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We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

La résilience. N’est-ce pas un concept qui colle bien aux temps actuels ? Nourris aux menaces, aux risques, les générations actuelles vivent dans une peur constante de perdre tous les acquis de leurs aînés voir même la possibilité de vivre sur cette planète. Alors résilience, certes pour lutter contre les angoisses. Et puis et surtout face aux immenses enjeux qui se jouent actuellement, il faut se battre. Dans ce cadre la culture et en particulier la musique sont autant d’armes à utiliser pour porter les débats et les voix. Le festival en lui-même devient d’ailleurs un étendard puissant pour canaliser les consciences, dialoguer et pousser à l’engagement.

Dans ce cadre, le très engagé We Love Green, aux portes de Paris s’est donné pour mission de faire cohabiter têtes d’affiches et écologie et de prouver que si la musique est elle aussi polluante, elle peut être déterminante dans la lutte pour une action groupée pour – comme le diraient les films Marvel- tout simplement sauver la planète.

We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

En ce dimanche 3 juin, la planète bois de Vincennes, elle, est éclairé d’un soleil qui tape fort. Le festival qui trainait la réputation d’une certaine malédiction, l’édition précédente avait dû être écourtée en raison d’intempéries violentes, peut enfin profiter d’une année sans accroc pour faire valoir ses revendications et présenter sa très éclectique programmation.  D’entrée le festival promet d’être le plus green possible : une tente baptisée Think Tank offre son lot de conférences et débats, le tri sélectif est fait, les toilettes sèches et urinoirs féminins sont utilisés, les éco cups n’ont pas été logotées pour forcer à les rendre et donc à les recycler, toute l’offre food est estampillée végétarienne et surtout chaque concert est précédé de spots diffusés sur les écrans qui bordent les scènes visant à sensibiliser à des points précis concernant l’écologie. Quelques animations s’ajoutent à la fête. Certaines sponsorisées ( Maison du Monde propose de réaliser des couronnes de fleurs, Deezer de gagner son festival …), d’autres sont prévues par le festival : des skaters professionnels font des rides, des sauts et donnent des cours aux néophytes. Sous le cagnard donc. Si tout ne peut être parfaitement green, l’affaire est complexe et y répondre prendra, on le sait ,des années de réflexion, la proposition se tient. L’autre atout du festival tient en sa décoration et le soin tout particulier porté à son ambiance : une tente emplie de plantations de chanvre, des drapeaux de toutes les couleurs l’emplissent.

We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

We Love la Grille de programmation

Au milieu de ces actions, place tout simplement à la musique. En début d’après-midi, we love griller sur les pelouse en écoutant Moodoid. La formation distille une chanson française version nouvelle vague avec une touche d’électo qui colle aux festivités estivales. Elle s’offre un petit verre de champagne en fin de set et trinque sur scène. Les bulles sont le reflet d’une effervescence musicale légère, la journée est lancée.

Moodoid – We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Comme il est de coutume à chaque festival en ce moment et dans l’optique de satisfaire une certaine jeunesse qui en est fervente, le Hip Hop est de la partie. J9UEVE se présente sur scène, avec la chance de jouer sous le chapiteau donc à l’ombre, avec un peu de retard. Si l’urbain a d’excellente propositions et sait créer du haut de gamme musicale, c’est loin d’être le cas de notre homme. La foule répond volontiers à ses propositions pleines d’auto-tune et de morceaux déjà entendus partout. Les clichés s’y enchaînent portés par des beats qui invitent à se déhancher avec trop de facilité. Difficile de comprendre ce qui peut bien motiver à adhérer à ces phénomènes de mode. Autant donc, changer de scène.

Heureusement, la programmation est variée et a de quoi satisfaire un large public. Vient alors à prendre possession de la grande scène, une proposition à l’élégance indéniable : Gabriels. Avec une soul digne des plus beaux lounges de Brooklyn, le groupe transporte dans un New-York old school et idéalisé. Le chanteur, malgré les fortes températures, en impose avec son smoking et une cape multicolore. Ses choristes, sublimes, ondulent en robes noires serties de gants roses. Mais tout ça n’est rien face à la puissance vocale et au groove déployé.  Les instruments se répondent à la perfection, convoquent l’ancien pour lui apporter une dose de modernité. On y trouve l’étoffe de l’immense Barry White dans les prouesses technique comme dans l’évidence mélodique. Le set se finit par un bain de foule pour le maître de cérémonie qui prêche et convainc.

Autre salle, autre ambiance, c’est au tour de Pomme de pousser la chanson sous le chapiteau. Son interview réalisée par Konbini donne le ton avant que la douce chanteuse n’arrive sur scène. Elle est accompagné de sa troupe de musiciens déguisés en champignons. Fort à propos pour un festival qui met en avant la nature. Pomme allie toujours lors de ses concerts douceur, humour et bienveillance. Sa voix juste et son timbre fluet attirent les festivaliers en masse, à tel point qu’il est difficile de se trouver une place  :  » On a la meilleure scène, déclare la chanteuse, elle nous permet d’être à l’ombre. » A l’ombre donc, la voilà qui nous entraine dans son Monde magique où les émotions à fleur de peau répondent aux notes et où les contes et blessures se déploient sur la pointe des pieds.

Pomme – We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

« Bon » soirée, qui va (de)crescendo

Bon Iver qui se lit comme un bon hiver donc, porte aujourd’hui bien mal son nom. A moins que sa folk apaisante ne soit promesse de rafraichissement. Le soleil se couche sur le bois de Vincennes, les couleurs deviennent ocres. Là, comme dans un songe, une voix claire s’élève. Les guitares suivent et viennent à masser les esprits. Elles enveloppent les pensées comme les températures enveloppent les corps. Peu de temps de paroles pour la formation qui préfère enchaîner ses morceaux et prendre par la main ses convives. La promenade est intense : des hauteurs aïgues des voix, voilà qu’on croise des vallées faites d’effets et de vocaliseurs, des rochers à gravir donnant au set un ton plus rock et un timbre plus rauque s’alternent. Les visages de Bon Iver sont pluriels et s’explorent laissant parfois une boule au ventre. Celle-là même qui rend immédiatement nostalgiques d’un bon concert. Il faudra se passer du magnifique titre « Flume » mais pas intégralement du massif album qu’est « For Emma, Forever Ago ». « Lump Sum » et le Pic « Skinny Love » à l’acoustique  le représentent dignement. Le souvenir de cette instant de communion restera gravé lui aussi pour toujours.

Bon Iver – We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

Aimé Simone a toutes les cartes en main. Seul sur scène, le chanteur distille un son entre rock et rap et s’approprie l’intégralité de l’espace scénique.  Il invite une petite fille à le rejoindre sur scène pour chanter. Timide, elle peine à pousser la chanson. Ce n’est pas le cas du public qui lui, suit l’instant et répond volontiers aux interpellations qui lui sont faites. En plus de son répertoire, le musicien propose sa version personnelle et rythmée d’ « As it was » d’Harry Styles justement de passage dans la capitale quelques jours plus tôt. L’excitation est à son apogée, la clôture se prépare.

Aime Simone- We Love Green 2023 – Crédit photo : Louis Comar

L’entièreté du festival afflue dans la même direction dans le bon ordre, pour venir applaudir Lomepal. Si le musicien est souvent associé au mouvement urbain, il a surtout l’étoffe de la grande chanson française et l’aura sertie d’adulation des icône internationales du rock. Lomepal est adoré par son public et chacun de ses titres fait indéniablement mouche. Chaque mot, chaque silence est repris en choeur par l’assistance toute entière du premier au dernier titre. L’homme a, il faut l’admettre, une prestance incroyable. Et surtout une capacité à conjuguer instantané et intemporel. Le premier parce que il suffit d’une écoute pour que ses mélodies entrent en tête avec une évidence de classiques, le second parce qu’il y a à parier qu’ils entreront dans la postérité. Une mélancolie certaine s’ajoute à une euphorie galvanisée et une scénographie aussi simple qu’élégante. Les singles s’enchainent alors que l’homme arpente la scène et son avancée. « Decrescendo »,  « A peu près », « Mauvais ordre » et le puissant « Trop beau » défilent. Le maître de cérémonie peut régulièrement lâcher le micro et laisser la foule prendre les rennes de l’instant. Pour autant, aucune fausse note ne vient faire souffrir le set lorsqu’il reprend la parole. Il en profite pour annoncer deux nouvelles dates à l’Accor Arena à l’hiver avant de poursuivre de plus belle, le plume aussi affutée que son flot. La cohésion qu’il inspire lui permet de signer des concerts magistraux. Ses vers, « Beau à la folie » donnent « Evidemment »  bien plus d’armes et font couler « Plus de larmes » en faveur de la protection de la planète. Un dernier titre, côté public « Les yeux disent » au revoir et à l’an prochain.


We Love Green

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Nous y voilà enfin. Où que ce soit, tout le monde l’a repéré. Depuis plusieurs semaines, ses affiches sont disposées un peu partout en France. Encore plus à Paris et bien évidemment en Bretagne. Puisque c’est ici que ça se passe. Le festival malouin La Route du Rock, créé il y a un peu plus de 30 ans, était bien décidé à en mettre plein la vue. On les savait déjà exigeants niveau programmation. Cette année dépasse toutes les attentes. Nous avions beau descendre notre regard sur chaque ligne d’artistes de la programmation, une réaction en boucle de notre part se faisait entendre : « mais noooooooon ». Sans forcément convier les intouchables de la sphère rock comme Nick Cave ou Iggy Pop, le festival a comme d’habitude misé sur l’indé, l’éclectisme et la modernité, dans un bon équilibre entre big boss du game actuel (Fontaines DC, Ty Segall, Kevin Morby, Fat White Family, Baxter Dury…), artistes de taille moyenne (Black Country New Road, Beak >, Working Men’s Club…) et artistes émergents prêts à montrer de quel bois ils se chauffent (Geese, Honeyglaze, Yard Act, Porridge Radio,  Ditz…). Réunis, ils forment la plus belle programmation de 2022 tout festival confondus. Vous venez avec nous ? On est jeudi et une très grosse soirée nous attend.

Cette première journée au Fort Saint Père, après l’apéro de la veille de KING HANNAH et ALDOUS HARDING à la Nouvelle Vague, une salle de concert de Saint-Malo, promettait directement de décrocher les étoiles. En terme de début fulgurant, même celui de Wet Leg n’atteint pas de tels sommets. Elles font d’ailleurs parties de la programmation du jour, nous y viendrons.

Le site du Fort Saint Père est comme toujours divisé en deux scènes : la scène du Fort et celle un peu plus petite des Remparts. Les deux se font face et les concerts s’enchaînent à cinq minutes d’intervalle, de quoi assister à l’ensemble sans manquer une note. Bon point.

 

La Route du rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre

Embarquez pour la route des remparts

Commençons avec la scène des remparts. Imaginez-vous être dans une 2CV et emprunter des petites routes de campagne. Le départ est paisible, vous profitez du paysage avec COLA. C’est eux qui ouvre le bal à 18h30. Le groupe est formé par deux ex-membres de Ought, groupe montréalais de post punk. Un troisième homme est à la batterie : Evan Cartwright de U.S Girls. Leur premier album est sorti cette année et fait entendre un rock léger et efficace. Pas de fioritures : des riffs de guitare simples, modestes et apaisés, qui n’avoisine jamais pour autant le niais. Non, leur rock est ferme et assuré, inspiré des Strokes. COLA reflète l’humilité, avec son chanteur qui n’en fait pas des caisses, tout en sachant tenir l’attention de son public. Pari réussi pour l’ouverture. La route continue.

Votre trajet est soudainement secoué par une insertion sur une grande route, où le traffic est plus dense. Il est 20h10 et GEESE fait son apparition sur la scène des remparts. New-York est leur ville. Sur scène, ils viennent braquer le festival à six. Ce sont nos chouchous. Leur premier album Projector  fait partie de nos albums préférés de 2021, tant il parvient à faire intervenir avec brio un aspect pop au sein d’une musique purement rock. Les dix morceaux de Projector sont dix petits joyaux que l’on écoute en boucle. Les voir prendre vie devant nous nous faisait jubiler d’excitation. Et quel résultat ! GEESE est mené par un chanteur qui n’a pas encore les attributs et le charisme d’une rock star. Comme Grian Chatten à ses débuts, il est un peu maladroit, même si son sourire est bien plus marqué. Quand il ne chante pas, il bouge son corps assez peu naturellement. Mais c’est ce qui fait qu’on le fixe du regard. Il n’a que la vingtaine. Tous ont à peu près le même âge dans le groupe. Quand vient le morceau « Disco », alias le meilleur morceau de l’année passée, on se rappelle à quel point ils sont talentueux. En terme de composition, « Disco » est monstrueux. Celui-ci sonne comme une massue, jusqu’à faire tomber la cymbale du batteur en plein live. Dans sa version studio, il dure près de 7 minutes. Sur scène, relativement le même temps. Et au fur et à mesure que le morceau nous tape, on s’imagine déjà les voir dans quelques années sur la grande scène du Fort. En attendant, on profite de leur présence, et des nouveaux morceaux interprétés, en espérant qu’un nouvel album sorte très prochainement.

Le traffic sur la route se régularise. Vous avancez maintenant de manière fluide. C’est le moment où YARD ACT investit la scène des remparts. Il est 22h. Grande surprise du festival, le groupe britannique nous livre un des meilleurs shows de la soirée. Ils ont seulement un album à leur compteur mais sont déjà accueillis avec entrain. L’attitude barrée du chanteur réveille la foule : « ca va la Route du roooock » s’amuse t-il à dire avec son accent british. Leur pop/rock endiablée sonne terriblement bien, mieux qu’au Trabendo où nous les avions vus il y a quelques mois. Il faut dire que les morceaux sont au rendez-vous. En un album, YARD ACT est parvenu à définir une véritable identité sonore, de quoi assurer très belle performance de scène. Entre la force indéniable de leur single « The Overload » et la singularité assumée de morceaux comme « Rich » et « Land of the Blind », ils s’imposent déjà comme un des groupes importants de leur génération.

Minuit. La nuit est complètement tombée là où vous êtes. Vous arrivez bientôt à destination. Vous avez quitté la grande route pour reprendre des chemins sinueux qui n’apparaissent même pas sur votre GPS. C’est l’heure pour CHARLOTTE ADIGÉRY ET BOLIS PUPUL d’entrer sur la scène. Nuit illuminée par une musique puissante, à la fois techno, électro et pop. Les deux belges qui ont sorti un album cette année savent tenir le public en haleine. Leur jeu de scène est affiné, les interactions nombreuses. C’est une belle clôture pour la scène des remparts qui coupe ses amplis pour aujourd’hui. Vous êtes arrivés à destination. Mais la route n’est pas fini. Vous changez simplement de véhicule pour pouvoir emprunter l’autoroute.

 

Embarquez pour l’autoroute du fort

Oh. Etrangement, le jour est revenu. Comme un bond dans le temps, il semble maintenant être de nouveau 19h20. Vous ne vous souciez pas de cet effet temporel, il faut continuer de rouler.

L’insertion sur l’autoroute est douce, aucune voiture ne bloque le passage. BLACK COUNTRY, NEW ROAD ouvre la scène du Fort. Depuis quelques mois, juste après la sortie de leur excellent deuxième album, ils sont un peu orphelins, comme perdus. Le chanteur les a quittés pour épargner sa santé mentale. Comment continuer ? Faire comme si de rien n’était. Ne rien changer. Sauf que tout change malheureusement. Aucun ancien morceau n’est interprété. Seulement des nouvelles pièces, toujours plus lyriques et orchestrales. Soit. Au niveau du chant, celui-ci est partagé en trois, avec une insistance sur les voix féminines. On est quand même très loin du charisme vocal de l’ex-chanteur. La tension redescend fortement, lui qui maintenait en haleine chacun des morceaux. Jouer seulement de la nouveauté est un risque puisque l’on perd la sensation de retrouver des êtres chers. En deux albums, le groupe était tout de même parvenu à fabriquer de sublimes tableaux musicaux. Compétitifs sur le premier, plus raffinés sur le second. Mais voilà qu’en continuant sous ce nom, même si l’esprit sonore perdure, on trahit quelque peu son public. A six sur scène, ils ont des airs de premiers de la classe qui jouent pour le bal de promo. Tout est un peu trop propre, finement exécuté. Les morceaux ont du mal à retenir notre attention comme ils le devraient. BLACK COUNTRY NEW ROAD n’est plus vraiment. Nous resterons quand même intrigués par le prochain album studio, qui pourrait quand même nous surprendre.

Près de 45 minutes que vous roulez, il fait encore jour. La limitation est de 110. Eh oui, vous êtes en Bretagne. Le trafic est fluide. Vous vous sentez apaisé, libre, comme allongé sur une chaise longue. Gare tout de même à ne pas se sentir partir vers quelques songes lyriques. Pas de panique, WET LEG est là pour vous réveiller. Une heure leur est consacrée sur la scène du Fort, alors même qu’elles n’ont qu’un seul album. C’est dire leur ascension fulgurante. En un titre devenu déjà mythique, « Chaise Longue », les deux britanniques ont réalisé un coup de maitresses : s’imposer comme un groupe très convoité des festivals d’été. La foule se compresse, c’est le premier concert qui rameute beaucoup de monde. Elles commencent par « Being in Love », le premier morceau de l’album. Elles joueront ce dernier en entier, ni plus ni moins. Il est drôle de remarquer à quel point chaque chanson est à elle seule un petit tube pop rock. Le point culminant arrive évidemment à la toute fin, où « Chaise Longue » retentit comme l’évidence absolue. Tout le monde la connait. Simplement dommage qu’elles ne l’étirent pas, surtout que le concert n’aura finalement duré que 45 minutes au lieu d’une heure. C’est le type de morceau avec lequel on peut jouer sur l’engouement, faire des pauses, reprendre… Non, la version est, avec regret, un peu trop conforme à l’album. Sur le visage et l’attitude des deux musiciennes, on remarque la chaleur et la satisfaction de jouer ici. Leur cohésion est belle à voir. Niveau sonore, ça reste néanmoins un peu sage, sans envolées. Il leur faut probablement un peu de temps encore, de quoi rattraper certaines étapes que l’engouement autour de leur single leur a permis de griller. Mais en un sens, c’est aussi c’est ce qui est magique, voir la propulsion soudaine d’un groupe qui a peut-être encore un peu de mal à être pleinement à la hauteur de leur succès, mais qui, au-delà de ça, profite pleinement de leur talent à délivrer des tubes de l’été qui mettent plus ou moins tout le monde d’accord. Leur concert est disponible en replay sur Arte Concert.

La nuit est pleinement retombée. Des voitures surgissent de nulle part sur l’autoroute. Elles semblent accélérer, comme si la limitation était soudainement passée à 150. Fort bien. Vous suivez le mouvement. Malgré la densité, aucune perturbations. Tout le monde file. Il est 22h55 quand le groupe le plus côté de la sphère rock indé fait son apparition sur la scène du Fort. Il y a 3 ans, ils jouaient au même endroit, mais bien plus tôt, à 19h. A l’époque, ils n’avaient qu’un album. On les découvrait tout juste. Depuis quelques mois, ils en comptent trois. Leur nouveau s’appelle « Skinty Fia » et grâce à celui-ci, ils sont déjà entrés au Panthéon du rock moderne. On le sent dans l’air, que FONTAINES D.C. est le groupe le plus attendu de la soirée. La foule est compacte, quitte Yard Act avant la fin pour venir se placer. Les corps se serrent. C’est l’heure convoitée, celle de Baxter Dury demain et de Ty Segall samedi. Trop tôt pour que la foule commence à partir et trop tard pour qu’elle ne soit pas déjà échauffée. FONTAINES a intérêt à foutre le feu. C’est ce que tout le monde se dit secrètement. Et ça ne manque pas. Leur concert est sans nul doute le point culminant et le meilleur de la soirée. Leur aura est telle qu’ils dégagent quelque chose de grand et de mystique dès leur entrée sur scène. Ils débutent avec le premier morceau du dernier album, longue tirade musicale aux airs religieux, qui monte, monte, monte jusqu’à n’en plus finir. On le sent tout de suite, que le son est monstrueux, bien meilleur qu’à l’Olympia de Paris quelques mois auparavant. Grian Chatten, le chanteur, est de plus en plus hypnotique et à l’aise dans son rôle de leader désinvolte. Il captive. Il a certainement gagné en présence, lui qui ne bougeait pas d’un fil il y a 3 ans, même si nous étions déjà tombés amoureux de son attitude à l’époque. C’est aujourd’hui une vraie rock star, sûr de lui et conscient de ce qu’il renvoie. Comme s’il affrontait constamment son micro en duel, qu’il n’hésite jamais à malmener, Grian Chatten fait preuve d’un charisme irréfutable. A côté de lui, les membres du groupe sont relativement stoïques. Leurs instruments suffisent, puisque la guitare sonne terriblement, comme du fil de fer. Les riffs affutés surgissent avec fermeté, comme celui de « Big Shot », ou de « Sha Sha Sha ». Le concert est un best-of de leur carrière. En 1h15, ils ont à peu près tout joué. Que des morceaux mastodontes : ils attaquent notamment très vite avec « Hurricane Laughter » placé en troisième. Puis s’ensuit un déferlement : « Televised Mind », « I Don’t Belong », « Nabokov », « Too Real »,  « A Hero’s Death », « Jackie Down the Line »… Mais combien de chansons cultes ont-ils donc ? La fin nous achève définitivement avec l’enchainement magique de « Boys in the Better Land » et « I Love You ». Oui, Fontaines DC est devenu immense. Face à eux, force est de reconnaitre leur grandeur. Au fond de tous les festivaliers présents sur le site, l’envie d’être Grian Chatten a, à un moment, ne serait-ce qu’une seconde, trouvé naissance.

Comment continuer à rouler à cette vitesse encore ? Vous reste-t-il assez de carburant ? L’autoroute semble interminable, vous semblez l’avoir traversé de long en large. Pourtant, il vous reste un bout de chemin à parcourir. La masse de voiture a faibli. La vitesse descend à 130. Mais vous êtes encore dans la course, à vous enfoncer dans un noir toujours plus lointain. Il est 1h du matin, et pour vous donner toujours plus de pêche, voilà que WORKING MEN’S CLUB entre sur la scène du Fort. C’est surtout le projet d’un gars, Sydney Minsky-Sargeant, jeune, aux traits quelque peu similaires à ceux de Grian Chatten. Il est accompagné par des musiciens mais c’est sur lui que l’attention se fige. Son air nonchalant prend beaucoup de place. Il bouge comme un insecte. La musique jaillit à un niveau sonore inégalé durant la soirée, avec des sonorités électro/rave bien grasses à l’ampleur méritée. C’est fort, et bon, même très bon. Mieux qu’en studio. Plus charnel, plus direct, plus carré. Un nouvel album vient de paraitre le mois dernier. Il gagne là toute son intensité. Il y a quelque chose de frénétique, d’hypnotisant dans cette performance. On se retrouve vite happés par l’intensité. Quand il prend sa guitare, c’est le clou du spectacle, comme un décollage dans l’espace. Elle ne sonne pas comme une guitare, il la déforme pour coller à sa musique toujours située entre le kitch et l’esprit rock.

Votre voiture finit par perdre le contrôle. L’autoroute du rock était finalement trop dangereuse. Pas de panique néanmoins, vous êtes sain et saufs et serez encore là demain pour une deuxième journée au Fort de Saint Père, qui, sur le papier, ne promet pas d’être meilleure que la première mais qui, si les astres s’alignent bien (déjà mal parti avec la pluie), a de quoi nous réserver son lot de surprises.

La Route du Rock 2022 / Crédit : Théophile Le Maitre

Un printemps de Bourges sans pluie n’en serait pas un selon l’adage populaire. Cette édition 2022 pourrait pourtant bien faire mentir les on dit. Ce mercredi 20 avril 2022, le soleil est d’ailleurs toujours au beau fixe. En ce jour de débat d’entre deux tours, la ville, elle vibre au gré de la musique. Et ce dès 12 heures 30 dans la charmante salle du 22. Qu’importe donc ce que les politiciens pourront dire. C’est dans les salles obscures, sur les planches qu’ont lieu les meilleurs des argumentaires. C’est donc sous le jour de ce thème d’actualité que nous débattrons de cette deuxième journée de festival.

 

Le pouvoir d’achat

Problématique centrale, s’il en est, à Bourges, les possibilités d’achats sont néanmoins nombreuses.  Il suffit de flâner entre le Palais d’Auron et la scène du Berry pour s’en rendre compte.  Les stands s’étendent  jusque dans les hauteurs de la ville. Ils sont également nombreux autour de la cathédrale. Vêtements, friperies, bijoux artisanaux, porte-clés gravés et stands alimentaires en tous genres contemplent des artistes de rue. Ce sont eux l’âme originelle  de l’évènement qui mettait à ses débuts autant en avant jongleurs que chanteurs amateurs. Une idéologie qui perdure alors qu’un homme orchestre, qui joue des tambourins avec ses pieds tout en grattant ses cordes avec les doigts, officie devant la cathédrale.

International

S’il en est une qui met bien tout le monde d’accord c’est bien la performance de GLITCH. Trio à majorité féminine, le groupe créé la surprise dès ses premières notes. Le printemps a changé certaines de ses recettes : fini les tris par genres et catégories pour les Inouïs, place aux découvertes plurielles. Et en matière d’arguments, le groupe en a des beaux. Une première note capte l’attention de la salle incapable de répliquer. Fortement inspiré par la scène cold wave d’Outre Manche, la formation s’ose à brusquer entre riffs à la noirceur viscérale et parti pris pour une voix scandée. Brusque, jusqu’au boutiste aussi élégante que chaotique, la musique de GLITCH frappe fort.

environnement

La musique s’engage pour l’environnement c’est chose connue mais c’est aussi le cas sur le Printemps de Bourges. De nombreux stands issus du commerce responsable artisanal sont éparpillés dans le ville, le tri sélectif y est pratiqué et surtout l’initiative « Demain le Printemps ! », qui a à coeur de mettre en avant les actions de collectivités et de structures en faveur du développement durable, sur le territoire et au-delà.

Côté artistes, le duo Walter Astral excelle à mettre à l’honneur les merveilles de notre planète en composant son set autour des 4 éléments : l’eau, la terre, l’air et le feu. Inouïs qui se produit ce soir là au 22, le groupe poétique distille de l’électro envolée et particulièrement soignée et convoque la nature avec ses machines !

compétitivité

Les grands moyens sont donnés ce soir là au W, l’immense chapiteau dressé chaque année pour le printemps. Face à une foule qui s’est déplacée en masse, la chanson française a sorti ses plus belles couleurs pour revendiquer ses notes.

On milite en paillettes côté Juliette Armanet. La jolie brunette qui confie d’entrée « avoir peur » face à une aussi grande salle fait mouche grâce à son naturel touchant, sa sincérité troublante et sa grâce indéniable. Elle dévoile son répertoire à fleur de peau, se confie d’abord derrière son piano utilisant chaque touche comme un argument incontournable. Puis, la voilà qui invite l’audience à la suivre dans une danse endiablée. Il y a du France Gall, c’est évident chez la chanteuse. Ne lésinant devant aucun moyen pour faire briller la musique, elle arbore dans un premier temps une chemise à paillettes avant d’en changer pour un costume à faire pâlir Fillon, une combinaison qui brille entièrement de mille feux. Grâce à un jeu de lumières, elle devient elle même une boule de disco qui se réfléchit sur toute l’audience. On pourra dire ce qu’on voudra, mais avec plus de costumes pailletés, il n’y aurait plus de guerres.

Vianney ne compte pas se laisser faire aussi facilement et contre argumente au W toujours. Le musicien se présente armé de sa traditionnelle guitare sèche et ses titres connus de tous. L’assistance de tout âge chante volontiers et profite  du gendre idéal qui s’avance en avant-scène, invite à chanter, bondit dans tous les sens. Vianney a une capacité de showman indéniable qui se prouve à chaque concert. « Pas là », « Dumbo » ou encore « Je m’en vais » sont très vite joués. Pas d’artifices, la recette prend avec naturel et sympathie, le moment est aussi familiale que plaisant alors que le chanteur communique volontiers avec l’audience. Et au costume à paillettes qu’avez vous à répondre Vianney ? Eh bien des  effets de pyrotechnies sur scène qui finissent par former des V, répond le meneur. Un point partout alors.

Jeunesse

Il faut aller à la Halle au Blé pour la trouver. La grande salle y accueille tous les rappeurs français les plus branchés du moment. Parmi eux, le set de JOK’AIR crée la folie. Pour s’assurer de bien chauffer la salle, le chanteur monte d’abord sur scène puis la quitte immédiatement « Je reviendrai quand vous serez chaud ». La foule l’acclame , téléphones sortis, stories prêtent à être filmées. Quand enfin il revient, la fête devient folle. Le musicien ne manque pas de faire la part belle aux nouvelles technologies dans son plaidoyer et la jeunesse vote volontiers pour lui.

La jeunesse elle, se découvre également sur scène avec les Inouïs et ses très belles pépites. Eloi milite pour plus de « Communication » dans ses titres hybrides et énergiques. Si vous aimez Bagarre, ses morceaux au croisement des genres entre électro, rap et rock, vous adorerez ceux d’Eloi, complètement barrés, énervés et construits, une performance qui fait mouche et claque fort. Une belle promesse pour un avenir où les compositions se renouvellent.

A la salle 22 EST, un autre Inouï  convainc par chaos. Les fous furieux de Meule dévoilent un set d’une puissance rare entre électro et rock. Deux batteries se regardent dans les yeux et produisent des ondes de choc musicales. Un véritable séisme aussi travaillé que précis qui chamboule et détruit tout sur son passage. Les codes des courants musicaux, sont pulvérisés pour mieux renaître, les ondes se répercutent et produisent la claque dont nous avions besoin. La jeunesse va reconstruire la scène française.

Question de gouvernance

La ministre de la culture Roselyne Bachelot a fait le déplacement comme chaque année pour défiler entre les stands du Printemps de Bourges, costume bleu sur le dos et masque sur le nez. Elle est suivie d’une foule de photographes et de son entourage. Pour dire quoi néanmoins ? La culture lui serait-elle finalement essentielle ? Le prochain débat scénique demain permettra d’en savoir plus.


Printemps de Bourges - 2022

Printemps de Bourges 2022 J1 : L’ADN de la scène française avec Dutronc & Dutronc et Gaëtan Roussel

Le Printemps de Bourges et de retour ! En ce 19 avril 2022, le festival…

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Essonne en Scène : Une après-midi sur l’herbe de Carole Pelé à Vianney (reportage)

Le soleil brille dans le ciel francilien. Après des semaines de grisaille et de temps…

Printemps de bOURGES 2022Le Printemps de Bourges est de retour dans son format traditionnel du 19 au 24 avril 2022 ! Pour cette 46e édition, les organisateurs ont concocté une programmation aux petits oignons mêlant têtes d’affiches et artistes émergeants. C’est avec une thématique forte que revient ce monument de la culture musicale française : reprendre vie maintenant. Et ça après des mois de privation, festivaliers et monde du spectacle vivant en avaient bien besoin. 2020 avait vu son édition annulée, 2021 avait vécu une édition réduite, 2022 sera le moment de renouer avec une édition plus traditionnelle dans toute la ville.

Au programme donc, des grands noms issus en grande majorité de la scène francophone et puis comme toujours le Printemps jouera son rôle de prescripteur en proposant une programmation léchée avec à sa tête ceux qui font la musique d’aujourd’hui et de demain.

Demandez le programme

D’abord à travers les Inouïs dont la sélection complète sera connue le jeudi 24 février mais aussi à travers de nombreux lives sur les scènes de l’évènement. Parmi eux on retrouve : les rockeurs de Last Train, les britanniques de Life, la grande Fishbach, la coqueluche à la voix de velours Olivia Ruiz, l’inénarrable Vianney, le mastodonte Vitalic, les classiques IAM, l’électro chill de Polo & Pan, le rap ivoirien de Jok’Air, la folk envoûtante de Malik Djoudi, les beaux mots de Clara Luciani, les cultes Dutronc & Dutronc, le groove de Deluxe, les riffs libertaires de Lujipeka, le rap tendance de Roméo Elvis, les beats de Kungs, la chanson mélancolique de November Ultra,  Crystal Murray et pleins d’autres à découvrir ici. De belles promesses donc à vivre du 22 à la Halle au Blé, en passant par l’immense chapiteau du W et les spectacle en salle dans le Palais d’Auron et sa vibe digne du Zénith mais aussi dans les bars de la ville et ses scènes extérieures… Des créations, conférences et rencontres peupleront ce Printemps qui devrait on l’espère souffler un vent de renouveau dans le monde de la culture et éclore comme les bourgeons qui nous manquent cruellement.

Les billets seront en vente dès demain à partir de 11h sur le site du festival.


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