Kill David : Lily Allen a la force d’un Tarantino
Les injonctions faites aux femmes sont nombreuses. Parmi elles, il faut savoir rester digne, se taire face aux relations abusives. Elles doivent rester gentilles et douces en toute occasion dit-on. Et si la dignité prenait place lorsque l’on s’exprime ? Avec son nouvel album, « West End Girl », sortie surprise du 24 octobre, Lily Allen brise tous les tabous. Elle y raconte son divorce avec l’acteur David Harbour, avec force détails. Elle y libère sa parole, pour elle, pour toutes. Et livre en plus de ses secrets, un album pop à la force indéniable et à l’écriture brillante.
West End Girl : who’s that girl ? Lily allen
Fin novembre sortira enfin la dernière saison de « Stranger Things », le super show Netflix tirera une révérence plus qu’attendue. Et les bruits de couloirs sont nombreux, pronostics et espoirs peuplent les conversations en ligne. C’est pour cette actualité que l’on devrait parler de David Harbour qui y interprète Jim Hopper, le père d’adoption d’Eleven. Seulement voilà que Lily Allen vient bousculer les attentes et profite de son nouveau né pour dénoncer tous les comportements toxiques qu’a eu l’acteur envers elle. Le couple se mariait en 2020 à Las Vegas après deux ans de relation avant d’annoncer sa séparation en décembre 2024. La musicienne n’a jamais eu froid aux yeux et a toujours su, à raison, exprimer ses ressentis. On l’a connue en 2006 avec le doux amer « Smile », puis en 2008 alors que son single « Fuck you » peuplait les ondes. Celui-ci était un doigt d’honneur géant enrobé dans une pop pastel adressé aux hommes du parti national britannique. Cette fois-ci, le « Fuck you » qui nous intéresse comprend 14 titres d’une honnêteté brutale. La presse à scandale ne pourra pas y ajouter un mot. Son divorce, elle le livre en exemple, sa douleur n’est pas un gossip, c’est le cri d’une femme et l’invitation à crier en groupe.
Ecrit en 10 jours de décembre alors qu’elle est plein divorce, elle y crache tous ces mots : les mensonges, les infidélités en tête de liste. Loin d’être une vengeance, elle y produit un catharsis révolutionnaire. D’ailleurs, et nous y reviendrons, la pop y est complètement novatrice. Dix jours pour composer une telle merveille, voilà qui laisse rêveur.se mais la douleur est un terreau riche pour l’écriture. Dans ses textes Lily Allen dévoile son mariage ouvert : les règles y étaient simple explique-t-elle dans le titre « Madeline ». Les conjoints pouvaient aller voir ailleurs, mais seulement s’il était question de payer pour les relations intimes. Seul.es les inconnu.es étaient accepté.es, il fallait de la discrétion et que l’affaire ne se répète pas. Pourtant, voilà qu’elle découvre grâce à une photographie que son mari entretient une liaison avec celle qu’elle appellera « Madeline » sur l’opus et à laquelle elle fait aussi référence sur le morceau « Tennis ».
De douleurs et de couleurs Lily allen
Tornade de sentiments, ce nouveau jet a été accouché dans la plus grande des douleurs pour la chanteuse. Et pourtant, l’immense force de Lily Allen est sa capacité a toujours savoir créer une pop sucrée. Pour ce cinquième album publié après sept années d’absence, la musicienne n’a rien perdu de son écriture haute en couleurs. L’introduction, sur le titre éponyme « West End Girl » pourrait évoquer un doux réveil au printemps dans une vie parfaite, une forme de candeur bienveillante. On se croirait dans une comédie musicale mettant en scène la femme au foyer des années 50 pleinement épanouie dans son rôle. Seulement voilà que les paroles s’en mêlent. Derrière ce sourire musicale, celui certainement qu’on tente d’imposer aux femmes en toutes circonstances, voilà que l’acidité pointe le bout de son joli nez. Au court de cette thérapie collective, les rythmes changent, un brin de hip hop s’invite sur « Nonmonogamummy » (en feat avec Specialist Moss) et l’éléctro fait de très nombreuses apparitions. On retrouve même une ballade sublime « Just Enough », comptine triste et envoûtante. Les émotions passent avec la même clarté dans ses lyrics que dans sa capacité à composer. Les rythmiques y changent alors que les refrains frappent fort. Mention spéciale au titre « Beg for me », sa précision d’écriture surnaturelle et son refrain qui fait d’évidentes merveilles. Les bruitages sont légion au cours de l’opus : téléphone, sonnerie et même quelques moments parlés comme des apartés d’une narratrice omniprésente qui partagerait ses pensées en temps réel.
Si l’on parle d’un exutoire, c’est aussi parce que Lily Allen ne se contente pas de raconter son histoire. Elle raconte une histoire plurielle, celle d’autres femmes qui ont comme elle accepté un mariage ouvert par peur de perdre l’être aimé. La chanteuse profite par ailleurs de sa notoriété pour briser tous les tabous. Elle arrête son podcast sur la BBC pour entrer en cure de soins et prend le remps de l’expliquer à ses auditeur.trices. Puis, elle avoue avoir replongé dans les troubles alimentaires, confie sa relation instable à la nourriture. Des propos d’autant plus importants, qu’ils permettent de libérer la parole sur la santé mentale, d’inspirer le plus grand nombre. La honte est un sentiment qu’il faut combattre pour mieux accepter les mains tendues.
Un récit sucré pour une addition salée Lily allen
Les titres de l’albums se découpent comme une histoire qu’on nous raconte entièrement. Aucun détail n’est épargné. la tristesse exprimée sur des titres comme « Ruminating » prend entièrement sens lorsque la chanteuse prend conscience de la trahison sur « Pussy Palace » ou encore « Tennis ». Le premier narrant le lieu dédié au sexe que gardait secrètement son ex-mari, le second à une photographie le représentant en train de jouer au tennis avec sa maîtresse. L’élément qui lui permettra de tout comprendre. Le grand final se fait sur « Fruityloop », référence aux céréales préférés de David harbour. La chanteuse y répète en boucle tel un mantra « It’s not me, it’s you ». Il y a un parallèle sans équivoque à faire entre cette phrase et la série « You ». C’est sur ces mêmes mots que s’arrête le show qui mettait en vedette sur Netflix Joe, le stalker (et on en dira pas plus pour ne pas spoiler). Lorsque cette phrase est énoncé par cet homme toxique, elle vient annoncer son incapacité à se rendre responsable de ses actions. Ils sonnent comme une un rejet des conséquences, une excuse que l’on se donne. Elle prend une toute autre allure, un sens radicalement opposé dans la bouche de notre chanteuse. Cette fois-ci, elle se fait rassurante, réelle, puissante. On apprend aux femmes à culpabiliser, se rendre toujours responsables de tous les maux, de tous les échecs. Lily Allen rend à son ex-mari sa responsabilité, elle permet également aux femmes blessées à s’autoriser à faire de même. Il est évident que « West End Girl » restera un album important dans le temps pour cette raison en partie. Parce qu’il redéfinie les injonctions de la société tout en apportant une nouvelle définition à la pop. Et de l’amertume et des besoins de dire « Fuck you », voilà qu’enfin il sera possible de sourire pleinement.
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