Marre de briller dans les dîners en ville? De citer Eisenstein, Lang, Bergmann et Tarkovski et d’expliquer avec conviction que depuis eux, rien d’intéressant n’a été fait dans le Septième Art? Envie de faire une pause entre deux mélodrames ayant une durée initiale équivalente à une saison de Game of Thrones et venus de pays à cause desquels on perdait des points à chaque contrôle de géographie? Pop&Shot (en les personnes de Jérémie et Alexandre) s’est fait une double séance « On assume pas »… Mais a décidé de vous en parler quand même.
Premier objet du délit : POWER RANGERS (par Dean Israelite, 2017)
Lancé par une campagne promo polémique, la première bande annonce étant quasiment un copier coller de celle de Chronicle, les costumes ne se sont dévoilés que très tard… Power Rangers n’a rien de très excitant quand il se présente en salles le 5 avril 2017. Sauf quand… Sauf quand ce qu’on veut c’est avoir 10 ans dans sa tète et se prendre un bain de préadolescence! C’est donc en sautillant et en fredonnant « Go Go Power Rangers » que l’on s’aventure dans la salle, motivé par aucune information supplémentaire glanée sur le Net ci et là. Non. Juste l’affiche avec le gros titre et une nostalgie régressive suffisent….
Le film débutant par ce qu’on suppose être un bizutage de l’animal totem de l’équipe de foot adverse. Pendant quelques minutes, il nous est présenté quelques personnages essayant d’emmener une vache dans des vestiaires d’équipes de foot US. Une petite blague en dessous de la ceinture(de la vache) pour le coté grivois et voilà les flics qui arrivent. Une course poursuite filmée en plan séquence à laquelle on ne comprend rien, un accident de voiture et un ton bien sombre plonge sur l’écran. Le titre apparaît même discrètement en blanc sur fond noir. Pas de génériques avec riffs de guitares. Pas de Go Go Power Rangers. Non, ce qui est présenté c’est un drame adolescentin. En tout cas, ça en a les apparats.
Bienvenue dans Chronicle Power Rangers le film. Un groupe de clichés ambulants d’adolescents, d’origines et de milieux divers, avec le quarter back sanctionné scolairement à qui toute la ville en veut car l’équipe de foot ne pourra pas gagner le championnat. Il y a aussi la petite nouvelle qui peine à s’intégrer, le nerd à lunettes souffre douleur, l’outsider qui traîne dans des endroits improbables pour oublier qu’il doit s’occuper de sa mère malade (oooo le beau cliché!)… Tout ce beau monde se retrouve près d’une mine désaffectée et SPOILER ALERT Si vous avez vu Chronicle, vous pouvez passer au paragraphe suivant, vous savez ce qui va se passer FIN SPOILERT ALERT. Tout ce beau monde va rentrer en contact avec des gemmes de couleurs différentes. Ce qui est bien avec les films d’origines de super héros découvrant leur pourvoir c’est que ça suit un peu le même schéma : Spider-Man de Sam Raimi, Chronicle toujours… Force surhumaine, découverte des pouvoirs,etc…
N’importe quelle licence peut être adaptée sous un angle sérieux, ce n’est pas le problème. La dernière tentative de reboot des 4 Fantastiques est là pour le montrer alors que dans le comics les Fantastiques sont garants d’un certain sense of wonder à la Marvel. Donc les Power Rangers à la sauce Angela,15 ans pourquoi pas après tout?!?!
Sauf que… Et c’est là le principal problème du film. Il ne sait pas quoi faire de son matériau de base. Ce qui est quand même ballot.
On a bien une scène de « milk » (NDLR: scène censée donner du « lait » pour nourrir le personnage, ex: les souvenirs d’enfance de untel ou untel en plein risque d’apocalypse nucléaire/zombie/invasion extraterrestre) autour du feu de chacun des personnages pour nous expliquer leurs motivations… Sauf… Qu’on s’en moque. Aucun personnage ne parvient réellement à exister en tant que tel, si ce n’est celui du Ranger Bleu , le p’tit génie geek de la bande ( interprété par RJ Cyler). La faute à quoi ou à qui? Le charisme de moule tiède de Dacre Montgomery ( Billy dans Stranger Things), le leader censé du groupe ou bien les piètres talents de metteur en scène de Dean Israélite ( Projet Almanac, sympathique sans casser trois pattes à un canard)? Les deux! Au minimum. Aucune cohésion d’équipe, aucune empathie pour les cinq ados. Le pire c’est que la mort (définitive?spoiiillleeerrr) de l’un d’eux réussit à nous faire ressentir quelque chose : un regain d’intérêt! On se dit : tiens, il va se passer quelque chose enfin! Si Bryan Cranston (Breaking Bad, Malcolm), dans le rôle de vieux Maître Jedi Ranger vient payer ses impôts sa reconnaissance sincère auprès de la franchise qui lui aura offert un de ses premiers rôles en tant qu’acteur fait le strict minimum, Elizabeth Banks ( Scrubs, Hunger Games) s’amuse comme une petite folle en cabotinant le personnage de la grande méchante, ancienne Ranger dévoyée.
Les seules fulgurances du film sont à trouver à la fin : un des Rangers conduisant son robot dinosaure à l’envers sur fond de générique d’origine « Go! Go! Power Rangers!« . Il faut une poignée de secondes pour revenir à ses dix ans et avoir l’enthousiasme simple de se dire qu’on va assister à une bagarre entre gros robots! L’effervescence va retomber comme un soufflé. Correctement emballé, on a droit à un affrontement sans grands enjeux ni spectacle. Et l’enthousiasme quasi enfantin à aller voir un film Power Rangers aussi…
Sérieux mais pas assez ou avec des personnages pas assez creusés pour donner envie de s’intéresser à eux. N’assumant pas ce qu’il est censé adapter en présentant dans les dix dernières minutes les costumes du titre du film. Power Rangers est un film qui a le cul entre deux chaises. Il se prend trop au sérieux ou pas assez et louvoie une bonne partie du film à ne pas parler de ce dont il est censé parler. Un film Power Rangers qui ne s’assume pas c’est comme vouloir rester digne après avoir confondu une poire à lavement et une poire au goûter, ça ne peut que laisser une impression de gâchis.
Second objet du délit : FAST & FURIOUS 8 (par F. Gary Gray , 2017)
Si pour le premier film, on parle de difficulté à lâcher prise, à louvoyer avec son matériel de base. La bande à Vin Diesel, The Rock et compagnie, elle n’a pas ce genre d’états d’âmes. Mettez de coté tout sens logique, dramaturgie ou quoi que ce soit d’autre. Pendant deux heures, vous allez tester votre résistance à l’épilepsie en vous prenant des images aux rythmes et aux couleurs saccadés. Sans aucun répit…
De répit heureusement, il y en a pour le personnage incarné en son temps par Paul Walker. Le dernier quart du précédent opus avait de quoi mettre dans une sensation de malaise tant la barrière entre film et discours méta était franchie. Si l’on comprenait bien que c’était à Brian/Paul Walker que Dom/Vin Diesel disait au revoir, assister à ça sur grand écran pouvait bien sur émouvoir… Mais aussi se demander s’il n’en avait pas été trop fait à ce sujet…
Rassurez vous! Trêve de sentimentalisme! Trêve de bon sens! Trêve de logique! Trêve de règles! Car le méchant et grand traître du film se trouve être… Dominic Torretto/ Vin Diesel.
Mais pourquoi est il aussi méchant? Parce queeeeee…. Vous verrez bien. On peut pas dire que ce soit capilotracté, ça passerait pour une vanne sur les chauves et on avait dit pas les vannes sur les chauves …
Bref, attendez vous pendant deux heures à des rebondissements (enfin ça c’est quand on attend quelque chose d’une histoire), à de l’action, à des décors divers et variés… Attendez vous à revoir sous un angle nouveau vos certitudes en termes de physique, comme un sous marin sous la banquise qui fait jeu égal à la course avec une Lamborghini le plus naturellement du monde. The Rock qui dévie des torpilles surfant sur la banquise à la main en leur mettant des pichenettes pour qu’elles aillent voir ailleurs. Venez réviser vos cours de géopolitique contemporaine, vous apprendrez qu’en pleine Sibérie, il y a des bases nucléaires russes qui sont aux mains d’indépendantistes, que l’armée n’arrive pas à reprendre depuis mais qui se font libérer en une bucolique après midi quand c’est notre bande préférée d’adeptes de tuning et d’hormones de croissance qui part faire un tour en voiture de sport par là bas. On y voit tout un groupe, encore traumatisé par la mort d’un des leurs dans le film précédent, accueillir la nouvelle qu’ils vont devoir collaborer avec son assassin pour réussir leur mission avec une force et une émotion qui ne laissera personne indemne. Il faut voir ces regards morts et ces lèvres plissés, ces non dits invoquant les pires malédictions comme » pffff y’aura pas moyen qu’il se mette à la cantine à cote de moi lui ». Voir des acteurs du talent de Charlize Theron, Helen Mirren ou bien encore Kurt Russell s’encanailler dans ce grand barnum est jubilatoire.
De limites Fast and Furious n’en a aucune et c’est ça qui au final est rafraîchissant. C’est n’importe quoi, c’est assumé et ça remplit plus que parfaitement son rôle de distraction.
Ne surtout pas voir la façon dont les deux films ont été traités comme de la condescendance. Le cinéma est un art majeur qui offre des œuvres aux multiples facettes et de qualités diverses. Si certaines œuvres nous amènent à réfléchir et questionner le monde qui nous entoure, son histoire ou même tout simplement soi, d’autres sont là uniquement pour apporter un divertissement. Quelles qu’elles soient, toutes ces œuvres ont une importance et ont leur place dans la grande famille de ce qu’on appelle le Septième Art.