Déjà élu meilleur titre d’album français de l’année si ce n’est au-delà, le nouvel album du collectif Astéréotypie a la carrure d’un grand. Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme vient tout juste de sortir vendredi 29 avril dernier et sera présenté en live à la FGO Barbara le 05 mai pour sa release party. Même si aucun sosie de Brad Pitt n’a non plus été aperçu de notre côté, on doit absolument vous dire pourquoi ce projet est à ne pas rater.
Ils sont nombreux au sein du collectif. On y compte neuf personnes, dont quatre à la partie texte/chant : Claire Ottaway, Yohann Goetzmann, Stanislas Carmont et Aurélien Lobjoit. Ceux-là sont réunis autour d’une même affection pour les mots, au delà de leur autre point commun : être atteints du trouble autistique. D’autres les accompagnent aux instruments : Christophe L’Huillier (guitare), Arthur B. Gilette et Eric Tafani (membres du groupe Moriarty en charge des textures sonores à la guitare et à la batterie), Benoît Guivarch (claviers et synthés modulaires) et Félix Giubergia (l’homme de l’ombre). A eux tous, ils forment ainsi Astéréotypie, né il y a une dizaine d’années à l’Institut Medico-Educatif suite à des ateliers d’écriture desquels ont surgi l’évidence d’une union artistique et musicale, entre éducateurs et auteurs de textes prometteurs. Depuis, ces derniers sont soutenus par un rock saillant et pulsatif, ayant mené à plusieurs concerts puis à un premier album en 2018, intitulé l’Énergie Positive des Dieux. Quatre ans après, le collectif revient plus fort que jamais, bien décidés à retourner la production musicale française.
Journaux intimes partagés
Avec quatre voix et identités aussi distinguées, lesquelles assurent chacune l’interprétation de morceaux bien spécifiques, l’album a la qualité d’être extrêmement composite. Chacun des quatre en avant-scène détient ses moments à soi, comme des journaux intimes partagés mais toujours dans le respect de l’intimité et de l’univers de l’autre, sans d’autres interventions que les mots et pensées de celle ou celui qui les façonne. Viennent ainsi à nous des bouts d’existences variés, reliés par une musique non pas seulement d’accompagnement, mais de véritable pousse à bout. Celle-ci les oblige à tout donner, tant la composition instrumentale place la barre haute. Ce croisement entre nombreuses forces plurielles fait la beauté du projet, qui parvient en outre à garder une impressionnante cohérence d’ensemble. « Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme » est d’ailleurs une chanson avant d’être le nom de l’album. Claire Ottaway en est l’autrice et l’interprète. Elle signe le titre le plus marquant et iconique de ne nouveau projet, mais ne fait pas d’ombre au reste, lui aussi de très haute volée.
Monde à l’envers retourné
Dans leurs manières de dire et d’écrire, nos quatre narrateurs surréalistes jouent de leur capacité à exprimer ce qui leur passe par la tête dans des fantaisies singulières du quotidien. Sourire inévitable. Derrière, l’appui musical leur rend particulièrement honneur grâce à des compos aussi stéréo-atypiques que les textes. Le tout forme un drôle de mélange qui, lorsqu’on commence à y goûter avec cette folle entrée en matière « Le Pacha », donne envie d’aller crier un bon coup dans la rue pour réveiller tous les endormis de la vie monotone et désenchantée. Tout est ici dans le désordre, ou plutôt sans ordres. Véritable réservoir des impossibles possibles. Les phrases burlesques s’enchaînent jusqu’à faire espoir. « La vie réelle est agaçante » martèle Claire Ottaway. Un autre monde s’ouvre alors, dans lequel Paul McCartney est open pour jouer en première partie au Parc de Sceaux. On aurait préféré Lennon, mais le collectif ne va tout de même pas jusqu’à ressusciter les morts.
Ca balance dans la drôme
A la place, Stanislas Carmont préfère plutôt dresser un arbre généalogique des billets de banque sur le titre « 20 euros » où il déclare non sans ironie sa flamme au pognon. Le clip, sorti 2 jours avant le deuxième tour de la présidentielle, l’imagine d’ailleurs président. Réalisation sur-vitaminée pour musique épileptique. Le tout impressionne par son ampleur, comme c’était déjà le cas pour le clip précédent du titre éponyme. Qu’il fait du bien de voir telle qualité chez des groupes qui n’ont pas forcément de grands moyens. L’effort du collectif pour créer quelque chose de singulier sur cet album est considérable.
Côté son, le rendu fout de sacrés claques, grâce une production furieuse. Les textures vont piocher aussi bien dans une électro hypnotique que dans un rock charnu. On y croise Alan Vega en marchant aux abords de l’Allée Sauvage de Beak (« Reine d’un sort »). Voilà qui est revigorant, en attendant de se faire taper par le fantôme énervé de Sonic Youth.
La course dure 37 minutes et n’épargne pas grand-chose, et vaut amplement le coup. Ça respire le lâcher-prise (dans les règles de l’art), la bonne humeur, la nouveauté, le rock et tout ce qui va avec. Astéréotypie fait de son Brad Pitt introuvé l’un des plus puissants albums français de ces derniers mois, voire années. Et ce que l’on en tire, c’est qu’aucun collectif ne ressemble à Astéréotypie dans cette drôle d’industrie.
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