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Huit ans après son dernier long-métrage (Microbe et Gasoil, 2015), Michel Gondry, réalisateur d’Eternal sunshine of the spotless mind, Be kind, rewind !  et de beaucoup de clips (Bjork, Daft Punk…), revient en force avec Le livre des solutions, comédie autobiographique portée par Pierre Niney et Blanche Gardin. En très gros, Marc est un réalisateur passionné, lunatique et insupportable (pas tant que cela en fait), et la production menace de reprendre les rennes de la réalisation de son film de quatre heures. Il se barre alors avec son équipe et le matériel de montage chez sa tante dans les Cévennes pour finir son œuvre comme lui le souhaite. Et le tout est particulièrement touchant, et surtout SURTOUT très drôle.

le livre des solutionsLIVRE DE BLAGUES

Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas entendu une salle obscure rire autant et de si bon cœur depuis… euh, vous avez compris l’idée. Un spectateur a même prédit des répliques prochainement cultes, espérons-le ! Il faut dire que la finesse des dialogues, le jeu de Pierre Niney et le rythme coordonné du tout permet une addition sucrée où le rire n’a pas de prix. Ce n’est pas lourd, ce n’est pas farfelu : le naturel et la fantaisie littéraire de Gondry font tout le travail. Oui voilà, on rit vraiment beaucoup et c’est bien fait.

Le livre des solutions
Le Livre des Solutions de Michel Gondry (@artistikrezo)

RECUEIL DE POESIE

Marc a beau réveiller ses collègues en pleine nuit pour leur demander de contacter Sting pour la BO de son film ou leur hurler dessus, son génie artistique et la profondeur de sa personnalité le rendent particulièrement attachant. C’est d’ailleurs un des coups de maître du film que de faire apprécier cet énergumène au spectateur. Il aime autant son équipe qu’il les maltraite : la création du « camiontage » pour s’excuser auprès de sa monteuse est un exemple superbe. Chacune de ses idées reflète un esprit foisonnant d’émotions et de génie ; attendez de découvrir la scène de l’orchestre – elle est réellement arrivée au début de la carrière de Gondry. L’amour qu’il porte à sa tante, personnage marquant de douceur, et leurs échanges, parfois lunaires, ont la tendresse d’un bout de coton. Fragile et à fleur de peau, la chair de Marc tombe aussi amoureuse, presque sans s’y attendre. La relation qu’il noue avec Gabrielle, même si elle aurait méritée d’être plus mise en avant, est aérienne et unique en son genre. Tout y est joli. Et drôle aussi, je ne sais plus si je vous l’ai dit.

LES CONFESSIONS

Aux chiottes Rousseau et Saint-Augustin, leurs confessions respectives n’ont rien de spécial mises à côté du grand Gondry. J’exagère légèrement (d’autant plus que la comparaison littérature/cinéma pour un même genre n’est pas pertinente ici, enfin ça c’est une autre question), mais l’auto-biopic que livre le réalisateur est aussi sincère que transparent sur cette période précise de sa vie. Le portrait qu’il dresse de lui-même à travers Marc n’est en effet pas bien tendre. Aussi, chaque personnage est un proche ou une connaissance de Gondry, à quelques arrangements scénaristiques près, les événements relatés sont vraiment arrivés. Bref c’est sincère à 200% et apporte beaucoup de ludisme au visionnage d’un ensemble hyper maîtrisé.

EPILOGUE

Au cas où vous ne l’aviez pas compris, je vous conseille vivement d’être présent en salle pour le retour du réalisateur. On rit, on ne pleure pas mais on est ému et profondément touché. Certains ont vu une apologie du réalisateur « toxique » (je le mets entre guillemets parce que Gondry a dit qu’il n’aimait pas la démocratisation du mot pour n’importe quel usage), mais c’est bien comme la période précise et isolée d’un début de carrière unique et tourmenté que le temps du film est à envisager. Cette carrière, qui n’est plus à présenter (je l’ai quand même fait au début de l’article au cas où), elle est d’une créativité et d’un style rares, d’un DIY poétique rarement égalé, et il n’y aura pas besoin d’analyser les procédés rhétoriques de cet article pour comprendre que je l’admire. Conclusion (je dois m’arrêter sinon c’est (beaucoup) trop long): la solution à tous vos problèmes se trouve dans les pages de ces 1h42, à lire et relire dès septembre.

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Luzzu jeu concoursJeu-concours ! On commence l’année très fort avec un premier jeu-concours cinéma.

Au programme des places à gagner pour vous et un plus un  pour assister à la séance de votre choix du film « Luzzu » d’Alex Camilleri. Les billets seront valables partout en France sur n’importe quelle séance. En lot 2 X 2 places à gagner.

Pour participer, rien de plus simple, laissez nous un commentaire en nous expliquant pourquoi vous voulez aller voir le film ! Les gagnants seront tirés au sort et avertis par message de leur lot.

Luzzu de quoi ça parle ?

De générations en générations la famille de Jesmark pêche à bord du Luzzu, bateau en bois traditionnel maltais. Mais Jesmark voit son avenir menacé par la raréfaction des récoltes et l’ascension d’une pêche industrielle impitoyable. Pour subvenir aux besoins de sa femme et de son fils, le jeune homme va peu à peu se compromettre dans le marché noir de la pêche.

Sortie en salle le 5 janvier 2022.

Bonne chance à tous !


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The father, de quoi ça parle ?

THE FATHER raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans, Anthony, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux. Mais c’est aussi l’histoire d’Anne, sa fille, qui tente de l’accompagner dans un labyrinthe de questions sans réponses.

 

The Father, est-ce que c’est bien ?

Deux Oscars pour The Father, un coup de maître pour Florian Zeller. Avec un premier passage derrière la caméra, le frenchie et auteur rafle tout et s’offre un véritable rêve hollywoodien. Il faut dire que l’adaptation de sa pièce de théâtre Le Père avait de quoi séduire un public friand de films  novateurs et joliment écrits.

Différent vous dites ? Oui et pourtant, hasard du calendrier, problématique actuelle ou simple réflexion d’une génération de cinéastes, la thématique de la démence des personnes âgées avait été abordée deux autres fois cette même année. La première par le genre horrifique grâce à l’immense Relique, sa vocation à mettre en avant le lien mère, fille, petite-fille, la perte de la raison, l’habitation comme enfermement, la fin de vie. Une pépite poétique où l’esprit prend les même gimmicks que les esprits. Venait ensuite le tour de Falling, premier film à la réalisation de Viggo Mortensen qui prenait comme postulat la mésentente père-fils et l’âge pour mieux parler de son sujet. Le film, comme l’expliquait Florian Zeller lorsqu’il présentait son film dans le 19ème arrondissement de Paris, avait également été projeté à Sundance. Les deux pouvaient donc être liés, ne serait-ce que par leur sorties sur les festivals.

The Father filmLes comparaison entre les trois oeuvres s’arrête pourtant là tant chacun a choisi une approche différente pour raconter son sujet. Et dans le cas de The Father, la forme compte au moins autant, si ce n’est plus que le fond. De prime abord, le but premier du métrage semble bien être celui de déstabiliser le spectateur. Comment l’immense Anthony Hopkins, le génie, l’interprète du brillant et vicieux Hannibal Lecter pourrait-il être abandonné par son esprit ? L’idée semble tellement improbable qu’elle crée visuellement le premier choc de la pellicule. C’est d’ailleurs surtout pour cette raison que Florian Zeller a attendu des mois durant le talentueux acteur gallois et ce au risque de reporter deux fois son tournage.

Notre homme est un habitué du théâtre, si sa bibliographie prouve ce propos, le choix narratif de la bobine de Zeller fait de même. Souvenez-vous de la règle d’unité du théâtre de Boileau  «Qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli». Si cette règles est loin d’être appliquée à la lettre, notre histoire se raconte en un seul lieu. Un lieu mouvant et changeant comme un décors qu’on changerait sur une scène. Le temps lui même semble calculé pour être une journée unique, une journée qui changerait pourtant sans cesse d’heure, de moment, qui se répèterait en boucle et en même temps qui changerait en chaque instant. Cette confusion du temps de l’espace, bien plus qu’un élément théâtral est ici utilisé pour adopter le point de vue d’Anthony, le personnage joué par Anthony Hopkins. Comment peut-on alors faire confiance à un narrateur qui ne sait plus ce qui se passe ? Comment pourrait-on ne pas faire confiance à Anthony Hopkins que l’on suit minute après minute de ce chef d’oeuvre émouvant, dure, tragique et si vrai ? Loin du métrage de Viggo Mortensen qui cherche à pardonner au père ses nombreuses imperfections et épouse le point de vue d’un fils aimant et éprouvé, « The Father » lui fait un immense travail d’empathie et tente de nous faire vivre le calvaire du père à demi-conscient de ses pensées qui le quittent. Il est pourtant loin d’être un écrit auto-biographique, le réalisateur évoque une histoire inventée qui lui a été vaguement inspirée par sa grand-mère tombée elle aussi dans la démence. Pour qui aura vécu le chemin d’un proche perdant doucement l’esprit, le film semblera d’un tel réalisme, d’une telle précision, qu’il en deviendra douloureux à regarder.

C’est sûrement l’une des plus grandes forces de cette pellicule, une empathie à fleur de peau qui joue de jeux de caméras et d’effets de styles pour perdre un spectateur pourtant conquis. Nolan et son « Memento » peut donc bien aller se rhabiller.

Un casting à couper le souffle

the father florian zellerL’ombre de l’enfant piégé dans une relation d’aimant dépassé plane à tout moment sur The Father. Interprétée à la perfection par Olivia Colman, sa fille Anne, est débordée par les évènements. Elle tente d’apaiser un père qu’elle ne comprend pas, qui la blesse à répétition et qu’elle veut sauver de lui-même. A moins, que ce ne soit pas le cas ? Et si Anthony avait raison ? Comme souvent, la perte de repères entraîne la paranoïa. Qui doit-on croire ? A quoi peut-on se raccrocher ? Aux objets peut-être, une montre par exemple, un repas. Il est donné au spectateur le choix de croire en certaines scènes puis de détruire le cadre que l’on prend pour acquis pour mieux recommencer. Et la force de The Father tiendra à enchaîner les débats chez les spectateurs désireux de raccrocher les wagons, de démêler les instants et les moments. Vous voulez connaître la vérité tangible ? Et bien, doutez donc.

Si les repères changent seulement sensiblement, certains s’additionnent donnant par instant des pistes de réflexion comme l’omniprésence de la  couleur bleue qui prendra sens dans son acte final. Le film s’avère être un effet de style qu’on ne saurait trop raconter pour permettre au spectateur une immersion intense aussi difficile qu’essentielle. On en sort évidemment boulversé, convaincu d’avoir vécu un grand moment de cinéma et une claque douloureuse.

L’autre force du métrage vient  de ses performances d’acteurs. En tête de liste l’immense Anthony Hopkins qui remporte donc un Oscar, plus que mérité pour le rôle. Rarement jeu d’acteur n’avait été aussi juste. Il épouse tant la psyché de son personnage qu’il est impossible de voir l’acteur jouer. Cet exploit est d’autant plus fort qu’un acteur immensément connu finira toujours par transparaitre derrière les traits de celui qu’il interprète. C’est d’ailleurs pour cela qu’Edward Norton (qui avait déjà donné la réplique à Hopkins dans ‘Dragon Rouge’) préférait ne rien révéler de sa vie privée : laisser le spectateur croire en son rôle. Une fois n’est pas coutume, il devient impossible de penser assister à une simple bobine. L’âge d’Anthony Hopkins lui a-t-il permis de projeter ses angoisses sur bobine ? Les nôtres y sont en tout cas représentées. A cette côté Olivia Colman est bouleversante, d’une vérité criante. Elle est le spectateur qui pourra s’identifier à ses détresse, parfois contenue, souvent rampante sous sa peau.

« The father » s’avère être une épopée aussi haletante que poignante. Un immense moment de cinéma qui colle parfaitement avec une ré-ouverture tant attendue. Allez le voir sur grand écran, faites vous ce cadeau. Par les temps qui courent l’empathie envers nos aînés ressemble à un cadeau.


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lux aeterna

Si l’Étrange festival qui touche à sa fin dimanche 13 septembre a vécu nombre de temps forts, la diffusion du dernier film de Gaspar Noé était sans équivoque le plus attendu. Le réalisateur italo-argentin est par ailleurs l’un des poulains de l’évènement année après année. 2019 lui permettait d’offrir Climax en avant-première et de présenter la première de The house that Jack built de Lars Von Trier. Cette année c’est donc avec le très attendu Lux Aeterna qu’il revient en portant à l’affiche Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle. Ce 12 septembre une standing ovation attend d’ailleurs le réalisateur et Béatrice Dalle dans une salle pleine à ras-bords soit à 60% de sa capacité, Covid-19 oblige.

Lux æterna de quoi ça parle ?

béatrice dalle charlotte gainsbourg gaspar noe

Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Or l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière.

Lux æterna, est-ce que c’est bien ?

lux aeterna

Un peu de contexte tout d’abord, le moyen-métrage de Gaspar Noé tient d’une commande à réaliser en urgence pour le festival de Cannes. C’est au bluff selon ses dires que le metteur en scène a promis un film sans même en connaître le sujet. Fort de son nom et de ses très grandes réussites, « Irréversible » restera dans les anales du cinéma français, ce dernier a su vite s’entourer d’un casting cinq étoiles réunissant Béatrice Dalle la sulfureuse et la douce mais téméraire Charlotte Gainsbourg pour un film qui évoquera la sorcellerie. Changement de registre d’ailleurs pour le cinéaste puisque le film est pour la première fois de sa carrière tout public donc loin de son traditionnel interdit aux moins de 16 ans et s’attire la sympathie des Cahiers du cinéma pour la première fois, comme quoi la qualité viendrait d’un manque de violence ou peut-être d’un point du vue interne sur le monde du cinéma selon ces derniers. Passons le discours sur le cinéma d’épouvante et sa perception par la critique en France, il est connu de tous ses amateurs. Avant même le début du film, Dalle n’a de cesse de vanter les mérites de l’oeuvre « Il est trop bien » allant jusqu’à ajouter qu’il est sa plus grande fierté. Doit-on la croire ? Verdict.

Objet étrange que ce Lux ætera qui a bien sa place au festival qui le projète en presque avant-première. Etrange dans son traitement où l’improvisation est mot d’ordre mais aussi dans son approche et ses couleurs. Puisque le métrage se partage l’affiche entre deux points forts : la rencontre de deux actrices opposées dans leurs tempérament et l’image et le jeu de plans et de couleurs. Le sujet finalement parait secondaire. D’entrée déconseillé aux épileptiques,  il met en image la Cène et la passion du Christ sous un jeu de lumières justement prompt à créer une crise d’épilepsie. Fort de son recule sur le travail de cinéaste, le film joue la carte d’un second degrés et d’un recul volontaire à l’aide de citations piquantes dévoilées à dose régulière sous forme de panneaux. On ne peut enlever à Gaspar Noé sa capacité à créer une atmosphère, ici de plus en plus étouffante à mesure qu’elle frôle avec l’anarchie et l’hystérie.

L’autre point fort du réalisateur étant sa capacité à travailler en équipe, connu pour laisser les acteurs improviser sur les plateaux, il semble ici leur donner une carte blanche intégrale construisant son récit sur les personnalités des deux stars, leur offrant l’occasion d’être elles-même face caméra. Un long dialogue entre elles, franchement savoureux et dévoilé sur un écran coupé en deux fera ainsi l’unanimité pour un public adepte de ses deux femmes. Béatrice Dalle, la grande gueule, exubérante et attachante balance quelques grandes phrases bien senties sans se prendre au sérieux et avec un ton naturel et parlé. Les hésitations dans le discours, l’absence de fluidité propre à la vraie vie sont ainsi mises en lumière. Timide mais éblouissante, Charlotte Gainsbourg ponctue la conversation avec pudeur.

Les sorcières sont bien au programme, oui, puisqu’une scène de bucher doit être filmée mais aussi et comme c’est introduit le dialogue parce qu’il est facile de ré-adapter le discours de la sorcière sur la femme de 2020. Béatrice Dalle ne serait-elle pas jetée au bucher par son producteur et son chef opérateur alors qu’une femme prend le pouvoir derrière la caméra ? N’est-ce pas aussi le cas des autres actrices qu’on n’écoute pas et qu’on ne comprend pas ? Une femme déterminée ne serait-elle pas une sorcière lorsqu’elle tente de prendre du pouvoir ? En choisissant également de créer une oeuvre en deux langues anglais et français, Noé pousse cette incompréhension entre les êtres et peut-être aussi, semble-t-il s’amuser à demi clin d’oeil, entre une équipe de cinéma qui joue entre coups bas et incapacité à être dirigée. Puisque tout le monde semble chercher à prendre le pas sur l’autre, à dépasser son rôle. La lumière y est un incroyable vecteur de tension et d’angoisse tout comme le son qui lorsqu’il perturbe la communication devient diviseur.

Gaspar Noé semble s’adresser dans ce moyen métrage aux érudits. Si le film parle du cinéma et était destiné au festival de Cannes, il est l’occasion de tacler, remettre à sa place, créer des situations qui paraissent vécues. Quitte à laisser de côté un spectateur lambda qui comprend ce qu’on lui dit mais ne peut ressentir les scènes qui lui sont proposées. L’histoire quasiment laissée de côté au profit du sentiments et d’hystérie collective déstabilise et fait de cet objet cinématographie une bête de festival bien plus qu’un métrage à laisser entre toutes les mains. C’est probablement l’un des points noirs du film qui dit des choses mais finalement sans trop en dire et sans les dire à tout le monde. Les citations parfois amusantes ramènent le propos à sa place, laissant à tous l’occasion brève de faire partie de cette aventure. Un brin décousu l’oeuvre manque peut-être de la violence propre à Noé, n’en déplaise à certains, pour mieux appuyer son propos et le rendre plus lisse. L’épreuve vécue par les actrice se transforme parfois aussi en épreuve pour le spectateur lui aussi agressé par la lumière et le son. Est-ce une façon de l’intégrer au récit et la montée en tension palpable ? L’hystérie d’ailleurs comme la sorcellerie reste des maux que l’on attribuait volontiers à la femme, en ces temps de percée féministe, le discours semble tomber à pic sans jouer l’axe de la redite des réseaux sociaux.

Loin d’être exempt de défauts, le film séduira un public déjà conquis et initié tout en mettant ses actrices en son centre. Il pourra néanmoins laisser complètement sur le carreau, certains spectateurs dépossédés de l’instant. A en juger pourtant par l’euphorie galvanisante en sortie de salle 500, les fans du cinéastes, les cinéphiles farouches y trouveront leur compte. D’autres pourraient y voir un clip joliment mis en scène mais trop improvisé et manquant d’une construction plus linéaire. Point de choc et de scène qui empêcheront de dormir la nuit au programme, mais une réflexion abstraite à reprendre pour mieux l’intégrer. A ne pas mettre dans toutes les mains donc.

Sortie en salle prévue le 23 septembre.

Bande-annonce


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