C’est un véritable moment de grâce qu’a offert Adrianne Lenker en ce 2 mai, face à un Trianon de Paris plongé dans un silence religieux. Une expérience intime, puissante et bouleversante portée par la voix inimitable de la chanteuse de Big Thief. Venue défendre son dernier album solo, « Bright Future », elle a touché chaque membre de l’audience sans aucun artifice. Nous avons eu la chance d’y assister, on vous raconte.
Adrianne Lenker : radiographie sentimentale
Il pleut des cordes en ce mois deuxième jour du mois de mai. La grisaille est présente, partout et les esprits se languissent de voir le printemps enfin pointer le bout de son nez. Un espoir vain dans les ténèbres qui ne veulent pas laisser leurs places à la lumière. Heureusement pour les fans d’Adrianne Lenker, l’incroyable prodige sait toujours faire jaillir un rayon de soleil à travers l’halo de douceur qu’est sa musique. Calme oui, mais jamais – ou presque -triste. La voilà qui se présente donc, en solo, guitare à la main et assise dès 20 heures 30 ce soir. A peine entre-t-elle sur scène sur « The Only Place », emprunté au dernier né de Big Thief (Dragon new warm montain I believe in you) que le silence complet envahi la salle. Les yeux rivés sur elle, les esprits focalisés sur l’incroyable beauté qui se dégage des premières notes. Lors de son dernier passage parisien, la chanteuse avait joué deux dates d’affilée avec son groupe, non loin de là, à la Cigale. L’absence de Buck Meek sur le premier show, dont le vol avait était retardé, avait mis la musicienne à mal. Timidité peut-être, peur de devoir jouer pour deux guitares, ne l’avaient pas empêcher de réaliser, comme toujours, des prouesses. Mais il était évident que cette absence venait toucher à son aisance. Serait-ce la même en solo ? Point du tout. La voilà heureuse d’être là, communiquant volontiers avec son audience et s’osant à quelques mots de français. Chez Adrianne Lenker, tout n’est que grâce et délicatesse. Des cordes de guitare qu’elle gratte doucement à sa façon de s’adresser à l’audience. La proximité se fait sentir, l’impression de dialoguer avec une amie peut-être, d’être seul.e dans la salle au milieu de la foule d’un concert pourtant complet. La bienveillance de Big Thief, sa façon de penser ses projets avec ses ami.es, de faire de son art un tout, une pièce collective, qu’elle soit ou non jouée en solo, participe sûrement au sentiment d’union qui plane ce soir.
Au creux d’un Song(e)s
Et puis, il faut le dire, la setlist est grandiose. « My angel » tout droit sorti de l’immense album qu’est « Songs » retentit en seconde position. Il ne faut pas attendre longtemps pour entendre « Simulation Swarm », extrait du dernier album de Big Thief. Le titre, l’un des meilleurs, était celui qui avait retenu toutes les (mon) attentions lors de la première écoute du long opus. Il est de ces chansons qui deviennent des obsessions et peuplent chaque jour vos humeurs, vos relations, comme l’imagerie la plus précise de vos émotions. Une radiographie sentimentale en somme. Et donc évidemment dans sa version solo, acoustique, il prend encore plus d’ampleur. « I wanna drop my arms and take your arms » dit la chanson et quelques part, le public entièrement désarmé, se laisse porté par les bras d’Adrianne Lenker. Il faut profiter de l’instant, dans son ephémérité à l’heure où le streaming nous permet de tout ré écouter sans limite, cette version, elle, n’existera qu’en cet instant parfait. La première partie du set se joue entièrement en solo, toujours derrière sa guitare, et habillée d’une lumière blanche. Il faut saluer d’ailleurs l’incroyable travail qui a été fait sur le son ce soir, qui est à proprement parlé parfait. Merci aux ingénieurs pour le soin minutieux qu’ils y ont porté! « Born for Loving you » suit, la lettre d’amour d’Adrianne à sa compagne, dernier single en date de Big Thief, sorti hors album. Et puis à peine quelques titres plus tard, voilà que le plus grand moment de la soirée se fait entendre alors que résonnent les premières notes d' »Ingydar ». L’instant est si beau qu’il amène à se questionner : comment quelques chose d’abstrait comme la musique, qui entre dans la tête via les oreille peut à ce point faire frissonner ? Le titre balaye tout sur son passage, emplit les yeux de larmes. Il entame une concurrence déloyale avec tous les autres moment où l’art croisera votre vie, ce sera un défit de faire mieux.
L’amitié comme un cadeau
L’album « Bright Future » n’a pas été écrit par une seule personne. Evidemment, comme toujours, il est le résultat d’un moment entre ami.es. Il n’avait d’ailleurs pas la vocation de forcément devenir une sortie officielle, mais devant sa réalisation, la chanteuse a décidé de le dévoiler au monde. Alors, il était évident qu’Adrianne Lenker ne pouvait pas se présenter entièrement seule sur scène. Elle invite donc ses ami.es, dont Nick Hakim qui faisait aussi sa première partie, à l’accompagner au piano et au violon. L’occasion de mettre en lumière son nouvel opus. C’est une belle chose qu’elle aie utiliser le mot « Bright » dans son titre, est-il facile de songer en écoutant « Real House », parce que c’est certainement le mot qui définit le mieux sa musique. « Free Treasure » suit en toute logique et « Zombie Girl » permet de faire un nouveau crochet sur « Song ». Puis Adrianne délaisse temporairement sa guitare pour le piano. Elle y interprète sur la pointe des pieds le bouleversant « Evol » dans un moment de grâce inoubliable. Histoire de sécher les larmes qui ruissellent maintenant, la chanteuse prend la parole et explique que le piano et le violon sont ses instruments favoris, ajoutant que la guitare et la voix, qu’elle pratique depuis si longtemps ne lui semblent même plus être des instruments. Ses cheveux bruns ont repoussé, il tombent sur ses yeux, les repoussant en soufflant dessus sans succès elle s’amuse à dire qu’ils sont comme ses lunettes de soleil. « Not a lot, just forever », issu de « Songs » apporte une nouvelle note de bien-être à l’instant. Son titre colle parfaitement avec un voeu pieux que l’on fait dans un murmure, le concert pourrait seulement durer pour toujours ….Quelques titres plus tard, voilà que l’un des singles de « Bright Future » pointe le bout de son nez « Sadness as a gift ». Toujours beau, jamais triste, sa discographie est peuplé de cette idée de transcender les douleurs pour en tirer de la grandeur. Mais rien ne dure pour toujours, il faudra se dire au revoir sur « Anything ». Il faut se plonger une dernière fois dans cette voix de soie, s’en imprégner pleinement. Le piano et la guitare s’emballent, se font jeu plus que mélodies, un peu comme lorsque les chatons jouent du piano dans les Aristochats. Eh puis, ici c’est Paris, après tout. Les musiciens saluent humblement le foule qui applaudit à s’en rompre le coeur. Un dernier espoir peut-être ? Adrianne Lenker accepte d’offrir un cadeau à son public parisien avant de partir, cette fois pour de bon. Derrière sa guitare, en solo, elle interprète pour la toute première fois en live « Ruined », le titre qui avait dévoilé son dernier jet. La rupture avec ce moment suspendu, quand les lumières se rallument, est presque violent tant il dénote avec l’euphorie vécue. Le lendemain matin, la capitale profitera d’un rayon de soleil. Adrianne Lenker aura sûrement chassé les nuages, alors que le souvenir de son concert lui se gardera précieusement au creux du coeur, comme lorsque l’on s’éveille d’un merveilleux songe.
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