Le 1er octobre 2020 était un jour charnière pour l’Ile-de-France. Si le ministre de la santé ne renforçait pas des mesures très strictes déjà mises en place, il promettait un durcissement dans les jours à venir.
Le Chorus des Hauts-de-Seine, lui avait déjà été annulé en avril, confinement oblige, sans pouvoir s’offrir une reprogrammation en 2020. Parmi ceux qui avaient parier sur un retour à la normal avec la rentrée, l’horrible douche froide était au goût du jour, ainsi la Jimi se voyait contrainte de tout annuler alors que le MaMA maintenait en croisant les doigts son édition. Le Chorus lui, avait choisi d’offrir malgré tout un concert gratuit à ses 6 finalistes. 6 groupes, 6 registres, 6 talents qui remporteraient exceptionnellement tous le prix Chorus et donc pour paraphraser le chanteur de We Hate You Please Die, » de la thune, on devrait faire ça à chaque fois en ne choisisssant pas un vainqueur unique. »
L’hiver s’était déjà abattu sur la région depuis une semaine, passant du jour au lendemain de l’été aux pluies torrentielles. Heureusement, ce soir là, la douceur laissait présager la possibilité de s’approcher de la terrasse durant les 15 minutes d’entracte entre deux concerts de 30 minutes. Etrangement vide, malgré un remplissage complet dans la mesure des normes sanitaires (comprendre toute petite jauge), la Seine Musicale se découvrait aux spectateurs. C’est l’auditorium qui accueillait l’évènement. La plus grande salle, réservée habituellement aux spectacles de musique classique, permettait ainsi un bon éloignement entre chaque convive et donc une véritable sécurité. C’est dans ce contexte bien particuliers que débutait le festival d’un soir.
Fils Cara
C’est à Fils Cara que revient la tâche d’ouvrir les festivités. Dans la salle, tout le monde se sépare d’un siège minimum, d’un rang parfois, le public est attentif, bienveillant, attristé de ne pas pouvoir danser et bouger et d’être contraint de simplement applaudir les artistes. Le chanteur solo est accompagné d’un clavier. On pourrait volontiers lui prêter les qualités d’un Eddie De Pretto dans sa faculté à alterner l’urbain et le phrasé à la chanson. Moderne et bienveillant, il est habillé d’une aura de lumière qui confère à son set une belle intimité. Comme tous ce soir-là, il n’hésite pas à remercier chaleureusement l’organisation et le public, conscient de faire partie des rares artistes à même de s’offrir une date. La sincérité transparait dans son live, le soin pris à chaque morceaux, la voix apaisante. Il y a un grain de folie chez Fils Cara et une touche de sérieux, il y a de la beauté dans ses notes et une facilité à appréhender son univers, instinctif, dans l’air du temps et pourtant novateur. « Vous connaissez Proust ? Je l’ai toujours trouvez illisible » s’amuse le musicien, parlant d’un passage particuliers de l’oeuvre du célèbre auteur avant de conclur face à une foule illare « Le prochain morceau n’a rien à voir avec ça j’avais juste envie de vous en parler. » Sa place est sur les plus grandes scènes face à un public conquis. C’est toute la carrière qu’on lui promet. Trente minutes c’est vite passé, voilà déjà les lumières qui se rallument, 15 minutes plus tard, la fête reprend.
Global Network
Global Network prend le relais. Au programme : deux musiciens électro pop l’un au synthé, l’autre au chant et aux consoles. Le set commence bien, d’autant que les compères profitent d’une sympathie naturelle et d’une voix comme l’on retrouve dans les meilleurs titres électros radiophoniques. Et puis un problème technique vient obscurcir le tableau. A ce point ? Du tout puisque finalement côté spectateur le manque d’une console ne se ressent pas à l’oreille. D’ailleurs lorsque les perfectionnistes tentent le tout pour le tout pour réparer le méfait, l’ambiance est à la rigolade tant les showmen assurent en continuant de parler et d’intéragir avec la foule. « C’est dommage vous ne verrez pas le set complet, mais on joue à Nior samedi, venez à Nior » s’amusent-ils » Heureusement que tout le monde est récompensé cette année, sinon les autres groupes vous auriez eu un concurrent en moins. » poursuivent-ils. Un faux départ sur « Congratulations » » Autant tout mal faire » continue de faire rire une salle pourtant hyper réactive à la musique et qui finit par se dandiner franchement sur son siège à mesure que les titres défilent. La qualité est là, la capacité à gérer dans de mauvaises conditions aussi et le jeu de lumière parfait s’ajoutent au moment et donne à ce duo une belle note de profesionnalisme qui fait plaisir à voir et écouter.
We Hate You Please Die
Changement de registre et excellence sont mot d’ordre lorsque débarque sur scène la folle tornade de We Hate You Please Die. Quatuor mixte, deux filles, deux garçons, complètement rock, hallucinante et jusqu’au-boutiste. Les bêtes de scène sont déchaînées et modernisent même le « screamé » en lui ajoutant des notes d’indé, de punk, de psyché et de radicalité. Pas évident du coup de ne pas avoir envie de pogoter pour le public, de sauter, se déchaîner, se laisser vivre. Le chanteur en a conscience lui qui vient de « Rouen où on porte le masque depuis des années. » Il confie même « C’est aussi ma première pandémie ». Le combo est habité par sa musique, la batteuse nerveuse et puissante rythme avec beauté le moment. Le chanteur, lui , en duo avec une bassiste qui chante pourrait évoquer de part cette scission de voix grave et aïgue un certain Grand Blanc. Sauf que les voix fémines revendicatrices évoquent les riot girl, les punk déchaînées, la puissance et la rage et se callent avec perfecion dans le story telling du morceau. Le chanteur, Raphaël s’offre une puissante palette de timbres et d’émotions, jettant à terre le pied de son micro, portant la musique avec son corps. Impossible de ne pas tomber fou amoureux de cette puissance, de cet appel à la liberté, de ce retour enfin à une scène rock qui l’est vraiment et qui l’assume. On finit lumières barquées sur le public, à défaut de pouvoir se toucher on peut se voir sur l’incroyable « We Hate you please die » en ne regrettant qu’une chose : de ne pas avoir eu une heure de set pour tout passer en revue surtout « Figure it out » le master piece du groupe dont on a pu s’empêcher d’acquérir le vinyle au stand de merch.
Nyoko Bokbae
Changement de plateau, changement de registre avec les fous furieux de Nyoko Bokbae, leur world électro et leur bonne humeur contagieuse. Les deux frontmen ont une énergie folle et des looks fascinants incluant des cheveux verts et une robe sur un pantalon pour l’un des chanteurs. Une très belle démonstration d’être simplement soi comme la musique sait en offrir, en accueillir et en cajoler. La chaleur remplace la pluie et le froid des prochains jours alors que les rythmes s’endiablent et que l’envie de danser s’intinsifie. Côté scène, la joie d’être présent est communicative. Une belle découverte à suivre de près.
Terrier
La soirée ne s’arrête pas là puisque c’est maintenant au tour de Terrier de présenter ses compositions chansons françaises, phrasées. Une certaine mélancolie se dégage par ailleurs de ses mélodies. Habillé d’un short de sport et d’un bob, le chanteur originaire de la Roche sur Yon a tout du jeune prodige. Voix grave la dispute aux sons urbains, c’est pourtant une âme rock qui se détache de la partition et de l’instant. » Merci aux organisateurs d’avoir mis ça en place malgré tout. » confie-t-il ému. Seul bémol, il est difficile de bien entendre ses paroles poétiques, un problème de son peut-être lié à des changements de plateaux rapides. Un dernier titre est dédié à la mère du chanteur « qui s’est récemment inscrite sur Facebook et pourra découvrir le moment en Facebook live » une dernière fois avant que Facebook aussi n’interdise la diffusion de musique en live sur son site.
Taxi Kebab
La fin de soirée est synonyme de mélange des genres puisque débarque l’électro world de Taxi Kebab. Le duo mélange musique électronique, guitare électrique, luth ou même oud pour une transe ponctuée de paroles en arabe. L’ensemble transmet une énergie assez intense, cherche à nous emporter loin de nos sièges, qui en cette soirée est notre espace de vie. Chaque track emprunte un chemin différent, les sonorités changent avec l’utilisation d’intruments plus ou moins traditionneles du Maghreb et du Proche-Orient. Les paroles, déclamées sèchement, les gammes orientales donnent un ton très sombre au tout. Le temps s’arrête. On ne sait plus depuis quand on écoute le groupe. Le thème répétitif fait son effet et on rentre dans une certaine frénésie.
Les 30 minutes sont finies. Il faut rentrer. On ne sait pas quand on arrivera à refaire un concert et malgré l’heure tardive, le départ se fait d’un pas calme, pour rester le plus possible dans ce lieu qui nous a tant manqué.
Merci à Louis Comar pour ses photos. Vous pouvez le suivre et découvrir son travail sur Instragram ou son site
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