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Julia Escudero

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La date de sortie du nouvel album d’Hozier approche à grands pas. Le 18 août, le musicien dévoilera dans son entièreté « Unreal Unearth », son troisième né qui succède à la sortie d’un EP « Eat your young », prélude et mise en bouche de ce nouveau jet. Dans la foulée, le musicien annonçait une série de concerts avec rapidité. Un Alhambra complet, un Olympia complet puis pour l’automne un Zénith de Paris. On va crescendo et on y va à toute allure.

Nul doute que le public l’attendait de pied ferme. Les premiers albums étant largement restés gravés dans les mémoires. De « Take me to church » et son succès fulgurant, le prodige était monté dans les tours avec l’incontournable « Wasteland Baby », voyage poétique au confin de la folk qui colle au coeur autant qu’aux oreilles.

Hozier OlympiaTake me to l’Olympia

Nous voilà donc en ce 18 juillet pour applaudir Andrew Hozier-Byrne de son vrai nom. Les lettres rouges sur la façade de la célèbre salle ne trompent pas, nous y sommes. Aucun doute : on ne plaisante pas avec la musique pour Hozier. C’est entouré d’une armée de musiciens, qu’il prend d’assaut la scène. Point de chichis, point de gros décors ou de cadre de rêve, seules les notes viennent à compter. La musique d’Hozier est un périple qui s’ouvre sur « Eat your young », autant immédiatement défendre son nouveau bijou. De ce dernier, le chanteur dévoilera en milieu de set « De Selby », titre en deux partie, longue balade aux accents puissant et aux rebondissements fréquents. C’est un mot intéressant le mot balade dans l’univers d’Hozier. Il marque l’appellation de morceaux évidement. Il pourrait évoquer une certaine tranquillité, un périple facile. Et pourtant, ce serait faire mentir la musique. L’irlandais propose certes un temps calme mais emprunt de rebondissements où la force est langue maitresse. Avancer peut parfois être douloureux, le parcours peut être semé d’inattendu, Hozier s’illustre à coup de rythmes bien construits, de montées en puissance qui prennent aux tripes. Il fait marcher les sentiments.

chaleur ocre

Il n’est pas le seul mot pourtant qui caractérise le mieux le concert du musicien. C’est la chaleur douce qui s’en dégage qui marque de façon indélébile les esprits  et qui est la parfaite illustration de ce moment. Des lumières aux tons ocres et des notes rondes, une voix puissante et nous voilà plongés dans un univers dont il semble impossible de se défaire. Il faut dire que cette voix apaise, ce qui est le cas sur album est encore plus vrai en live. Elle prend par la main. Parmi les balades proposées ce soir manque à l’appel l’immense « Wasteland baby » qui donnait son nom à sa dernière galette. Pas de panique pourtant l’une des plus belles réussites de ce second jet, « Would that I » fait bien partie de la setlist faisant son entrée peu avant la fin. En live, les rythmiques changent de peau mais le décollage, lui, bien de la partie. D’autant que notre homme sait pousser sa voix dans ses retranchements sur un refrain parfaitement construit qui entre dans les sang pour modifier chaque fondement de notre être lorsqu’on l’écoute. Il est un point commun entre la folk canadienne et celle irlandaise : elles savent traduire les espaces et paysages qui peuplent ces très beaux pays. Des paysages verts où la nature est reine. Si un Half Moon Run propose un jeu peuplé de montées et de descentes à l’image des  montagnes qui les entourent, Hozier offre un voyage au coeur des vallées et des étendues vertes, la beauté est là, le chant des champs se suffit. De ces nouveaux nés, Hozier prend aussi le temps de conter « Francesca »et de prouver que le périple est toujours aussi bon au coeur d' »Unreal Unearth ».

Communion

L’artiste n’hésite pas à faire un tour du côté de son premier album. Si « Work Song » clôture le bal, c’est évidemment « Take Me to Church  » qui est le temps le plus fort de cette performance. Placé juste avant le rappel, le titre permet à Hozier de sortir un drapeaux aux couleurs LGBTQ. Impossible d’oublier la dureté du clip qui accompagnait la sortie de ce titre qui parle d’homophobie avec justesse. A l’abjecte du propos évoqué, il est d’autant plus beau de voir un Olympia conquis, chanter en choeur ce qui se dessine comme un hymne, un puissant plaidoyer. Pas une parole n’est pas récitée par l’assistance qui prend à propos de bien ressentir et penser à chaque chose qui est dite. On est bien loin du simple banger radiophonique. Ici musique, société et crie du coeur font bon ménage. Et une fois encore la chaleur est au rendez-vous, elle prend d’assaut une foule à l’unisson, main dans la main avec le berger Hozier et sa voix rauque. S’il fait nuit dehors, ici à l’intérieur, le soleil brille encore et illumine les âmes. Ce petit bout d’union, il sera celui à garder au plus près de soit en quittant l’Olympia. Il permettra de tenir le coeur plein jusqu’à la prochaine escale du voyage, le 18 août pour un tour parmi les vallées d’ « Unreal Unearth ».


Dire que le concert de The 1975 en France était attendu de pied ferme reviendrait au doux euphémisme. Le groupe britannique mené par Matthew Healy se produisait le 12 juillet 2023 sur les planches de l’Olympia, salle dont le nom est toujours synonyme de grandeur grâce aux fantômes d’immenses performances passées. Plus qu’une simple prestation, c’est un moment d’adoration rare convoquant les états d’âmes du rock pour leur donner une bienveillance pop auquel il nous fut possible d’assister. On vous raconte.

The 1975 à l'Olympia - Crédit - Louis Comar
The 1975 à l’Olympia – Crédit – Louis Comar

attente ressentie … depuis 1975

A peine deux jours plus tôt, dans la même salle, le concert de l’année, de par son annonce surprise et son attente avait lieu. Lana Del Rey retrouvait en effet son public français, dix ans après son dernier passage le tout balancé seulement quinze jours plus tôt. La folie de la file d’attente en ligne, quelques 400 000 personnes cherchant à voir l’interprète de « Born to Die », avait défrayé les chroniques. Et si le public de Lana Del Rey lui voue un véritable culte, à raison, on ne pourrait dire assez de bien de son tout dernier album, il n’étaient pas les seuls en ce lundi soir, prêt à tout pour leur idole. Les adeptes de The 1975 campaient eux même déjà devant la salle pour se voir assurer le premier rang.

Les voilà donc qui s’élancent enfin pour voir le groupe sur scène. Un groupe à fans donc, de ceux qui déchaînent les passions et les yeux qui brillent, de ceux qui changent des vies. La foule est compacte, des panneaux s’y promènent alors que les balcons se lèvent fièrement dès que les toutes première notes viennent à retentir. « Love Me Tender » d’Elvis Presley ouvre le bal. L’amour tendre, il en est question côté audience. Ce n’est pas la seule comparaison qui pourrait être faite entre le King et Matthew Healy. L’un comme l’autre sait séduire un public qui lui confère une passion presque aussi amoureuse que musicale, l’un comme l’autre profite d’une aura qui sent le rock.

Le retour du roi

Aujourd’hui les shows se doivent d’être carrés, propres, les groupes sur lesquels on mise viennent avec leurs gros décors, jouent un set écrit et calculé minute par minute. Oubliez tout ça ce soir. Une estrade blanche accueille les musiciens de tournées, en dessous la formation de The 1975 avec en son centre, son lead singer qui mène la totalité du bateau. Sur le titre « Frail State Of Mind » , le musicien se confiait sur son anxiété. Elle est palpable dès qu’il entame ses premiers morceaux « Lookin for somebody (to love) », l’un de ses plus gros succès. Matthew ne lâche pas sa flasque, sauf pour la remplacer par une bouteille de rouge qui l’accompagne dans ses déambulations scéniques. Il enchaîne les cigarettes, et derrière ses angéliques boucles brunes, l’âme du rockeur à fleur de peau, d’une conception de la tournée d’une autre époque qui faisait rimer musique, liberté et excès. Dans le public, un panneau demande à partager une cigarette avec le musicien. Comme ce fut le cas du temps d’Elvis, des fleurs sont lancées sur la scène, un accessoire avec lequel notre chanteur n’hésitera pas à jouer. Il prend possession de son espace, se mouvant comme s’il flottait au dessus des planches, d’un bout à l’autre, avec quelques enjambés. Les gorgées sont bues entre chaque titre, parfois chaque couplet et pour autant Matthew Healy ne fait aucun faux pas. La justesse de son timbre clair fait mouche, il en est de même lorsqu’il se met derrière son clavier ou sa guitare et ses interludes acoustiques. On parle de flegme britannique, le frontman en est une belle incarnation, détaché mais précis, intimidé mais amusé, sensible mais professionnel. Le bouillon rock est effervescent, il convainc une assistance qui connait chaque mot de chaque titre et chante en choeur. Point de paresse, s’il laisse à son public le micro, ce n’est que pour quelques brèves secondes.

Cette âme rock, cette liberté, contraste avec la candeur lumineuse du répertoire de The 1975. Plutôt pop avec des percées dans le rock alternatif, les titres ont l’aisance d’entrer efficacement en tête. « Hapiness », « I’m in love with you », « A Change of heart », « About you » se succèdent. Lorsque le son s’arrête et après un temps d’avarice en dialogue, le public se met à chanter les célèbres « Who ho ho hoho ho » de « Seven nation army ». « C’est quoi ce merdier, s’étonne Maty, c’est les White Stripes ça! » le sourire aux lèvres comme décontenancé par la présence d’une entité public qui vibre comme un poumon géant happant l’oxygène que la musique sait lui donner. Les visages de ce poumon sont jeunes et rayonnant en écrasante majorité. Un couple se câline, des hanches ondulent ou dansent fièrement. « Guys », l’un des singles phares du groupe n’est interprété que dans son premier couplet, dommage d’autant plus qu’il a une véritable force tubesque de ceux qui pourraient avoir toujours traîné dans les oreilles et qui passent dans le répertoire collectif comme un précieux acquis. Il profite néanmoins d’un instant à la guitare acoustique pour le sublimer et il faut le dire tout est toujours si beau à la guitare acoustique. « I Always wanna die sometimes » le succède très rapidement. Les musiciens semblent composer avec les humeurs et envies d’un leader qui s’attire toutes les lumières. Quelques pas à la Jack Sparrow subliment son jeu de jambes félin. De ceux qui ont été appris par la force des choses. Il y a une certaine candeur derrière chaque mouvement, comme une découverte de la scène et son approche évidente, pour ceux qui par deux fois se font têtes d’affiches au festival Reading en Angleterre.

Une dernière inspiration

The 1975 à l'Olympia - Crédit - Louis Comar
The 1975 à l’Olympia – Crédit – Louis Comar

Le bal touche à sa fin, mais pas encore tout à fait. « Be My Mistake » résonne et comme c’est bien souvent le cas la formation promet un rapide retour dans la capitale française dans une plus grande salle, pour répondre à la forte demande qui lui ai faite. En Angleterre le groupe s’offre des stades, ici, il distingue encore pleinement les visages qui le scrutent. Encore quelques notes d’oxygène viennent emplir l’Olympia. « Love it if we made it », « Sex », « Give yourself a try » issus des précédents albums du combo servent de clôture à la soirée. Si le Hip Hop avait repris au rock ses pogos, il est bon de retrouver son attitude portée par des instruments et guitares. The 1975 a la grâce de ceux qui deviennent des idoles et dont les notes ensoleillées font échos aux températures extérieures, non sans laisser entrevoir une mélancolie à fleur de peau qui donne au tout la saveur du réel. Le poumon est oxygéné, il irriguera les corps des fans en souvenirs pour le reste de l’été.


Hot Chip, Fnac Live Paris 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

Le coup d’envoi Festival Fnac Live Paris était donné  le 28 juin. Comme chaque année l’évènement entièrement gratuit profitait d’un cadre de rêve pour se déployer : celui de l’Hôtel de Ville de Paris. Au programme, une grande scène, des concerts et Nôtre-Dame de Paris en fond, comme cadre bienveillant.

A chaque édition, le décors fait rêver et déploie ses beautés pour faire la part belle à la scène musicale populaire comme les nouvelles pépites qui promettent de se faire têtes d’affiches dans le futur. A la différence pourtant des précédentes éditions, le Fnac Live cette année, n’aura pu se déployer que sur deux journée. La troisième s’est vue annulée en dernière minute sur fond de contexte sociale et d’émeutes ayant gagnéesParis (entre autre de nombreuses autres villes) pour protester contre le décès de Nahel et les violences policières.  Dans la nuit du second jour de nombreux brasiers se sont allumés,  représentation de la colère ressentie, certains même sur l’avenue de Rivoli, à quelques mètres seulement du festival. Alors au détour de tout ça : la mort insensée et inexcusable d’un jeune homme, les revendications, les violences policières, les commerces détruits et la souffrance de ceux qui ont tout perdu, on pourrait presque se demander à quoi bon parler de concerts ? Et là serait l’erreur fondamentale. On doit toujours, quoiqu’il arrive parler de culture. La culture et la musique sont autant de vecteurs d’union que de terreaux aux révoltes, elles interrogent, portent et instruisent. Un évènement gratuit comme le Fnac Live est une excellente manière de l’apporter à tous, de faire table rase des privilèges, de partager la fête et l’instant. Il y est question d’unir et rassembler. Il est donc temps de parler des artistes qui auront su marquer ces deux belles soirées, en ayant une pensée pour ceux qu’il n’aura pas été possible de voir. Et de prouver une fois de plus que la culture est l’une des réponses (certainement pas l’unique) pour guérir une société.

la musique pour réparer les coeurs

Il n’est de guerre sans coeurs brisés qu’il ne faudra un jour consoler. Folk et douceur seront accompagner les douleurs. Et c’est bien le programme qui nous est ici proposé.  En effet, l’évènement profite d’une double programmation, celle de la grande scène sur le parvis et la seconde intimiste dans le salon de l’Hôtel de Ville. Pas de surprise à ce niveau, le cadre y est, autant se le dire, exceptionnel. Peintures, dorures, longs couloirs, moulures aux plafonds, sculptures,  le décors est à couper le souffle. Là une partie de la programmation se joue en petit comité. Des chaises y ont été dressées. De quoi profiter de la musique en se concentrant pleinement. Warhaus est le premier à se prêter au jeu. De retour l’an dernier avec son album « Ha ha Heartbeak », le musicien signait l’une des oeuvres les plus marquantes de 2022. Normal lorsqu’on le connait. Seconde moitié de Balthazar, le musicien émérite sait composer. En l’occurence pour parler de rupture sur cet opus. Mais pas seulement pour pleurer une séparation subie. Ecrit d’un bloc à Palerme en trois semaine, l’opus coloré, avait aussi été écrit avec l’envie de reconquérir l’être aimé. Topo, c’est une véritable pépite aux sonorités 70’s qui en sort, intemporelle et emplie de séduction. Sur scène, Marteen Devoldere n’est pas venu seul. Il est accompagné de ses musiciens brillants. Oui brillant, parce que comme avec son groupe Balthazar, le jeu est d’une précision millimétrée. Si l’acoustique de l’espace, qui n’est pas une salle de concert est le seul reproche que l’on fait au cadre, le travail sur le son a été calibré. Le chanteur est l’incarnation de l’élégance scénique, point d’artifices, seule la musique vient à compter. Sa voix grave prend au tripes et se pose en maitresse. Les instruments se déploient et sont même un temps abandonnés en solo par Marteen qui préfère leur laisser la part belle. L’instant est carré, millimétré, soigné. La musique en est presque mathématique tant le soin est porté à la précision de son rendu. L’interprétation de « The good lie » issu de « We fucked a flame into being » est un temps fort de la soirée. Le nouvel opus est loin d’être oublié pour autant. Warhaus rit des coeur brisés mais sait aussi les sublimer et les soigner. Voilà ce dont nous avons besoin.

Tout comme du show de Beck. Quelle belle proposition que celle-ci. Là où Warhaus se joue des coeurs brisés, Beck lui, est immédiatement associé à son immense titre « Everybody’s gotta learn sometimes » issu de la bande originale du chef d’oeuvre « Eternal Sunshine of the spotless Mind » de Michel Gondry. Titre au combien évocateur pour traverser les temps actuels. L’apprentissage collectif serait le bienvenu. Le musicien ne manquera pas d’interpréter ce morceau issu de son immense répertoire. Le géant Beck sur scène se livre à nu, seul derrière sa guitare folk. Point d’artifices pour celui qui rencontrait le succès en 1994 avec le désormais culte « Loser ».  L’instant est à la communion, l’introspection et les notes unissent une assistance hypnotisée par la présence de ce très grand monsieur de la musique.

Danser pour unir les corps et libérer les esprits

Pas besoin que la musique soit douce pour qu’elle rassemble. Elle peut aussi libérer les corps en plus des coeurs. En terme de programmation dansante, le Fnac Live a de quoi flamboyer. Et en jouant sur la diversité. Qu’il est beau au cour des sets qui s’enchainent de voir les festivaliers vissés sur les épaules de leurs amis, les regards joyeux, les corps qui bougent et se rapprochent, les pas de danses calculés et ceux faits pour amuser.

Avec son leader vêtu de rose, Hot Chip et sa synthpop britannique sait servir la fête. En tournée dans le cadre de la sortie de son dernier opus « Freakout/Release » paru en 2022, le combo balance franchement. Le tire « Flute » issu d’ « In our heads » sait toujours mettre le public d’accord même s’il prend une saveur bien particulière en live. Il est l’amorce d’un concert franchement bien écrit et accrocheur. Tout passe par le jeu des instruments qui donne au parvis un visage de grande fête populaire. Il faut dire qu’Hot Chip joue sur la simplicité et préfère enchaîner les titres que de trop en faire côté scénographie.

Hot Chip, Fnac Live Paris 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

C’est Polo & Pan qui clôture la folle nuit du mercredi. Habitué au festivals, le combo distille son électro populaire et ses titres connus qui font osciller les corps. Loin de se contenter d’un simple DJ set, le groupe vient accompagner de sa chanteuse qui donne au live une dimension supplémentaire. « Ani Kuni » souffle son brin de légèreté sur l’instant et sa comptine quasi enfantine. C’est d’ailleurs ce qui caractérise le mieux l’âme d’une formation qui joue avec des codes colorés et sent bon l’été dans tout ce qu’il a de plus candide. Sans pour autant être simplistes, les titres ont un naturel qui fait mouche et entraînent dans le chemin cartoonesque qu’ils évoquent. En milieu de set « Canopée » s’inscrit comme un temps fort sur lequel le public chante bien volontiers. On est loin de Paris, loin des problèmes, quelque part où le bonheur est simple, à portée de main.

Polo & Pan, Fnac Live Paris 2023 – Crédit Photo : Louis Comar

Le jeudi, là aussi en clôture, le super trio Boombass X Etienne de Crécy X DJ Falcon sera la dernière fois qu’il sera possible de danser face à Notre Dame de Paris. L’instant est d’autant plus magique qu’il se vit sans avoir conscience qu’il marque une fin. Le son y est plus intense et porté par de grosses basses que celui de Polo & Pan. Etienne de Crécy est un caméléon de l’électro qui sait se prêter à tous les jeux, ce qu’il prouve encore ce soir. Vitalic disait lors de notre rencontre un an plus tôt dans le même cadre que faire la fête est politique. Se donner le droit de faire la fête plus précisément. La fête n’a pas un visage mais une multitude. Elle regorge d’instants vécus individuellement mais qui s’inscrivent dans un tout collectif. Elle est une réponse à tout ce qui vise à séparer et pointer du doigt.

Du rock, des rocs

Le jeudi, Benjamin Biolay est l’une des têtes d’affiche de la soirée. Le musicien profite d’une énorme notoriété qui fait les lettres de noblesse d’une chanson française intemporelle. Avec son timbre rauque, le chanteur profite d’une aura à la Dutronc. C’est d’autant plus vrai que le chanteur ne quitte pas ses lunettes de soleil vissées sur son nez. Côté set list, le musicien offre 10 de ses plus gros succès au public du Fnac Live. « Parc Fermé », « Rends l’amour! » et bien sûr en conclusion « Comment est ta peine ? ». Bonne question, en reflet de ce qui se passe hors les murs. Certaines peines se muent en colère qui vient tout dévaster sur son passage. pour ce qui est de sa prestation, le chanteur divise. Certain.es conquis.es chantent en choeur, d’autres lui reprocheront un set trop statique dans lequel il est difficile d’entrer.

Johnny Jane offre une parenthèse de légèreté au milieu d’un programme dense. Ses mélodies sont colorées et ont pour elles une douceur entre mélancolie de mélodies écrites à une période plus lumineuse de l’histoire et modernité plus électro. Une touche à la Lomepal, dans son flow, séduit forcément un public très sensible aux compositions de celui qui est aujourd’hui une super star. A l’opposé pourtant du chanteur, toute gravité est exclue des mélodies composées par le chanteur. Pas de ses paroles en revanche. Il fait partie des nouveaux noms poussés par l’évènement.

Pour mettre tout le monde d’accord vient l’heure des très attendus Franz Ferdinand. Les écossais de Glagow les années passant n’ont rien perdu de leurs capacités. Au contraire, la voix de son chanteur emblématique, Alex Kapranos, est toujours une aussi grosse claque sonore. Elle est aussi précise que grave, juste et semble avoir donné le ton d’un mouvement post punk qui ne prendra de l’heure que des années plus tard dans le même terreau britannique. Habitués de la scène, les compères emplissent pleinement leur espace scénique et sautent dans tous les sens. Les très gros tubes s’enchainent volontiers « The Dark of the Matinée », « No You Girls » ou le culte « Take me Out » qui font mouche comme à chaque performance de la formation. L’interprétation de ce dernier n’empêche en rien de poursuivre la soirée sur deux autres titres pour mieux finir sur « This Fire ».  « On va vous mettre le feu ce soir ! » promet Kapranos. On pourrait voir une certaine ironie cosmique à cette phrase. Le rock est pourtant un cri de révolte, l’étendard d’une jeunesse passée et vecteur de progrès et d’avancements.

C’est le coeur serré qu’il sera impossible de raconter une troisième journée qui n’aura jamais lieu, comme un rendez-vous qu’on attendait en comptant les jours. De ceux que l’on est impatients de chérir parce qu’il est bon de retrouver les visages qui comptent dans des instants portés par des mélodies. Parce qu’il est bon de découvrir dans des foules des visages inconnus souriant, se laissant aller à apprécier la musique et à communier. Peut-être aussi parce que les rendez-vous manqués ont été trop nombreux ces dernières années. La véritable légèreté, les temps apaisés n’existent certainement pas, ils sont des instants orphelins au milieu du reste. Ces instants sont d’une importance centrale, ils ouvrent les dialogues avec bienveillance, portent des messages forts sans les forcer. Il faudra maintenant apprendre à s’interroger sur ce qui se passe hors de cette enceinte privilégiée, cette bulle d’oxygène.


Solidays – Crédit photo : Louis Comar

25 ans déjà que le festival Solidays a vu le jour. 25 années quand on y pense, c’est un long moment. La vie dans notre partie du Monde a complètement changé durant cette période. De l’avènement des smartphones, aux présidents qui défilent, des luttes sociales qui grossissent, des crises financières, la planète Starbucks, Amazon, l’inflation, les modes, la perception même  de l’humanité, de la planète, notre rapport à la nature, aux animaux, tout est bien différent. En la matière la perception du VIH, la lutte contre la maladie, la vie en tant que personne séropositives elles aussi ont évolué. Et pourtant malgré ces 25 longues années, les souvenirs personnels et collectifs qui en découlent, l’engagement pour lutter contre cette maladie mais aussi contre la stigmatisation qui l’entoure restent à conjuguer au présent. A titre d’exemple très concret, il aura fallu attendre 2023 pour qu’en France la discrimination à l’embauche des personnes séropositives soient enfin levées dans l’armée. 2023, la chose parait hallucinante. A cela on peut ajouter les clichés, l’éducation pour lutter contre un mal qui peut paraitre à tord, lointain pour les nouvelles générations.

Lutte out loud

Alors pour y répondre, le message de Solidays reste toujours aussi pertinent et juste. Mais comment continuer année après année à le promulguer ? La réponse touche toujours à l’évidence : par l’art et son vecteur le plus puissant, le langage universelle, la musique. Elle permet d’attirer le nombre, de toucher les plus jeunes et d’en profiter pour assener des messages par tous les moyens : stands, intervenants, cérémonies. Il faut parler, il faut éduquer et il faut aussi chanter. Et pas seulement sur le VIH, conscient de son époque le festival s’est ouvert à de nombreux messages militants qui sont portés avant chaque concert pour que les voix soient entendues : on parle accueil des migrants chez soi autant que de la façon d’enfiler un préservatif avant de se mettre à danser. Les stands associatifs et les messages peuplent l’évènement autant que les conférences et que les temps forts et hommages. N’hésitez pas si vous y passez le week-end à y faire un tour, vous en sortirez mieux instruits et armés pour faire du Monde, à votre échelle, un bien meilleur endroit.

Solidays 2023 - crédit Maud Ferrari
Solidays 2023 – crédit Maud Ferrari

Retour vers le present

Solidays – Crédit photo : Louis Comar

Evidemment Solidays, ce sont aussi des concerts et des moments festifs. Retour sur ceux qui ont marqué cette première journée placée sous le signe d’un soleil qui cogne fort et d’un festival qui affiche complet.

S’il n’avait fallu retenir qu’une performance de cette journée du vendredi, ce serait évidemment celle de Sofiane Pamart. Le génie du piano qui fait cohabiter classique et hip hop. Certains diraient que la nouvelle génération ne s’intéresse plus au classique (la belle musique ajouteraient les plus vieux). Et voilà que notre homme débarque pour donner tord aux on dit. Prodige du piano sur la scène Paris, la plus grande de l’évènement, le voilà de rouge vêtu, derrière son piano aidé d’une batterie pour rendre le classique moderne, jouer des antithèses et faire cohabiter les opposés. On dit bien qu’ils s’attirent non ? En l’occurence, l’alliance est magique. Le voilà donc qui balance des titres urbains français, dont Vald pour l’habiller de piano, les doigts flottants sur les touches. On danse sur du classique comme si on était à l’un des bal des « Chroniques de Bridgerton » en ne pouvant que reconnaître le génie instrumental qui tape sur ses touches noires et blanches. Le maître salue régulièrement l’assistance, un véritable salut comme au temps jadis. Mais en une performance se sont différents registres que tout semblaient opposer qui saluent l’audace et la créativité.

Solidays – Crédit photo : Louis Comar

Autre temps fort que celui du concert de Juliette Armanet. Avec son décors sous forme de cercle lumineux rouge, la belle s’en donne à coeur joie et rencontre un public adepte qui connait son répertoire parfaitement. Tantôt au piano, tantôt face à l’assistance pour danser avec elle. Elle la remercie d’ailleurs à l’infinie : « Merci, merci, merci. » Encore et encore avant de « Brûler le feu » comme elle le promet et le chante. Le temps marquant de la performance reste bien sûr sa transformation en boule de disco humaine sur le « Dernier jour du disco ». Loin d’être la dernière note du disco, le titre s’étend et s’étire, le refrain revient encore pour permettre à tous.tes de mieux le chanter. Notre Véronique Sanson moderne profite de sa voix crystalline pour rendre la nostalgie bien plus belle, la scène 80’s bien plus actuelle. L’hypodrome de Longchamps est sous le charme.

Changement de registre

Au coeur de la programmation féminine de l’évènement, deux artistes marquent par leur changement et évolution de carrière. La première Jain, sur la scène Bagatelle a changé sa formation. Celle qui jouait solo avec ses pédales de distortion est maintenant accompagnée d’un groupe élevé derrière elle. Son registre se fait plus pop que le titre qui lui a fait rencontrer le succès  « Makeba ». Evidemment, ce dernier est interprété à mi set alors que la chanteuse raconte sa vie au Congo qui a fortement influencée ses compositions et la découverte des instruments qui l’ont vu débuter. En avant-scène, la voilà qui danse volontiers. Exit le look noir et blanc, l’image forte de la musicienne est aujourd’hui happée dans le tourbillon de création musicale, à la découverte de singles qui font toujours mouche. Jain est une bête de festival, la chose est connue.

Autre changement radicale pour Adé, ex chanteuse de Therapie Taxi. Si en groupe, la musicienne mélangeait les registres et offrait un set aux paroles parfois trash, en solo elle se fait chanson plus pop. Exit les paroles vulgaires, notre musicienne est à fleur de peau et fait s’envoler sa voix. De noir vêtu, elle captive la foule et permet de penser à l’enjeu de savoir habiter pleinement une scène, à bouger son corps en musique. Sur la scène du Dôme, elle maîtrise l’exercice, se réinvente et se pose comme une nouvelle voix sur qui compter. Reste à saluer son premier single « Tout savoir » dont l’écriture précise entre profondément dans les esprits et qui a la fougue dansante d’un « J’ai plongé dans le bruit » de Baden Baden.

Fête populaire

Solidays c’est avant tout une grande fête dansante et enivrante. Elle commence tôt avec la prestation de Julien Granel, chanteur engagé qui fait vibrer la foule et la galvanise, ses cheveux multicolores dans le vent. Arc-en-ciel et paillettes peuplent sa performance sur la scène Domino. Le ton est au plaisir et à la convivialité. Tout le monde reprend en coeur ses titres, danse sans se prendre au sérieux, rit de bon coeur. De quoi faire de l’immense festival un petit village.

La nuit tout est permis, les festivités se prolongent jusqu’au 5 heures du matin alors que l’évènement change de visage. Familiale en journée, il devient une immense boite de nuit à ciel ouvert la nuit. La performance de Salut c’est cool ne fait pas mentir cette dernière phrase. Avec ses paroles barrées et ses excentricités mémorables, le groupe balance fort et rend la foule dingue au moment du célèbre « Techno toujours pareil » Boum Boum dans les oreilles certes, mais boum boum qui fonctionne à la perfection. Et ça saute, saute, saute jusqu’au bout de la nuit.

Solidays – Crédit photo : Louis Comar

Solidays se tiendra jusqu’au 25 juin et promet de nombreux temps forts durant ce week-end. La fête est essentielle.  Après tout, faire la fête comme disait lors de notre interview, Vitalic c’est politique.