Emily in Paris a débarqué dans nos vies voilà déjà 4 saisons. Série doudou, plaisir coupable par excellence, le show de Darren Starr avec en vedette Lily Collins séduit en masse. En cause, des intrigues légères qu’il est bon de retrouver, un Paris idéalisé malgré des français ronchons, des acteurs et actrices sublimes, des tenues extravagantes, un humour simple, une absence totale de prise de tête et la certitude que tout ira toujours bien. La série diffusée sur Netflix a pour but de créer un décalage complet entre l’américaine Emily et la France, pluri-représentée, dans laquelle elle souhaite s’intégrer. Si le papa de Sex & the City nous a habitué a des propos franchement novateurs (pour leur époque) et à oser aborder des questions tabous pour une Amérique souvent prude (au mieux), son nouveau concept n’apporte rien en terme de révolution des mœurs. Mais il dit bien quelque chose d’un décalage entre les États-Unis et la France et une vision du monde qui finalement se divise plus qu’on ne le pense. Ce n’est pas parce que c’est léger et cliché qu’il n’y rien d’intéressant à en sortir. D’autant plus aujourd’hui avec une Amérique Trumpiste qui menace de pointer à nouveau le bout de son vilain nez. Petit florilège de thématiques abordées qui ont plus de sens qu’il n’y parait.
Attention l’article contient des spoilers, ne le lis pas si tu n’as pas regardé le partie 1 de la saison 4 !
Emily in le rêve parisien
Camille, son bébé qu’il faut garder
Mettons tout de suite les pieds dans le plat. A la fin de la saison 3, les drames et mélos allaient bon train pour notre plus grand plaisir. Camille, enceinte, devait épouser Gabriel mais annule son mariage en dernière minute en accusant son fiancé et Emily d’avoir des sentiments amoureux l’un pour l’autre. Elle s’enfuit alors, toujours enceinte donc, et disparait sans dire à ses proches où elle se trouve. Et c’est ce bébé qui va d’office opposer deux visions et changer du récit souvent proposé par les séries américaines. L’avortement en France est entré dans la constitution, si son existence pourra toujours être remise en cause, qu’il faudra savoir rester vigilent.e parce qu’on ne sait pas de quoi demain est fait, l’anti-avortement ici, bien qu’existant est plutôt minime. C’est loin d’être le cas Outre-Atlantique. Le puritanisme religieux force à convaincre qu’y avoir recours est un crime. Ça l’est d’ailleurs au Texas où il est interdit. Ce droit fondamentale est également menacé au Wyoming, dans l’Ohio et au Montana. Et ça se sent dans les séries et films américains qui l’évoquent bien peu quand il s’agit d’un spectacle proposé au grand public. Dans Emily in Paris l’idée que Camille ne souhaite pas garder le bébé suite à sa rupture n’est de prime abord pas évoquée. Evidemment, être une mère célibataire est tout à fait envisageable comme le fait de concevoir un enfant loin du couple traditionnel (hétéronormé et non). Mais l’idée que la vie du personnage soit bouleversée et son envie ou non de maternité doit être mise en scène. Il le sera finalement au cours d’un café pris entre Emily et des amies de Camille lorsque l’une lui lance qu’elle aurait très bien pu y avoir recours, on est en France ici. Au-delà des clichés c’est là la véritable confrontation entre le personnage principal et une Europe dont la liberté n’est pas que celle de l’American dream qui a subit un sérieux coup ces dernières années. Et, il faut l’avouer, cette petite piqure de rappel sans rien enlever à la légèreté de la série est toujours bonne à prendre. Même si le reste est très timide et que pour se débarrasser de l’intrigue d’un bébé qui pourrait contrarier la suite du scénario, à savoir une grossesse qui n’a jamais existé, doit ravir le public américain.
Sylvie, femme mature au couple libre
Le personnage le plus intéressant d’Emily in Paris, le meilleur, le mieux écrit, c’est évidemment Sylvie (Philippine Leroy-Beaulieu) , la patronne d’Emily. C’est un fait acté, on peut toujours argumenter mais ce serait pour dire des bêtises. Elle représente à elle seule une image de la française accomplie, belle et forte, telle que vue, il va s’en dire, dans le fantasme collectif américain. Mais elle incarne également à elle seule une vision de l’âge très différente de celle de l’Amérique. Déjà parce qu’elle est loin du cliché de la beauté gardée par la chirurgie esthétique mais aussi parce que sa maturité fait d’elle une femme qui s’impose et dont le travail est reconnu. Certes, on pourrait évoquer Le Diable s’habille en Prada comme contre exemple mais on est loin de Sylvie et son couple libre. Pour rappel le personnage de Maryl Streep, lui peinait à maintenir son couple avec la pression de son travail. C’est encore plus vrai que cette saison, Sylvie dénonce le harcèlement sexuel de son ancien collègue à la une du Monde. La différence entre Emily et elle est sans cesse évoquée. Notamment lorsque la question du « grey area » d’Emily est le sujet d’un épisode entier dans la saison 4. Sylvie lui dit même qu’elle ne pensait pas la voir la rejoindre dans cette zone trouble. Trouble pour Emily c’est en réalité avoir eu des rapports sexuels sur le toit de son immeuble avec son compagnon. Un peu hypocrite quand même quand on pense que la même Emily couchait avec le frère – mineur- de son amie quelques saisons plus tôt, mais passons. Si on pense à Sylvie comme à une image enjolivée de la parisienne, elle ne questionne pas moins le rapport au corps de beaucoup d’actrices américaines qui s’infligent bien des traitements chirurgicaux pour garder une jeunesse elle aussi fantasmée. Certes Sylvie est une très belle femme mais sa beauté n’est pas artificielle. Le culte de l’apparence est différent et il s’agit moins du paraitre que de l’être. Et cette manière d’être c’est aussi celle d’une femme qui assume sa sexualité sans jamais qu’elle ne soit remise en cause ou évoquer face à son âge. Et la sexualité, on le sait est l’ultime tabou américain.
le couple, les couples
Si l’on se base sur une vision globale et par raccourcis, l’image des français.es c’est aussi celle des couples libres, des couples sortant des cases pré-déterminées. Bien sûr l’idée de sortir du couple hétéronormé il fait son chemin dans de nombreux pays pour qu’on puisse s’en éloigner le plus possible. Mais l’image de vies qui ne rentrent pas dans les normes du traditionnel mariage, bébé, se fait particulièrement voir cette saison. Difficile de ne pas penser à Camille, Sofia et Gabriel. Camille qui retrouve l’amour auprès de Sofia, l’occasion d’offrir à la série un couple LGBT+ à l’écran et une vie à plusieurs avec un futur bébé au milieu. C’est le traitement de cette intrigue qui joue le plus sur plusieurs tableaux. Celui, intéressant de Gabriel, heureux de devenir père et qui veut le bien de son ex compagne sans lui demander d’être pour autant avec lui. Mais qui va vite s’arrêter à une vision bien plus normée. Alors que les 3 vivent ensemble Gabriel et Emily iront les dénoncer à la gardienne pour mettre un terme à ce ménage à trois, qui, de plus n’en est pas un. Tout finit bien puisque de toute façon Camille trouvera un logement juste en face de chez son ex. Mais scénaristiquement l’aisance d’une famille à part va vite se retrouvée pointée du doigt. On peut quand même se réjouir d’une représentation queer qui passe par plusieurs personnages et mises à l’image, du défilé de costume-penis -et son occasion de donner un tacle au harcèlement sexuel et abus d’influence – au couple Camille / Sofia ou encore le personnage de Julien (Samuel Arnold). Et aux États-Unis, cette vision là, elle divise. Une partie des USA, majoritairement celle des grandes villes est on ne peut plus progressiste sur le sujet. Mais là encore certains états régressent sur le sujet au nom d’une liberté d’expression qui tient plus de la liberté de discriminer et d’attaquer que d’autres choses. Avec, encore et toujours, le Texas en tête de liste qui tentait en 2022 de faire revenir l’immonde « sodomy law ». Enfin le couple de Mindy permet de questionner la place de la femme, de parler slut shaming et l’héritage parental.
EMILY IN le PARIS des JO
Le sujet des Jeux Olympiques de Paris n’est pas du tout évoquée dans la série. Néanmoins, on peut faire un rapide parallèle entre l’image de Paris qui s’est dégagée durant dans la période des jeux et celle de la série. On y voyait dès la cérémonie d’ouverture Lady Gag reprenant Mon truc en plume de Zizi Jeanmaire dans une version cabaret très théâtrale faisant d’office le pont entre Paris et l’entertainement américain. Cette même cérémonie a été censurée sur plusieurs chaînes de télévisions américaines notamment lors du tableau de Philippe Katherine et de sa représentation dénudée. Et évidemment l’Amérique puritaine et très catholique s’est sentie attaquée par la forte représentation queer d’au moins un des tableaux de la cérémonie (celui du défilé de mode évidemment). Emily in Paris et la cérémonie participent l’un comme l’autre à donner une image d’une France magique et des sublimes décors de sa capitale mais aussi à traiter en s’adressant au plus large public possible de sujets actuels. Et de faire de Paris un lieu où tout le monde a le droit de s’affirmer, d’exister. N’en déplaise à certains, l’image du trouple (clin d’œil à Jules et Jim), du presque quad (mais pas vraiment dans la série) sont encrés dans l’imaginaire collectif quand on pense à la France. Celle d’un pays plus libre que celui qui se revendique de toutes les libertés. Il l’a été et, on espère, saura encore l’être dans les années à venir. D’ici là, Emily pourra bien rester à Paris pour apporter avec légèreté ses messages au Monde entier tout en continuant à prendre toutes les plus mauvaises décisions possibles concernant sa vie romantique et son travail. Et nous, on a hâte de la retrouver pour la seconde moitié de la saison 4 !
Netflix diffusera la deuxième partie d’Emily in Paris à compter du 12 septembre.
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