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Julia Escudero

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Monte ton groupeIl fait froid, les sorties sont compliquées et tu attends les beaux jours pour retrouver enfin les terrasses. D’ici là,  il faut quand même rester occupé, continuer d’enrichir sa culture scènes indé et faire autre chose que scroller sur son téléphone et mater Netflix. Le Supersonic a une solution pour toi !

La salle parisienne qui fêtera du 2 au 4 février ses 7 ans a en effet « profité » de la crise sanitaire qu’on a tous connu pour prendre le temps d’élaborer un jeu de société. Au programme de ce jeu de plateau intitulé Monte ton Groupe 900 questions tournées sur les scènes rock des années 60, 70, 80, 90, 2000 et 2010. De quoi apprendre plein de choses tout en s’amusant.

Le but du jeu ?  Répondez aux questions en vous baladant dans les différents recoins du Supersonic et montez le groupe de vos rêves en recrutant les musiciens et musiciennes qui ont marqué l’histoire du rock et de la pop music !

En pratique, le jeu coûte 36 euros et est disponible au disquaire du Supersonic rue Biscornet. On peut aussi le retrouver en ligne ici. 

Bonne partie !


Quel grand raté cet été que d’être passé à côté du dernier né d’Ezra Furman. Il faut dire que la sortie d' »All of us flames » s’est faite de façon relativement confidentielle. Une faute lourde alors que l’artiste dévoilait au mois d’août 2022, l’une des plus belles pépites de l’année. Un chef d’œuvre viscéral, magnifiquement écrit, à fleur de peau qui touche juste et fort. Mieux vaut tard que jamais, on vous parle de cet opus.

Se brûler les ailes

album art - Ezra Furman - All Of Us FlamesD’entrée, Ezra Furman que le grand public a pu découvrir alors qu’elle signait le BO de « Sex Education », frappe juste. Bien décidée à nous embarquer dans un voyage sous forme de déclaration à la liberté, la musicienne nous propose d’embarquer dans son train aux milles merveilles. « Train Comes Through » promet de s’échapper. La rythmique répétitive et puissante sonne comme une ode à la découverte de soi, du Monde, une bouffée mélancolique, pleine de promesses. L’incroyable prouesse du morceau tient bien à sa capacité à promettre du beau au milieu de la difficulté, de la lumière dans l’ombre. Il suffit donc de quelques seconde de ce tour de force musicale pour se l’avouer : on tient ici un très grand album.

Bijou certes, mais bijou indé surtout. D’ailleurs la production est là pour le rappeler. Un son grisé, presque ancien accompagne les douces mélodies de ce « All of us flames ». Et avec cette grille de lecture, la chanteuse prévient : rien ne sera ici épargné. Voilà que ses morceaux ont la finesse de lames de rasoirs. Ils coupent dans le vif, des entailles avec une précision millimétrée. Pour porter cette fascinante épopée : le plus important et le plus acéré des instruments trône en son centre : la voix d’Ezra Furman. Toujours elle aussi sur le fil, elle oscille entre douceur et morceaux presque crachés, comme un exutoire entre retenue et pulsions. Elle y expluse ses douleurs et les transmet comme une grande leçon d’empathie.

Dans un opus incroyablement cohérent de 12 titres, la musicienne ne fait pas de fausse note, pas de faux pas et aucun morceau ne semble être de trop. Parfois pourtant, elle brille tout particulièrement avec des titres qui viennent immédiatement happer l’oreille. « Book of our Names » est de ceux-là. En cinquième position, il est aussi le morceau qui contient dans ses paroles le titre de l’opus. Comme souvent Ezra Furman joue sur un gimmick qui se répète et prend comme des vagues, les notes s’y balancent et viennent s’écraser sur l’auditeur là aussi avec un jeu entre ombres et lumière. Elle y fait un parallèle entre l’oppression vécue par la communauté transsexuelle et l’exode du peuple juif (la musicienne est de concession juive) créant par la même occasion un nouveau texte sacré.

ode à la liberté

Si l’essaie est si réussi c’est peut-être aussi parce que notre chanteuse n’en est pas à son coup d’essai. De 2006 à 2011, elle officiait dans le groupe de rock Ezra Furman and the Harpoons et son premier né en solo « The Year of no returning » voyait le jour en 2012. Déjà elle savait créer un univers où rock et folk faisaient bon ménage comme c’est toujours le cas. Et lorsqu’aujourd’hui, elle chante avec une telle fougue et force des hymnes qui sentent l’envie de s’affranchir et de crier la liberté c’est peut-être aussi parce qu’en avril 2021 une petite année avant la sortie de « All of us flames », elle faisait son coming out en tant que femme transsexuelle.

C’est bien l’émotion, juste, jamais exagérée, qui fait de cet œuvre un trésor beaucoup trop rare. A mi parcours « Lilac and Black » offre un tournant à l’opus et s’avère par la même occasion être le titre le plus efficace de n’ayons pas peur des mots, ce chef d’œuvre. On ne peut lui enlever le sens de son refrain, à scander comme un slogan, à ressentir comme une promesse ou du juste dosage des quelques notes de guitares qui le suivent. Là, la voix de notre chanteuse trouve toutes ses nuances. Parfois chaleureuse pour inviter à la rejoindre, parfois dure comme une insulte, une claque, une révolte. Et c’est aussi en cette diction, cette sincérité que tient toute l’immense perfection d’un titre qui a la force d’un coming-of-age movie mais avec la poigne de l’âge adulte. Un parcours initiatique bien moins définitif que ne veut nous le faire croire le cinéma.

Mélancolie chérie

Sur « Ally Sheedy in the Breakfast Club », les notes sont susurrées, en demie teinte. Une accalmie pour mieux préparer la suite : le dernier looping avant la fin qui réside dans l’écrin pluriel des trois derniers titres. « Temple of broken dreams » est sans conteste un moment majeur de l’album qui sait utiliser ses montées pour chauffer les cœurs meurtris, un appel à la survie. La suite se délie de plus en plus doucement, chaque morceau chuchotant avec bienveillance à l’oreille de celui qui l’écoute. Jusqu’au doux « Come closer to me », forme de promesse entre conte et berceuse. Toute la noirceur de la voix, les crachats et la rage sont parties, reste une accalmie tristement heureuse. La façon parfaite de se quitter, plus forts, plus proches et d’éveiller la flamme en chacun d’entre nous.


Le moins que l’on puisse dire c’est que le retour de Phoenix sur les planches était des plus attendus. Topo, deux dates parisiennes étaient prévues pour que les plus américains des rockeurs versaillais puissent accueillir leur public venu en nombre. Deux dates dans la salle de l’Olympia, les 28 et 29 novembre, se jouaient sold out. Le combo comptait bien présenter en grand pompe son nouvel opus « Alpha Zulu » avec un décors à faire rougir Louis XIV lui-même. Le 29 novembre, nous y étions. Verdict.

Anoblissement

A Versailles, du temps de la royauté, l’anoblissement se faisait pas le sang. Ce sont donc des fils de qui viennent à ouvrir pour notre groupe vedette. Au sens littérale du terme puisque le duo qui débarque sur scène avec son décors minimaliste n’est autre que Sons of Raphael, venu ce soir présenter son projet pour une dernière fois en première partie de nos oiseaux légendaires. La moindre des choses que l’on peut dire est que la formation est un drôle d’oiseau et un objet qu’il faut apprendre à appréhender. Une longue introduction très indé vient titiller la curiosité et faire froncer les sourcils. Qu’est-ce donc que cela ? La réponse n’est pas si aisée à trouver. Rock c’est certains mais aussi hors cadre, difficile à cerner. Sans décors mais avec une mise en scène calculé les 2 acolytes se disputent un micro, font sonner leurs guitares, semblent se bagarrer, poussent la voix puis invitent un vidéaste à venir les bousculer sur scène. Un temps très arty à ne pas laisser entre toutes les mains tant la proposition confine à l’abstrait.

Le groupe soleil

21 heures. Et la foule se compacte. Au balcon, à l’étage, on retrouve de grands artistes comme il c’était le cas lors des bals jadis, parmi eux : Martin Solveig.Il était de coutume, au temps du roi, de ne pas passer sous les balcons lorsque l’une des favorites, la Montespan, s’y trouvais pour éviter d’être victime de ses railleries. Les choses ont bien changées et maintenant se trouver sous ceux-ci garantit une proximité avec le groupe. A en juger d’ailleurs par le mouvement de foule, qui se lève de son siège dès les premières notes entamées, les salves d’amour ont remplacées les moqueries. Bienveillance et bonne humeur seront au rendez-vous.

Le Phoenix compte bien renaître non pas de ses cendres mais de sa longue absence. Pour cela, point de temps à perdre, l’un de ses plus gros succès, « Lisztomania » est interprété en premier. Usuellement, les artistes réservent ce type de bangers pour la fin de leur set. L’alpha et l’omega auront ainsi leur place dès l’entrée en matière. Le banquet promet d’être copieux. « Entertainment » suit puis c’est au tour de « Lasso ». Mais c’est surtout le jeu d’écran qui s’attire toutes les attentions. Le travail réalisé est incroyable et offre un décors majestueux au périple musicale. Les images défilent et donnent l’impression que les musiciens volent dans les airs parmi les images. Pour rappeler sa ville d’origine, le groupe dévoile même des images de la galerie des glaces, pièce la plus iconique du château de Versailles. Les décors s’enchainent somptueusement et les couleurs pastels se suivent, les statuts y prennent vie,tout est incroyablement calculé. Pour autant pas question pour le groupe de Thomas Mars de se reposer sur ce dispositif pour séduire. La promesse est royale et doit être tenue de bout en bout. Aussi, ce dernier n’hésite pas à communiquer franchement avec le public, l’inviter à se donner mais aussi à lui-même prendre pleinement possession de l’espace scénique. Le son est dosé, les morceaux parfaitement interprétés.

Banquet Royal

Mais Phoenix est aussi là pour présenter son nouvel opus « Alpha Zulu » paru le 4 novembre. Un opus plus électro qui emprunte parfois même aux nuances hip hop au moins en terme de rythmiques pour se renouveler. Le titre éponyme s’invite donc rapidement dans la set list et permet à la foule dense de se déchaîner. Il faut dire qu’il a l’étoffe de ceux qui entrent irrémédiablement en tête.  Venu pour conquérir, il sort de cette quête victorieux « After Midnight » présent sur le même opus fait lui aussi sensation.

La traversé victorieuse a beau ne pas être de tout repos, elle prend le temps d’exister et promet autant de mets raffinés et copieux qu’au temps des festins. Le show se délie une heure 45 durant. A mesure que les titres défilent, les images détaillés de l’écran se font également jeux de couleurs. Aux feux d’artifices au dessus du Grand Canal et autre bassin d’Apollon, Phoenix répond par autant de jets de couleurs et de lumières. Et les anciens titres ne sont pas laissés sur la touche. « Ti Amo » de l’album du même nom ou encore « Love like a sunset » Pt1 & 2 issus de « Wolfgang Amadeus Phoenix » sont de la partie. Pas étonnant d’ailleurs de retrouver le nom de Mozart, musicien chouchou de Louis XV, dans l’ADN de Phoenix. Versailles fut le lieu des plus grands divertissements, la scène versaillaise est aujourd’hui l’une des plus grandes fiertés hexagonale à l’internationale. Ce soir, elle conquiert Paris et sa salle la plus prestigieuse pour la faire vibrer de mille feux.

Fête et réjouissances

L’heure de la fin du set approche doucement. « Le prochain morceau c’est à Philippe Zdar qu’on le doit » annonce Thomas Mars. Le producteur décédé en 2019 a participé à tous les précédents projets du groupe et les a aidé à façonner leur son.  » Tout le concert lui est dédicacé » lance-t-il avant de débuter le très attendu « If I ever feel better ». Instant nostalgie s’il en est, le titre est repris en chœur par une foule qui n’avait que très peu arrêté de chanter. L’instant se finit par un chanteur agenouillé face à la représentation sur écran géant d’une statut et une version forte en effets électros robotiques de « Funky Squaredance ».

Un rappel vient apporter sa touche de réjouissances pour cette fin de soirée. « My Elixir » en guitare / voix résonne d’abord, doucement. Il faut le temps d’une dernière montée en puissance. Et puis « Artefact ». Finalement Thomas n’irait-il pas au plus prêt du soleil, saluer les balcons avant de tirer sa révérence ? Le voilà qui grimpe sur les balcons, en fait le tour, puis descend sur la foule, marche sur elle, micro à la main. L’occasion de se déchaîner une dernière fois ensemble, de rendre à la fête ses grandioses lettres de noblesses. L’écran géant affiche désormais le logo de Phoenix et ses nombreuses couleurs face aux applaudissement fournis entendus par tous les habitants de France et de Navarre.


 

Grossièrement intitulé « Samhain : les origines d’Halloween » en France, puisque c’est du cinéma d’horreur et qu’il faut donc miser sur l’aspect commercial d’une fête qui s’est malheureusement trop vite essoufflée chez nous, « You are not my mother » en VO recèle d’une lecture bien plus travaillée qu’un simple conte noir pour frissonner à la fin du mois d’octobre. Au programme une fable sur la famille, la dépression, la filiation, le tout servi par quelques éléments horrifiques. On vous raconte.

« Samhain » de quoi ça parle ?

C’est la semaine précédant Halloween et la mère de Char, Angela, a inexplicablement disparu. Tout ce qui reste, c’est sa voiture abandonnée. Lorsqu’elle revient chez elle sans explication le soir suivant, Char et sa grand-mère, Rita, comprennent que quelque chose ne va pas. Elle a beau avoir la même apparence et la même voix, le comportement d’Angela est de plus en plus effrayant, comme si elle avait été remplacée par une force malveillante. Lorsqu’arrive Halloween, une nuit imprégnée de mythes et de légendes anciennes, Char réalise qu’elle est la seule à pouvoir la sauver, même si elle risque de la perdre à jamais.

« Samhain » est ce que c’est bien ?

samhain affiche officielleVous l’avez peut-être vu, si ce n’est le cas vous devriez réparer d’urgence cette erreur, il y a deux ans sortait « Relic » film sensible de la réalisatrice australienne Natalie Erika James. Elle y abordait le thème de la vieillesse et la sénilité, se servant d’éléments surnaturels pour personnifier des peurs, elles bien concrètes. La souffrance des aidants, le fait de ne plus se reconnaître en vieillissant, la perte de la conscience, des repères, de soi. Une réussite bluffante, incroyablement sensible et qui profitait d’une métaphore claire et bien exploitée sans jamais en appeler à trop de prétention pour servir un drame magnifié par sa montée en puissance dans l’horreur. Et si on évoque aujourd’hui ce film c’est bien parce que les traits communs avec « Samhain » sont évidents. Non pas que le film de Kate Dolan n’aille lorgner sur celui de Nathalie Erika James, mais bien pour leurs thématiques similaires.

Outre le fait qu’en centre de métrage se trouve le fameux triptyque grand-mère / mère / fille, les deux se répondent quand à la désincarnation de la personne aimée par le fait tangible d’une maladie. Chez « Samhain » le postulat est rapidement posé : Angela souffre de dépression. Les trois femmes vivent ensemble, s’entre-aident mais surtout supportent avec difficulté la mère qui peine à tenir son rôle.  Un élément fantastique, la disparition, va donc venir personnifier la perte de l’être aimé qui même s’il est physiquement là n’est pas lui-même. C’est cette métaphore filée et les choix de notre petite héroïne, Char et sa grand-mère qui n’hésitera d’ailleurs pas utiliser quelques grands moyens pour réagir ( métaphore encore des médicaments ? de l’aide par internement ?), qui tient à lui seul la qualité du film.

Kate Dolan est une réalisatrice gourmande, il faut lui reconnaître, et son envie de beaucoup en dire transparait à l’écran. C’est ainsi que la réalisatrice ajoute à son œuvre la notion de harcèlement scolaire dont est victime l’héroïne. Si l’idée – un brin hors sujet-a le mérite de s’inscrire dans un débat important actuel et qu’il évite la lourdeur d’œuvres américaines plus anciennes, il va souvent trop loin. Les adolescents sont certes parfois douloureusement méchants, mais rarement à ce point à un cheveu de sombrer dans la psychopathie sanguinaire. N’est ce pourtant pas ici une façon comme une autre d’ajouter à la sauce Stephen King, un méchant bien plus vilain que le mal démoniaque auquel sont confrontées nos héroïnes ? Puisque, disons le nous, l’humain est toujours le plus dangereux des prédateurs.

Il faudra certes, savoir pardonner. A la mère d’abord de ne pas remplir le rôle qu’on attend d’elle, à la famille ses secrets enfouis, aux bourreau pour qu’elles se fassent amies… C’est le chemin de croix de Char qui bien que trop jeune doit lutter pour sauver son repère, sa mère. Il faudra côté public, s’abstraire du petit budget du film et de ses maladresses pour mieux se focaliser sur son sous-titre.

Côté frissons, le film joue plus sur une montée en tension que sur de bons gros jump scares juteux à la « Smile » la sortie horrifique de l’année au moins côté box office. L’introduction fait clairement froid dans le dos, notamment grâce à l’utilisation d’un hors champs bien choisi. Quelques autres scènes, une danse endiablée ou une virée aux toilettes nocturnes constituent quelques temps fort d’une pellicule qui se concentre rarement néanmoins sur l’horreur.

« Samhain » n’a pas toute l’étoffe d’un « Relic » ou la délicatesse du monstrueux « Vivarium » qui lui aussi se servait de l’horreur pour traiter fait de société et vie de foyer. Il a néanmoins la délicatesse de mettre en scène des femmes dans toute la complexité de leurs rapports : de celui du conflit des générations, de la transmission, du besoin de se reconnaître et d’être protégée par ses aînée, à la découverte de la mère en tant que personne à part entière, des conflits, des jalousies. Il ajoute aussi sa pierre à l’édifice des films horrifiques à textes et aborde la maladie mentale comme un fléau dont on peut se sortir avec le soutient sans faute de ses proches … pour mieux renaître de ses cendres. Quant à Halloween alors ?  Le film se déroule dans cette période de l’année et c’est tout. Pas de Micheal Meyers donc, mais un boogey man qui fait des dommages bien plus réels et douloureux.