Créée au Festival d’Avignon 2024, Qui som ? du Baro d’evel avait bousculé la cité des papes. Elle continue aujourd’hui de bouleverser tout sur son passage. C’est au Théâtre-Sénart (Scène Nationale) que nous sommes retournés voir ce chef d’œuvre de cirque, danse et théâtre qui interroge sur la nécessité de faire de l’art, de créer de la beauté dans un monde catastrophé et atrophié par l’humanité.

FAÇONNER L’ART

Le spectacle débute par un retour à nos profondes origines : la terre. La céramique est la première matière de cette création. Des vases ornent le hall du théâtre ainsi que le plateau, un premier comédien tente tant bien que mal de façonner une poterie, sans autre conclusion qu’un pâté flasque et informe. Puis les vases se façonnent sur les visages des performeur.euse.s en forme de masque. Depuis la céramique, c’est jusqu’à l’ère du plastique que nous emmène le Baro d’Evel. La matière est au centre de ce panorama historico-poétique de l’humanité : l’homme façonne, il crée de l’art, puis l’art devient de la marchandise.

EFFONDREMENT DES CORPS

Mais tombant de la terre, les humains essayent de se rattraper au mieux. Ils chutent, se relèvent, essayent et ratent. Sur le plateau, les circassien.ne.s glissent et s’envolent avec difficulté. S’ajoute à cela la formation d’une société et sa destruction, de la création d’une communauté à sa partition en différents groupes – jusqu’à la désillusion de la rupture. Mais discrètement, en avant-scène, ce premier vase raté est augmenté des autres ratés de l’humanité, dont le capitalisme et son industrie du divertissement.

ESCHATOLOGIE OPTIMISTE

Car Qui som ? fait le constat d’une violente désillusion. Comment continuer à faire de l’art, des acrobaties, à danser quand l’humanité n’admire même plus ce qui l’a créé ? Pourquoi s’accrocher et essayer alors que tout semble fini et que l’humanité semble condamnée ? « La suite est déjà là » alors il faut avancer, il faut continuer, et c’est en la jeunesse et en ce retour à la nature que le Baro d’Evel fait confiance. La troupe maintient la joie, la résistance et la création pour croire en une appréhension collective et optimiste de la suite de nos univers politiques.

@ Jerome Quadri
@ Jerome Quadri

PARTAGE ET DÉVOTION

Sur scène, les chorégraphies font vivre une énergie communicative et rayonnante de dévotion. Chaque interprète se dépense pour faire vivre au plus loin chacun de ses gestes. L’humour est aussi de mise et met en valeur des séquences poétiques portées par une scénographie prodigieuse et une superbe musique souvent en live. L’abnégation de chacun.e des circassien.ne.s à leur pratique est admirable et inspirante, le sens du collectif inonde la salle.

@Christophe Raynaud de Lage
@Christophe Raynaud de Lage

GÉNÉROSITÉ DE L’ART

« La beauté s’abime parce que nous ne la regardons plus », c’est tout le sens de ce spectacle brillant. Il s’agit dans Qui som ? de prendre le temps d’apprécier une beauté parfois abstraite, et de la partager collectivement. Montrer la beauté pour mieux la voir, et avancer ensemble – voilà le pari plus que réussi d’un spectacle généreux et bouleversant. Le constat de la troupe n’est aucunement fataliste, et leur déambulation finale le montre, puisque la suite est déjà là, autant s’en saisir dans la joie de la musique, de l’art, du partage, de la fête, de la suite, de…


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