Lana Del Rey, il avait suffit de l’évocation de son nom à l’hiver dernier, promise en tête d’affiche de Rock en Seine, pour faire tourner toutes les têtes. Reine d’une vision à part de la pop, la chanteuse iconique avait rempli l’intégralité du festival en un temps records. En seulement quelques clignements d’yeux et nombre d’aventures de vie, le 21 août était enfin arrivé promettant un show qui ne pouvait s’avérer que grandiose. Parfois la réalité dépasse les attentes. Ce sera le cas ce soir-là alors que le spectacle d’une élégance rare oscillait entre ode aux amours difficiles, grand messe puissante et communion peuplée de noeuds et de fleurs. On vous raconte.
Born to live
Les feuilles mortes jonchent déjà le sol du parc de Saint-Cloud. Où est passé l’été ? Pourrait-on se demander. Pour tout habitué.e de Rock en Seine l’évènement est synonyme de rentrée. De celles qui promettent les meilleures années. Ce mercredi, alors que le festival a commencé particulièrement tôt et promet 5 belles mais intenses journées, l’air sent ce parfum de renouveau. Il permet de faire un point sur une année écoulée, ses attentes, ses réussites, ses histoires, ses amours, ses ami.es. Et pour coller parfaitement à ce sentiment qui parfois prend l’allure de la nostalgie, souvent celle de l’espoir, il ne pourrait y avoir meilleur alliée que Lana Del Rey. Ses mélodies cinématographiques, leur beauté à couper le souffle qui co-habitent collectivement avec nous depuis depuis 2010 et la sortie de son premier album.
L’attente a déjà duré des mois mais il faut encore patienter un peu. Un demie heure environ sur la pointe des pieds ou collé.es à la scène. Les rumeurs présageant d’une arrivée en moto, comme à Coachella seront finalement démenties. Le retard immédiatement oublié lorsque Lana Del Rey fait son entrée scénique avec la légèreté d’une ballerine, volant presque dans les airs sur « Body Electric » qu’elle n’avait pas interprété en concert depuis 2018. Ce qui est vrai les premières secondes sera vrai pendant presque deux heures de concert, à chaque geste – méticuleux et gracieux- de la musicienne, les public réagit au centuple. Seulement ses moments d’euphories et les applaudissements viendront troubler le silence instauré sur Saint-Cloud. Chaque oeil, chaque oreille est tournée vers la scène.
Coco Del Rey, un parfum raffiné
Dans sa robe noire Coco Chanel, divine (la robe), la sublime Elizabeth Grant (elle aussi divine) propose un spectacle d’une rare sophistication. Les danseuses qui l’accompagnent tournoient sur un anneau géant telles des gymnastes et font tourner les têtes. De son côté, la musicienne choisit chacun de ses mots, chacun de ses mouvement avec autant de précision que de délicatesse. A elle seule, elle convoque l’image de la femme fatale du cinéma de l’âge d’or Hollywoodien. Sa douceur émeut, sa perfection cinématographique promet de vivre le live comme une photographie. Chaque minute est un instant figé qui pourrait être érigé en peinture. « Without you », « West Coast » (du génial « Ultraviolence ») et « Doin’ time » défilent et sont suivis de quelques » I love you so much » susurrés à toutes les oreilles attentives.
Vient le temps de cultissime « Summertime Sadness ». L’air qui s’est rafraîchit, l’été qui doucement s’endort, fait le plus bel écho au morceau. Impossible de ne pas penser aux premières heures de « Born to die », son lancement en 2012, l’effervescence autour de l’album mais aussi les critiques. Lana Del Rey était-elle sincère ? C’est une machine montée de toute pièce, elle a changé son style musical… disaient les mauvaises langues. La vérité est que Lana Del Rey, plus qu’un personnage est une oeuvre d’art à part entière. De la beauté de ses boucles qui retombent à l’immense classe de ses morceaux, de l’imagerie qui l’accompagne, à chacune de ses postures. Tout est pensée, calculé comme une performance, une entité plus qu’une simple chanteuse. La femme fatale, sensible et à la perfection d’un autre temps vient se frotter à une modernité indéniable et un grain de folie touchant. Des vidéos viennent accompagner la performance et peuplent le décors végétal qui abrite également en son sein un pianiste de génie.
Marcher sur l’eau
« Ride » est interprété puis l’immense « Born to die » sur lequel Lana Del Rey laisse le public chanter. Coté chorégraphies, les danseuses assurent la majeure partie du spectacle, la prêtresse de la soirée s’offrira quand même quelques acrobaties sur une barre de pole dance installée là et un moment spectaculaire en position allongée qui lui permet de flotter dans des eaux imagées. La foule en est certaine maintenant, la divinité Lana pourrait bien marcher sur les eaux. Son interprétation de « Chemtrails over the country club » ne faisant que renforcer cette certitude. Attentive à son public, désireuse de lui offrir un environnement sécurisé, elle interrompt son show par deux fois pour signaler à la sécurité des malaises côté public. Le démarrage de « Did you know there’s a tunnel under Ocean Blvd » en sera d’ailleurs retardé. Un morceau qu’elle adore chanter comme elle le dit, faisant la part belle à ses choristes qui excellent. Et on ne saurait dire trop de bien de cette incroyable prouesse qu’est l’album dont est extrait ce titre, son dernier né qui passe de la mélancolie au hip hop avec une grâce qu’elle seule maîtrise. L’indémodable Lana dont la modernité habite chaque titre. Après un saut pour saluer « Norman Fucking Rockwell », l’icône américaine entonne son titre le plus connu.
Psaumes et jeu vidéos
Il y a deux ans le domaine de Saint-Cloud accueillait un évènement mystique, la messe de Nick Cave. Prêcheur habité qui marchait sur les foules, redéfinissant le live et se hissant parmi les plus beaux moments d’extase dont on puisse avoir souvenir. Ce soir, Lana Del Rey offre un moment tout aussi spirituel, tout aussi puissant. Il est son pendant bienveillant face à un public où noeuds dans les cheveux et fleurs sont légion. L’interprétation de « Video Games » pourrait bien faire écho au « O Children » de Nick Cave. Il a du moins le même pouvoir fédérateur et il est aisé de se surprendre à avoir les larmes aux yeux. Il prend en ses dernières instants des montées lyriques à la beauté subjuguante. Un hologramme de la chanteuse prend son relais le temps d’un dernier titre, celui même qui permet de dire au revoir avant le rappel. C’est finalement sur « It’s just a burning memory » de The Caretaker que ce moment précieux comment un diamant se conclut. Et quel parfait titre pour se dire au revoir alors que le souvenir brûlant de ce concert à la mélancolie sublimée viendra hanter nos jours et nos nuits de l’année à venir que l’on souhaite aussi intense que ces premiers pas vers l’automne.
Rock en Seine se poursuivra jusqu’au 25 août au Domaine de Saint Cloud.
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