… et qu’il te trompe tellement salement que tu ne sais plus quoi penser. On en parlait beaucoup avec les yeux de l’amour de la sortie française et pour une fois sur grand écran du très prometteur « It Comes at Night ». Les bandes-annonces, toutes autant qu’elles sont envoyaient du gros lourd ( à découvrir ici si vous ne les avez pas encore vues). En découvrant ses premières images les questions s’accumulaient : non mais qu’est ce qui se cache derrière cette porte rouge ? L’ambiance parano des BA sera-t-elle respectée et puis de quoi parle le métrage ? Qu’est ce qui vient une fois la nuit tombée ?
Il va être impossible de critiquer ce film sans dévoiler un peu de son intrigue voire sans sombrer dans le spoiler grossier.
Alors voilà, sans trop en dévoiler, sans raconter la fin, ici et là des spoilers seront distillés et vous en diront plus que sa bande-annonce. Vous êtes prévenus, on ne peut pas faire autrement.
Déjà parce que, s’il n’y avait pas cette peur de trop en dire à ceux qui ne veulent pas savoir, l’article s’appelerait Mais qu’est-ce qui vient la nuit putain ? Telle est la question. Les premières minutes de l’œuvre constituent déjà direct comme ça, une belle déception. En regardant la bande-annonce naïvement, mes attentes se portaient sur quelque chose digne des sueurs froides de l’épisode « Quand vient la nuit » d’X-Filles. Quoi cette référence n’est pas si flippante ? Je ne sais pas, j’avais 6 ans et j’étais fan de la série la dernière fois que je l’ai vu. Toujours est-il que l’épisode racontait comment des petits insectes sortaient par milliers la nuit pour manger les gens. Chouette non ? Et bien sans particulièrement miser sur les insectes j’attendais deux possibles: des créatures nocturnes dévoreuses de chaire ou une parano extrême des protagonistes qui révéleraient à la fin qu’il n’y avait pas de danger extérieur un peu comme « The Village » de Shyamalan dont on ne dit plus de mal depuis « Split » enfin si tant qu’on dit du bien de « Split »…
Et bah NON ! En fait le film traite d’une plus banale histoire de contamination. Une maladie frappe le monde ? Le pays ? L’état ? On ne sait pas et puis ok, là n’est pas la question. Une famille vit recluse dans une maison dans les bois : papa ( Joel Edgerton), maman ( Carmen Ejogo) et leur fils de 17 ans ( Kelvin Harrisson Jr). En début d’œuvre, le grand-père meurt, une façon simple d’exposer la réaction des survivants face aux malades. Les malades on les bute et on les brûle. Efficace. Oui mais la fameuse porte rouge dans tout ça ? Heu non rien c’est la porte d’entrée et quand on sort on met une combi hermétique sûrement achetée à Carrefour la veille tellement c’est facile à trouver. Mais la vie calme et sereine de notre trio est vite interrompue par l’introduction nocturne d’un inconnu dans la maison. Après avoir maîtrisé l’étranger ( Christopher Abbott), l’avoir attaché une nuit à un arbre pour lui dire « bonjour », faut toujours dire bonjour, nos héros décident de l’accueillir ainsi que sa famille, comprendre sa jolie épouse (Riley Keough) et son petit garçon ( Mick O’Rourke). A partir de là, l’histoire nous raconte cette cohabitation semi forcée, et nous dépeint cette vie à 6 entre envie de se connaître et méfiance, traitant des capacités de l’humain à aller jusqu’au bout pour leur survie et celle de ceux qu’ils aiment. Un postulat ma foi, passé la déception d’un marketing trompeur qui promettait une film qui n’existe pas, assez intéressant. Oui vraiment, le film qu’on vous vend n’existe pas, les bande-annonces ont la gueule d’une pub Monoprix. Un bon gros marketing super beau, super bien foutu mais tellement, tellement loin de sa véritable histoire que bah 2 heures ne suffisent pas à se remettre de cette lose. Qu’importe me direz-vous, l’important c’est bien de savoir si l’histoire en elle-même vaut le coup. La réponse ne peut être que mitigée. Il est facile de dire du mal pour en dire, et c’est bien une chose dont j’ai une sacrée horreur. Le positif donc d’abord. L’ambiance est belle, la noirceur du moment est là, la méfiance palpable, le jeu d’acteur très juste, les scènes réalistes, l’idée se défend. Une scène au moment de l’épilogue final a le mérite de tordre les boyaux et de glacer le sang. Elle est liée à un jeu d’acteurs particulièrement efficace, à une mise en scène pointue et à un cri-ce cri si vrai-. La thématique profonde du film, la peur de l’étranger, du mal qu’il pourrait apporter dans la maison, alors qu’au fond, profondément, le mal c’est cette peur sont des enjeux porteurs et des idées malheureusement, toujours aussi actuelles. Puisque la menace est partout, elle est surtout l’humain et son besoin de sécurité. Une thématique, d’ailleurs bien souvent exploitée dans les films de contamination.
Oui mais. Mais tellement de choses. A commencer par: peut-on se demander ce qu’on veut réellement dire à travers ce film? Le rythme y est lent. Et c’est loin d’être un aspect négatif, ce genre de rythme peut servir certaines œuvres et leur donner de la magie. Mais là, alors que certains aspects traînent, l’aspect humain, l’enjeu de ces connexions se fait attendre. Les personnages sont peu creusés ou plutôt peu attachants. Notre héros, le père de famille bad ass est en fait un prof d’anglais. Super! Un personnage réaliste qui ne sait pas gérer une telle situation et qui fait au mieux, bravant la morale pour protéger ceux qu’il aime. Oui, je veux voir ça. Sauf que notre homme fait trop homme des bois antipathique pour que ça ne fonctionne. Tout comme le reste des personnages, le spectateur est invité à un regard neutre face aux couples dont on suit les péripéties. Il ne sont ni bons ni mauvais: oui, ok, j’adhère. Il sont relativement plats, on ne les connaît pas en dehors du moment T, même pas dans leurs récits: c’est gênant. Tout comme les questions qui poussent à la paranoïa et qui sont si peu effleurées. Il faut savoir monter en tension, en pression. Je me répète et je le répéterai autant qu’il le faudra. Tout film d’horreur, toute histoire qui fait peur fonctionne sur une chose : l’intérêt que le spectateur portera aux personnages. Les aimer et les voir souffrir, ressentir de l’empathie, en tirer les conclusion. Voilà le béaba d’un film maîtrisé. Et puis, tout ce propos vient de Stephen King himself, on aura du mal à dire « heu qu’est ce qu’il en sait lui ? ». Enfin à défaut d’autre chose, le film distille ses moments d’angoisse et de peur à travers les rêves du jeune-homme de 17 ans. Si, oui vraiment. La première fois c’est chouette, la deuxième fois, moins, la troisième c’est… lourd. On est dans une œuvre fictive et si tout expliquer par le rêve ne fonctionnait pas dans « Sunset Beach » (paye ta référence mon gars) c’est encore moins le cas ici. A moins de vouloir la jouer « Les griffes de la nuit ». Ne fantasmez pas, ce n’est pas le cas. Sans pour autant être un mauvais film, sans manquer de beaux atouts, « It comes at night » se contente de peu et reste bien poliment dans ses cases. Dommage au vu de la belle densité du sujet. Pour voir un très bon film de contamination, mieux vaut regarder « Infectés ». Pour passer un agréablement moment, allez-y. Mais soyez prévenus, peut-être qu’en ne vous concentrant pas sur le marketing trompeur, vous tirerez bien plus de cet objet cinématographique.
« It Comes at Night » de Trey Edward Shults, sortie en salles le 9 juin 2017.