Il suffit d’un regard sur sa pochette pour se laisser convaincre par « Virgin ». Le nouveau Lorde s’était pourtant fait attendre. Quatre ans s’étaient écoulés depuis son dernier album contesté, le folk « Solar Power » sorti en 2021. Une volonté de changement trop grande qui n’avait pas autant séduit qu’escompté. Pourtant dans le paysage actuel, Lorde fait, et de loin, partie de ce que la pop a de meilleur à offrir. Et ce retour aux sources, porté qui plus est par une redéfinition de sa féminité avec une maturité assumée est tout simplement une prouesse qui se dévore crue.
Ella Yelich-O’Connor, de son véritable nom, sait autant se réinventer qu’elle porte sa marque de fabrique. Celle-là même qui vaut à « Melodrama » (2017) la réputation d’être l’un des meilleurs albums jamais composés.Un bruit de couloir hautement mérité il faut l’admettre, l’entrée en matière sur « Green Light » touchait la perfection. Et sur « Virgin », une certaine ressemblance avec ce joyau est souvent pointé du doigt. Lorde se répèterait-elle ? Point du tout. Si « Melodrama » prenait en ampleur et savait définir un style rythmique propre à la chanteuse, chaque album profite de sa part de différences. Si la question m’était posée (et elle l’est en partie) je répondrai que « Pure Heroine » est le chef d’œuvre ultime de Lorde. Sa capacité à créer des tubes qui serrent les cœurs tout en gardant une véritable lumière pop touchait au divin. Lorde méritait le clin d’œil à l’aristocratie de son nom dès son premier single « Royals ». L’album qui le contient profite de compositions sublimes, profondément indémodables de « Buzzcut Season » à « Team ». S’il est de coutume de parler des pop stars en les couronnant reines, elle mérite amplement son appartenance à la royauté. Alors, avec « Virgin » quelle évolution ?
« Virgin » : Immaculée création
Le premier single divulgué de « Virgin », « What was that » emprunte, il est vrai, une certaine manière de créer que l’on pouvait retrouver sur « Melodrama ». Pour autant, il est aussi l’une des plus grandes réussites de l’opus. Déjà parce qu’il jouit d’une modernité rare. Difficile de ne pas penser à « brat » de Charli XCX en l’écoutant. Il faut dire que Lorde posait sa voix sur « Girl, so confusing », un titre qui colle clairement à la peau de son image féministe, construite, sincère. Là encore, la pop prend un son qui pourrait bien traverser les saisons pour définir un mode de vie qui va bien au delà d’un été chaud. C’est par ce morceau d’ailleurs qu’elle annonçait la sortie de son nouvel album en tentant un happening surprise à New-York mais face à un public venu trop nombreux, ce dernier se vu interdire par les autorités. Faute d’évènement restera ce refrain. Une claque.

A mi-chemin entre Charli XCX et Billie Eilish, notre musicienne se constitue toujours une place à part, un peu hybride. Loin de jouer de l’image traditionnelle de la pop star elle ne semble ,que se soit musicalement ou dans son personnage public, jamais jouer de jeu. Elle serait en quelque sorte l’icône sans les artifices du marketing et en ça son parcours pousse toujours au plus grande respect. Sur « Virgin », la chanteuse cherche donc nous le disions plus haut, à offrir une image neuve de sa féminité, elle aussi émancipée des codes qu’impose la société. Et ça se voit dès sa pochette, rayon X de son bassin sur laquelle on voit une fermeture éclair et son stérilet. Une image forte, qui en dit déjà long.
Lorde, pleine de grâce
C’est un album plutôt court qui nous est ici réservé. Seulement 34 minutes pour quelques 11 titres chaudement servis. C’est aussi et surtout parce que Lorde va droit au but et ne perd pas de temps sur ses morceaux. L’entrée en matière sur « Hammer » et sa jolie gamme électro en est d’ailleurs la preuve ultime, lui qui de plus, parle de son ovulation. C’est pourtant un point de départ banale qui vaut à l’album sa création : une rupture amoureuse. Quand on sait créer, on sait aussi écrire. Peine de cœur ou pas, Lorde en profite pour questionner l’identité de genre. « Man of the year » est ainsi un ras-de-marée émotionnel dont la précision d’écriture et de production bouleverse au plus haut point. La question du genre elle se l’applique à elle-même et interroge dans son clip où on la retrouve les seins compressés et cachés par du scotch.
Cette chanson lui a permis de prendre pleinement conscience de ces questions, de les assumer. Elle raconte d’ailleurs sans tabous qu’elle a été écrite alors qu’elle avait arrêté de prendre un contraceptif pour la première fois depuis son adolescence. La meilleure des drogues selon elle. Se sentant rayer de la carte de la féminité ou du moins de ce qu’on lui impose, elle pouvait être plus libre que jamais. Et ainsi, créer un album qui va aborder ces thématiques avec élégance et sa sincérité habituelle.
Sainte Lorde et l’honnêteté radicale
Et c’est elle aussi que l’on retrouve dans ses mélodies dépouillées d’artifices où l’électro pop domine en maître. « Favourite daughter » fait danser mais porte lui aussi une belle part de mélancolie. C’est elle qui domine « Clearblue » écrit comme une confidence et qui s’avère être l’un des plus beaux morceaux de l’album. Aussi cru qu’elle peut l’être sur toute cette galette, elle y évoque la peur de la maternité après un rapport non protégé. Si la rupture était le point de départ de notre histoire, Lorde multiplie les thèmes, les troubles les douleurs : de la haine de soi aux troubles alimentaires, se sont ces souffrances qui nourrissent une pop si viscérale. « GRWM » est un retour bien plus chaleureux dans l’opus en terme de gammes. Là encore et comme sur « Royals », Lorde explore sa capacité à casser des rythmiques, à les parfaire.Un synthétiseur donne le ton de la plupart des morceaux qui portent tous sa voix aux nus. Journal intime en musique, déchirant d’honnêteté, simple comme une discussion à cœur ouvert, « Virgin » est un voyage dans lequel il est facile de se reconnaître. Si Sabrina Carpenter joue la petite chose mignonne mais sexy, si Charli est la party girl et Taylor la girl next door, Lorde n’est rien de tout ça. Elle est tous nos doutes et imperfections, elle est elle-même en public comme il est impossible de l’être pour nous toutes. Et c’est forcément encore plus le cas pour une personnalité pop. Une icône est née, que son règne vienne, elle qui était vierge de tout mensonge. Amen.
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