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Like a Rolling Stone

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Titre culte parmi les titres les plus cultes, monument de la musique, « Like a Rolling Stone » de Bob Dylan est un incontournable. Souvent associé à tord à une jolie chanson d’amour un poil déprimée, son histoire est bien plus complexe. Sa présence sur l’album « Cat Power sings Dylan » est une occasion comme une autre d’en profiter pour fouiller l’histoire de ce morceau et d’en parler ensemble.

bob_dylan-like_a_rolling_stoneHow Does it Feel … to change the music forever ?

Au printemps 1965, Bob Dylan rentre d’une longue et épuisante tournée en Angleterre. Il écrit alors un long texte dont seule une partie sera utilisée pour le morceau. Le titre, qui sortira en 45 tours, est enregistré en deux jours seulement, les 15 et 16 juin 1965 lors d’une session consacrée au Highway 61 Revisited. Le morceau durant plus de 6 minutes, Columbia Records,  sa maisons de disques, refuse d’abord de le sortir. Il faudra dans un premier temps qu’un club new-yorkais s’intéresse au morceau, puis que les auditeurs.trices des radios fassent une demande répétée de diffusion pour qu’il devienne enfin un single. La culture underground et populaire ont toujours raison, le morceau se hisse rapidement à la seconde place du classement du Billbord avant de partir à la conquête du Monde.

Like a Rolling Stone : Un peu de contexte

Plus que la success story qui fait sens, le plus important reste de se consacrer à l’histoire réelle de l’écriture du morceau. Nous le disions, nous sommes en 1965 et Bob Dylan, lui, est épuisé.  Les attentes du public, la direction que prend sa carrière, tout ça est difficile à gérer. Pire, le chanteur déprime. Tout le succès lui semble gris, terne, d’un ennui impossible à gérer.  Et puis les critiques et le public définissent sa musique pour lui, en l’excluant de ce processus. Il est sur le point de tout arrêter, c’est ce qu’il confie, plus tard, en 1966, à Playboy. Il ne chante plus, ne joue plus mais écrit beaucoup. La voilà qui écrit un long texte, entre dix et vingt pages qu’il « vomit » selon ses dires, d’un seul bloc.  Un fois le texte terminé, en faire un single lui parait être la chose la plus logique du Monde, c’est une révélation totale. L’envie d’écrire un roman disparait d’un coup, la musique le rappelle à elle. Dylan veut écrire des morceaux, personne ne faisait plus ce genre de choses, vraiment se consacrer à l’écriture des paroles d’un titre et pas pour en faire des poèmes ou des sonnets.  Il faut dire que ce texte, loin d’être un joli poème est en réalité la haine du chanteur personnifié par des mots sur papier. Cet amas de haine n’est pas conçu comme une chanson, jusqu’à ce qu’on jour, alors que le musicien est au piano, la phrase « How does it Feel » et sa sonorité lente prenne tout son sens et qu’il y associe une mélodie. Celle que l’on connait.

Les paroles, les paroles, les paroles

Contrairement à ce qui se faisait majoritairement à l’époque en matière de paroles, l’immense morceau ne traite pas d’une histoire d’amour mais il est y est bien question de revanche. Et ça s’entend d’ailleurs, tout particulièrement lorsque l’on écoute le ton goguenard qu’emploie le musicien à mesure de ses notes.  Mark Polizzotti, journaliste est le premier à en parler «  le sarcasme de Dylan envers une femme tombée en disgrâce et réduite à se débrouiller seule dans un monde hostile et inconnu » Et donc how does it feel n’est-ce pas ? Il y dépend une « Miss Lonely », qui a eu la belle vie, à qui tout a réussi et qui aujourd’hui connaît un destin bien moins charitable, devant renier tous ses principes. Pour le grand plaisir de notre chanteur qui attendait sa perte. Si l’on en croit le biographe et proche de Dylan, Robert Shelton :  « Rolling Stone parle de la perte de l’innocence et de la dureté de l’expérience. Les mythes, les faux-semblants et les vieilles croyances tombent pour révéler une réalité très éprouvante ».

Qui est donc la jeune femme cible de toute cette haine ? Et dont la disgrâce réjouit à ce point Dylan ? La question reste à ce jour ouverte. Quelques rumeurs lui répondent néanmoins. ll s’agirait d’Edie Sedgwick, égérie de Warhol en 1965 et figure connue de la scène underground new-yorkaise. Les rumeurs voudraient qu’elle soit également la cible de morceaux que l’on retrouve sur « Blonde on Blonde ». C’est à l’hiver 1964 que le chanteur rencontra Sedgwick mais la plus grande partie de leur histoire ensemble se situe à partir de l’hiver 1965. Parmi les arguments qui viennent contrer l’idée qu’elle serait la femme à abattre de « Like a Rolling Stone », le fait qu’elle ne devienne égérie de Warhol qu’au printemps 65, ne tournant des films avec lui (une dizaine) seulement les mois qui suivirent, est un argument central. Sa courte carrière ne sera sur la piste descendante que plus tard. Voilà qui ne colle pas avec le morceau de Dylan. Autre possibilité, souvent évoquée : Joan Baez pourrait être la cible du morceau.

Une autre théorie pense que Dylan s’adresse à lui-même. Il peine à gérer sa rupture avec la folk, se rapproche de position contestataires, se politise. Serait-ce une séparation de la personne qu’il était pour devenir un tout autre musicien ?  En 2021, Jean-Michel Buizard abonde en ce sens au court d’un essaie : et si le musicien était hanté par la country-blues de ses débuts ? Miss Lonely serait en réalité une métaphore du courant, qui dans les années 40, vivait un changement radical alors que les bluesmen suivant la grande vague migratoire de la population noire, pour fonder un blues moderne et électrique dans les grandes villes du Nord, changeant radicalement le courant. Le concert du « Royal Albert Hall » repris par Cat Power va d’ailleurs en ce sens. Dylan y faisait un set mi acoustique mi électrique, abandonnant son public uniquement folk au risque de laisser certains membres de l’audience avec un sentiment de trahison dans la gorge.

Un titre révolutionnaire !

Pressé sur deux faces sur son 45 tours, le morceau est divisé en deux sur son pressage d’origine. Il faut donc retourner le vinyle pour l’écouter en entier. Pour autant cela ne l’empêche pas de se glisser au niveau d' »Help! » des Beatles en tête des chartes. Il est vite jugé révolutionnaire. Il emprunte en effet au blues, mais utilise une guitare électrique, de l’orgue, et l’inimitable voix de Dylan. Rien de tout ça n’était fait à l’époque.

Parmi les personnalités influencées par le morceau qui changeait alors complètement la donne : Bruce Springsteen qui l’écoute à l’âge de 15 ans.  Il se souvient de la première fois qu’il l’entendait, dans la voiture de sa mère :  » j’ai entendu ce coup de caisse claire comme si quelqu’un avait ouvert la porte de votre esprit… De la même manière qu’Elvis a libéré votre corps, Dylan a libéré votre esprit, et nous a montré qu’une musique peut être physique sans être anti-intellectuelle. »

Autres admirateurs du titre Paul McCartney lui-même qui allait l’écouter chez John Lennon. Pour lui la durée du titre a prouvé que de nombreuses possibilités existaient en terme de composition de musique. Elvis Costello, Frank Zappa, rejoignent ce constat. Le titre restera dans l’histoire de la musique et entre en 1995 au Rock’n’Rool Hall of Fame comme l’un des 500 titres qui ont façonné le rock’n’roll. Et il est encore écouté aujourd’hui, encore et encore, chez nous c’est certain, chez vous, je l’espère.


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