C’était annoncé depuis longtemps, J.J Abrams, le cinéaste qui aime le plus faire des clins d’œil geek à ses aînés avait promis qu »il se lancerait dans une série d’anthologie du nom de « Castle Rock ». Castle Rock pour ceux qui ne connaissent pas c’est la ville dans laquelle se déroule une bonne partie des premiers romans de Stephen King. C’est le théâtre de Cujo, Dolores Clairborne, La Part des ténèbres et qui verra sa fin dans l’immense Bazard. A l’image de Salem toujours du même auteur, c’est la ville qui est le vecteur du mal. En faire une série télévisée, prendre en compte les nombreuses histoire qui s’y sont déroulées et y inventer de nouvelles paraissait donc être une excellente idée.
Alors que la mode est au revival des années 80/90, il est surprenant de voir que la série choisit de se situer dans un contexte moderne. Mais après tout pourquoi pas? Bien loin d’être l’homme d’une seule génération, Stephen King choisit de se faire le reflet horrifique de la société qui l’entoure. L’intrigue se situe donc en 2017 et raconte l’histoire d’Henry Deaver, un avocat spécialisé dans les condamnés à mort. Il est rappelé dans la ville dans laquelle il a grandit Castle Rock par un prisonnier atypique, le kid. Le jeune garçon vient en effet d’être retrouvé enfermé dans une cage dans las bas-fonds de la prison de Shawshank, enfermé là de nombreuses années sans raison connue par le direct de la prison qui vient de se suicider…
Le bon élève qui veut trop bien faire.
J.J Abrams, à défaut d’être réellement doué pour la création possède au moins un amour infini pour ses aînés. Toujours prêt à emprunter leurs codes pour rendre hommage ( copier? comme tu y vas), notre cinéaste aime à s’approprier l’univers de ceux qui l’inspirent pour en proposer une version revisitée. Mais pas trop. Et voilà qui se sent dans Castle Rock, l’envie de bien faire, la peur de se faire cracher dessus comme ce fut le cas par certains fans de Star Wars le forcent à tâtonner. C’est sûrement pour cela que la série prend un temps incroyablement long à se mettre en place. Elle cherche petit à petit à se donner l’allure d’un roman de Stephen King. Pourtant si l’on faisait abstraction du dit auteur, la matériel prendrait un intérêt bien plus poussé. L’intrigue en tant que telle éveille la curiosité du lecteur. On se laisse prendre au jeu des questions qui se posent, de l’univers qui s’installe et doucement mais sûrement le besoin de savoir se met à exister. Les personnages trouvent leur place alors que l’action elle prend corps. Pour palier au fait de ne pas réellement reprendre les romans du King, notre série n’hésite pas à lui faire des clins d’œil subtiles et moins subtiles. Sissy Spacek y tient le rôle de Ruth Deaver ( elle était l’interprète de Carrie dans le film de De Palma), on retrouve l’agent Alan Pangborn, qui lui est un personnage inventé par Stephen King, la nièce de Jack Torrence de « Shining » est de la partie, tout comme le chiffre clés 27 années ( comme dans « IT », t’as compris? ;)… tous ces éléments sont distillés ça et là pour flatter les fans de l’auteur sans pour autant perdre un public qui ne le connait pas. Choisir de ne pas choisir ton camps et flatter le fan encore et toujours.
Mais des clins d’œil et du suspens ne suffisent pas à re-créer un roman de Stephen King. Sans avoir la prétention de tout connaître de l’écrivain et encore moins celle d’être à même d’écrire moi-même une histoire digne du maître, voici un court listing des éléments importants propres à ses romans et qui manquent cruellement dans Castle Rock.
De la violence tu distilleras
Qui se souvient du début de Désolation? De cervelles qui saute avec force détails? Du bras de Georgie dans la première partie de Ca? De ceux de Dôme? Du poignet de Jessie? De l’accident de voiture de Monsieur Mercedes? De la mort de Mattie dans Sac d’Os? ( tellement d’amour pour ce livre en particulier) Si Stephen King est décrit comme le roi de l’épouvante c’est aussi parce qu’il n’hésite pas à dépeindre des scènes d’un gore intense. Les détails sont omniprésents. Les tripes qui sortent , les cervelles qui explosent, les moitiés de visages qui tombent, les membres arrachés, les brûlures, rien n’est épargné au lecteur qui y trouve d’ailleurs ce qu’il est venu y chercher.Sur la série qui nous intéresse, on est sur du tout public… la violence est légère voir carrément en hors champs ( bonjour la famille qui s’entre-tue enfin peut-être on est pas bien sûrs)
Tes personnages tu travailleras
L’une des choses que je préfère chez Stephen King c’est qu’il confie de lui-même que, pour qu’une histoire d’épouvante fonctionne, il faut que l’on s’attache aux personnages. Et il s’y tient. Un exemple frappant est celui des Tommyknockers, le personnage de Ruth Merrill est immédiatement présenté comme celui qui va mourir dans la prochaine scène. Pourtant avant de la tuer, l’auteur prend le temps de décrire sa vie. Ligne après ligne on en oublie son terrible destin pour se permettre de l’aimer. Ici, dans Castle Rock, si les scénaristes tentent de créer cette approche empathique, le sujet est à peine effleuré. Et dire que la femme du gardien de la prison est enceinte n’est pas suffisent, il faut la montrer, dépeindre une relation profonde, rendre un décès tragique.
La langue de bois tu ne pratiqueras pas
Le sexe, les discours crus font partis intégrantes de l’œuvre de Stephen King. Beverly Marsh dès son plus jeune âge attire sexuellement ses amis qui pensent à ses petits seins, le corps de Bobbi des Tommyknockers est dépeint dans tous ses détails, tout comme les jeux sexuels de Jessie, ou la liaison de Donna Trenton dans Cujo et ses draps raidis de sperme. Le langage de certains personnages est cru, violent, là où dans Castle Rock, l’idée même d’une sexualité n’est jamais abordée.
Au mal tu donneras plusieurs visages
Si dans Dôme les choses dégénèrent ce n’est point parce qu’un dôme s’est crée sur la ville de Chester Mill ou du moins pas que. C’est parce que l’adjoint municipal Jim Rennie décide d’en profiter pour installer une dictature. Si le chaos s’installe dans Brume c’est aussi lié à un facteur humain, tout comme le pouvoir de pyrokinésie de Charlie n’est pas le problème fondamental du livre du même nom, c’est au contraire l’agence qui la pourchasse, Henry Bower est lui-même l’un des piliers de l’horreur de It, la méchanceté des adolescents et la mère intégriste de Carrie ont ce même rôle. Dans l’univers de Stephen King l’horreur n’est pas lié au mal surnaturel, le mal le plus profond, le plus dangereux est bien souvent humain. Dans Castle Rock cette notion s’installe doucement, les pratiques de Shawshank en sont la preuve. Pourtant cette notion comme bien d’autres est à peine effleurée.
La peur par bien des schémas tu utiliseras
Il ne faut pas confondre suspens et peur. Pour provoquer la peur notre auteur utilise de nombreux chemins. L’innocence confrontée à la violence, le surnaturel, des figures de style allant jusqu’à révéler un bout de la suite de son intrigue pour mieux la raconter plus tard, des flashs passés et futurs très présents. Ici avec une temporalité évoquant un vague passé caché, pour se la jouer dans les pas de…, la série ne décolle jamais vraiment oubliant que créer la peur est un art.
Un fond politique/ social tu ajouteras
C’est bien tenté de l’aborder dans la prison mais quand on veut parler injustice, on développe, on raconte le contexte, on fait des parallèles et là pour le coup comme beaucoup d’aspects de cette série, on effleure du bout du doigt l’idée avec légèreté. Tout le monde sait pourtant que Stephen King lui est engagé politiquement et n’a ni peur de le dire sur Twitter ni dans ses romans.
Si ces ratés paraissent évident, s’il est temps de passer à la vitesse supérieur et de se mettre réellement à raconter son histoire en arrêtant de tourner autours du pot, la matériel de base lui, reste pourtant agréable. Suffisamment du moins, pour continuer à la regarder chaque semaine dans l’espoir de voir surgir l’étincelle manquante qui en fera enfin ce qu’elle devrait être. Un produit complet et complexe qui profite du format série pour développer ce que Stephen King aime à faire des centaines de pages durant.
Peut-être apprendra-t-elle de ces commandements d’ici son dénouement final ou peut-être pour sa saison 2 qui est déjà programmée.
Castle Rock est diffusé sur Hulu tous les mercredi. Hulu la chaîne d‘Handmaid’s Tale dont on te parle ici.
Si t’aimes Stephen King on te parle aussi de l’adaptation d' » IT » juste là.