Jeudi 27 août 2020, près de six mois après la fermeture des salles de spectacles, alors que la quasi-totalité des festivals d’été avaient été annulés et que nombreux des derniers à tenter de maintenir une édition avec mesures sanitaires se voyaient tout bonnement interdits en dernière minute, Rock en Seine proposait un condensé des festivals sous une forme bien atypique. Nommé le Festival des festivals, l’événement avait du festival sa multiplicité d’artistes et son cadre : le parc de Saint-Cloud. Exit pourtant ce qui faisait l’âme de Rock en Seine et ce qui fait jaser depuis plusieurs années d’ailleurs : le rock. Si les précédentes éditions ne regorgeaient pas d’artistes de rock mais plutôt de musiciens issus de nombreux registres actuels, l’événement semblait avoir pris en compte la demande de ses festivaliers en programmant en tête d’affiche Rage Against the Machine.
Oui mais, le Covid étant passé par là, les musiciens internationaux n’étant plus en mesure de tourner, la soirée ayant dû être organisée en un temps records, la place était, naturellement, donnée à la scène française. Pourquoi pas ? Cette dernière regorge de musiciens de talents et l’initiative à elle seule mérite d’être saluée.
C’est finalement le principe d’une émission de télévision à ciel ouvert qui avait été retenue avec à la présentation Naguy et une diffusion sur France 2. L’affiche elle, majoritairement accès vers le très grand public (télévision oblige), Calogero, Dadju, Camelia Jordana y étaient, s’offrait pourtant quelques noms intéressants : Sébastien Tellier, Pomme, Jeanne Added, Philippe Katherine. Serait-ce l’occasion de parler de la détresse du spectacle vivant qui a tout juste reçu des directive permettant une timide reprise et de prouver la nécessité de reprendre une vie musicale malgré la Covid ? La question n’est pas si vite répondue.
Retour en festival : se souvenir des jolies choses
Pour les 1500 personnes ayant réussi à se procurer une place (gratuite), le rendez-vous était donné à 20 heures au parc de Saint Cloud. Port du masque obligatoire, gel hydro-alcoolique, le top des goodies du moment étaient présents, tout comme la fameuse distanciation sociale, celle-là même qui est contre-nature pour nous autres humains qui vivons en société. Face aux scènes, deux espaces se regardent : l’un accueillant ses food trucks, bar, toilettes, et de nombreuses tables très éloignées les unes des autres, le second espace lui regorgeant de chaises distanciées pour permettre de profiter du spectacle sans risque. Certains spectateurs avaient d’ailleurs choisi d’arriver très tôt et de faire la queue pour bien se placer sur les fameuses chaises, avec l’envie certaine d’être au plus près de la scène. Impossible de ne pas avoir le cœur serré en contemplant ce joli spectacle, ce condensé rapide de vie festivalière qui a cruellement manqué à l’été 2020. Qu’il est bon, se dit-on de retrouver un semblant de normalité dans le milieu musical. Un peu avant le début des festivités, Roselyne Bachelot elle-même, avec son entourage impressionnant, s’offre un passage côté foule pour rejoindre très certainement son espace VIP.
Un message fort (il faut déconfiner le spectacle vivant) ou pas (on peut déconfiner si c’est télévisé) chacun y verra ce qu’il souhaite, il est néanmoins plus que temps pour le gouvernement d’écouter les demandes des acteurs de ce secteur et d’agir rapidement, ce qui semble avancer à pas timides.
Un peu avant 21 heures, un chauffeur de salle vient préparer le public, lui indiquant de s’approcher des premiers rangs, de quand il faudra applaudir et autres joyeusetés. Naguy entre en scène, sourire aux lèvres, professionnel et offre une présentation rodée. Il est accompagné à la présentation par Leïla Kaddour. Les artistes vont bientôt arriver sur scène.
Une belle initiative mais …
Les mais sont pourtant nombreux. S’il est logique en temps normal de présenter un « spectacle » de musique avec légèreté et le sourire aux lèvres, le ton n’est pas le bon aujourd’hui. Puisqu’au plaisir de retrouver une ambiance de festival s’ajoute la réalité actuelle du milieu. Les professionnels du spectacle vivant se tuent à crier leur détresse : un spectacle, un concert, un festival met des mois voire des années à s’organiser, il fait travailler de très grandes équipes, intermittents mais aussi personnel embauché par les tourneurs, lieux, management, agence de communication … et l’incapacité à s’organiser est devenu critique. N’en déplaisent à certains lecteurs du Figaro qui selon un sondage réalisé par le journal, ne souhaitaient pas à 58% que le gouvernement vienne en aide à ce secteur, il est un véritable pilier de l’économie française. Des emplois sont perdus, des emplois souvent réalisés par des passionnés qui se sont déjà battus en travaillant sans relâche pour exercer leur profession. Mais pas uniquement nombreux sont les métiers à découler des événements : conducteur de tour bus, sécurité, techniciens, food trucks, producteurs et agro-alimentaire livrant le catering et les food trucks, transports variés pour acheminer les spectateurs … c’est tout une économie essentielle qui s’écroule et qui aura besoin de temps et de soutien pour se relever. Dans ce contexte, les demies jauges des zones rouges restent problématiques et ne permettent pas toujours pour les producteurs de ne pas travailler à pertes. Beaucoup de zones floues méritent un éclaircissement.
Le spectacle n’est pas un caprice de 2020, il existe dans l’histoire humaine depuis toujours, l’art également : théâtre, musique, gladiateur, rien n’a été inventé au cours des dernières années. L’art fait réfléchir, transgresse, fait avancer le Monde, parfois il se contente de divertir et c’est déjà pas mal. Avec tout cela en tête, il est plus difficile bien sûr de prendre un événement qui pourrait être la bonne façon de parler du problème au grand public, avec légèreté.
L’émission est lancée par une brève interview de Roselyne Bachelot, qui parle de « sentiment de sécurité » à donner en salle par le biais de masques et de distanciation. Ces méthodes permettent un grand pas en avant : celui d’une réouverture progressive mais l’interview assez simple se contente de redonner ces nouvelles directives et non de répondre aux nombreuses questions encore en suspens.
Place aux artistes
C’est finalement eux que nous sommes venus voir. Calogero ouvre le bal et en profite pour dire un mot sur les intermittents, mais au cours des brèves interviews de chaque artiste, le sujet est vite ramener à une promotion plus joyeuse : la tournée reprogrammée en 2021. Nombreux sont d’ailleurs ceux à rappeler que les plus petits artistes, les indépendants, n’ont pas la chance d’être reprogrammés. D’ailleurs c’est bien eux qui manquent à l’appel. Faire place à de grands noms pour attirer le public et l’audimat est évidemment cohérent mais il est dommage alors que Rock en Seine prévoyait la présence de groupes de grandes qualités tels que Structures ou Bandit Bandit de ne pas leur avoir fait une petite place sur scène. Heureusement le festival leur offrait quelques jours avant une belle session promo entre interviews et réseaux sociaux.
Autre bémol : cette idée télévisée que la musique ne soit représentée que par des chanteurs / interprètes et non des musiciens. Exit donc les groupes place aux chanteurs uniquement. Cette obsession de la reprise et l’hommage en duo comme à la « Nouvelle Star » manque toujours cruellement de saveurs.
Il ne faut pas être trop dur pour autant : si le format d’un titre par artistes est très très loin de se rapprocher de ce qu’est un concert et de la cohésion qui sera synonyme de talent, le simple fait de revoir de la musique jouée en live est un plaisir qu’il ne faut bouder.
De même que de nombreux temps forts musicaux qui viennent agréablement ponctuer la soirée : Catherine Ringer et son hommage à Rachid Taha, qu’elle confiera avoir été demandé par la production. Grande gueule, la chanteuse en profite pour dénoncer en quelques mots la situation dans le monde musical actuel et n’a rien perdu de son tonus. Pomme, qui pensait « que 2020 serait son année » confie devoir faire preuve de patience et offre un morceau avec la grâce qu’on lui connait. Philippe Katherine en début de soirée puis en concert en fin de soirée amuse comme toujours par son côté grand guignolesque (souvent imité, jamais égalé) .
Jeanne Added et Izïa en duo qui reprennent l’immense « Glory box » de Portishead est l’un des temps fort de Evènement, même si Jeanne Added offre une performance vocale au-dessus de celle de son acolyte. Les deux femmes se font une accolade de fin de performance, le présentateur s’amuse en rappelant qu’on avait dit « 1 mètre 50 de distance », comme si certains yeux n’étaient pas rivés sur les écrans à la recherche de la petite faute qui prouvera que non, on ne peut pas déconfiner le spectacle vivant. Pourtant, il est vrai que la musique unis et qu’ il est compliqué de toujours aller contre notre nature au risque de perdre encore un peu du bon qui restait dans ce Monde.
A quoi bon reprendre « Angela » de Saïan Supacrew si c’est pour édulcorer ses paroles très sexuées ? Pourrait-on se demander. L’initiative aura pourtant fait le succès d’Hatik qui semble séduire un large public et lui aura permis ses nombreux passages en radio. Jane Birkin ne sera pas là ce soir, son titre ayant été enregistré en avance.
Alain Souchon, qu’on ne présente plus s’offre lui trois courts titres. Rodé des plateaux télévisés gère son timing comme un professionnel et se plie au jeu des questions/ réponses avec aisance.
Sébastien Tellier est aussi de la partie. Quel immense plaisir d’ailleurs d’entendre les premières notes de « La Ritournelle » en duo avec Charlotte Gainsbourg. Dommage de ne pas avoir interprété ce superbe titre dans son intégralité qui de plus était porté par des musiciens de talent.
Christine and the Queens (ou juste Chris ?) ajoute son grain de folie à la partie et ses pas de danse.
Ce méli-mélo de performances courtes coupées d’interviews brèves deviendra, pour ceux qui étaient au Parc de Saint-Cloud ce soir-là et ce malgré les averses de début de soirée, un souvenir heureux sorte de parenthèse masquée à la morosité d’une année qui s’étire bien trop. Restera à attendre que les nombreux acteurs du spectacle vivant puissent tous reprendre leurs événements dans le format que l’on connait et qui vient à beaucoup trop nous manquer.
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