Et voilà déjà un an d’écoulé depuis le dernier MaMA Music & Convention ! Sans qu’on ne s’en rende compte, les saisons sont passées, et les feuilles sont de nouveau sur le sol. Ce fait acté rime avec rituels d’automne. Chaque année voit son calendrier se peupler d’évènements, chacun synonyme d’un temps précis. Immanquable, immuable. Octobre est le temps des découvertes et des courses endiablées dans le quartier de Pigalle. Nous voilà donc vestes sur les épaules pour affronter les premiers froids et faire le tour des salles et écouter le fleuron de la musique francophone, mais pas que. Suivez les guides !

De la douceur folk avec Augusta mama

Notre périple, sous forme de carte au trésors nous conduit d’abord aux Trois Baudets. Le lieu profite de cette soirée du jeudi pour mettre en avant les femmes du Metronome. Le Women Metronum Academy nous vient donc tout droit de Toulouse et compte bien jouer sur la diversité pour séduire. A pas de velours, la musique délicate d’Augusta s’invite à l’ouverture du bal. Seule derrière sa grande guitare la musicienne distille ses jolies notes folk. Le parcours des merveilles pourra bien s’arrêter un temps pour l’écouter. Après tout, l’instant est suspendu. Voix profonde et capacité de composition, en anglais, viennent d’emplir la pièce. On regrette toujours le gros poteau des Trois Baudets qui ne permet pas de pleinement profiter du spectacle. Parce que même si la scénographie est minimaliste, la chaleur qui se dégage de l’instant, elle, est contagieuse. Elle vient prendre chaque spectateur par la main pour l’inviter dans une intimité salvatrice. Pigalle est loin, seules les notes comptent et quelques plaisanteries sur scènes viennent à resserrer nos liens. Comparée à Laura Marlin et Joni Mitchell, Augusta a la beauté créatrice et la douceur des deux, une gamme rassurante en plus, la détresse en moins. Il y a du Sufjan Stevens dans ses compositions. Il faut pourtant reprendre notre route, le rituel nous attend, la chasse aux découvertes également.
Voilà donc que la carte aux trésors nous conduit jusqu’à la Machine du Moulin Rouge et plus précisément à la Chaufferie pour découvrir le set endiablé de Cannelle. Artiste à part à la personnalité singulière. Sa présence scénique frappe fort et son mélange des genres séduit immédiatement l’assistance, surtout grâce à ses textes qui vont droit au but. Un peu d’électro, un brin de sensualité, des références à « son boule », et un ton urbain. Ce petit brin d’épices est dans l’air du temps.
On a qu’à prolonger l’été avec The K’s mama
Mine de rien ce dernier passe vite et voilà donc qu’il faut monter les escaliers, après quelques pas sur la marelle posée là, pour se prendre un bain de musique anglosaxone. The K’s vient en effet de débuter son set sur les planche de la Machine. Groupe rock originaire du Royaume-Unis, les quatuor est venu défendre son deuxième opus paru en juillet 2025. On découvre un rock, certes convenu, mais aussi facile d’accès. Solaire et plein de bon humeur, le groupe publiait son deuxième album » Pretty On The Internet » au mois de juillet. Un condensé de titres pêchus au rock qui lorgne sur la pop à la sauce Good Neighbours, très en vogue en ce moment. Sur scène, le set souffre d’une configuration statique qui manque à insuffler le tonus des compositions. Pour autant et malgré une salle encore relativement peu remplie, l’instant plaisant fait facilement croire qu’on aurait volé à l’été quelques beaux rayons de soleil pour les placer face à nous.
Adès the planet, c’est le bruit de couloir de la journée. Nous parlions de rituels, de traditions. Il en est une évidente au MaMA, celle de se rendre dans une salle parce qu’un nom a été répété en boucle de part et d’autre des rues que nous traversons. Nous voilà donc à la Cigale. La musicienne est venue présenter son album tout juste publié : « Bâtarde sensible ». Un nom évocateur, tout comme le décors qui nous attend, peuplé de chaines. Rappeuse et productrice originaire d’Abidjan, elle crée immédiatement une atmosphère pensante, lourde de sens. Danse se mélange aux douleurs propulsés par une trap hypnotisante. Le cadre sombre donne lieu aux plus intenses des chorégraphies, plus qu’un spectacle, une expérience.
Vendredi, tout est permis mama
A peine le temps de prendre quelques heures de sommeil et nous voilà déjà de retour sur site pour l’ultime journée du MaMA 2025. Ce vendredi, intense promet son lot de coups de cœur et de surprises. Les rues sont bondées, l’approche du week-end donne au festival un second visage. De celui réservé aux pros et conférences pour les deux premières journées, le voilà plus largement peuplé de public pour son final.

Loin d’être une découverte, on retrouve rapidement l’élégance de Béesau sur les planches de la Cigale. Evidemment, son style musical dénote avec le reste de la programmation. Tout comme un certain Sofiane Pamart, le musicien prend un instrument classique, la trompette ici et un registre plus difficile d’accès au grand public, le jazz donc, pour le faire l’adresser à tous.tes. Le jazz peut effrayer, sembler s’adresser à un public expert et pourtant, il regorge de merveilles à découvrir. Rémy Béesau, de son véritable nom, lui ajoute du Hip hop, un brin d’électro et créé un son à la production soignée. Logique pour un producteur ! Il publiait récemment deux ops « Coco Charnelle » ‘part 1 et part 2″ et son nouveau single laisse présager le meilleur pour le suite. « Pas encore », de son petit nom ne pourra pas être interprété ce soir. Prévu en fin de set, le concert avait duré trop longtemps aux yeux de la salle qui devait fermer. A défaut néanmoins de prendre la route pour ce nouveau voyage, c’est un concert sensoriel, empli d’émotions et de beautés d’écriture qui est offert ce soir. Vécu comme un bœuf entre musiciens, composé et interprété avec talent, le spectacle permettra peut-être à certain.es de faire leurs premier pas dans le registre.

Ivre de plaisir avec Dressed Like Boy mama
Nous parlions de bruits de couloirs, certains sont plus tenaces que d’autres. Celui qui concernait Dressed Like Boys a passé la soirée à nos côtés. Il était donc impossible de ne pas prendre le temps de découvrir le nouveau prodige de la pop made in Belgium. Et, il faut admettre à nos sources qu’elles avaient raison, puisque le spectacle donné en ce vendredi soir aux Trois Baudets était le plus beau de ce MaMA 2025. D’entrée, le ton est donné alors que notre homme officie derrière son piano avec la grâce d’un certain Elton John à ses débuts. Grandiose et captivant sans avoir besoin de surjouer, le musicien à le voix de velours attire autant les sympathies qu’il captive.

Pas un bruit ne vient troubler le spectacle en configuration assise. On pourrait aisément comparer son timbre à celui de Mika, puisqu’il faut bien souvent parler d’autres artistes pour définir un univers. Ce ne serait pourtant qu’une infime évocation de l’univers onirique ici offert. Entouré d’un groupe majestueux, le musicien attire sur lui tous les regards alors qu’il offre des mélodies accrocheuses, entre la grandeur de Broadway et les plus belles des balades pop. On se surprend à chanter les refrains entre nos dents dès leur première écoute. Il en profite pour se réjouir de jouer dans la petite salle parisienne, où est passé comme il le rappelle Brel « le plus grands de tous les belges avec Tintin ou encore Gainsbourg ». On passera sur le terme salle mythique, sur-utilisé aujourd’hui et balancé à toutes les sauces dès qu’on dit l’Olympia, au point de rendre le mot en lui-même irritant. Le CBGB lui aussi était mythique avant de devenir une boutique de vêtements après tout, le temps n’épargne rien. Est-ce vrai ? Il épargne les souvenirs, les magnifie, les transcende. Et celui de ce live comptera parmi ceux qui se gravent dans nos mémoires. Le chanteur prend quelques gorgées de bière entre deux titres « Baudelaire disait qu’il faut toujours être ivre » lance-t-il, sourire aux lèvres. « Que les fins de journées d’automne sont pénétrantes ! » disait il également, » car il est de certaines sensations délicieuses dont le vague n’exclut pas l’intensité » ajoutait-il dans le « Confiteor de l’artiste ». Voilà des vers qui viennent à parfaitement décrire la performance de Dressed like boys, aussi pénétrante qu’intense. Le chanteur confie ensuite être un homme gay pour mieux introduire le titre « »Jaouad » », ode à la tolérance et à la douceur inébranlable qui réussit l’exploit de s’offrir quelques mots en français « J’aime sucer des bites toute la journée ». Chanté avec le virtuose d’une ballerine, sur la pointe des pieds. Tous les mots peuvent trouver de la beauté et résonner de bien des manières, tout dépend de leur contexte. Ici, ces paroles crues deviennent poésie, et se magnifient par leur effet de surprise. « L’étude du beau est un duel où l’artiste crie de frayeur avant d’être vaincu » à moins que Baudelaire n’aie tord et qu’il ne crie ses textes, avant de vaincre toutes les barrières pour mieux conquérir le cœur du public. Il faut toujours être ivre du bonheur de la découverte.

La soirée ne pouvait s’arrêter ici, il fallait au moins, avec de faire nos au revoirs à cette nouvelle édition, et de craindre le début de l’hiver faire un dernier tour sur les planches de la Machine du Moulin Rouge où la soirée se prolongera la nuit durant.

Je suis même pas désolée (brRRaaa) mama
Il est aujourd’hui difficile d’émettre une critique négative. Il faudrait toujours trouver du bon en toute chose. L’idée même qu’une critique existe, surtout placée au rang de métier vaut toutes les moqueries et tous les rejets. Tout serait également de même qualité : un repas dans un restaurant étoilé et un sandwich triangle auraient-ils la même saveur ? On peut tout aimer évidemment, c’est un droit, mais il existe des critères pour juger de compositions et placer des mots dessus. Ce long préambule sert surtout à s’octroyer le droit de s’interroger quand à la performance de Doc OVG. Le rap français, actuel qui plus est, regorge de très belles découvertes, bien écrites et composées. D’autres, parce que le courant est à la mode, se permettent de surfer sur des clichés datés, sans originalités et irritants. La même chose existe dans le rock, les langues tirées, les bandanas et maquillages à outrances. Du rock à papa démodé. Eh bien , Doc OVG, trio en avant-scène, doudoune sur les épaules et masque sur le visage pour se donner l’air méchant joue de ces mêmes codes désuets pour créer un live au mieux ridicule. Les crew de rappeurs laissent souvent pantois. Ils s’invitent sur scène pour ne rien y faire. Cette fois-ci la chose est flagrante : on a un rappeur qui donc rappe (avec un ton agressif), son pote qui balance de manière aléatoire des « wowww » ou des « brrraaa », comme ça lui prend on est à ça d’entendre les faux bruits de mitraillettes. Ne vont-ils rien nous épargner ? Non, rien puisqu’on a même le droit au pote gênant qui arpente la scène d’un bout à l’autre en regardant le vide et dab parfois, quand même. Ce chorégraphe de folie, agite quelques fois ses bras quand même, pose un pied devant l’autre puis un autre. Grosse performance ! Le résultat est sur-vu et laisse hermétique. A moins qu’on en profite pour en rire. Wowww !

Mélanger les genres, faire tourner les têtes mama

Heureusement la critique sert aussi, surtout, la plupart du temps on l’espère, à donner des conseils, mettre en lumière des projets puissants, à suivre. Nous terminerons ainsi celle-ci pour vous inviter à écouter Sami Galbi qui offrait un set époustouflant à la Chaufferie ce soir-là. Le multi-instrumentiste et producteur helvético-marocain bluffe par sa capacité et mélanger les registres pour les rendre précis et puissants. Les percussions, puissantes sont à largement saluer. Entre raï, chaâbi, urbain, électro, dance, le musicien fait tourner les têtes et excelle. La modernité ultime vient de cette capacité à reprendre un héritage musical établie et à la confronter à des façons de composer plus actuels. Ici, l’essai se transforme en prouesse. En trans, en danse, en sueur, la salle de la Chaufferie a rarement aussi bien porté son nom. Plus que quelques petits pas avant de quitter cette nouvelle édition du MaMA. Il faudra passer ensuite une nouvelle année, ses joies, ses peines et ses rituels, avant de retrouver celui-ci, si cher à nos cœurs.

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