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Champs Elysées Film Festival

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Du 20 au 27 juin le cinéma américain et français, passé comme présent se dévoile sur les Champs-Elysées. Projections, tables rondes, masterclass, rooftop, Le Champs Elysées Film Festival fait la part belle à l’indépendance cinématographique du court au long métrage. Qu’avons nous retenu de cette édition ? Retour sur nos coups de cœur.champs elysées film festival 2023Mutt – Vuk Lungulov-Klotz

Mutt c’est l’histoire d’une journée dans la vie de Feña, jeune homme trans installé à New-York. Successivement au cours de ces 24h, il croise son ex qu’il n’avait pas vu depuis sa transition, sa sœur de 13 ans qui fuit les violences physiques et morales de sa mère et son père, venu recoller les morceaux avec son fils. Chacune de ces rencontres est fortuite et plonge Feña dans ses souvenirs et un passé qu’il tente à la fois d’oublier et de reconstituer. Ce film pose un regard frais et tendre sur la transidentité, tout en soulignant l’ignorance de certaines personnes à l’égard de la communauté trans. Que ce soit à la banque où Feña est qualifié de « madame » par la banquière ou la fameuse question du « t’as quoi entre les jambes? » (on pose pas cette question, s’il vous plait, merci), Feña fait face à la maladresse et aux micro-agressions auxquelles font face les personnes trans chaque jour. Mutt sort le 9 août prochain en salles.

Mutt-filmSometimes I think About Dying – Rachel Lambert

Dans Sometimes I Think About Dying, Fran mène une existence silencieuse, sans excitation et solitaire. Employée de bureau dans une petite ville côtière des États-Unis, elle rêve de liberté. Seulement, la liberté pour elle, c’est de s’imaginer morte. La pensée l’obsède et l’enferme dans un silence qui ne fait qu’amplifier le bruit des autres, omniprésent et envahissant. Fran n’est pourtant pas suicidaire, juste curieuse de voir ce que ça fait de mourir.  La palette de couleur beige, grise et brune souligne l’impression d’une existence vécue à la troisième personne, distancée de sa propre identité. Cependant, l’arrivée de Robert dans son bureau va perturber sa routine.

ROTTING IN THE SUN – sebastian silva

Délire cynique à base de kétamine, de disparition et de bites, le nouveau long-métrage de Sebastian Silva a de quoi dérouter. Le caméra épaule vive suit Sebastian, artiste junkie, et sa femme de ménage, Senora Vero. Après un court séjour sur la plage nudiste de Ziccatella, réputée pour les rencontres gay, Sebastian disparaît. Jordan, l’influenceur superficiel et super chiant rencontré sur là-bas part alors à sa recherche. Plein de nihilisme, d’humour tout noir et de volonté de rire de la merde qu’est l’homme, Rotting in the sun, laisse quelquefois son rythme moisir pour un résultat finalement plaisant, énergivore et caustique.

courts métrages français: invisibles de mathieu salmon et l’acteur de hugo david et raphael quenard

Sur cinq courts métrages présentés, nous en avons retenu deux : ceux donnés dans le titre (suivez un peu). Invisibles est un film de genre qui s’ancre d’abord dans le réalisme social du monde du travail pour ensuite mieux se faire trucider par des créatures invisibles. Les dialogues ne sont pas parfaits et le jeu de certains comédiens rappelle la mort de Cotillard dans The Dark Knight. Mais, la tension horrifique est brillamment entretenue jusqu’à la dernière image. Et mention spéciale aux effets spéciaux de grande qualité. Dans un tout autre genre, L’acteur, est un mockumentary hilarant suivant le tournage du (vrai) film Chien de la casse. Le faux acteur principal, imbu de lui-même et de son art, blablate un charabia absurde sur ses méthodes de jeu. Raphael Quenard, dans le rôle principal, livre une performance dévouée et désopilante et sert ce mockumentary aux codes très bien maitrisés. Puis il n’y a pas que l’humour, c’est aussi une réflexion décalée sur l’importance de comprendre ou non une oeuvre d’art, enfin on croit, on est pas sûrs d’avoir compris…

Dans les moyens métrages, mention particulière à Mimi de Douarnenez, mis en scène par Sébastien Betbede. Misant sur la carte de l’absurde pour donner un tempo comique faisant souvent mouche, les pérégrinations de cette jeune ouvreuse de cinéma prennent une tournure touchante dans sa scène finale, la thématique sous jacente du deuil avec lequel il faut apprendre prenant tout son sens d’une façon délicate.

Le livre des solutions de michel gondry

le livre des solutionsParmi les avants-premières phares du festival, Le livre des solutions est probablement la plus attendue. Premier long-métrage du réalisateur français depuis 20XX, la projection a de quoi ravir les fans du réalisateur d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind et Be Kind, Rewind. Au programme: Pierre Niney qui incarne un réalisateur fantasque prêt à TOUT pour finir son film, un livre pleins de solutions pour mener ses projets à bout, une équipe de tournage (Blanche Gardin est monteuse) qui n’en peut plus, et beaucoup d’humour et de poésie. Ce film, c’est une autobiographie à 95% qui retrace un moment unique de la carrière du grand cinéaste qu’est Gondry aujourd’hui. Plein de surprises, de douceur et de fantaisie, le Livre des Solutions est un poème touchant, sans fioriture et particulièrement drôle: cela fait bien longtemps que nous n’avions pas entendu une salle rire autant. Sortie prévue en septembre 2023.

Texte : Pénélope Bonneau Rouis, Adrien Comar, Alexandre Bertrand, Julia Escudero


Champs-Elysées Film Festival : L’image du pouvoir au féminin à travers ses projections et ses lives

Du 20 au 27 juin 2023, le Champs-Elysées Film Festival reprend ses quartiers sur la…

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Le livre des solutions : anti-dépresseurs poétique made in Gondry

Huit ans après son dernier long-métrage (Microbe et Gasoil, 2015), Michel Gondry, réalisateur d’Eternal sunshine…

Split x Sex is Comedy : un documentaire nécessaire sur la coordination d’intimité au cinéma

Lors du Champs-Élysées Film Festival qui se déroule actuellement du 20 au 27 Juin 2023,…

Pénélope Bagieu par Pénélope Bonneau Rouis

Jury du Champs-Élysées Film Festival cette année, l’autrice et illustratrice Pénélope Bagieu nous parle de son intérêt pour le cinéma indépendant, de la place des femmes dans la BD, de savoir si on est auteur et de l’envie de tout cramer. Rencontre.

P&S : Bonjour Pénélope, tu fais partie du jury du CEFF cette année, est-ce qu’il y a un film que tu attends de voir particulièrement ? 

Pénélope : J’ai fait exprès de ne pas trop lire quoique ce soit sur les films que j’allais voir. Je voulais pas me faire de pré-idée, je savais même pas de quoi ça parle et même pendant les speechs d’intro, j’essaye de pas trop écouter, je veux pas savoir si ça a été un film qui a été long à monter. Mais tous ceux que j’ai vu pour l’instant étaient supers.

P&S : Ça représente quoi pour toi le cinéma indépendant ? 

Pénélope : J’ai l’impression que le cinéma indépendant, c’est le cousin le plus proche de la BD dans le cinéma. Parce qu’on a un peu le même genre de moyen et on se concentre sur la même chose. C’est à dire de parler de l’histoire de gens en essayant de créer de l’empathie. On parle de choses du réel, avec parfois un twist un peu fou mais en tout cas, notre objectif c’est de créer des liens avec des personnages qui sont forts et qui sont réels. C’est ce sur quoi on se concentre dans l’écriture et c’est pour ça que tous les films que je vois là, il y a un petit clic en moi. Je me dis que c’est super cette façon de tourner le dialogue, le soin apporté à ça, je pense que c’est le même questionnement que celui qu’on apporte en BD. Ça marche bien avec nous. Enfin je dis « nous » comme si on était pleins d’auteurs de BD à être là mais même en tant qu’auteur.

P&S : Et pourquoi tu as accepté d’être jury pour ce festival là ? 

Pénélope : Je trouve ça super que ce soit une sélection française et américaine et que tout soit mélangé. Je regarde même pas la nationalité du film que je vais voir. Et j’aime bien que ce soit doc et fiction, c’est deux aspects du réel qui sont vraiment complémentaires et c’est quand même une très très bonne sélection. J’ai l’impression que c’est un peu la crème du cinéma indépendant. C’est aussi des films, qu’à priori, j’aurais pas pu voir en salle de ciné ou du moins très difficilement. Je me sens assez chanceuse de les voir.

J’ai l’impression que le cinéma indépendant, c’est le cousin le plus proche de la BD dans le cinéma.

P&S : Cette année, le cinéma des femmes est à l’honneur avec la catégorie Girl Power. Comment tu vois cette place grandissante au sein des festivals de cinéma ? 

Pénélope : J’ai pas vraiment d’expertise là-dessus parce que je suis pas hyper calée en festival de cinéma et d’ailleurs en cinéma non plus mais je pense qu’au moment où en BD, on a mis en place le collectif des créateur.ices de bande-dessinées, il y a 50/50 qui s’est dessiné dans le cinéma. Le fait de se dire qu’il est temps que ça reflète la diversité dans la création, il faut que les institutions prennent des positions fortes de parité, de mise en avant et qu’elles jouent le jeu. Donc c’est un moment décisif.

P&S : D’ailleurs, il y a plusieurs de tes œuvres qui ont été adaptées au cinéma, Joséphine, La Page blanche, et même Les Culottées en série.  Quel a été ton rôle dans ces projets ? 

Pénélope : Il y a une formule différente par projet on va dire. Joséphine, j’ai eu aucun rapport avec la réalisatrice. Elle avait envie de faire son truc. Pour La Page Blanche, c’était un peu différent parce que j’ai pas écrit le scénario mais j’étais plus intriguée par ce qu’il se passait et j’ai beaucoup aimé le film donc j’étais contente de voir ça. Les Culottées, c’était un peu particulier. Il y avait plusieurs productions qui avaient envie de l’adapter et il fallait choisir. Quand j’ai rencontré les productrices de Silex, les idées qu’elles avaient m’ont fait me dire que c’étaient elles qu’il fallait pour ce projet. J’étais tellement en confiance et elles ont confié le projet à deux réalisatrices dont c’était le premier grand projet juste parce qu’elles leur faisaient confiance. Ça a été scénarisé par deux femmes scénaristes. Je me disais « qui mieux qu’elles peut comprendre l’enjeu de ça? »  Pas juste parce que c’étaient des femmes mais parce que leur discours était très engagé. Je les voyais pas dépolitiser le truc.

P&S : En parlant des Culottées, tu as récemment annoncé qu’il y allait y avoir une adaptation à la Comédie Française qui affiche déjà complet. Comment le projet a vu le jour ?

Pénélope : Alors là, pour le coup, 100% sans moi. J’ai appris que les droits étaient auctionnés et un jour j’ai appris que la pièce était faite. Mais j’ai très hâte de la voir.

 Je mets des personnages féminins par défaut, c’est vraiment mon neutre.

P&S : Dans chacune de tes oeuvres, tu mets toujours en scène des femmes. Des héroïnes, des personnages banals. Est-ce que c’est important pour toi de parler de personnages féminins dans le milieu de la BD qui reste encore très masculin ? 

Pénélope : Je me pose pas la question en me demandant si c’est important ou s’il y a une responsabilité. C’est très égoïste le travail en bande-dessinée.  Je mets des personnages féminins par défaut, c’est vraiment mon neutre. Je me dis pas « Je vais mettre une femme. » Je me dis que ce sera l’histoire de quelqu’un qui fait tel truc et pour moi quelqu’un c’est une femme en fait. Ce qui serait l’inverse ce serait de me dire « peut-être pour changer je vais mettre un mec » et là ce serait méga artificiel et ce serait une posture fausse qui m’intéresse pas. Et puis, il existe déjà quelques livres dont les personnages principaux sont des mecs donc ça va. Il se trouve aussi que dans ce que je lis, ce que je regarde, c’est les histoires de femmes qui m’intéressent. J’ai passé les trente premières années de ma vie à entendre que des histoires d’hommes et c’est pas un acte militant, c’est inconscient. J’ai une faim de rattrapage de tous ces récits que j’ai pas entendu, qui ne sont pas que ceux des femmes mais aussi ceux qu’on a tenu à l’écart de la narration. J’ai juste envie d’écrire et d’entendre les histoires de ceux qu’on a moins entendu.

J’ai passé les trente premières années de ma vie à entendre que des histoires d’hommes

P&S : Est-ce que tu as ressenti une évolution des mœurs entre tes débuts et maintenant dans le monde de la BD ? 

Pénélope : Alors, oui j’ai senti une évolution extraordinaire entre quand j’ai commencé il y quinze ans et maintenant. J’aurais pas du tout fait la même chose aujourd’hui et les livres que je fais aujourd’hui j’aurais pas pu les faire il y a quinze ans. Je pense que le changement est venue des très jeunes autrices, arrivées après moi. Je pense qu’on a toutes un peu un rôle à jouer dans la chaine, à toutes les générations. Mais je pense que celles qui ont vraiment mis un coup de pied dans la porte et qui ont enclenché l’accélération, c’est les plus jeunes, de moins de trente ans. Celles qui ont fait toute leur éducation de BD sans s’excuser d’être des filles, ce qui n’était pas encore le cas pour ma génération. Quand j’ai commencé la BD, je me suis beaucoup excusée d’être une fille et je faisais très attention aux sujets que je choisissais pour que ce soit pas trop clivant, ou qui plairaient aux mecs et derrière moi, t’as eu une génération qui s’est dit « J’en ai plus rien à secouer ». C’est elles qui ont fait les choses, c’est elles qui ont mis les vieux mecs du métier au pas. Même si j’ai conscience que ma génération et les précédentes ont chacune servi à quelque chose dans l’histoire. Moi j’ai l’impression que quand j’ai commencé à faire de la BD et que j’étais très médiatisée, c’est parce que j’étais une femme. Et il y avait un peu le truc curiosité médiatique de se dire « une fille dans la BD?! » alors que j’étais pas du tout la seule. Mais avant moi il y avait que trois exemples qu’on citait tout le temps genre Claire Brétecher. On a ouvert la porte et cette nouvelle génération l’a juste défoncée quoi ! Et ça s’engouffre avec une richesse et une force incroyables.

On a ouvert la porte et cette nouvelle génération l’a juste défoncée quoi !

P&S : Tu es autrice, illustratrice, militante et tu participes justement à cette idée de transmission et de rôle à jouer dans la chaine. Est-ce que tu as connu quelqu’un, une femme, qui t’a offert cette transmission ? 

Pénélope : Peut-être pas en la connaissant en direct mais parmi les artistes femmes dont je lis le travail, il y a celles dont je me dis « c’est exactement ça que je pense ». Il y en a plusieurs. En premier, Louise Bourgeois. Son parcours devrait être plus mis en avant, que les jeunes artistes soient plus au courant. Elle a quand même vécu cent ans, et a attendu très tard pour pouvoir créer parce qu’elle était contrainte par une vie de femme, qui l’empêchait de créer et elle a pu vivre de son art ensuite. J’ai lu une anecdote merveilleuse sur elle. Quand ses enfants sont partis de la maison, elle a transformé la cuisine en atelier. Elle aura plus à faire à manger à des gens et elle va pouvoir créer en fait. Je pense que même si on est plus à cette époque là et que les femmes ne sont plus aussi enchainées à ça, on est quand même enchainées à toutes les injonctions que l’on ressent en tant que femme et je trouve que c’est très éclairant de se dire que l’on finit toujours par trouver un chemin parce que le besoin de créer nous dévore, il nous submerge. Et cette femme qui a eu le gros de sa carrière -et quelle carrière!- entre ses 50 et 100 ans, moi qui en ai 41, je trouve ça incroyable. Et pour l’étincelle plus jeune, ça reste Tove Jansson qui a exactement la carrière que je veux. J’aimerais me calquer dans ses pas et dans ses choix de carrière. Pour moi, c’est la femme qui vit par l’idée de faire ce que l’on aime. Si ça ne lui plait pas, elle le fait pas. Il n’y a que quand on dessine par plaisir que l’on fait dans des bonnes choses. La joie ne peut venir que de choses sincères. Les Moomins ça cartonnait et un jour elle s’est dit « ça ne m’amuse plus, j’arrête » et elle a arrêté et elle est partie dans sa petite baraque sans électricité sur une ile avec sa meuf. Je me dis toujours « N’oublie pas! Que ferait Tove? » Si ça t’amuse pas il faut pas le faire. C’est un mantra pour moi. Il ne faut faire que les projets qui me font plaisir et ça paye vraiment.

 C’est très éclairant de se dire que l’on finit toujours par trouver un chemin parce que le besoin de créer nous dévore.

P&S : Dans une interview, tu parles de légitimer la colère féminine. Est-ce que c’est un moteur principal pour toi, la colère ? 

Pénélope : Ça l’est un peu moins maintenant. Je vais être très honnête, depuis un an, ma colère se transforme en angoisse. J’arrive plus à avancer en me disant juste que l’on va y arriver en pétant tout. Le climat s’est tellement durci depuis un an en terme de fascisme, de privation de liberté. Je commence à me décourager. Mais le militantisme reste collectif, joyeux. Il reste la seule source d’espoir. Oui, il faut continuer de puiser dans sa colère en tant que femme, c’est une source infinie vu que l’on aura toujours des raisons d’être en colère. Je pense que de mon vivant, je ne verrai pas l’égalité. Toute ma vie, quand je commencerai à me dire que je suis bien dans mon petit fauteuil, je me redresserai et « putain, c’est vrai j’avais oublié, faut tout cramer ». Je serai toujours ramenée à l’envie de tout cramer mais je trouve que c’est dur en ce moment. On a l’impression de vraiment perdre du terrain et que ce retour de baton, il est vraiment plus violent que prévu. Il y a beaucoup de moments où ça me démoralise mais justement, je suis un peu vivifiée par l’engagement de la jeunesse, des jeunes femmes. Je trouve que les visages qu’on voit en ce moment, de celles qui osent aller mettre des pavés dans la mare, c’est des meufs de moins de trente ans et qui s’en prennent plein la gueule et qui y retournent. Peut-être que c’est moi qui vieillis et qu’il faut que je me laisse gagner par cette colère toujours intacte des jeunes. C’est marrant parce que Gloria Steinem, elle dit l’inverse. « Normalement on fait un travail complémentaire les jeunes et les vieilles féministes parce que les jeunes sont enthousiastes et les vieilles sont vertes de haine ». Et maintenant j’ai l’impression qu’il faut que je m’inspire de la colère des jeunes.

P&S : Ton dernier livre, Les Strates, est sorti il y a deux ans. Ce n’est pas ton premier projet autobiographique, il y avait eu ton blog Ma Vie est tout à fait fascinante. Pourquoi c’est important pour toi de puiser dans tes expériences personnelles ? 

Pénélope : Je l’ai fait parce que ça me fait plaisir. Il y a rien de plus facile que de faire de l’autobiographie. C’est presque de l’écriture automatique. C’est des histoires que j’ai raconté quinze mille fois à l’oral à des amis et c’est agréable à dessiner et c’est cool de faire des grimaces pas possible à ma propre gueule. J’aurais pu en faire huit cents pages, vraiment ! C’est la récré. C’est ce que je fais depuis toujours mais c’est dur de se dire que c’est suffisamment intéressant pour être dans un livre. Il n’y a pas que les mémoires d’un auteur de cinquante ans qui se pose des questions pas possibles qui sont intéressantes. Ce qui est dur, c’est de transformer ce truc qu’on fait intuitivement et joyeusement quand on est une femme, ce petit vivier de trucs qu’on connait, et d’admettre que c’est une histoire légitime. C’est ma façon de le raconter qui va faire que c’est une bonne histoire. Même si je raconte que je vais acheter du pain et que j’ai oublié ma monnaie et que je le raconte bien, eh ben c’est une bonne histoire donc il faut arrêter de se dire qu’on est pas à la hauteur et toutes les histoires valent la peine d’être racontées.

P&S : Quand est-ce qu’on devient auteur selon toi ? 

Pénélope : Si tu aimes écrire et qu’il y a une personne qui aime ce que tu écris, t’es auteur. J’ai affiné au fur et à mesure du temps parce que j’attendais qu’on me donne mon pin’s d’autrice. Je disais que « je faisais mes petites BD » et j’admirais trop les gens qui se disaient auteurs. J’aurais trop aimé être capable de le dire avec aplomb et puis je me suis  dit : « J’aime écrire, je peux y passer la journée et il y a au moins une personne sur terre qui aime ce que j’écris… c’est bon je suis autrice ». Il faut enlever la considération économique je pense. Que tant que t’en vis pas, t’es pas auteur… C’est archi faux, de tous temps, les auteurs ont crevé la dalle. Si quelqu’un a hâte de lire ce que tu as écrit, t’es auteur. Voilà.

P&S : Dernière question, parce qu’on est à un festival de cinéma.  C’est quoi tes films cultes  ? 

Pénélope : Ouhla c’est dur. Bon pour moi la pierre angulaire de tout dans la vie, c’est Jurassic Park. Je pense que c’est le film que j’ai le plus vu de ma vie. J’aime énormément le cinéma de Wes Anderson, comme beaucoup d’auteurs de BD, il me donne des frissons en terme de cadrage. Et j’ai un rapport émotionnel très fort avec La Famille Tenenbaum, j’ai envie de vivre dedans. C’est le point commun de toutes les oeuvres que j’aime : quand j’ai envie de vivre dedans plus que dans la vraie vie. Récemment j’ai regardé Salade Grecque. ll y a des choses que j’aime, des choses que j’aime moins, mais je suis admirative d’un truc chez Klapisch, il est l’auteur qui perd jamais le fil de la jeunesse. J’aimerais comprendre quel est son secret pour comprendre à ce point la jeunesse. C’est l’anti-boomer. J’adore ses personnages féminins qui sont supers, il a pas attendu que ce soit cool pour le faire et il est jamais à côté de la plaque. Il choisit un quartier de Paris et on y est, les gens qui parlent on les connait. Dans Salade Grecque, l’épisode de Noël, qui sait mieux faire une scène de repas de famille que lui ? Quel maestro quoi. J’adore Cédric Klapisch, je suis vraiment originale…C’est un boss.


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À l’occasion du Champs-Élysées Film Festival 2022,  notre équipe a eu l’immense plaisir d’interviewer l’équipe…

COMA

COMA de Bertrand Bonello : Un film à la croisée des rêves

Le 24 Juin dernier, Bertrand Bonello a présenté son dernier film Coma en avant-première lors…

Dans le cadre de la onzième édition du Champs Elysées Film Festival était projeté le premier long métrage de Max Walker-Silverman, A Love Song, porté par Dale Dickey et Wes Studi. Passé par Sundance en début d’année, quel écho ce film prenant place en plein Colorado a t-il réussi à émettre ?

      A LOVE SONG : De quoi ça parle ?

A love song afficheDans un camping de l’Ouest rural, une femme attend seule l’arrivée d’un amour de jeunesse, peu sûre des intentions de celui-ci et intimidée par les siennes. Avec Dale Dickey et Wes Studi, lauréat d’un Academy Award (prix honorifique de l’Academy, 2019), A Love Song est un long métrage lyrique qui signe les débuts du scénariste et réalisateur Max Walker-Silverman.

A LOVE SONG : EST CE QUE C’EST BIEN ?

Un paysage désertique. Une caravane. Son occupante au visage buriné. Une litanie faite de pêche, décorticage et dégustation d’écrevisses, d’observation des étoiles et d’écoute attentive du chant des oiseaux. Durant une bonne partie de A Love Song, il n’y a presque rien d’autre que Faye (excellente Dale Dickey, Winter’s bone, True Blood) à l’écran. Le monde extérieur n’existe pas sauf à travers des fulgurances absurdes comme un facteur qui n’a pas de courrier à apporter ou bien encore une famille de cow boys laconiques faisant passer leurs messages par l’intermédiaire de leur petite sœur. Le silence n’est rompu que par le chant des oiseaux ou bien encore ce poste de radio qu’elle tourne tous les matins et dont la chanson qui en émerge est censée lui apporter du répondant, un message pour la journée. Sinon, à part ça Faye attend. A en perdre la notion du temps. Qu’attend elle ? On ne l’apprend qu’au moment d’une invitation d’un couple de campeuses voisines. Faye attend l’arrivée de Lito ( Wes Studi, Danse avec les loups, Le dernier des Mohicans, Hostiles), un amour de jeunesse censée la retrouver au bord de ce lac ou ils partirent en excursion scolaire il y a de cela presque un demi siècle…

Wes Studi et Dale Dickey dans A Love Song de Max Walker-Silverman

C’est bien sur à ce moment là qu’A Love Song révèle tout son propos, fait de non dits, de silences, de délicatesse, de regards, de sentiments, de souvenirs… Il y a quelques chose de véritablement touchant à voir les personnages de Dale Dickey et Wes Studi arpenter les abords de ce lac du Colorado, en cherchant leurs mots et en se réapprivoisant. Ne sachant pas quoi se dire car il y aurait trop de choses à dire. Les deux personnages sont veufs et ont essayé de vivre avec leurs deuils respectifs, avec plus ou moins de réussite. Peu importe ce qu’il peut advenir de ce séjour au bord du lac, les personnages en ressortiront grandis, que ce soit à l’évocation des réminiscences d’un passé bien révolu ou encore en s’appropriant de nouveau son image. A Love Song est un film sensible, émouvant, authentique sur deux vieilles âmes renouant ensemble, loin, très loin des standards des romances proposées par le cinéma US. Pour un premier long métrage, Max Walker-Silverman dévoile un réel talent pour filmer les sentiments et annonce une suite de carrière prometteuse. Un vrai plaisir de cinéma tout en émotions !


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How to talk to girls at parties en ouverture du Champs Elysées Film Festival 2018 : Do More Punk To Me!

Mardi 12 juin 2018 se déroulait dans la salle du Gaumont Marignan la cérémonie d’ouverture …

La dixième édition du Champs Elysées Film Festival avait un goût bien particulier. L’évènement qui se tenait du 14 au 21 septembre 2021 sur la plus belle avenue du Monde célébrait un très bel anniversaire mais était également l’occasion de faire revivre le cinéma dans une période post-Covid encore incertaine qui nous avait appris que l’art et la culture n’était pas si essentiels que ça. Et pourtant, à en juger par les spectateurs qui se sont rués sur les lieux proposant de (re)vivre la culture en commun, par les films qui ont été au centre des occupations durant les confinements et couvre-feux, il se pourrait bien que l’adage mente.

Récompenser un cinéma exigent

Et ce n’est pas Sophie Dulac, présidente du festival qui dira le contraire lors de la cérémonie de clôture de l’évènement. « Notre travail est essentiel pour apprendre aux nouvelles générations à réfléchir, développer un esprit critique et ne pas croire tout ce qu’on nous dit. » lance-elle avant une salve d’applaudissements. Le cinéma choisi pour officier n’était autre que le cinéma du Drugstore du Publicis, lieu central puisque munit d’une salle obscure et de sa fameuse terrasse. « Le cinéma est fait pour se regarder en salle!  » ajoute militante et avec la poigne qu’on lui connait la maîtresse de cérémonie de noir vêtue.  Les prix sont nombreux et récompensent un cinéma pluriel. Chaque vainqueur prend le temps de remercier le jury et le public avec émotion.  « Queen of Glory » empoche deux récompenses alors que sa pétillante réalisatrice venue des Etats-Unis avec son bébé de sept semaines amuse l’assistance en expliquant qu’elle aurait dû se maquiller pour l’occasion. « L’énergie positive des Dieux » remporte lui aussi deux prix alors que Laetitia Moller, sa réalisatrice, dépeint un métrage qu’elle a commencé en allant chercher sa caméra dans un collisimo sans savoir comment elle allait mettre en scène cette histoire musicale. C’est aussi un cinéma engagé, encré dans une société actuelle qui est récompensé. Un cinéma miroir du Monde dans lequel on évolue et qui pousse à la réflexion comme aime à le rappeler la présidente du festival dotée de fleurs par son équipe ‘Merci, c’est pour ça que je travaille avec eux. » dévoile-t-elle. Elle en profite pour faire la part belle aux nombreux bénévoles et à l’équipe du festival qui s’est battu cette année pour faire exister l’évènement et fédérer le public parisien autour d’un cinéma exigent. Un pari relevé haut la main depuis dix ans maintenant, trait d’union entre deux nations et le rapprochement de leur analyse de chaque époque.

« Rien à foutre » : une dernière projection au plus proche du vrai

Qui dit cérémonie de clôture dit cinéma. C’est un film français « Rien à foutre » sous-titré en anglais qui a la lourde de tâche de clôturer l’évènement. Le film de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre suit la vie d’une hôtesse de l’air (Adèle Exarchopoulos)  employée par une compagnie low-cost (Wing) vivant sa vie au jour le jour et se réfugiant dans les paradis artificiels pour oublier ses douleurs. Un véritable soucis de réalisme et d’intimité avec son héroïne sont au coeur des préoccupations de cette oeuvre qui multiplie les gros plan pour mieux centrer son propos sur les ressentis d’un personnage blasé qu’il ne juge jamais. Les dialogues sont parlés : pauses, réflexions, fautes, tout est mis en scène avec la justesse de la vie au point d’en oublier la caméra pour mieux se focaliser sur le vrai. L’humour est au rendez-vous autant qu’un sentiment doux-amer lors de cette fuite en avant sensible.  L’actrice principale dans le rôle de Cassandre est très juste et sait se rendre aussi attachante que déroutante. Elle devient l’amie que l’audience a autant envie de secouer que de suivre dans une folle soirée alcoolisée. Pourtant il pourrait être reproché au métrage sa durée qui comble de longs moments parfois vides par des scènes qui s’étirent et manquent d’appuyer un propos. « Rien à foutre » est l’histoire d’un moment de vie qui saura séduire un public pointu, adepte d’un cinéma particulier mais pourrait à contrario laisser sur le carreau un public désireux de découvrir une action plus diffuse, plus proche de l’écran que du monde qui l’entoure.

 

Le Champs Elysée Film Festival se raconte en musique entre Kiddy Smile et Sônge

Champs-Elysees-Film-Festival-2021
Photo : Louis Comar

Place au cinéma indépendant oui mais aussi à la musique indépendante. Le festival pointu a comme chaque année posé ses valises sur le rooftop du Publicis pour faire la part belle à des DJ sets face à l’Arc de Triomphe. Un monument mis en beauté cette année par Christo et Jeanne-Claude « Qu’on aime ou qu’on aime pas ça fait parler. » en profite pour lancer amusée Sophie Dulac lorsqu’elle remercie le lieu.

Le 20 septembre c’est à Kiddy Smile, également membre du jury courts-métrages, de prendre les rênes de la soirée. Au programme dans ce cadre aussi luxueux que paradisiaque : un véritable soin porté à la volupté. Les sens y sont mis en avant : de la beauté pour les yeux avec un espace carré et végétalisé qui fait rêver, le goût y est sollicité avec ses pizzas truffées, salades composées et autres tiramisu, mais aussi l’ouïe. L’exercice du DJ set peut s’avérer compliqué puisque l’artiste y gomme son répertoire pour mieux valoriser celui d’autres qui doit être l’équilibre entre son reflet et sa faculté à faire danser. Cléa Vincent et Silly Boy Blue, elles, avaient  toutes deux choisi de proposer un set mainstream qui poussait à chanter. Kiddy Smile, sans surprise, casse les codes et change de registre. Vêtu d’un long manteau argenté et noir, l’impressionnant artiste électrise le dance-floor. Les sons y sont pluriels, ils prennent des accents world, électro, hip hop, sont connus de tous ou des plus pointus. Les températures clémentes permettent de danser sur les toits, Paris sous les pieds. Dans ce cadre, la culture devient un luxe alors que les mélodies elles, s’adressent au plus grand nombre. Kiddy Smile a cette force folle, celle qui consiste à allier ces deux univers. A être aussi radicalement chic que radicalement ouvert à tous. Son set de haute volée sent la haute couture autant que la fête dans les rues. La fin de cette avant-dernière soirée laisse à tous les chanceux qui ont pu y assister des étoiles plein les yeux , de petites rires aux coins des lèvres, signe de fous-rires partagés, et des jambes emplies de fourmis signe indiscutable d’une folle nuit passée à danser.

Un dernier Sônge

Songe au Champs Élysées film festival
Photo : Louis Comar

Pour son tout dernier acte, il faudra attendre un peu. C’est en effet aux alentours de minuit que le dernier bal du festival ouvre ses portes. Cette fois c’est à Sônge de prendre les platines. Côté rooftop, le  temps s’est rafraîchit mais la pluie, elle, a bien compris qu’elle n’avait pas le précieux sésame pour monter sur la terrasse. Pour moins frissonner, il est possible de déguster une coupe ou une douceur sucrée. C’est une option qui fait sens un premier temps, avant que le lieu ne devienne un dancefloor géant. Dans l’assistance, les personnalités croisent les professionnels. La sublime Agathe Rousselle (Titane) également membre du jury est une des lumières que l’on croise dans les hauteurs. Vêtue d’un costume noir à la pointe de la mode et de longues boucles d’oreilles scintillantes, elle profite du moment tout comme Olivia Merilahti

Songe au Champs Élysées film festival
Photo : Louis Comar

(ancienne The Do, aujourd’hui en solo avec Prudence). Lieu de paix où tous se mélangent, la célébrité ici, est mise de côté. Les chasseurs d’autographes et de selfies ne sont pas conviés. Au contraire tous les convives sont les stars choyées de la soirée. La musique se distille dans les âmes et tout prend un accent festif alors que même « La Macarena » est jouée. Une partie de l’assistante, dominante, danse franchement, déchaînée et bienveillante. Alors qu’une autre profite de son escapade dans les hauteurs pour mieux profiter une dernière fois de la vue et de la nuit. Difficile de quitter ce lieu magique et de retourner à un quotidien plus banal lorsque les musique et les derniers projecteurs s’éteignent. Rien à foutre serait-on tenté de se dire, les souvenirs eux resteront longtemps en mémoire alors que la prochaine édition, cette fois-ci, il faut l’espérer dans des conditions normales, n’arrivera jamais assez vite.


Champs Elysées Film Festival 2021

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