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Julia Escudero

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Association à but non lucratif créé en 1989, le Fair accompagne le développement d’artistes émergents dans le but de les professionnaliser.  Une action qui a fait ses preuves puisque nombreux sont les très grands noms de la musique française a y avoir fait leurs premiers pas : de NTM à Louis Attaque en passant par Jain, Eddy De Pretto, Christine and the Queens ou encore Pomme, la liste est édifiante. En 2020, le Fair laçait une nouvelle formule avec non plus une mais deux sélections par an, puis en 2023 deux programmes d’accompagnement différents : émergence et expérience.

Le Fair« C’est venu de deux artistes qui ont fait le Fair et dont la carrière a décollée d’un coup et ils n’avaient plus assez de temps à nous consacrer. » explique Julie Cerizay chargée de communication du Fair « C’était Eddy de Pretto et Jain. On s’est dit il y a des carrière fulgurantes et notre processus annuel est trop long. De Pretto  par exemple, avait peut-être postulé 6 mois plus tôt mais le temps de suivre le processus de sélection, il avait décollé et manquait de temps. Ces artistes ont avancé, fait des Zénith et puis après ils sont revenus nous voir en disant qu’ils avaient loupé les formations mais qu’ils en avaient quand même besoin, qu’ils avaient toujours des déficits dans le milieu de la musique. » L’association leur propose tout de même des formations, les a accompagné mais en a profité pour se questionner et se réinventer.

Ce succès fulgurant Julie Cerizay ne peut l’expliquer par une recette miracle. Pour elle, il n’existe pas de règle permettant de percer dans la musique : « Certains essaient très fort pendant des années sans que ça ne fonctionne. Pour d’autres, il suffit qu’un média important en parle ou d’un élément déclencheur et tout s’enchaine. Aujourd’hui on voit que l’arrivée de Tik Tok change beaucoup de choses. » Le réseau social est d’ailleurs souvent citer dans le profession, ça a été le cas lors de notre interview de La Femme, comme un nouveau moyen de se faire connaître sans pour autant savoir entièrement comment bien utiliser cet outil. Et de poursuivre : « Tu ne peux pas dire à un artiste qui arrive qu’il existe un chemin tout tracé qu’on peut lui montrer. Nous on donne des bases de structuration surtout. » Le but est de questionner sur la place d’auteur / compositeur dans la filière musicale, comprendre comment tout marche, comprendre les métiers, les contrats et leur donner les clés.Pour préciser cette aide, Le Fair a choisi de scinder ses promotions en deux, les émergents et les expériences.

Une association qui se renouvelle

Julie Cerizay Fair
Julie Cerizay du Fair

L’association a aujourd’hui 34 ans. Depuis son lancement les choses ont beaucoup évolué : « On s’est rendu compte que dans la typologie d’artistes éligibles il y avait un éventail très large de profils à qui profite notre suivi. Beaucoup d’artistes qui sont très entourés n’ont pas toutes les clés. D’autres  sont très émergents. » L’envie de l’organisme est de mieux pouvoir les aider. L’idée est d’avoir un tronc commun mais en prenant compte de l’avancée des artistes. Certains sont à leur premier album et d’autres sont très identifiés par la filière, ont déjà fait les Inouïs, les Chantiers mais ont toujours besoin d’aide… »Pour les émergents on dit qu’on travaille à la fois le projet et l’individu . Un artiste avant avait un groupe et faisait toute sa carrière dans le même groupe. Ce n’est plus le cas maintenant. Un artiste peut avoir un groupe  puis fait un projet solo ou un autre groupe. Notre but est de lui permettre d’évoluer au fil des années. »

Cet accompagnement est pertinent autour de la sortie du premier album. Pour être sélectionné, il faut d’abord répondre à l’appel à candidatures via à un dossier en ligne. L’équipe du Fair fait ensuite une pré-sélection administrative et en pré-sélectionne 150 pour le programme émergence et 30 pour celui expérience :  » C’est notre nombre limite, plus c’est compliqué pour le comité à écouter. Si on voit que malgré la pré-sélection administrative il y a trop de dossiers, on regarde les dossiers. » détaille Julie Cerizay, « Il y a des questions importantes : ce qu’ils attendent du Fair, leurs besoins en formations. On regarde s’ils sont compris l’intérêt du Fair et si on va être utile pour eux.  » Un soutien financier s’ajoute au suivi mais n’est en rien le cœur de l’action du Fair pour les artistes. Une fois les dossiers choisis, un comité de 7 personnes va les écouter. Avant chaque membre du jury choisissait un lauréat. Maintenant, les choses ont sensiblement changé, chaque membre du jury arrive le jour de la délibération avec 3 projets coups de cœur, tout le monde les écoute, s’ensuit les délibérations puis le membre du jury après les discussions choisit le projet qu’il ou elle parrainera et accompagnera.  C’est ainsi que sont choisis les émergents alors que les expériences eux font l’objet d’une discussion et d’un accord global.

Fair un jour, Fair toujours

Plus qu’un simple passage, la relation entre artistes sélectionnés et le Fair ne s’arrête jamais : « Il y a des artistes qu’on a eu il 10 ans, 15 ans qui reviennent nous voir pour nous demander des conseils. Pendant le parcours on leur offre un gros focus et suivi mais la relation se poursuit bien au delà. On leur dit Fair un jour, Fair toujours. »

La notoriété de l’artiste ne l’empêche d’ailleurs en rien de venir à nouveau solliciter l’association avec laquelle il ou elle faisait ses premiers pas. Une notion qu’illustre Julie : « On a commencé à faire des vidéos avec d’anciens lauréats du Fair qui viennent témoigner de ce que c’était pour eux cette expérience. Pomme a été la première a jouer le jeu alors qu’elle était avec nous en 2017. Même si elle est moins dans nos bureaux aujourd’hui, elle vient régulièrement nous demander des conseils, contacts… elle est loin d’être la seule. »

En pratique, l’accompagnement se fait dans les bureaux de l’association. Cette dernière est gérée par une petite équipe de trois personnes qui se donne au maximum pour répondre aux besoins de leurs lauréat.es.  Pour les épauler, un grand nombre de partenaires intervient à leur côté. Pour la formation, un séminaire est organisé. « C’est une sorte de colonie de vacances pendant une semaine. » Évoque avec le sourire Julie. « La journée ils ont des cours dont ils ont besoin et le soir et midi ils ont des moments d’échanges. Ça leur permet de se rencontrer et s’entre-aider. »

Ces moments sont d’autant plus importants qu’aujourd’hui on en demande de plus en plus aux artistes. L’explosion des réseaux sociaux, la gestion de leur image, la photographie, le marketing digital sont autant de nouveaux enjeux pour elles et eux. De plus les contrats dans les maisons de disques sont plus compliqués à obtenir puisqu’il y a de plus en plus de nouveaux artistes sur le marché. Il leur faut souvent apprendre à monter une boite, gérer leurs contrats, découvrir la distribution.

Pour aider à toutes ces démarches le Fair dote les émergents d’une somme allant jusqu’à 6000 euros. Cette association à but non lucratif n’a aucune ressource propre, le ministère de la culture les finance en grande partie. Puis d’autres subventions viennent s’ajouter ainsi que du mécénat. Si la pandémie a comme toujours dans la culture laissé sa trace sur les capacités de l’association, elle arrive néanmoins à s’en sortir et ajuster son budget.

Un chemin qui intéresse grandement les artistes. Depuis octobre 2022,850 candidatures y ont été déposées. Une tendance qui pourrait se poursuivre alors qu’un nouvel appel a été lancé. Si vous souhaitez profiter de ce savoir faire, il est déjà possible de postuler. Pour déposer sa candidature, c’est par ici.

Pour découvrir ces artistes qui marqueront sans aucun doute le paysage culturel français, il faudra attendre le concert organisé au Café de la Danse de Paris dont la date sera communiqué en fin de session d’accompagnement.

Découvrez la sélection du Fair début 2023

fair artistes sélectionnés


Ils sont de retour. C’est en 2021 que sortait « Inwards & Onwards », dernier EP en date d’Half Moon Run. Un opus de 6 titres bien trop court quand on connait le groupe et qui ne pouvait donner qu’envie d’en retrouver bien plus. Les montréalais viennent tout juste de dévoiler le très obsédant « You can let go » qui annonce un quatrième album à paraitre. Peu d’informations ont été dévoilées le concernant mais le leader du groupe, Devon Portielje, en fait un court teasing :«  Tout ce que  je peux dire,  c’est que notre dernier  EP était  tourné vers l’intérieur et allait de l’avant, et maintenant, nous regardons peut-être vers le haut. » Des promesses bien énigmatiques en somme qui prennent plus de sens à l’écoute de ce premier jet. Half Moon Run a toujours le don de créer des mélodies spacieuses, elles évoquent tant l’urgence du voyage, les grands espaces canadiens qu’une force nostalgique sucrée.  Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que leurs titres sont décrits comme « kaléidoscopiques ». Un terme qui raconte bien la portée onirique des compositions de la formation. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le groupe a annoncé un passage parisien au Bataclan le 22 septembre 2023. Pour se procurer des places c’est par ici.

HALF MOON RUN Jennifer McCord
HALF MOON RUN – crédits : Jennifer McCord

 

You can let go : un titre obsédant

Entrainant et mélancolique, ce nouveau titre convoque ce qu’Half Moon Run sait faire de mieux. Le titre entêtant fonctionne parfaitement et ce dès ses première notes. Un plaisir qui n’est pas sans rappeler les plus belles réussites du groupe du parfait « Full Circle » au travaillé « I Can’t Figure out What is Going On ». L’introduction se construit sur des boucles hypnotiques et la voix va en ce sens avec son rythme répétitif qui s’accélère au gré des secondes qui défilent. Comme toujours la formation frappe juste et fort, sait gérer sa montée en tension pour mieux se frayer un chemin sous les peaux. Les frissons sont au rendez-vous alors que la retenue est de mise. Le refrain lui, est l’occasion de prendre un grand huit de sensations fortes. Indie, joliment produit, le titre mettra d’accord les connaisseurs. Reste donc à l’écouter en boucle en attendant le prochain opus.

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La saison 2 de Ginny & Georgia vient d’être dévoilée sur Netflix et s’est déjà inscrite parmi les tops de visionnages du géant du streaming, devenant même l’une des séries à entrer dans le top 10 des séries les plus streamées de la plateforme. Si l’annonce de la saison 3 vient cruellement à tarder, elle est pourtant l’une des plus attendues. On sait que Netflix peut réserver de mauvaises surprises à ses fans, ayant annulé certains de ses show les plus appréciés. De l’excellente The OA aux bien plus discutables Warrior None ou encore  le très mauvais The Winx. Pourtant, dans le paysage la série de Sarah Lampert recèle de son lot de très belles surprises. Celle qui s’inscrit dans ce qui pourrait être un show typique teenager sait faire la part belle à des thématiques fortes, ne se privant d’aborder aucune douleur psychologique rencontrée par les adultes et adolescent.es, le tout servi dans un cocon de douceur et une forme de nostalgie des programmes à la Gillmore Girls. Retour sur les thématiques les plus sombres de la saison 2 et leur traitement bienveillant. ATTENTION Spoilers de la saison 2 !

Ginny & Georgia
Ginny & Georgia. (L to R) Antonia Gentry as Ginny, Brianne Howey as Georgia in episode 209 of Ginny & Georgia. Cr. Courtesy of Netflix © 2022

Il aura fallu s’armer de patience pour découvrir la nouvelle saison de Giny & Georgia et retourner avec nos deux héroïnes à Wellsbury. C’est chose connu, aujourd’hui les shows télévisés suivent le schéma d’une approche bienveillante des problématiques. Les shows des années 90 avaient vocation à aborder les souffrances psychologiques avec jugement et sévérité sans jamais y offrir d’issus voir romantisant certains aspects de ces derniers. Les temps changent et Ginny & Georgia prend le pli de son époque tout en gardant l’essence même de ce qui a pu faire le succès d’autres shows par le passé : petite ville, histoires d’amour, drames, comédie… ce qui pourrait faire penser à un certain Dawson tire finalement son épingle du jeu et arrive à narrer les histoires aussi bien vécues par les ados du shows que par les parents sans jamais perdre son spectateur ou diminuer l’essence dramatique de ses personnages. En ce jeu d’écriture bien fait la série Netflix est remarquable et induit une forte addiction loin du puritanisme américain exaspérant auquel nous sommes habitués.

Des maux, des mots, des mômes

ginny-georgia-saison-2-mangLa saison 2 reprend juste après la saison 1 et décide d’attaquer très rapidement avec les problèmes de Ginny (Antonia entry), l’une des héroïnes de la série. Après avoir appris sa mère Georgia avait assassiné son ex mari, elle décide de fuguer chez son père avec son petit frère Austin. Seulement cette annonce n’est pas sans conséquence, Ginny déjà dépeinte comme un personnage à la vulnérabilité à fleur de peau entre dans un processus d’auto-mutilation. Et pour se faire, elle se brûle. Elle finit par en parler à son père Zion qui prend la nouvelle au sérieux et la pousse à consulter. L’affaire ne se règle pas en un claquement de doigts. Il ne suffit pas de parler pour être libérée de ce qu’elle traverse. Cet axe donne naissance à deux des scènes les plus fortes de la saison. La confrontation avec Georgia (Brianne Howey), habituée à tout connaître de sa fille et à la protéger quoi qu’il en coûte. Elle tente d’abord une approche lourde, difficile et intrusive avant de se raviser et de prendre un rôle d’accompagnant. Ce chemin aussi va être long, douloureux et passe par le biais de la thérapie mais pas uniquement. Les personnages évoluent lentement, prennent le temps d’aborder la problématique et d’offrir un panel de réactions : celle du père aimant qui tombe de haut, de la mère qui veut solutionner, du petit ami ( Marcus) qui s’avère être une oreille attentive à ce vécu. Elle n’est pas idéalisée, Giny avoue haïr se blesser mais le cheminement pour arrêter est long, il passe par des substitues ( un élastique à claquer, des thérapie, du dialogue, des appels nocturne) et rien en fin de saison n’indique qu’elle a définitivement arrêté, elle lutte contre ça. Le traitement scénaristique y est sensible et délicat, n’en déplaise aux détracteurs de Ginny. Twitter s’est d’ailleurs ligué à tord contre le personnage, mais bon Twitter reste le réseau social le plus intéressant et le plus abjecte en même temps. Parce que son parcours, bien que romancé et raconté sous l’œil de scénaristes cherchant à faire avancer une narration est un enjeux central et tente de proposer l’un des nombreux ressentis des personnes qui s’auto-mutilent.

Évidement, un show télévisé ne peut avoir vocation seul à comprendre tous les enjeux d’une personne en détresse qui souffrirait d’un besoin de s’auto-mutiler. N’empêche que l’approche de ce trouble dénote avec ce qui a pu exister dans le passé. Les séries offraient leur lot de voyeurisme en la matière. La chose n’est pas neuve, les pulsions de vie et de mort n’ont finalement pas toujours été la fontaine romantique du spectacle. Le double suicide de Roméo et Juliette n’est-il pas la quintessence de la beauté et de l’amour ? Et puis ne se doit-on pas de justifier chaque action comme étant logique et fondée. Si réaction au mal-être il y a alors elle découle d’une action, d’une souffrance et d’un maux. Il faut toujours justifier. Ce n’est pourtant pas le cas ici. En la matière, il faut le rappeler Ginny & Georgia serait la petite sœur très sage d’Euphoria. La comparaison entre les deux shows s’arrêtent bien évidement ici, la seconde ayant bien plus en rapport avec Skin qu’avec Gilmore Girl. Il n’empêche qu’elle ont, chacune à leur manière, la capacité de parler aux adolescent.es sans les juger.

Du teenage show à l’euthanasie : légèreté rime avec société

Dans l’idée de ne pas associer dépression à un simple évènement, l’évolution du personnage de Marcus (Felix Mallard) fait aussi figure de rareté dans le panel télévisé actuel.  Son entrée en dépression, cyclique, est abordé sous l’œil de son personnage. Il devient narrateur de ses pensées, de son accablement et ce en une seule scène qui tient valeur d’explication de son ressenti et de ses réactions futures. Un monologue intérieur est explicité comme une clé pour mieux le comprendre. Le personnage reste taiseux. Il ne vient pas s’exprimer, se raconter avec les autres. Il pousse par ailleurs Ginny à prendre un autre rôle : celui de la bienfaitrice, qui doit comprendre, s’adoucir et malgré ses propres troubles protéger et ce malgré le rejet dont elle est la victime. Cet axe narratif devient lui aussi central. Autant que les avancées majeures du show pour cette saison qu’ils soient le mariage de Georgia, les meurtres, les relations amicales. Il permet à ceux et celles qui le regardent une nouvelle forme d’identification, une compréhension. Abby n’est également pas en reste et est le personnage le plus mal dans sa peau de la série qui pourrait par ailleurs aborder à travers elle les TCA. La chose est sous-entendue sans jamais être clairement exprimée dans cette nouvelle saison. Mais ce qui est exprimé est que les mots ont leur importance et qu’il est facile de blesser sans y penser une personne. Ceux qui se moquent d’elle, sont par ailleurs peu montré, comme pour souligner que les petites actions ont un poids mais ne sont pas toujours immédiatement repérés par l’entourage. L’impact est grand pour la personne concernée. Elle camoufle son corps, change de couleurs de cheveux et ajoute une scène troublante à l’histoire. Alors qu’elle joue à se faire porter par Matt, il blague sur son poids. Son visage se ferme, la douleur est là mais elle est évoqué avec simplicité sans aucun besoin de trop en faire, de trop en dire. Les éléments concernant le rapport au corps d’Abby, sa problématique face à son physique sont distillés avec parcimonie et alertent le spectateur : ces troubles ne se voient pas toujours, ils ont bien des visages.

Le personnage le plus explicité, le plus raconté, comme dans un un besoin de le justifier reste celui de Georgia. Mais elle est aussi le personnage adulte, celui qui a eu le temps d’analyser ses actions et surtout de mieux les comprendre. Comprendre ne veut pas dire contrôler, ne veut pas dire arrêter. Même s’il s’agit là du pire des affres : le meurtre. Femme qui a été battue, femme forte, Georgia lutte contre un grand nombre de traumatismes. Pourtant sa force évoquée à de nombreuses reprises par sa fille est ce qui la caractérise le mieux. Elle est autant femme que mère. Les deux ne sont en rien incompatibles. Et à travers ce prisme, et le regard de sa fille, elle finit par voir la vulnérabilité comme une force, peut-être la plus grande de toute. Ses ressorts psychologiques sont complexes. Elle est un piliers mais également une personne blessée. Elle peut séduire mais toute son essence provient de son passé, de ses difficultés. D’ailleurs les nombreux flashbachs sont là pour constamment l’expliquer , mieux la comprendre et voir comme une personne peut évoluer, apprendre à se défendre. La série fait d’un personnage meurtri une véritable icône. Georgia n’est pas une victime. Sombre et pourtant lumineuse, elle se bat seule avec ses enfants et pour ses enfants. De se faire du mal à faire du mal, le pas est grand. Ginny en paye le prix et en fin de saison c’est au tour de sa mère de payer sa dette. La série est également l’occasion de rappeler que les temps ont changé. Exit « Basic Instinct » et l’image de la beauté fatale inépuisable séductrice. La beauté de Georgia est une force mais pas seulement. Elle peut aussi devenir son propre bourreau.

Reste à savoir si la saison 3 apportera une nouvelle vision d’un personnage fragilisé, rattrapé par ses démons, ses erreurs et sa tendance à les reproduire. Il faudra aussi savoir traiter de l’euthanasie, puisque c’est bien le dernier crime de notre héroïne, de façon juste en introduisant le débat comme aura su le faire depuis ses débuts ce show grandement accessible qui ouvre les yeux et la voix à un public mainstream sur des problématiques importantes. Tout cela si Netflix confirme bien cette nouvelle saison.


Sam Fabelman ( Gabriel LaBelle)
Sam Fabelman ( Gabriel LaBelle) Copyright Storyteller Distribution Co., LLC. All Rights Reserved.

Le 22 février 2023 sortira en salles le  dernier film de Steven Spielber, son plus personnel, The Fabelmans. Le légendaire metteur en scène américain a décidé rien de moins que de nous parler de sa propre enfance et du parcours l’ayant mené à la mise en scène ! Pour quel résultat ? 

The Fabelmans : De quoi ça parle ?

Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l’ont emmené voir The Greatest Show on Earth. Armé d’une caméra, Sammy commence à faire ses propres films à la maison, pour le plus grand plaisir de sa mère qui le soutient. L’adolescent va un jour découvrir un secret de famille bouleversant. Il va aussi se rendre compte que le cinéma va l’aider à voir et accepter la vérité.

The Fablemans Michelle Williams
Un triangle amoureux Paul Dano – Michelle Williams – Seth Rogens Copyright Storyteller Distribution Co., LLC. All Rights Reserved.

The Fabelmans : Est ce que c’est bien ?

Après la grande réussite du remake de West Side Story dont l’échec au box office demeure incompréhensible, rapidement l’annonce était faite du prochain projet du mondialement connu Steven Spielberg : un film sur son enfance et le divorce de ses parents. De quoi provoquer une réaction ambivalente. En effet, toute la thématique de l’absence du père imprègne une grande partie du début de carrière du metteur en scène. Ainsi, par exemple, Rencontres du Troisième Type ( SPOILER ALERT) voit le personnage de Richard Dreyfuss « abandonner » sa famille pour accompagner les extraterrestres, Empire du Soleil (chef d’œuvre beaucoup trop méconnu) voit le personnage de Christian Bale, enfant séparé de ses parents dans le tumulte de la guerre , oscille une grande partie du film entre deux modèles opposés de père de substitution. Mais aussi, la question peut facilement se poser de savoir si l’on peut être le meilleur conteur qui soit quand il s’agit de sa propre histoire ? En terrain connu, Spielberg est il tombé dans la facilité?

C’est en fait le principal reproche qui puisse être fait à The Fabelmans : conteur de sa propre histoire, Spielberg se perd dans ses souvenirs, les étirant parfois jusqu’à frôler le manque d’intérêt. Dans sa version de fiction, car l’on ne suit pas vraiment le parcours de Steven Spielberg mais celui de Samuel Fabelman ( Samuel est le prénom hébraïque de Spielberg, Fabelman signifie littéralement l’homme-fable, pas mal pour un pseudo), sa famille est irréprochable, sa mère est soutenante, son père est bienveillant à l’égard de sa famille et de Samuel. Même quand il pense que le cinéma devrait rester un hobbie pour son fils, il l’aide à le financer. A peine l’irruption du personnage de l’oncle maternel vient elle boulverser ce propret équilibre en confrontant Art et vie de famille. A 76 ans, Spielberg, probablement en paix avec son histoire, en tout cas assez pour la montrer à la face du monde, ne se sent peut être pas de juger son père ou sa mère. Humainement, cela peut s’entendre. Cinématographiquement, c’est beaucoup plus compliqué, tant il dépeint un quotidien assez ordinaire… Heureusement, Spielberg n’est pas que conteur mais aussi metteur en scène et il a l’humilité des grands en ne se focalisant pas seulement sur son histoire mais – aussi- sur son rapport au cinéma.

Mateo Zoryan Francis-DeFord as younger Sammy Fabelman in The Fabelmans
Mateo Zoryan Francis-DeFord as younger Sammy Fabelman in The Fabelmans Copyright Storyteller Distribution Co., LLC. All Rights Reserved.

Spielberg a du talent. Pléonasme bien sur. Pourtant, dès la première scène de The Fabelmans, le réalisateur américain démontre avec peu d’effets qu’il est l’un des meilleurs dans sa partie. Un enfant va au cinéma mais commence à avoir peur. De la foule, du bruit, de la taille de l’écran. Sa mère puis son père vont le rassurer. L’une en mettant en avant la féerie du spectacle qui va s’offrir à lui, l’autre lui assénant des termes techniques pour rationaliser ce qui va se passer. En une simple scène, Spielberg vient de brosser trois personnages d’un coup. Les trois qui constitueront les piliers de son récit.

En fait, Spielberg n’est jamais aussi bon dans The Fabelmans que quand il se souvient qu’il est entrain de signer un film, une œuvre de fiction. Ainsi, passé la description quasi chirurgicale de la décomposition du couple de ses parents, le film trouve un second souffle quand il fait de Sam Fabelman un personnage de teen movie dans la partie lycéenne, très probablement romancée du film. Pourtant c’est dans cette dernière qu’il réussit à livrer une des plus belles déclarations d’amour au Septième Art avec le passage du film de fin d’année, le réalisateur semblant détenir des pouvoirs au delà du commun des mortels.

The Fablemans
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De même, l’une des seules scènes ou Spielberg semble prendre de la hauteur avec/à son sujet, est le plan furtif mais fascinant de son alter ego vu dans le reflet d’un miroir ( tropisme spielbergien s’il en est) entrain de filmer ses parents annonçant à ses sœurs leur divorce. Et on se prête à rêver d’un film entier sur un adolescent, qui, voulant fuir la réalité s’enfermerait dans un monde où la fiction qu’il créerait prendrait de plus en plus de place… Malheureusement, The Fabelmans n’est pas ce film là. Il est autre chose. Tentative de biographie en lissant les bords. Déclaration d’amour au cinéma. Même si l’ensemble est assez maladroit, à l’image de la prestation de Michelle Williams dans le rôle de la maman, The Fabelmans est un film d’excellente qualité et mérite d’être vu, dans les conditions pour lesquelles il a été pensé, dans un cinéma. Et puis David Lynch dans le rôle fugace de John Ford mérite à lui seul un visionnage, donc, n’hésitez pas !

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