Dans le cadre de la 25ème édition de l’Étrange Festival, au Forum des Images à Paris, était projeté le second film de Robert Eggers, The Lighthouse avec en tete d’affiche rien de moins que Willem Dafoe et Robert Pattinson. Au programme, une étrange variation sur la folie. Et une des plus grandes attentes du festival. Critique.
Trois ans après la sortie de son premier film The Witch, qui avait beaucoup fait parler de lui, le prometteur Robert Eggers fait de nouveau parler de lui avec la sortie de son second long métrage, The Lighthouse. Doté d’un solide casting, la nouvelle production de A24 ( dont on vous avait déjà dit grand bien) était très attendue à l’Étrange Festival et s’est même vue décerner un prix au dernier Festival du Film Américain de Deauville. Est ce que Robert Eggers a confirmé les attentes placés en lui, tel qu’Ari Aster a pu le faire cet été avec son second long métrage Midsommar ?
The Lighthouse : De quoi ça parle ?
A la fin du XIXème siècle : sur une île déserte, au large de la côte nord-est des États-Unis, Tom Wake ( Willem Dafoe) et son nouveau collaborateur Ephraim Winslow ( Robert Pattinson) viennent prendre leur poste de gardiens de phare, pour quatre semaines. En théorie, ils doivent se relayer; mais Tom, expérimenté et autoritaire, tient à être le seul à passer les nuits en haut de la tour, condamnant le taciturne Ephraim à exécuter les basses tâches. S’installe alors un bras de fer toujours plus noir entre deux âmes perdues au bord de la folie, confrontées tant à leur solitude qu’aux démons du passé. D’autant qu’une fois les quatre semaines écoulées, l’arrivée d’une tempête les empêche de quitter l’île…
The Lighthouse : Est ce que c’est bien ?
A la sortie de The Witch en 2016 (en France), Robert Eggers avait bénéficié d’une hype importante, voire un peu démesuré. Si son premier film était formellement impressionnant par sa maîtrise, il n’était pas pour autant le chef d’oeuvre définitif qui était annoncé. Il faut dire que des chefs d’oeuvre définitifs censés bouleverser le cinéma de genre, il en est annoncé trois ou quatre par an, mais ceci est une autre histoire… Que vaut donc au final The Lighthouse? Il est souvent coutume de distinguer forme et fond. Dans le cas de The Lighthouse, c’est encore plus significatif.
Dans la forme tout d’abord. Aucune contestation possible, Eggers sait manier une caméra. Avec un format 4/3 auquel le spectateur contemporain n’est plus habitué, noir et blanc sublime au teint granuleux, The Lighthouse époustoufle par sa beauté plastique. Habilement éclairé, le filmage met clairement en valeur tant les deux comédiens que les décors, aussi bien intérieurs qu’extérieurs de cette île sur laquelle se retrouvent piégés les deux gardiens de phare. La gestion des plans et du montage de ceux ci impressionne par son infaillibilité. Mais si la forme est indéniablement maîtrisée, au service de quel fond opère cette leçon visuelle?
C’est là toute la délicatesse d’évaluer The Lighthouse. Car si la mise en scène d’Eggers illustre parfaitement certaines scènes du film, mises bout à bout on a bien du mal à comprendre ce qu’elles peuvent raconter. L’histoire qui se veut une variation sur la folie contaminant progressivement deux êtres que tout oppose devant cohabiter pendant une période donnée joue le trouble. Le hic étant qu’elle le joue trop pour son propre bien. A jouer sur la confusion de temporalité, de personnalité (tant de Tom qu’Ephraim) mais aussi d’intentionnalité, The Lighthouse finit par se perdre en chemin. Il est facile de comprendre l’intention d’Eggers à vouloir brouiller les pistes pour mettre en avant la thématique principale de la folie.
Mais à trop jouer sur la confusion, les ruptures de ton ou accumuler des scènes mystérieuses laissant place à l’interprétation, une fois le film terminé, on est pas vraiment surs de savoir ce à quoi on a pu assister. Il est indéniable que le film est magistralement mis en scène. Aussi indéniable est la performance commune de Willem Dafoe et Robert Pattinson, impressionnants tout les deux dans un jeu constant d’ascendance réciproque. Mais, il est frustrant de voir que The Lighthouse apparaît plus comme un exercice de style maîtrisé plutôt qu’une véritable dramaturgie aboutie, comme pouvait apporter la conclusion de The Witch. Un film un peu fou sur la folie, qu’attendre de plus d’une oeuvre projetée à l’Étrange Festival ?