Get Out est de ces films qui partent avec des postulats parfaits, des histoires qu’on a envie qu’on nous raconte, des thèmes de société et des métaphores dont on veut sortir grandis. Il y a des thèmes qui sont fait pour transcender, faire débattre et qui tombent pile au bon moment.
« American Nightmare » devait être de ceux là. La posture même du récit, l’idée qu’une nuit par an, tout devait être permis et légal y compris le meurtre se devait de critiquer l’humain que nous sommes, ses pulsions violentes et bien sûr notre société. Pour ça on repassera puisque malgré quelques petites idées distillées ça et là, c’est un banal home invasion qu’on nous a servis à grand renfort de « ouais mais hep les gars, l’idée est là donc c’est bien. » La suite s’est bien évidemment perdue dans des considérations de plus en plus… banales. Méchants riches et gentils pauvres sans apprendre à questionner la morale et sans pour autant en faire une lutte des classes bien pensée. Un véritable Black Mirror en somme. Mais tout le monde n’a pas la capacité de la série du même nom.
« Get Out » au cœur de l’Amérique de Trump, après les mouvements Black Lives Matters, dans une société dans lequel le racisme reste un problème évident devait lui aussi tirer son épingle du jeu et proposer un point de vue atypique permettant de se remettre en question, de grossir à la loupe un défaut sociétal et d’en parler, se questionner, comprendre. Que néni les amis, puisque Blumhouse n’aime pas trop ça la légèreté.
Il faut dire que le cinéma d’horreur a cette force unique de pouvoir aborder un sujet gênant, et à renfort de peur, de violence, pousser son spectateur dans ses retranchements. Le dégoût, la compassion, la gêne, la paroxysme, permettent de vous tenir éveillés la nuit et de vous faire cogiter.
Le métrage réalisé par Jordan Peele lui, choisit la lourdeur malgré quelques bons éléments et trop content de parodier sa propre thématique intercale de l’humour pas beaucoup plus fin pour parfaire le tout.
Tout commence quand Chris ( Daniel Kaluuya), un homme noir part rendre visite le temps d’un weekend aux parents de sa petite amie Rose (Allison Williams). Seulement voilà, sur place entre le père trop sympa, le frère trop bizarre, les amis de la famille et les autres noirs qui ne se comportent pas vraiment comme.. des noirs !? L’atmosphère devient très vite pesante. Attendez qui ne se comportent pas comme quoi ?? Parce qu’il y a un comportement type lié à…. De quoi ? Mais ?! Mais, mais non !
Il faut dire que l’autre problème du films qui ok admettons joue sur les clichés pour prouver son point de vue ( qui est quoi d’ailleurs ? Mec qu’est ce que tu défends?) c’est bien son personnage principal. Il n’est pas mal joué loin de là, mais sa méfiance initiale, son attitude ne le rendent pas sympathique. Pas plus qu’un couple auquel on ne croit pas. Et c’est important de croire pour mieux se laisser duper, pour être surpris, pour s’identifier et se dire merde alors moi je me voyais comme Untel et au final je ne serai pas mieux que ça ?
L’intervention d’un flic lors d’un contrôle de police avec une sensation de dépasser les bornes en début de métrage devait également faire écho à une actualité morbide, la souligner et Dieu qu’il y a des choses à dire à ce sujet. Sauf que là encore non, on se contentera du minimum et les questions que cela soulève se trouvent plus dans la tête d’un spectateur désireux de les aborder que sur la pellicule.
Il y a aussi le thème de l’hypocrisie abordée. Phrase souvent reprise dans les critiques de l’oeuvre, le père de Rose explique sur un ton beaucoup trop poto qu’il aurait aimé voter Obama trois fois. Pourtant au fond, cet homme est-il loin du racisme qu’on lui reproche ? Une question intéressante mais qui finit par résonner comme une simple phrase posée là comme ça dans cette œuvre.
D’autant qu’ici le racisme fait appel aux clichés. Bien loin de l’homme noir inférieur, on nous le vend comme athlétique, fort, doué au lit?… en oubliant à l’exception d’un personnage d’ami de nous rappeler que les généralités et les stéréotypes ne sont qu’un ramassis de conneries et qu’il n’y a pas de prototype à suivre en la matière.
Enfin d’un point de vue de film d’horreur, l’œuvre parvient-elle a insuffler la peur tout simplement ? Détachons nous de sa thématique pour se contenter de s’intéresser à sa narration et à son rythme. Un déjeuner entre amis insuffle oui une certaine part de méfiance. Des éléments balancés ça et là propagent une forme de parano. Tout le monde est l’ennemi. Un peu oui mais pas tant que que ça puisque bien loin de tirer sur cette corde au moment où le récit part en fil tendu, « Get Out » oublie ses personnages et se contente d’un nombre restreint d’entre eux pour créer la peur. Dommage non ? D’autant qu’une scène de bingo, flippante au demeurant, ne va pas au bout de son sujet et à force d’avoir trop grossièrement forcé le trait avant, ne permet pas d’être l’élément déclencheur de l’horreur souhaité.
Plus loin que ça, la violence faite à cette homme reste légère. On ne bascule pas dans ce mépris profond qu’on devrait éprouver pour ses bourreaux, on ne ressent pas cette révolte. En salle obscure d’ailleurs alors que les minutes d’action s’enchaînaient, quelqu’un a distinctement balancé un « Vas-y tue là ! ». Tue le bourreau! Oui certes sauf que là on atteint le niveau slasher movie du propos. Allez mon gars je suis venue voir des morts « tue là » ! Mais où est l’indignation profonde, la gêne ? Où est l’incapacité d’un personnage à lutter contre une société ? Où est le poids que l’on devrait éprouver haletant en sortie de salle ? Un « Get Out » devrait créer un malaise et une réflexion digne de « Martyrs » de Pascal Laugier. Qu’importe finalement que son réalisateur choisisse une révolte pour son personnage principale qui dans la violence récupérerait force, dignité et liberté ou que celui-ci incapable de lutter contre ses bourreaux ne deviennent de façon glaçante leur « chose ». Ces deux idées auraient pu se valoir parce qu’au demeurant elles auraient dit quelque chose.
Ici la scène principale à sauver tient d’un moment d’humour lorsque l’ami un peu lourdingue du protagoniste, se doutant de quelque chose de pas très clair va voir la police.
Clichés un jour, clichés toujours donc salué unanimement par la critique désireuse de donner ses lettres de noblesse à une histoire qu’elle avait envie qu’on lui raconte. Elle n’est pas la seule et si cette histoire avait été réellement racontée, si un point de vue clair avait été pris, si le film n’était pas traité comme une machine à sous mais comme un sujet grave et important alors « Get Out » aurait pu devenir un chef d’œuvre du genre à citer pour rappeler combien le cinéma d’horreur peut être intelligent. Et auquel cas, la nuit de ses spectateurs aurait été une perpétuelle remise en cause de ses actes, pensées et de son rôle afin d’embellir une société qui a la grandeur d’esprit de toujours se remettre en question et de chercher à se parfaire.