômes qui le traversent. Un endroit disparu, dont les souvenirs et la mémoire parlent encore, mais avec quelle vérité ? Ce contexte et récit donnent à l’album une teinte particulière, aussi sombre que luxuriante, entre la nostalgie et le besoin d’avancer.
Pour l’aider à faire entendre cette part intime et authentique, Nick Waterhouse a fait appel au producteur Mark Neill, star de la scène post-punk de la côte ouest, qui en est évidemment pour beaucoup quant à la perfection d’ensemble. La musique de Nick n’a jamais sonné si classe et si belle. C’en est même impressionnant tant le son éclaire avec justesse les émotions délivrées par les compositions.
Sur scène, le choix des lieux semble entrer en cohésion avec l’esprit de l’album. La Boule Noire, plutôt connu pour ses concerts de la scène actuelle orientés rock ou rap, a accueilli l’artiste californien le 25 avril dernier. Une bien belle surprise quand on connait la petite capacité de la salle, et de l’ambiance intimiste qui y règne. Une chance de pouvoir voir un tel artiste dans ce cadre. Rien ne semble être laissé au hasard pour faire resplendir comme il se doit ce nouvel album. Accompagné de trois autres musiciens, d’une rigueur implacable, Nick a donné un concert formidable, avec des versions fidèles à l’album.
L’évidence criante comme source de fascination
Dans ce Fooler où tous les astres s’alignent pour donner naissance à un joyau, le plus important reste sans nul doute celui des compositions. Magiques par leur évidence soudaine, si bien que la première écoute vous emportera déjà bien loin, les 10 chansons qui forment cet album sont dignes des plus grands maitres d’écriture musicale américaine. Comment est-ce même possible de viser si juste ? Venons-nous-en à nous demander. L’enchainement de l’ensemble, sans une seule seconde en deçà du reste, nous transporte dans un climat typiquement américain, d’une sensibilité et beauté extrême, BO parfaite des films de George Cukor et de Joseph L. Mankiewicz. Il y a à l’écoute de the Fooler, sentiment que l’on retrouve sur scène, une impression de plénitude ultime, comme une seconde peau qui viendrait enlacer vos plus belles attentes, et vous couvrir de plaisir. De « Hide and Seek » à « It Was the Style » en passant par « Late in the Garden », l’album ne fait que répéter inlassablement sa perfection en affirmant délicatement l’originalité de chacune de ses pièces.
Sur la scène de la Boule Noire, les morceaux de l’album se sont enchainés avec tout autant de grâce et de subtilité. Lunette de soleil sur les yeux, Nick Waterhouse est venu, accompagné de sa lumière tamisée, nous rappeler la signification du terme fascination. The Fooler a tout d’un grand.
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