CMAT - Euro-Country (2025)
CMAT – Euro-Country (2025)

On l’attendait ce troisième album. CMAT revient enfin avec Euro-Country, un projet à la hauteur des précédents, si ce n’est supérieur. Deux ans après l’excellent Crazymad For Me, CMAT déclare ici son amour à son pays natal, l’Irlande. Plus irish que jamais, plus européenne aussi, elle signe un album-hommage à une célébration de l’Irlande sur la scène musicale mondiale : Éirinn go Brách!

tiocfaidh ár la : Le SaCRE DE CMAT 

Aujourd’hui, l’Irlande s’impose de plus en plus sur la scène musicale internationale. Il n’y a qu’à voir la dernière journée de Rock en Seine 2025 où l’Île Verte était à l’honneur. Il ne s’agit pas tant d’une multiplication d’artistes que d’un changement de regard : on leur accorde davantage de place, plus d’attention, plus d’intérêt. La langue irlandaise se réhabilite peu à peu. Selon une étude, les jeunes irlandais souhaitent de plus en plus apprendre (ou réapprendre) la véritable langue de leur pays; on parle du « Kneecap effect« . Avec son rap militant et abrasif, le trio a permis à toute une génération de redécouvrir leur culture sous un nouvel angle, plus moderne. Dans le monde, une langue indigène meurt tous les quarante jours et l’irlandais est probablement la première à connaître une telle recrudescence.

Car l’Irlande ne vient pas les mains vides : elle porte en son sein, un passé complexe, violent, traumatisant. Ce poids, il s’entend dans le cri de ses artistes et de sa jeunesse. Cette force s’est traduite dans l’art et c’est à ça que rend hommage CMAT dans Euro-Country : Un album riche, autant visuellement que symboliquement. Bravo à elle, comme d’habitude.

Lord, LEt that CMAT SUCCEED

C’est donc sans surprise que l’album s’ouvre sur une introduction en irlandais : « Billy Byrne From Ballybrack, The Leader Of The Pigeon Convoy ». L’hommage se prolonge aussitôt sur le morceau suivant, qui donne son titre au disque. Avec cet album, on l’a déjà dit, CMAT déclare à la fois son amour et son ironie mordante pour son pays : celui que les étrangers idéalisent à travers les réseaux sociaux, mais qui peut se révéler aussi gris et morose que n’importe quel autre un jour de pluie : « But then I think of the New York skyline, The West Cork of the Yankee eyeline… »

Sur « Euro-Country », le titre éponyme, CMAT observe son pays à travers le prisme d’une génération post-Celtic Tiger, après la crise économique des années 2000. Elle se reconnaît dans ce paysage abîmé, déconnectée de sa propre identité, mais cherchant à se réapproprier son histoire : « I never understood what this way of living could do to me // All the mooching ’round shops, and the lack of idеntity ». 

CMAT CMATING : Rires et larmes en équilibre

La force de CMAT réside dans son art du contraste. Elle a cette facilité déconcertante à allier pop culture avec le sentiment humain, parfois, le plus déchirant. Elle parle des blessures les plus profondes :  la dépendance affective, la dépression, le sentiment d’aliénation. Pourtant tout est toujours dit dans la bonne humeur, le rire dans la voix, le ton tongue-in-cheek. Et c’est toujours contagieux et colore même les confidences les plus douloureuses. CMAT sait nous faire pleurer et danser en même temps et ça se finit toujours sur un bon cri ou un bon rire. Et ce n’est pas donné à tout le monde : l’humour à l’écrit est sans doute l’une des formes les plus complexes à traduire. Pourtant, CMAT réussit l’exploit : elle nous regarde droit dans les yeux et balance ses vérités.

Dans Janis Joplining, elle se confie sur ses pulsions autodestructrices nées d’une attirance pour un homme marié. Ailleurs, elle s’autoproclame « the people’s mess, the Dunboyne Diana », figure tragique et grotesque à la fois. Ce mélange d’autofiction et de commentaire social fait toute la singularité de son écriture : en parlant d’elle-même avouant ses insécurités et ses doutes, CMAT finit toujours par nous parler à nous.

Mention spéciale pour le morceau « Take a Sexy Picture of Me » dans lequel CMAT pose un regard acerbe sur la vision masculine imposée au corps des femmes :

COUNTRY GIRL, I LOVE YOu

CMAT n’a pas peur, elle détourne les codes de la country américaine pour mieux les réancrer en Irlande, dans son quotidien de Dunboyne, banlieue de Dublin où « rien ne se passe ». Elle n’imite plus l’Amérique, elle invente sa propre mythologie. Elle offre une nouvelle image à ce genre aux valeurs parfois un peu… conservatrices. Elle ne signe pas seulement un disque personnel : elle propose un manifeste artistique. Le titre en dit long. Elle prend un genre codifié, ultra-américain, et le ramène en Europe, dans une Irlande à la fois héritière de ses blessures et actrice de sa renaissance. En tant que femme, irlandaise et bisexuelle, elle devient une figure moderne, nécessaire et profondément féministe.

Avec ce nouvel album, CMAT boucle un cycle et en démarre un nouveau. Elle qui rêvait de Nashville et de l’Amérique, « cowboy à la sauce irlandaise », revient à Dunboyne et revendique son identité : imparfaite, drôle, dramatique, excessive. Elle ne cherche plus à singer les idoles d’Outre-Atlantique ; elle invente sa propre légende, à la fois banlieusarde et universelle. Et dans ce grand écart, entre rire et tragédie, elle parvient à incarner quelque chose d’unique : une pop irlandaise, européenne, capable de résonner au-delà de ses frontières. Et nous, on a juste à profiter du voyage.


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