clipping. Ce nom intriguant ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, leur concert du vendredi soir à minuit à la Route du Rock – scène des Remparts – s’est imposé comme l’un des plus marquants de cette édition.
Ils existent depuis 2009, avec un premier album sorti en 2014. Leur dernier en date, Visions of Body Being Burned, nous avait particulièrement séduit par sa manière de jouer avec les sonorités et les rythmiques au travers d’un rap uppercut. La pochette parle d’elle-même : ce sont des dents exposées sur un fond noir. Quoi de plus sombre et bizarre ? Le groupe est mené par le rappeur Daveed Diggs et deux producteurs aux platines sur scène : Williame Hutson et Joathan Snipes.
O combien il état difficile ce soir-là de passer juste après le concert délire d’Osees sur la grande scène du Fort, raz-de-marée qui semble avoir fait l’unanimité. Ca n’a en tout cas pas fait trembler clipping qui, dès son premier morceau, arrive presque à monter encore d’un cran. Pas d’instrument cette fois-ci, juste deux mecs derrière leurs machines, vite rejoints par une ombre mystérieuse, capuchée. Le son est extrêmement fort. Les kicks résonnent jusque dans nos os. La voix de Daveed Diggs, relativement calme pour le moment, est incisive au possible. Une des premières fois du festival qu’une voix sonne si clairement. Puis d’un coup, le refrain part, et c’est déjà l’apothéose. Ca ne s’arrêtera pas jusqu’à la fin. Clipping. rend folle la foule compacte. Daveed Diggs enlève vite sa capuche pour dévoiler entièrement l’identité de ce monstre rappeur, tantôt décortiqueur des mots, tantôt dans l’urgence comme Dizzee Rascal, toujours précis. Les prods derrière sont des mastodontes, poussant jusqu’au bout du bout les compressions et les contre-pieds. Le tout est lourd, puissant, magnétique. Horrifique même. C’est une musique désossée qui ne cesse d’intriguer à chaque instant.
Certes, en studio, le groupe gagne en beauté bizarre et en subtilité. Mais sur scène, il prend définitivement plus aux tripes que n’importe quoi. Si leur concert nous a donné envie d’en faire un article spécial, c’est bien sûr pour leur proposition musicale en tant que telle, située dans une grotte inexplorée, mais aussi pour féliciter les programmateurs ayant eu l’audace de les inviter. C’était pareil pour Wu-Lu l’année dernière, choix complètement en phase avec le reste des artistes, même si plus orienté rap que les autres. Et faire venir du rap dans un festival spécifiquement rock, jusqu’à avoir le mot dans le nom, ça n’est évidemment pas nouveau – et c’est même fortement encouragé, n’en déplaise aux vieux cons – mais savoir le lier au reste pour garder une cohérence est une chose différente. La Route du Rock sait toujours le faire de manière originale et intelligente. clipping n’a pas sorti d’albums depuis 3 ans et à ce que l’on sache, ils n’ont pas de nouveau projet à venir dans l’immédiat, mais leur présence à cette édition n’a pas fait tâche. Bien au contraire. Ils ont su apporter autre chose, venant calmer quelques instants les guitares assourdissantes en faveur d’un BPM exhaussé. En tant qu’apéro de Young Fathers, le spectacle fut à la hauteur : grandiose dans l’énergie, baroque dans la proposition musicale. On adore, et on recommande mille fois leur dernier album en date. Son écoute post-concert, le lendemain, est encore plus dingue que lors de la première, qui nous avait déjà scotché sur place. clipping. Simplement.
Grand petit retour cette semaine du rappeur français Benjamin Epps qui nous dévoile…
Benjamin Epps – « Vous êtes pas contents ? Triplé ! », un nouvel EP tranchant