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Critique UNDERVOID – « Le Noir se fait »

Le Noir se fait. C’est le moins que l’on puisse dire en cette période. L’homme est faible et impuissant. Il ne se bat que pour lui-même. Pour sa survie. La crise actuelle l’aura d’autant plus révélé. Que faire pour y remédier ? Pas grand-chose, si ce n’est ouvrir les yeux sur notre condition, pour y voir plus clair. Se confronter à notre propre hypocrisie, pour vivre plus consciemment. Pleurer notre bêtise peut-être, pour prendre de l’avance. On vous l’accorde, ce n’est pas très encourageant… Mais faire face à notre chute, n’est-ce pas mieux l’accepter ?

UNDERVOID n’égayera probablement pas votre journée de ce côté-là, plutôt défaitiste vis à vis de notre société et de l’espèce humaine en général. Pour autant, leur premier album, ravage parmi les ruines, vous secouera si puissamment qu’il sera en capacité de vous esquisser un sourire. Le sourire de l’engouement. De la folie. De l’hystérie. Bien utile aujourd’hui en tant qu’échappatoire.

 

 

 

UNDERVOID, du rock tout droit venu de Strasbourg

Trêve de pensées funestes, concentrons nous sur cette musique pour le moins exaltante. Avant tout, qui sont-ils ? UNDERVOID vient de Strasbourg. Un quatuor remonté contre le système, dans la lignée du rock contestataire français, et dont le désir de se faire entendre est plus fort qu’une décharge électrique. Formé en 2016, le groupe sort aujourd’hui Le Noir se fait, son premier album, après quatre EPs de la même poigne. Ils ont déjà beaucoup tourné à travers la France, avec plus de 200 concerts, dont des premières parties de haut vol (No One is Innocent, Temperance Movement…). Décidés à envoyer le paquet et à nous en foutre plein les oreilles, UNDERVOID a déjà une identité musicale bien marquée : des morceaux concis et endiablés, des riffs entrainants portés par des guitares à l’aspect lourd et martelé, un chant venu des tripes… Arnaud Sumrada (chant), Marc Berg (guitare), Alexandre Paris (batterie) et Mathias Fischbach (batterie) concrétisent pleinement leur savoir-faire avec ce premier album (LP) des plus aboutis.

Photo : Antoine Pfleger

Un départ en trombe

Tout commence avec « Addict », charge virulente contre l’addiction au pouvoir. C’est incisif, ça baigne dans le sale et le pourri, ça mord là où ça fait mal et ça fait son effet. Le riff est imparable, de quoi nous faire tourner en bourrique dès cette ouverture en trombe. On commence dans le noir, et ça n’est pas près de s’arrêter. Non, l’album dans son entier ne fait pas de cadeau, il se dévoile de plus en plus sombre et accusateur, sans jamais baisser en qualité. Au contraire, sa force première est sa constance. Du début à la fin, les morceaux sont du même impact. Assez étonnant d’ailleurs, à l’écoute de cette musique qui peut rapidement montrer ses limites. UNDERVOID y échappe avec brio. Le groupe parvient à nous maintenir en haleine, avec quelques nuances bienvenues, comme la belle surprise d’« Un Regard a suffi », chanson à la structure différente et à l’atmosphère musicale plus apaisante, comme une errance mélancolique au bout de laquelle une note positive s’empare de nous, après avoir été tant malmené par les morceaux précédents.

 

Alliance entre discours politique et compositions efficaces

Mais de cette hargne bousculeuse, colonne vertébrale du projet, nous en tombons rapidement amoureux. « Dieu n’existe pas », après un « Je suis né peuple » faisant monter la tension, finit de nous convaincre. Le titre interpelle directement par son caractère affirmatif. On s’attend à une prise de position claire et assumée, portée par un riff acerbe. Ca ne manque pas. Il y est question d’un monde en proie à la démence, le nôtre, qui s’attache à des croyances illusoires, et qui pense pouvoir être pardonné de ses dérives aberrantes. Mais comme Arnaud Sumrada nous le martèle avec conviction : « suffit pas d’en parler, il n’est pas là, tu peux toujours prier, Dieu n’existe pas ». Les crimes sont visibles, et l’homme hypocrite a beau vouloir les dissimuler, il ne peut s’en remettre à autre chose qu’à sa propre cupidité, et non perpétuellement essayer de s’en défendre autrement. Le refrain nous crie une vérité difficile à accepter peut-être, mais nécessaire d’entendre au vu de la folie qui s’empare de certains esprits : « Tu n’es que poussière. Seulement de la matière. De toi, rien ne restera ». Personne ne viendra nous sauver de ce système où l’homme exploite l’homme. Surtout pas une divinité. Ca ne plaira certes pas à tout le monde mais un rock politique et engagé comme celui d’UNDERVOID, s’il n’est pas virulent et insurgé, ne vaudrait pas grand-chose. Ici, l’alliance entre compositions acharnées et messages politiques assure à l’œuvre une véritable maitrise. Le Noir se fait a l’avantage de venir du cœur, et renvoie un véritable sentiment d’authenticité. On le ressent même dans la production, percutante, et surtout pertinente, tout droit inspirée de Rage Against the Machine et plus récemment Prophets of Rage. A noter que l’album fut enregistré dans le studio White Bat Records, où les ont précédés le groupe français Last Train. Gage de qualité sonore.

 

Un rouleau compresseur qui n’écrase que la connerie

A l’écoute de l’album nous vient en tête successivement Noir Désir sur certaines intonations du chanteur, Led Zeppelin pour son côté vif et saillant, Trust et son regard sur le monde… UNDERVOID ne fait rien de nouveau à proprement parler, mais brille par sa force sauvage, et remue nos esprits d’un vent violent. C’est un rouleau compresseur intelligemment pensé, puisqu’il n’écrase pas tout sur son passage, mais seulement la connerie ambiante. Comme il est rare de trouver des groupes français dans cette veine d’une telle maitrise. Après la chanson titre et « Bouffon de roi », qui ont de quoi nous secouer par leur fulgurance, partant du principe que nous avons déjà digéré le très efficace et pesant « On va, on vient », ce qui n’est pas forcément le cas pour tout le monde, « La Machine », clôture du projet, nous assène une dernière claque en pleine figure. Quand y’en a plus, y’en a encore. C’est l’impression que nous donne l’album puisqu’à peine fini, on ne pense qu’à le réécouter. 10 titres. 35 minutes. Net et précis. Un bouillonnement musical jouissif donnant lieu à un assouvissement de sentiments contestataires. Que demander de plus ? Que la société s’écoule enfin ? En attendant, Le Noir se fait a de quoi nous tenir longtemps éveillé, autant musicalement que politiquement, addict à ce concentré de rock en colère, qui ne tombe jamais dans la caricature grâce à un soucis véritable de qualité de composition. Pari réussi pour UNDERVOID. Ce premier album (LP) tape dans le mille. Nous voilà définitivement conquis.

Photo : Antoine Pfleger

By Léonard Pottier


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