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Julia Escudero

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Autre registre, autre école pour Cyril Brière et son « Eté indien (quand on quitte la ville) ».  Si son nom ne vous est pas familier, vous l’avez pourtant connu dans le groupe Sans Sebastien notamment à travers son titre déjanté « Sous ma jupe ». Il avait été utilisé dans le B.O de la série »Daybreak » sur Netflix dont l’arrêt est d’ailleurs une des grossières erreur de la plateforme. Il signait un titre aussi dansant que drôle et culte. Aujourd’hui en solo Cyril Brière qui n’a rien perdu de son mordant a décidé de se livrer au cours d’un titre à fleur de peau. Son »Dans l’été Indien ( quand on quitte la ville) » s’avère être une promenade intime où amour, privation de liberté et douleurs s’accordent.

La composition signée Laurence G Do ( Le Couleur) a été utilisée par le musicien pour parler du manque à venir. Le manque d’un compagnon qu’il faudra quitter faute de visa canadien pour Cyril, alors exilé à Montréal, qui au grès d’un été indien pleure un amour outre-Atlantique. La fin de cette histoire sous le soleil, alors que les arbres font mentir les températures, se dessine au cours d’un titre doux-amer où douceur et joie d’avoir vécu se confrontent au manque inexorable. Ces sentiments Cyril Brière leur donnent une palette de couleurs pastel au grès de notes pop sucrées et de mélancolie comme sait en écrire la chanson française. Cette histoire, il la raconte : « Je ne voulais pas partir, je ne voulais pas le quitter, je ne voulais pas de ce nouveau chapitre dans ma vie, mais cette fois et pour une des premières fois de ma vie, je découvrais les limites de ma liberté, je n’avais pas le choix. »

Un clip charnel

2020 nous aura beaucoup appris en terme de privations de libertés. Cette privation, le chanteur y aura goûté dès 2017, alors qu’administration et amour ne riment pas ensemble. Contrairement à amour et éléments qui eux s’additionnent à la perfection.

Pour livrer le premier extrait de ce nouvel opus à paraitre en 2021, le musicien livre un clip sensible et magnifique portant aux nues l’amour charnel entre deux hommes avec autant de pudeur que de contenus explicites. Douceur , bienveillance et photographie instantanée avant le départ se croisent au grès d’une promenade entre nature et espace. A regarder et écouter comme une dernière bouffée d’air frais avant d’être enfermés.


Découvrez le clip de « Dans l’été indien (quand on quitte la ville) »


Le mardi 6 octobre, il fait très froid dans la capitale française. Les jours de pluie se suivent et se ressemblent un peu, morose à l’air du Covid et de ses restrictions. Alors que les concerts se font très rares, celui d’Alexandrie et de Grand Palladium aux Trois Baudets s’annonce comme une bénédiction. Un brin de découvertes francophones, fera plaisir à voir et entendre. D’autant que, si le protocole sanitaire est respecté à la lettre, l’ambiance s’approche plus des concerts du temps d’avant avec la possibilité de prendre un verre au restaurant à l’étage entre deux sets et une convivialité palpable dans la petite salle. L’enjeu n’est plus aujourd’hui de prouver qu’il est possible de s’offrir un live en salle mais bien de retrouver le spectacle vivant.

Alexandrie

Le chanteur venu dévoiler pour la première fois à Paris son projet solo donne le La à la soirée. Au synthé, Antoine Passard ne cache pas sa joie d’être sur scène et de pouvoir s’offrir ses premiers pas parisiens. Il faut dire que le voyage est partie intégrante de son premier essai en solo intitulé « Loin ». Et s’il est difficile de voyager en ce moment, pouvoir le faire en musique à travers les notes du chanteur s’avère être un instant de répit bienvenu. Le voyage, le passage des grandes étendus aux grandes villes se déclament à travers ses paroles où les rimes sont nombreuses.

Avec sa chemise féline et son visage angélique, le musicien distille une électro-pop qui sent  la nouvelle vague française. On pense à Pépite, forcément, dans ce côté rétro-actuel qui connait parfaitement ses classiques et qui lui aussi invite à lever les voiles et à suivre les courants marins. Un clin d’œil qui  parait d’autant plus logique qu’Alexandrie publiait le 30 septembre le clip de son dernier single intitulé « Le Phare ». En cette nuit parisienne, alors que les concerts s’annulent à la chaîne et que le MaMA venait d’officialiser avoir lui aussi renoncé à son édition 2020, le phare n’est-il pas le simple fait de profiter d’un concert et d’un peu de musique ? On pourrait presque pousser les festivités assises bien après 22 heures pétantes, nous autres mélomanes devenus Cendrillon. Les grands artistes Antoine Passard et son musiciens les convoquent sur scène à coup de notes calibrées qui rentrent en tête et de voix aigue très joliment maîtrisée. Pas de surprise donc quand il balance une reprise de Balavoine : « Vivre ou survivre ». Question d’actualité me direz vous, d’ailleurs vous êtes plutôt team vivre ou survivre ? Ce soir là on vit. On vit en respectant les gestes barrières, on fait attention, tout le monde souhaite garder la petite étincelle allumée, s’assurer que les salles de concerts reste un lieu sécurisé. On vit pourtant dans la salle chaleureuse, on rit même des blagues d’Alexandrie  » Et là vous pouvez danser… ah non ». Non, on n’y pense même pas, on se concentre sur ses morceaux rétro-modernes.  Et peut-être qu’on danse un peu au fond de nos têtes seuls ou même avec toute la salle.

Grand Palladium

Même salle et pourtant changement de décors avec Grand Palladium. Cette fois-ci la folk s’invite dans la petite salle. Fait rare, cette dernière se décline en français dans le texte. Si les deux hommes orchestres présents devant nous ce soir là sont souvent comparés à Bob Dylan et autres Simon & Garfunkel ( rien que ces deux monuments), ils ajoutent une touche frenchy à cette grande histoire musicale et donc changent complètement la donne. Déjà parce qu’autour d’instruments traditionnels, les  compères chantent en chœur poussant leurs voix à l’unisson. Cet aspect de leur musique rappelle que la folk française, elle, passe aussi par une tradition bien à nous. Forcément , le duo convoque la puissance des chants bretons, leur faculté à unir et à se faire facilement hymne collective. Le tout est agrémentés de belles influences anglo-saxonnes. Grand Palladium a du talent, les instruments s’enchaînent avec fluidité, les voix sont belles, l’émotion est palpable. Les paroles, elles sont au centre des préoccupations des deux amis dont la complicité scénique fait plaisir à observer. Leur show ce soir là est un véritable moment convivial. Pour peu, il serait facile de se croire invités chez deux potes. Ils parlent de la vie, font rire, font pleurer, le tout avec une bienveillance chaleureuse. Les mets sont excellents chez les copains de Grand Palladium, ils se déclinent en notes tantôt sucrés tantôt chaudes toujours pleines d’harmonie.

Point de fioritures inutiles, Grand Palladium compose ses mélodies avec efficacité et va droit au but, droit au cœur même. Les interactions sont nombreuses, le duo interpelle son audience, dialogue avec elle, raconte ses morceaux, le sourire aux lèvres. Aujourd’hui assister à un concert est un moment précieux, un acte quasi-militant. Grand Pallidium rappelle avec justesse que ce genre d’évènements sont nécessaires et que la musique, même masquée est la plus belle des sources de frissons et de communion.


Archibald sortait le 24 avril un album bien particulier intitulé « Out of Sight ». Ce dernier avait en effet été composé au court d’une résidence artistique en plein milieu de l’Arctique au Groenland. Pour Roxane Terramorsi, chanteuse du groupe, c’est l’occasion de composer un opus unique, mettant féminité et compositions aussi froides que percutentes en avant. Celle qui est biologiste de formation excelle à transposer la force et la liberté de la nature dans ses compositions. Avec elle on aprle écologie, crise du Covid-19, résidence artistique, liberté et création. Rencontre.

Archibald« Out of Sight » a été composé à la suite d’une résidence d’artiste au milieu de l’Arctique, que peux-tu nous dire de cette expérience ?

Il s’agit d’un cadeau de la planète, un cadeau de la vie. Pouvoir circuler librement dans ce monde, cette partie du monde, qui nous est quasiment inconnue. Au-delà du cercle polaire, être vivant ne procure pas les même sensations: L’air dans ses poumons, la lumière, le sol enneigé, le froid sur sa peau, le rapport à la nourriture (le besoin réel de manger pour survivre au froid et pas simplement par plaisir ou habitude)… rien n’est identique. Plus que jamais, j’ai eu la sensation de voyager et de faire voyager mon corps et mon esprit à la découverte d’une partie de moi-même, à la découverte d’une partie du monde auquel j’appartiens et que je ne connaissais pourtant pas.

Comment toute cette aventure s’est-elle mise en place pour toi et pourquoi t’était-il important de la vivre ?

J’ai découvert la résidence via un post Facebook. J’ai postulé avec un dossier à l’appui. Je n’ai pas été sélectionnée en 2018, mais il ne faut jamais abandonner ses rêves ! J’ai postulé une seconde fois en améliorant mon projet et mon dossier. Mon projet et la ténacité de ma motivation ont payé auprès du jury et j’ai eu l’immense plaisir d’appartenir à la résidence d’hiver 2019. Quand j’ai vu le post la première fois sur Facebook, j’ai su que cela m’était destiné… je ne peux pas le décrire autrement. Je sentais un alignement profond entre mes désirs et la proposition du Manguier. Moi qui collectionne les livres sur les explorateurs polaires et les femmes aventurières ! Je salue au passage l’audace du capitaine et de son association d’oser mettre en place de telles choses. C’est un pari compliqué, bien plus qu’il n’y paraît, de tenter d’entreprendre une résidence artistique dans un désert de glace.

Le mot  liberté face à ces grands espaces revient régulièrement dans ton communiqué de presse. Penses-tu qu’il faille se rapprocher de la nature pour redonner son vrai sens à ce mot ?

Le vide autour de soi, l’absence d’urbanisation est souvent associée à la sensation de liberté. C’est vrai que le dépaysement, le dépouillement du paysage de ses atours anthropiques crée une sensation de plénitude. Voir l’horizon apporte beaucoup de réconfort à l’esprit. Mais à mon sens, c’est plutôt l’absence d’étiquette qui m’a donné accès à cette liberté. Je suis arrivée inconnue des personnes avec qui j’allais passer un mois en huis clos, inconnue des inuits que nous avons rencontrés, et même un peu inconnue à moi-même, puisque j’ai découvert des facettes de ma personnalité et de ma créativité qui ne s’étaient pas encore révélées. Arriver dans une nouvelle aventure avec un minimum d’a priori sur soi et les autres dans ses bagages, voilà pour moi la véritable liberté.

 

nous ne nous créons pas en pensant à la réception.

 

Peut-on être entièrement libre dans ses compositions, sans aucune contrainte qu’elle soit matérielle ou liée à l’importance de la réception de ses créations par l’autre ? L’as-tu été lors de la composition de cet opus ?

J’ai composé cet opus avec Nicolas Gardel, mon compagnon et co-leader d’Archibald. Oui, on peut être libre : avec un papier et un crayon, on écrit ce que l’on veut. Dans la mesure où l’on écrit pour un groupe en particulier, avec une direction artistique donnée, il y a un cadre. Pour autant, ce n’est pas parce qu’il y a un cadre que l’on n’est pas libre. Le cadre augmente même souvent notre créativité. En revanche, nous ne nous créons pas en pensant à la réception. C’est un des grands avantages de l’artiste auto-entrepreneur, modèle que nous avons choisi. Les seules contraintes que nous devons respecter sont celles que nous nous imposons, et nous les choisissons pour qu’elles soient en adéquation avec nos désirs et nos valeurs artistiques. Nous ne cherchons pas à répondre ou créer des besoins pré-établis de la part d’un auditoire, ce qui, à mon sens, ferait de la création un acte purement commercial. Nous sommes convaincus que si nous sommes honnêtes dans notre création, que nous sommes nous-même heureux de notre musique alors d’autres personnes peuvent l’être aussi. Nous travaillons le plus possible pour créer une oeuvre qualitative et pleine de sens ; ensuite nous la livrons au « monde ». La façon dont celui-ci le reçoit nous dépasse quelque peu. Mais quand ça plaît, cela nous réjouit bien entendu.

Quand on pense à l’Arctique aujourd’hui, on pense écologie, aimerais-tu  dire un mot sur ce sujet ?

Certainement. Je suis biologiste de formation et ces études ont marqué mon démarrage dans l’âge adulte. Je pense que les études que nous choisissons sont capitales, non pas pour ce qu’elles contiennent comme information mais pour ce qu’elles portent comme axe de réflexion et comme portée philosophique. Ces études, que j’avais choisies délibérément, m’ont encore plus appris à aimer la vie. S’en dégage une harmonie, un équilibre dynamique, des va-et-vient plutôt que l’individualisme, l’isolement, la séparation. Nous formons un tout, nécessairement, dont on ne peut se défaire. Si la Californie brûle, le couché du soleil est plus rouge en France… Nous sommes ensemble. Et l’Arctique est fondamental dans cet équilibre. Aujourd’hui, les résidences d’hiver en Arctique sur Le Manguier sont contraintes de cesser faute de glace. Je vous invite à lire le blog du Manguier : https://lemanguier.net/2020/10/02/fin-des-residences-dartistes-en-hiver-par-phil-le-marin/

Le manque de glace est catastrophique pour les raisons que vous connaissez déjà et s’inscrit dans un cercle vicieux. Mais sur place, cela signifie aussi que les populations d’hommes et d’animaux sont coincées. Pour vivre dans les pays polaires, on a besoin de la glace… pour marcher dessus ! Sans glace, pas de possibilité de se rendre en ville, à l’hôpital, pas de possibilité de chasser le gibier marin en s’approchant de la mer profonde. Les populations sont contraintes à un isolement terrible et les animaux sont privés de leur écosystème pour vivre. Vous pensez que l’on peut remplacer ça par des bateaux ? Non. Car si la banquise n’est pas formée solidement, la mer reste jonchée de plaques de glace à la dérive qui empêchent les petits bateaux des habitants de circuler et les phoques d’avoir un lit pour dormir. Quand la glace aura complètement fondu, les populations pourront peut-être se réinventer, mais en attendant, c’est catastrophique pour eux à court terme. Evidemment, à long terme, c’est catastrophique pour l’ensemble de la planète qui devra retrouver un équilibre dans lequel nous et d’autres espèces ne nous inscrirons sans doute pas. J’engage tout le monde à faire un effort minimum d’une façon ou d’une autre pour réduire son empreinte écologique. Tout compte. Voyons grand et commençons petit !

Aurora, Malina, Sedna, Lady Cairn, ce sont des femmes qui se racontent à travers tes morceaux, pourquoi ce choix ?

En réalité, ce n’est pas un choix, c’est un fait. Ca s’est fait ainsi et, cependant, ce n’est probablement pas un hasard. Pas un choix conscient, mais un choix naturel, celui de ma nature, ma nature de femme, d’aventurière. Lady Cairn est complètement liée à ma propre expérience de création par improvisation dans le paysage. Sedna est LA figure mythologique Inuit. Aurora et Malina sont venues spontanément compléter ce tableau de femmes.

Ma démarche s’inscrit dans une approche naturaliste de l’art, en passant par une phase d’observation, reliquat de mon passé de biologiste.

Le froid et la nature se font entendre dans tes compositions, quel a été ton cheminement pour que ces illustrations visuelles ressortent dans ta musique ?

Mes compositions, textes ou idées d’arrangement sont toujours directement issues de paysages, d’images réalistes ou non. Ma démarche s’inscrit dans une approche naturaliste de l’art, en passant par une phase d’observation, reliquat de mon passé de biologiste. Je suis aussi issue du spectacle vivant, où l’on donne à vivre dans le cadre fermé du théâtre, de la scène, de cette boîte noire, des espaces et des personnages qui n’y sont pas. On fait appel à l’imaginaire mais on lui donne chaire, organiquement par le corps, la voix, le son, la mise en scène…  C’est la fusion de ces deux facettes, théâtre et naturalisme, de ma personnalité qui rend peut-être ces sensations. Je suis d’ailleurs très contente de savoir que vous ressentez le froid et la nature dans ces titres.  Encore une fois, je n’ai pas cherché des éléments qui évoqueraient le froid pour en faire un tableau, une carte postale. J’ai créé sur la base de mes propres sensations. Savoir que cela est passé de vous à moi… c’est une véritable réussite, sur laquelle je n’ai, en fait, pas le contrôle.. ce qui la rend encore plus touchante. Merci de les avoir partagées avec moi.

Chants inuit et voix bulgares s’ajoutent à tes morceaux, comment as-tu travaillé ce choix ? As-tu fait des découvertes en travaillant avec ces cultures ?

J’ai toujours aimé le chant bulgare. Les voix bulgare sont si … pures. Pas douces ! Mais pures, ne pas confondre.  A l’inverse le chant de gorge, ou Katajak est rauque. Les deux font un bon mélange. Je n’ai pas eu le plaisir d’entendre de chant inuit sur place. J’ai donc fait appel à d’autres sonorités éthniques non françaises, pour invoquer un dépaysement sonore et faire ce travail de rapprochement entre deux cultures, même si ce n’était pas strictement polaire. J’aime la puissance et la pureté qui se dégage du chant bulgare, qui a la réflexion, est tout à fait à l’image des paysages polaires. D’autre part, inuit signifie «  être humain ». A ce titre, j’avais aussi envie d’englober le genre humain dans sa totalité et non pas dans l’esprit d’une carte postale uniquement polaire. J’entends que ce que j’ai vécu sur place, et ce que vivent les peuples circumpolaires, dépasse ces frontières.

Il y a beaucoup à faire artistiquement en l’absence de salle de spectacle

Difficile aujourd’hui de se détacher de la crise du CoronaVirus et de ses répercussions sur l’industrie musicale.  Comment vis-tu cette actualité en tant que musicienne ? 

Cette situation développe ma résilience, me donnant l’occasion de repenser mon approche du métier : entreprendre de nouveaux projets, probablement à plus petite échelle, plus locale, et élargir mon champ de compétences pour diversifier mes activités. En ce moment,  je réalise un clip pour une autre artiste et je n’aurais jamais imaginé faire cela il n’y a ne serait-ce qu’un an ! Il y a beaucoup à faire artistiquement en l’absence de salle de spectacle … et en absence d’industrie musicale. C’est à cela que je pense.


Le 1er octobre 2020 était un jour charnière pour l’Ile-de-France. Si le ministre de la santé ne renforçait pas des mesures très strictes déjà mises en place, il promettait un durcissement  dans les jours à venir.

Le Chorus des Hauts-de-Seine, lui avait déjà été annulé en avril, confinement oblige, sans pouvoir s’offrir une reprogrammation en 2020. Parmi ceux qui avaient parier sur un retour à la normal avec la rentrée, l’horrible douche froide était au goût du jour, ainsi la Jimi se voyait contrainte de tout annuler alors que le MaMA maintenait en croisant les doigts son édition. Le Chorus lui, avait choisi d’offrir malgré tout un concert gratuit à ses 6 finalistes. 6 groupes, 6 registres, 6 talents qui remporteraient exceptionnellement tous le prix Chorus et donc pour paraphraser le chanteur de We Hate You Please Die,  » de la thune, on devrait faire ça à chaque fois en ne choisisssant pas un vainqueur unique. »

L’hiver s’était déjà abattu sur la région depuis une semaine, passant du jour au lendemain de l’été aux pluies torrentielles. Heureusement, ce soir là, la douceur laissait présager la possibilité de s’approcher de la terrasse  durant les 15 minutes d’entracte entre deux concerts de 30 minutes. Etrangement vide, malgré un remplissage complet dans la mesure des normes sanitaires (comprendre toute petite jauge), la Seine Musicale se découvrait aux spectateurs. C’est l’auditorium qui accueillait l’évènement. La plus grande salle, réservée habituellement aux spectacles de musique classique, permettait ainsi un bon éloignement entre chaque convive et donc une véritable sécurité. C’est dans ce contexte bien particuliers que débutait le festival d’un soir.

Fils Cara

C’est à Fils Cara que revient la tâche d’ouvrir les festivités. Dans la salle, tout le monde se sépare d’un siège minimum, d’un rang parfois, le public est attentif, bienveillant, attristé de ne pas pouvoir danser et bouger et d’être contraint de simplement applaudir les artistes. Le chanteur solo est accompagné d’un clavier. On pourrait volontiers lui prêter les qualités d’un Eddie De Pretto dans sa faculté à alterner l’urbain et le phrasé à la chanson. Moderne et bienveillant, il est habillé d’une aura de lumière qui confère à son set une belle intimité. Comme tous ce soir-là, il n’hésite pas à remercier chaleureusement l’organisation  et le public, conscient de faire partie des rares artistes à même de s’offrir une date. La sincérité transparait dans son live, le soin pris à chaque morceaux, la voix apaisante. Il y a un grain de folie chez Fils Cara et une touche de sérieux, il y a de la beauté dans ses notes et une facilité à appréhender son univers, instinctif, dans l’air du temps et pourtant novateur. « Vous connaissez Proust ? Je l’ai toujours trouvez illisible » s’amuse le musicien, parlant d’un passage particuliers de l’oeuvre du célèbre auteur avant de conclur face à une foule illare « Le prochain morceau n’a rien à voir avec ça j’avais juste envie de vous en parler. » Sa place est sur les plus grandes scènes face à un public conquis. C’est toute la carrière qu’on lui promet. Trente minutes c’est vite passé, voilà déjà les lumières qui se rallument, 15 minutes plus tard, la fête reprend.

Global Network

Global Network prend le relais. Au programme : deux musiciens électro pop  l’un au synthé, l’autre au chant et aux consoles. Le set commence bien, d’autant que les compères profitent d’une sympathie naturelle et d’une voix comme l’on retrouve dans les meilleurs titres électros radiophoniques. Et puis un problème technique vient obscurcir le tableau. A ce point ? Du tout puisque finalement côté spectateur le manque d’une console ne se ressent pas à l’oreille. D’ailleurs lorsque les perfectionnistes tentent le tout pour le tout pour réparer le méfait, l’ambiance est à la rigolade tant les showmen assurent en continuant de parler et d’intéragir avec la foule. « C’est dommage vous ne verrez pas le set complet, mais on joue à Nior samedi, venez à Nior » s’amusent-ils  » Heureusement que tout le monde est récompensé cette année, sinon les autres groupes vous auriez eu un concurrent en moins. » poursuivent-ils. Un faux départ sur « Congratulations »  »  Autant tout mal faire » continue de faire rire une salle pourtant hyper réactive à la musique et qui finit par se dandiner franchement sur son siège à mesure que les titres défilent. La qualité est là, la capacité à gérer dans de mauvaises conditions aussi et le jeu de lumière parfait s’ajoutent au moment et donne à ce duo une belle note de profesionnalisme qui fait plaisir à voir et écouter.

We Hate You Please Die

Changement de registre et excellence sont mot d’ordre lorsque débarque sur scène la folle tornade de We Hate You Please Die. Quatuor mixte, deux filles, deux garçons, complètement rock, hallucinante et jusqu’au-boutiste. Les bêtes de scène sont déchaînées et modernisent même le  « screamé » en lui ajoutant des notes d’indé, de punk, de psyché et de radicalité. Pas évident du coup de ne pas avoir envie de pogoter pour le public, de sauter, se déchaîner, se laisser vivre. Le chanteur en a conscience lui qui vient de « Rouen où on porte le masque depuis des années. » Il confie même « C’est aussi ma première pandémie ». Le combo est habité par sa musique, la batteuse nerveuse et puissante rythme avec beauté le moment. Le chanteur, lui , en duo avec une bassiste qui chante pourrait évoquer de part cette scission de voix grave et aïgue un certain Grand Blanc. Sauf que les voix fémines revendicatrices évoquent les riot girl, les punk déchaînées, la puissance et la rage et se callent avec perfecion dans le story telling du morceau. Le chanteur, Raphaël s’offre une puissante palette de timbres et d’émotions, jettant à terre le pied de son micro, portant la musique avec son corps. Impossible de ne pas tomber fou amoureux de cette puissance, de cet appel à la liberté, de ce retour enfin à une scène rock qui l’est vraiment et qui l’assume. On finit lumières barquées sur le public, à défaut de pouvoir se toucher on peut se voir sur l’incroyable « We Hate you please die » en ne regrettant qu’une chose : de ne pas avoir eu une heure de set pour tout passer en revue surtout « Figure it out » le master piece du groupe dont on a pu s’empêcher d’acquérir le vinyle au stand de merch.

Nyoko Bokbae

Changement de plateau, changement de registre avec les fous furieux de Nyoko Bokbae, leur world électro et leur bonne humeur contagieuse. Les deux frontmen ont une énergie folle et des looks fascinants incluant des cheveux verts et une robe sur un pantalon pour l’un des chanteurs. Une très belle démonstration d’être simplement soi comme la musique sait en offrir, en accueillir et en cajoler. La chaleur remplace la pluie et le froid des prochains jours alors que les rythmes s’endiablent et que l’envie de danser s’intinsifie. Côté scène, la joie d’être présent est communicative. Une belle découverte à suivre de près.

Terrier

La soirée ne s’arrête pas là puisque c’est maintenant au tour de Terrier de présenter ses compositions chansons françaises, phrasées. Une certaine mélancolie se dégage par ailleurs de ses mélodies. Habillé d’un short de sport et d’un bob, le chanteur originaire de la Roche sur Yon  a tout du jeune prodige. Voix grave la dispute aux sons urbains, c’est pourtant une âme rock qui se détache de la partition et de l’instant.  » Merci aux organisateurs d’avoir mis ça en place malgré tout. » confie-t-il ému. Seul bémol, il est difficile de bien entendre ses paroles poétiques, un problème de son peut-être lié à des changements de plateaux rapides. Un dernier titre est dédié à la mère du chanteur « qui s’est récemment inscrite sur Facebook et pourra découvrir le moment en Facebook live » une dernière fois avant que Facebook aussi n’interdise la diffusion de musique en live sur son site.

Taxi Kebab

La fin de soirée est synonyme de mélange des genres puisque débarque l’électro world de Taxi Kebab. Le duo mélange musique électronique,  guitare électrique,  luth ou même  oud pour une transe ponctuée de paroles en arabe. L’ensemble transmet une énergie assez intense, cherche à nous emporter loin de nos sièges, qui en cette soirée est notre espace de vie. Chaque track emprunte un chemin différent, les sonorités changent avec l’utilisation d’intruments plus ou moins traditionneles du Maghreb et du Proche-Orient. Les paroles, déclamées sèchement, les gammes orientales donnent un ton très sombre au tout. Le temps s’arrête. On ne sait plus depuis quand on écoute le groupe. Le thème répétitif fait son effet et on rentre dans une certaine frénésie.

Les 30 minutes sont finies. Il faut rentrer. On ne sait pas quand on arrivera à refaire un concert et malgré l’heure tardive, le départ se fait d’un pas calme, pour rester le plus possible dans ce lieu qui nous a tant manqué.

Merci à Louis Comar pour ses photos. Vous pouvez le suivre et découvrir son travail sur Instragram ou son site