Le moment tant attendu des Nuits Secrètes 2018 est enfin arrivé. Pendant trois jours et trois nuits, la charmante petite ville d’Aulnoye-Aymeries dans le Nord-pas-de-Calais va vibrer sous les notes d’une programmation aux petits oignons. Retour sur ses temps forts.
Un premier parcours secret avec Sandra Nkaké:
Fraîchement arrivés sur site et nous voilà déjà embarqués dans un parcours secret. Tu ne connais toujours pas le principe? On t’a pourtant déjà expliqué plusieurs fois, il faut suivre! Les Parcours Secrets t’emmènent dans un lieu atypique écouter le concert d’un artiste programmé par festival. Qui et où? Là est le secret. Un petit tour de bus plus tard et voilà que le premier nous est révélé. Il s’agit de Sandra Nkaké qui se produit dans le jardin d’un belle maison en pierres. Dans ce cadre magique, la franco-camerounaise arrête le temps. Sa voix puissante hypnotise alors que plus personne n’ose dire un mot. Avec le sourire et l’intérêt pour son public, la belle déverse ses émotions avec une puissance éblouissante. Bluffant: cette artiste de génie épouse les émotions de ses personnages le temps d’un titre. Inoubliable, la voilà qui pousse de sa parfaite voix grave pour donner corps à des reprises tantôt expérimentales, tantôt acoustique en offrant par la même occasion une nouvelle vie à « Heroes » de David Bowie.
L’Eden est partie, vive l’Eden!
Lors de mes premiers passages aux Nuits Secrètes, toute la ville y était en fête. L’Eden se situait à quelques rues de la Grande Scène. Ce petit jardin permettait de découvrir les artistes dans un lieu intimiste et presque rêvé. Entre les deux scènes, les bars diffusaient de la music devenant eux-même le festival. un bus anglais avait été installé sur une place de sable importé pour l’évènement, là food trucks et showcases se donnaient la réplique. La faute aux attentats et à une poignées de sales types désireux de tuer d’innocentes personnes et de détruire une culture faite de partage et d’art. La fête a dû se réduire à un unique lieu fermé pour protéger les festivaliers de tout risque. Si nos irrésistibles nordistes continuent la fiesta dans les bars, l’âme du festival n’en sort pas sans égratignures. C’est pourtant sans compter sur l’immense implication d’une équipe dévouée qui croit en ce projet du plus profond de ses tripes. Grâce à ces défenseurs de ce petit bout de liberté qu’est ce festival à part, les Nuits Sécrètes se relèvent et restent audacieux, installant leur Eden dans une magnifique ancienne usine d’ogives et proposant un nouveau lot de surprises. Faites la musique pas la guerre.
Nos festivaliers ont du talent:
Les gens du Nord savent recevoir autant qu’ils savent s’amuser. du vendeur de kebbab qui papote volontiers musique avec tous les festivaliers qui s’arrêtent à sa terrasse aux jeunes déchaînés qui profitent des concerts, les Nuits Secrètes c’est aussi un festival humain. Topo, on croise facilement dans la foule des jeunes vêtus de tee-shirt expliquant « Je suis Romain, si vous me croisez sans un verre à la main prévenez Margaux » que son pendant féminin Margaux donnant elle-même ses propres consignes. Dans la foule au milieu de masques de chat, on retrouve également des festivaliers emmitouflés dans des câbles lumineux et portant un simple maillot de bain.
Une contre soirée entre deux sets:
Sur la grande scène, quand les concerts s’arrêtent la musique elle continue. un petit camion installé là propose ses DJ sets populaires. On y chante des classiques de la chanson française avant qu’une queue leu-leu géante ne se mette en place. Folie sans complexes.
Tomber amoureuse de Malik Djoudi:
Cachée tel un secret dans un petit coin du festival, la discrète Station Secrète vaut pourtant largement le détour. C’est elle qui fait jouer Malik Djoudi, le petit miracle musicale du samedi soir. Entre pop et sonorité orientales, le petit génie déverser ses notes salvatrices qui réchauffent les âmes. Sa voix aérienne vient même vous compter mille merveilles dans les oreilles. un show un brin trop timide pourrait être la seule petite ombre au tableau. Pourtant la douceur de cette musique explique qu’on la murmure et qu’on la partage comme quelque chose de précieux.
Eddy de Pretto: Complètement magique
Pour Eddy de Pretto, le temps de la dernière fête de l’été a sonné. Seuls quelques mois auront suffit à faire de notre homme une véritable bête de scène. De ses premiers pas timides au MaMA à sa maîtrise de la scène aujourd’hui, l’ascension est impressionnant. Notre homme canalise ses adeptes, les modèle dans ses doigts experts et déversent discrètement des vérités bonnes à entendre. L’acceptation de soi, de ce qu’on est, les doutes et les clichés de la société tout est passé en revue par notre homme. « Danse » dit-il à la foule pendant « La fête de trop », il n’en faut pas plus pour que les Nuits Secrètes se déchaînent.
Petit Biscuit, un brin de sincérité bienvenue
Petit Biscuit n’est plus si petit que ça. Celui qui conclut la soirée du samedi s’installe derrière ses platines aidé d’une guitare et d’écrans magiques. Avec douceur le voilà qui propose un électro qui sent bon l’été et ses plages. Doux, apaisant, il invite à danser, le sourire aux lèvres. Régulièrement cet hôte incroyable interpelle son public. «C’est fou, confie-t-il, il y a deux ans j’étais seul dans ma chambre.»
Lomepal : la relève d’Orelsan le suit de près
Vendredi soir, la tornade du moment Orelsan clôturait la soirée. Samedi c’est au tour de Lompal et son rap chanté de prendre place. Ce dernier n’a rien à envier à notre adulé Aurélien national. Il investit la scène avec force et puissance, captive son audience, la fait vibrer et n’oublie pas de la remercier comme un membre à part entière de son équipe. Il s’offre même un petit slam sur une pastèque gonflable, parce que c’est l’été après tout. On le retrouvera très vite à Paris-Bercy, tenez vous le pour dit.
Bagarre: Nous sommes le club
Pour ceux qui ont vu « Fight Club », Bagarre et son album « Club 12345 » peuvent sonner comme une étrange coïncidence. Passé le nom qui pourrait faire écho, c’est bien un espace de liberté pure, hors normes sociétaires de crée Bagarre. A peine montés sur scènes, la troupe crée la folie. On saute en un titre en regardant nos musiciens couteaux-suisses passer de la batterie au clavier puis au chant. Quand vient l’heure de « La bête est amoureuse », la folie est à son apogée. Tant mieux, on danse franchement et on « Nique ton père mais on ne sait pas où il habite » de tous ceux qui sont contre la différence. Le traditionnel petit mime d’orgasme allongé sur le sol manquera pourtant à l’appel.
Feu! Chatterton: L’oiseleur sort de sa cage
Et voilà, le deuxième album des brillants Feu! Chatterton s’est envolé pour prendre la route des festivals. En pratique, ses titres plus proches de la chanson française sont moins entraînant que le coup d’éclat magistral qu’était le premier album. Mais après tout, ne sommes nous pas bien trop exigeant quand on a tant aimé un premier opus? Certainement, parce que dans les faits, et comme toujours avec ce groupe, la perfection est de mise. Sur scène le feu gagne aussi du terrain. Si « Côte Concorde » avait ouvert les festivités, le final sur « La Malinche » tient en haleine un nouveau public d’adeptes conquis qui crie à bout de souffle « Ho oui ».
Shaka Ponk: Pas de surprise, c’est bien une énorme claque
On le dit et le redit mais après tout, certains ne le savent peut-être pas encore. Aimer ou pas la musique de Shaka Ponk n’est pas un critère de discussion. Tout simplement parce que nos rockeurs sont ce qui se fait de mieux en terme de show extraordinaire. A peine montés sur scène, aidés de leur écran donnant l’illusion d’un décors en relief, que nos compères prennent dans leurs mains experte le festivalier entier. Plus personne n’est assis et tout le monde prend part à cette élan d’énergie folle. On saute, on danse alors que Frah traverse la foule pour aller se nicher sur le bar de la Grande Scène. Là, un bandeau sur les yeux, il reprend du Nirvana. La sauce monte tellement que l’audience finit le set blindée d’une énergie folle. « Je ne peux pas faire un dernier morceau, j’ai négocié, lâche notre meneur, mais il y en a d’autres après, qui sont meilleurs. » Hum, certes mais personne ne croit une seconde à ces derniers mots.
Tamino: Le nouveau Jeff Buckley?
S’il est dit que Tamino devrait être le nouveau Jeff Buckley, la vérité est ailleurs. Les comparatifs sont toujours lourds à accepter pour les musiciens. Or notre chanteur qui se produit sur l’Eden mérite tous les compliments qu’on lui fait. Alternant pop mélodique avec des sonorités égyptiennes, Tamino envoûte. Sa voix, ses envolés puissantes suffisent à faire tomber amoureux une salle entière. A suivre de près donc, mais ça on vous l’avait déjà dit …
Où est la voiture?
Samedi soir, fin de festival. On se dirige vers la voiture. Mais où est-elle? Garée dans le centre ville proche de la gare en début de journée, elle a été remplacée par une barrière indiquant qu’à partir de 15 heures il est interdit de se garer là. Avant 15 heures aucune indications. bon ok appelons le commissariat. « Où est la voiture monsieur? On loge à 20 minutes de voiture et bon bah ici il n’y a ni hôtel de secours ni taxis » « Je ne sais pas ma bonne dame même si vous trouvez la réponse, dites le moi s’il vous plait, d’autres personnes vont peut-être me poser la question. » C’est parti pour un escape game grandeur nature dans la ville. Avec de faux indices du type quand on croise un policier: « On cherche la fourrière » « Et bien je ne suis pas du coin, je suis un policier de Paris, il faut trouver les flics locaux, cherchez une voiture banalisée. » Oui et un agent en civil, et cherchez Maurice sauf que Maurice ne répondra pas si vous dites son prénom. Une promenade à travers les champs de deux heures, de parkings en parkings, de stop, en recherche de taxi, de tentative de Uber à laquelle tu ne crois pas plus que de voir un dauphin volant te prendre sur son dos pour son retour et voilà qu’enfin notre copain du commissariat retrouve sa note de service. Elle est au parking des bénévoles la voiture évidemment. Moralité: garez vous sur le parking 😉 Les galères ce sont aussi des souvenirs amusants.
Photos : Kévin Gombert