Yoko?-Ho-no!-Bus-Palladium-2021
Photo : Louis Comar

Le mois de septembre 2021 est un mois bien particulier. Il est synonyme de retour à la vie, de retour aux lieux. La première fois que l’on découvre un endroit, on peut en tomber amoureux, ou simplement ne pas y penser. Vivre dans l’instant à défaut de vivre dans l’espace.  Et puis, parfois, au détour de la vie qui changerait mondialement et spontanément en quelques affreuses journées, les lieux peuvent disparaître. Alors, finalement leur redécouverte invite à réaliser qu’ils nous avaient manqué. Le lieu finirait-on par penser peut être aussi important que l’instant.

Le 25 septembre était pour beaucoup, l’occasion de retrouver le Bus Palladium de Paris. Club rock célèbre de la capitale qui a même à son actif un film, il invite aux meilleurs concerts suivis de folles nuits à danser sur du rock pointu aux consonances anglaises. Ce soir là, trois concerts étaient programmés et la qualité au rendez-vous allait de paire avec la réputation de ce monument de la musique parisienne.

Le rock sous toutes ses formes

Si c’est à 21 heures que la salle ouvre ses portes mais il faut s’armer de patience. Au Bus Palladium, les soirées commencent tard et ne finissent pas, elle s’étirent. La fête y est belle, sent le cuir hors modes et l’assistance a toujours 20 ans qu’importe si ce n’est plus le cas depuis longtemps. Cette candeur, elle se retrouve sur scène et ce n’est pas Grenade qui fera mentir ce constat. La quatuor parisien est encore au stade de découverte pour une partie de l’assistance. Une partie seulement puisqu’à peine les premières notes jouées, la foule se compacte et s’émeut.  Certains les connaissent par coeur. Ils appellent les musiciens et chantent avec eux leurs paroles en anglais. La qualité de ce set fièrement inspiré par l’âme d’Arctic Monkeys convoque à ses côtés l’esprit des Black Keys. Alors que le formation gère à la perfection son espace scénique, son guitariste hypnotise les foules. La précision de ses notes empli le lieu et l’électrise. Sous son rock britannique pointu, Grenade cache et distille des notes de blues suaves. Si le jeu de la première partie sait souvent devenir casse gueule, il n’en est rien ce soir, tant la qualité de chaque groupe s’allie à celle du suivant et crée un moment d’une justesse exacerbée.

L’âme des Smiths survoltée

Il ne faut pas attendre longtemps pour que le combo soit relayé par Sheitan & the Pussy Magnets. L’histoire veut que les compositeurs de groupes sont rejoints par leur batteur lors d’un voyage en Angleterre. L’anecdote coule de source tant la créativité made in Grande-Bretagne transpire dans ce set à fleur de peau. Si d’aucun pourrait leur prêter une ascendance des Smiths, le groupe transpose l’esprit mélancolique de Morrissey pour lui apporter la crasse des larcens et une bonne humeur communicative. De rock, il est bien question, là où, pour la deuxième fois de la soirée, le parallèle avec le groupe d’Alex Turner et de Jamie Cook semblent être une évidence. Si le courant peut prêter au laisser aller et à la fougue révoltée, l’énergique formation y allie la précision carrée des notes. Communiquant volontiers avec une audience qui maintenant pogote de bon coeur le groupe exacerbe les sentiments et frappe très fort avec la qualité de professionnels qui tourneraient depuis des décennies. Loin d’être aussi sages qu’ils ne pourraient paraître d’emblée, Sheitan & the Pussy Magnets joue sur un équilibre remarquable. Celui qui rend la douceur d’une guitare énervée, celui qui agite autant qu’il évoque l’intime, celui qui amuse et émeut à la fois. Il fait maintenant très chaud dans la petite salle parisienne. Les corps transpirent et l’air vient à manquer. Le bouillon rock devient un tourbillon dans les esprit surchauffés. La soirée est loin d’être terminée.

Punk is not dead

La grand messe qui vient à compléter le tableau est là pour casser les codes et les fondations posées par ses compères. Exit tout ce qui pourrait être propre et léché comme l’évoque le rock anglais actuel. Cette fois-ci, le punk est de sortie. Dans cet esprit jusqu’au boutiste, le groupe a revêtu des tenues de prêtres. Il ne faut pas attendre qu’une minute entière se passe pour que les compères frappent fort. La foule suit le mouvement et vient volontiers pogoter. Le temps est gommé, bien loin des confinements à répétition, du monde aseptisé qu’on aurait voulu nous vendre, le lâcher prise des 70’s refait surface vitesse grand V. A ce charme du tourbillon musical s’ajoute la candeur des 90’s, l’humour à la Jackass. Les guitares et la rythmique tapent dure alors que le Bus Palladium semble lui aussi tourner dans tous les sens comme sous l’effet de psychotropes puissants. Bon enfant, l’assistance interpelle régulièrement le groupe, lui adresse des blagues auquel il répond avec une aisance à souligner. La chaleur monte encore et les fous furieux de Yoko ? Oh No ! ont encore des atouts secrets. Comme ceux qui se cache sous les soutanes une fois celles-ci tombées. Le guitariste a en effet des caches tétons en forme d’étoiles comme nouvel accoutrement sur un torse en sueur. Les esprits s’échauffent aussi et l’alcool aidant un tout petit groupe passe des pogos aux coups de points lors du rappel. « On a moins envie de le jouer ce dernier titre maintenant ! » lancent les musiciens pourtant un brun amusés alors que cette ambiance guerrière va dans ce cadre punk à souhaits qui ne peut que sentir le bière. Le dernier titre se savoure d’ailleurs comme un breuvage au houblon bien frais un soir de canicule. Il enivre autant qu’il délecte, il se déguste jusqu’à sa dernière gorgée. Philipe Delerme dans son ouvrage parlait de « Le première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules ». Le texte a souvent inspiré, mais il a oublié que parfois une centième gorgée peut avoir la même saveur que la toute première. Celle d’un instant retrouvé au Bus Palladium qui restera dans les esprits avec la force d’une toute première fois. L’amertume du rock est la meilleure des effluves.


Order 89

Order 89 : envolée sauvage sur « L’été des corbeaux », leur nouvel album (chronique)

L’été 2021 sera beaucoup de choses : celui des espoirs et des doutes. Il sera…

6 artistes de rock indépendant qui valent le détours et leurs albums qu’il faut écouter

Il fait beau dehors, il fait chaud,  mais nous voilà confinés dans notre salon.  Pour…

Coup de cœur: PWR BTTM du punk en robe au Printemps de Bourges

Le Printemps de Bourges, coïncide avec la renaissance de la nature. Avec lui vient la…

Write A Comment