
Il est des artistes que l’on porte particulièrement dans nos coeurs. Pour leur répertoires, certes, mais aussi parce qu’on les a vu grandir. De celle qui chantait des mots qui nous touchaient à celle qui toucherait autant le ciel qu’un immense public. Zaho de Sagazan est de cell.eux là. Aurions-nous voulu la garder comme un secret confidentiel ? Celle qui nous aurait susurré ses mots doux à l’oreille et seulement à notre oreille ? Point du tout, la beauté des créations de la chanteuse gagnent à être partagées. C’est par le live, un certain concert à Solidays qu’elle avait pris nos coeurs. Non que ce fut la première fois qu’on la voyait, mais ce fut la première fois qu’elle venait nous transpercer. C’est par le live, plus précisément, ce dixième Olympia en ce 16 septembre qu’elle viendrait asseoir définitivement son statut de plus grand nom actuel de la chanson française. A fleur de peau, elle comme nous, elle y posait ses délicates ailes sur scène. Et c’est finalement, nous tous.tes qui aurions du mal à atterrir des heures après l’avoir vue. On vous embarque dans le vaisseau de ce magnifique dernier voyage.

Inspiration, aspiration, décollage imminent zaho de sagazan
Il n’est pas coutume de parler à la première personne dans un report. L’exercice de résumer un concert se vit à la troisième personne, comme un spectateur passif qui retracerait une soirée. On y tente de capter l’essence d’un temps et de le faire revivre par les mots. Mais cette fois exceptionnellement, le je pourrait bien être de la partie. Non pas par égo, mais parce que la sensibilité de Zaho de Sagazan est si belle qu’elle se vit comme un moment personnel. Le je pourrait devenir alors collectif. Puisque chaque visage sera alors baigné de sa lumière, vivant notre multiplicité d’une soirée comme une unité partagée. Les concerts de la chanteuse sont toujours des havres de liberté, de ceux qui se découpent en un temps précis, un spectacle organisé qui laisse pourtant place à la spontanéité, à la vérité, à la nouveauté. Comme sur chaque set, notre merveilleuse hôtesse ouvre son bal sur « La fontaine de sang » derrière son piano. On inspire avec elle, le temps est suspendu à sa voix.

Les machines se révèlent, celles qui nous permettront en arrière scène de vivre ce « Dernier voyage » comme elle le répète inlassablement. « La symphonie des éclairs (le dernier des voyages) » c’est le titre de la version étendue de son premier album sorti en 2023. Un titre particulièrement judicieux ce soir, en cette dernière à l’Olympia, fin de tournée et clap de fin pour ce spectacle si particulier. Plus tard, la chanteuse confira avoir tant grandi, tant changé pendant ce voyage de 4 ans. Elle évoquera un Trianon qui lui semble le miroir d’une ancienne Zaho. A ces mots les images pointent le bout de leur nez … du Printemps de Bourges, d’un Point Éphémère, du Chant de Marin, d’une consécration éclair, aussi belle et rapide que ceux qu’elle chante dans sa symphonie. Puis les Zéniths, l’ouverture des Jeux Olympiques. Grandie, notre Zaho super star et toujours si vraie, nous invite à quelques « Apiration » de cigarette. Un brin coquin le titre, alors que la salle de concert interdit de fumer. Je me passe de nicotine occupant mes lèvres à chanter avec elle à la place. La noirceur des lumières, parfois rosies, toujours tamisées vient créer un univers onirique. Le je collectif, maintenant installé, les perçoit comme un tour de magie.
Le langage des douleurs zaho de sagazan
« Ce n’est pas un concert joyeux » prévient la chanteuse. C’est en partie vrai. La première partie des performances de Zaho de Sagazan sonnent comme l’avènement de temps obscurs. On y partage d’abord les douleurs, le live devient un exutoire de ce je collectif. Dans la foule, les visages plongés dans l’ombre ne lâchent pas la scène d’une miette. Plus qu’un exutoire, le lieu est un tribunal. La chanteuse dénonce la manipulation en amour « Ceux là je les appelle les putains de vicieux! » lâche elle appuyant avec une force féroce sur le mot « Putain », il résonne dans les airs, personnifie nos colères et nous voilà en train de chanter sur « Les dormantes », son premier succès. On clame avec poésie notre rejet de ces putains de vicieux, le notes claquent dans les hauteurs comme des petite bulles pleine de détresse. Elles explosent, le plaisir de les voir disparaitre se diffuse, et on chante plus fort comme nous y sommes invité.es. Seraient-ce des larmes au coin des yeux des je collectifs ? « Langage » suit. A-t-on habituellement nombre de langages dans les relations qu’on ne saurait traduire ? Zaho de Sagazan y répond par ses « Je t’aime » portés par des accords sombres. Ses musiciens, bien plus que des co-pilotes, sont d’incroyables mages aux sortilèges finement orchestrés. La chanteuse qui a la bougeotte devient le personnage féerique de son vaisseau scénique. Les ombres et les lumières s’y font boudoir.

Les confidences continuent. « Tristesse » comme toujours permet de faire basculer le concert dans une nouvelle ère. « Vous ne m’aurez pas ce soir » chante notre commandante, alors que le set se pare de ses premiers atouts électro. C’est par ce titre qu’elle avait su avoir mon coeur, par ce titre encore qu’elle saura mener la guerre de l’honnêteté face à la tristesse. Et si on la repoussait ? Et si le je collectif acceptait de perdre le contrôle ? Pas encore, le vaisseau a encore de la route à faire avant d’enfin tout laisser partir en danse endiablé. « La symphonie des éclairs » invite à l’introspection et alors vêtue d’une cape noire et blanche, la chanteuse laisse son micro à un fan qui lui chante son texte en arabe. La langage est universel, la compréhension parfaite et par la volonté des souffles des voix de toute l’assemblée nous volons parfaitement au dessus des nuages. Il y fait toujours beau parait-il. Au fond de la salle, une petite fille greffée sur les épaules de sa mère vient nous le confirmer. Il y fait un temps délicieux. « Old Friend » sera aussi de la partie. Il fut interprété en compagnie de Tom Odell quelques Olympia plus tôt, le 12 septembre. Si l’acolyte enchante la douce voix de Zaho, il n’en est pas moins aisé de « pleurer dans sa voix » unique.


Tout lâcher, bien au dessus des nuages zaho de sagazan
Nous le disions, les concerts de Zaho de Sagazan se découpent en des temps précis et déterminés. Les lois d’un bon spectacle, le résultat de mois de travail et de réflexion. Parfois ces préparatifs peuvent entraîner un ballet trop connu, qui pourrait sembler répétitif si on s’aventurait à le revoir plusieurs fois. Pourtant, à chaque performance de la chanteuse, la montée en puissance du concert, son découpage n’est que naturel. Impossible de s’en lasser ou de sentir une redite. Alors lorsque les choses s’accentuent, l’excitation vient avec elle. « Ne te regarde pas » vient donner le coup d’envoi de ce changement. Plus qu’un titre, le morceau est un ordre, asséné avec force. Il faut se lâcher, il ne faut pas se prendre au sérieux. Entre deux refrains envoûtants, la musicienne intime. « Je crois que vous ne comprenez pas les paroles ! » Arrêtez d’avoir peur, arrêtez de penser à … votre tenue, « ce qui vous sert de corps », ce que l’on pensera de vous, « ce corps que j’ai détesté », « C’est lui qui vous suivra toute votre vie », aux regards, à vos téléphones, aux autres. Vous n’êtes pas votre page Insta, vous n’êtes pas une image. Vous. êtes. un. corps ! Et il va falloir le bouger maintenant. D’autant que la chanteuse menace, les prochaines 20 minutes seront longues si on ne suit pas la consignes. Elles seront exclusivement électro et ça c’est fait pour être dansé ! En à un si logique claquement de hanches, nous voilà propulsé.es dans un club berlinois.

La nuit y est folle, la musique coule à flot dans nos veines. Les larmes sont séchées, la solitude n’existe plus, le collectif n’est plus jugement, il est aimant, célébration et sueur. Quelle chaleur ! Il est un épisode qu’on n’explique pas . En 1518, une fièvre dansante a pris d’un coup un village. Les habitants ont dansé sans pouvoir s’arrêter jusqu’à en mourrir. Il est des fièvres contagieuse que l’on explique. Ici, sur « Dansez », répété en boucle, on chaloupe, on fringue, jusqu’à tuer nos démons, nos angoisse et notre tristesse. Le corps est poétique. Et il ne peut être vu des autres, puisqu’enfin il est collectif et immense comme un Olympia.
Un dernière pirouette et nous voilà donc au rappel. Dans une émotion sans retenue, Zaho de Sagazan parle de ses idoles et des ses inspirations. La voilà qui reprend d’ailleurs « Unintended » de Muse, transcendant l’interprétation de Mathew Bellamy. Mais la chose paraissait logique. Suit « Modern Love ». Non content d’être l’un des chef d’oeuvres du plus merveilleux et du plus culte des musiciens, David Bowie, il est aussi celui que la musicienne magnifiait au festival de Cannes. Les amours multiples, modernes, ont leur place ici. C’est à eux que les douleurs et la sueur ont laissé leur place, un concentré d’amour plus fort que les éclairs. Et de celui-ci né la reprise de Brigitte Fontaine « Ah que la vie est belle ». Elle en profite pour inviter son staff à la rejoindre sur scène, des pancartes dans les mains. On manifeste sur la scène de l’Olympia, on milite pour cette jolie vie. On y reconnait un visage, celui de l’attachée de presse (hello Patricia et merci) et on en découvre d’autres. L’atterrissage ressemble à une grande fête populaire. Ce dernier voyage touche à sa fin. Nous étions là pour un p’tit voyage de rien du tout, cette nuit ce n’était pas sage dit la chanson. Qu’importe l’arrivée et ses secousses, ce passage dans la galaxie Zaho nous aura changé.es. Les bagages des maux qu’on porte sur nos épaules y auront été laissés. Nous n’en avons plus besoin. La symphonie elle restera à jamais en nous.

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