Pour sa onzième édition, le Champs-Élysées Film Festival s’est montré particulièrement horrifique. Ari Aster, invité d’honneur et petit génie du cinéma d’horreur contemporain, est venu pour une Masterclass le samedi 25 juin dernier dans la Salle 1 du Balzac. Il explique son rapport à l’esthétisme excessif et marqué dans ses films qui prévaut souvent sur le réalisme et surtout, qu’il ne parvient pas à faire des films courts.
Pourquoi Hereditary, c’est bien?
Attention Spoilers- Hereditary est le premier long-métrage d’Ari Aster, sorti en 2018. Pour le décrire en quelques mots : à la suite de la mort de la grand-mère maternelle, une famille est frappée par de nombreuses tragédies (démoniaques pour la plupart). Si le pitch semble correspondre à un schéma de film d’horreur assez classique, le déroulé de celui-ci le place parmi les long-métrages les plus ambitieux de ces dernières années.
En effet, Hereditary, c’est plus qu’un film d’horreur où démons et sorcières se disputent le corps d’un ado, c’est avant tout un drame familial. Celle de la perte de la grand-mère un tantinet excentrique et plus tard de la fille de 13 ans, Charlie (Milly Shapiro). Contrairement à ce que l’on peut traditionnellement voir dans une grande partie du cinéma de genre, la mort n’y est pas associée au « fun » ou simples sensations fortes. Non, elle est froide et prend aux tripes. Comme la réalisation de l’immense Monsieur Aster qui arrive l’exploit de traiter quelques scènes grand guignolesques en dernière partie de pellicule de façon sobre et à faire frissonner. Comme « Conjuring » avant lieu, le film joue sur des codes connus pour mieux créer la surprise et l’effroi. A commencer par une scène particulièrement viscérale en milieu de métrage qui restera dans les esprits bien après son visionnage. Le poids de l’héritage familiale y est particulièrement exploité, comme la perte et ce qu’elle engendre. Aster y pose des plans longs et lents. Posant quelque part les bases de son futur Midsommar, qui lui aussi explorera le drame de la perte dans la famille.
Pourquoi Midsommar, c’est excellent?
Midsommar est le deuxième long (très long) métrage du réalisateur. Lundi 27 Juin dernier, le film a été projeté dans la grande salle du Balzac, là où la Masterclass avait eu lieu, deux jours avant. À 20h, Ari Aster monte sur scène pour présenter le film, qui est une « version longue » mais pas si longue que ça à son goût, puisqu’il aurait aimé en faire une de 4h. M’enfin, 2h50 c’est déjà bien.
Comme pour Hérédité, le début du film paraît au premier abord, suivre un schéma classique. Dani (incarnée magnifiquement par Florence Pugh) perd sa famille dans des conditions horribles. Son mec, Christian (Jack Reynor) veut la quitter mais ne sait pas trop comment s’y prendre, parce que vraiment, il se passe toujours un truc quoi. En plus, lui et ses potes (Will Poulter, William Jackson Harper) avaient prévu ce SUPER voyage en Suède, à Harga, la communauté de Pelle (Vilhelm Blomgren). Et dans la tête d’un mec, vous savez ce que l’on y dit du mythe de la Scandinave. Passons. Le spectateur calé en film d’horreur arbore son sourire le plus assuré en s’installant bien confortablement dans son fauteuil : ça va être une bonne séance.
Lors de l’arrivée en Suède des personnages, le contraste avec le début du film est frappant. Les couleurs vives sont saisissantes et donneraient presque envie à nous autres, citadins (même si on a quand même Paris Plage et le parc Monceau), de s’évader pour un petit week-end en pleine nature. Jusqu’à ce que les cérémonies commencent…
Car ce qui est frappant dans ce film, c’est qu’Ari Aster a réussi l’exploit de créer un film aussi visuellement et esthétiquement subjuguant en terme de couleurs en y apposant un sujet aussi sombre et glauque. S’il nous (citoyens francophones) arrive de dire que « ce qui se ressemble s’assemble », on a également tendance à dire que « les opposés s’attirent ». Et c’est exactement ce qu’il se passe dans ce film. Le fond épouse la forme de manière presque contradictoire, créant un chef-d’oeuvre du cinéma d’horreur psychologique.
C’est vrai ça, un film d’horreur garni d’aussi belles fleurs, d’aussi belles filles et d’aussi beaux garçons dans un pays où il ne fait presque jamais nuit en été, ça fait plus sourire que frémir. Et pourtant, voilà qu’on se retrouve avec des nausées (pour les plus sensibles), des frissons et les main serrées entre les cuisses en se pliant en deux de dégout. Il faut se l’avouer, c’est une prouesse.
Mais Midsommar, ce n’est pas qu’un film d’épouvante chamarré. C’est également une petite satire des moeurs américaines, d’un American Gaze tourné au ridicule.
Si Dani semble très rapidement charmée par les festivités (malgré un petit choc lors de la première cérémonie qui est justifié), Christian, Mark et Josh se montrent peu compréhensifs face à la culture de la secte. Bon, après ça reste une secte. Mais quand Christian et Josh veulent tous deux rédiger leur thèse sur les coutumes de Harga, la paire semble davantage se disputer sur l’exclusivité du sujet que sur la célébration de la culture en elle-même. Je répète que ça reste quand même une secte.
Et quand Josh, après ne pas avoir respecté le souhait des anciens de ne pas prendre de photos du livre sacré (déjà, ça promet) disparait mystérieusement, Christian n’hésite pas une seconde, lorsqu’interrogé, à se désolidariser de son pote, en assurant que vraiment, ils ne se connaissent qu’à peine. Le buzz et l’exclusivité avant tout, curiosité mal placée qui te courra à ta perte.
Uniquement Dani, esseulée et en deuil, trouvera un vrai sentiment d’appartenance au sein de cette communauté. Elle est le personnage le plus vulnérable, la plus susceptible de se faire alpaguer. C’est ce que Pelle doit voir en elle, quand il la regarde avec intensité en lui montrant la May Queen de l’année précédente, alors qu’ils sont encore aux États-Unis. La beauté du décors fait échos à la souffrance d’une héroïne maltraitée qui en appartenant à un tout finit par devenir le décors.
Là encore, le poids du deuil est également présent. Une scène en particulier vient troubler les esprits. En début de pellicule, Dani en larmes cherche le réconfort dans les bras de Christian. En vain, aucune empathie ne vient profondément troubler le tableau. Son besoin de trouver une appartenance à un groupe, à perdre sa solitude vient pourtant trouver écho dans la communauté sectaire d’Harga alors qu’une nouvelle fois trahie esseulée, ses cris sont soutenus par ceux des femmes qui la composent.
Souvent mis en lumière lorsque le film est traité, la relation toxique dans laquelle s’est perdue Dani fait partie des points important à souligner. Elle est le catalyseur du récit, le fil rouge d’une héroïne qui ira se perdre dans une autre forme de toxicité. Midsommar est un récit aussi visuel que glaçant, aussi beau qu’intense, aussi puissant qu’à fleur de peau. Une œuvre à découvrir absolument en attendant son prochain métrage qu’il promet encore long et probablement puissant.
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