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Julia Escudero

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Real Estate, les piliers du rock indé et – au risque de revenir sur ce que beaucoup de critiques ont déjà dit – au son solaire, sont de retour. Après un album dont la sortie a été marquée par la COVID et une grande remise en question, « The Main Thing », ce nouvel opus s’inscrit dans la légereté. Intitulé « Daniel » ( pour son producteur ? Pour lui donner un nom plus humain ? les questions persistent), il sera disponible le 23 février 2024. Au programme, un rock à la pop précise et travaillée qui a pour seul but de rendre heureux son auditeur. C’est pour le présenter que nous avons rencontré Martin Courtney et Alex Bleeker. L’occasion de parler de cette nouvelle pépite mais aussi de crise existentielle, de l’influence de Taylor Swift, de Donal Trump, de nostalgie des années 90 et de plateformes de streaming.  Une interview fort sympathique avant leur showcase parisien en petit comité chez Agnès B.

Real Estate - showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Real Estate – showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis

Pop&shot : Bonjour, et merci de répondre à nos questions. Pourriez-vous commencer par nous dire quelques mots pour décrire votre nouvel album, « Daniel » ?

Martin Courtney – Real Estate : C’est un album rempli de chansons pop de 3 minutes. Il est concis. On a essayé de faire l’opus le plus simple et direct possible. C’était notre objectif : de faire quelque chose qui accroche, chaleureux, où l’on se sent le bienvenu.

Alex Bleeker – Real Estate : On a essayé de faire un album dans lequel chaque chanson pourrait être un hit (rires) Je ne rigole qu’à moitié. On voulait des mélodies accrocheuses sur les refrains, sur la guitare et les couplets. Un album qu’on peut immédiatement comprendre, qui s’apprécie facile et qui permet de se relaxer. On sait comment la chanson va se terminer avant la fin.

Martin Courtney – Real Estate : On voulait explorer la composition pop comme une forme légitime. (rires)

Popnshot : La pop dans cet album c’était votre idée ou est-ce qu’elle a été apportée par votre producteur Daniel Tashian  ?

Martin Courtney – Real Estate: Son nom nous est venu parce qu’on voulait faire un album comme ça. Et il semblait être idéal pour ça. C’est une idée qui nous est venue assez vite. Deux ou trois morceaux de l’album avaient été écrits et on s’est dit que ce serait une direction sympa à explorer. J’ai eu beaucoup de plaisir à l’écrire. On a commencé à parler des producteurs avec lesquels on pourrait travailler. Le nom de Daniel est apparu parce qu’il est également auteur de chansons pop et qu’il a une très bonne oreille pour les mélodies. On a eu la chance qu’il soit aussi intéressé par l’idée de travailler avec nous.

On veut toujours laisser un peu de place à l’expérimentation en studio.

Real Estate - pour Daniel @ Julia Escudero
Real Estate – pour Daniel @ Julia Escudero
Popnshot : Vous avez passé 9 jours en studio à Nashville, est-ce que l’album y a pris forme ou tout était déjà écrit avant ?

Martin Courtney – Real Estate : On avait déjà les démos. J’en avais beaucoup enregistré et on a passé deux semaines tous ensemble avant d’aller en studio pour répéter, apprendre les chansons, leur donner forme. C’était très pensé avant d’enregistrer. On aurait pu tout faire d’une traite mais certaines choses ont changé en studio. C’était un mixe. On veut toujours laisser un peu de place à l’expérimentation en studio.

Alex Bleeker – Real Estate : On y a redéfini des choses. On a dit à Daniel qu’on voulait faire un excellent album pop où tout arrive pour une bonne raison. Il a offert sa perspective et nous a aidé à faire du mieux possible.

Popnshot : Ce qu’on remarque tout de suite à l’écoute c’est le travail tout particulier porté à la structure. On voit qu’elle a été très soignée…

Alex Bleeker – Real Estate : Et à un point que les gens ont du mal à réaliser. C’est plus difficile d’enlever des choses sur un morceau que d’en ajouter. Quand on écoute le précédent album on voulait constamment y ajouter des choses. Des instruments qu’on n’avait jamais utilisés, ajouter des cordes, ci et ça. C’est aussi une façon amusante de faire de la musique. Le nouvel album était très différent, on pensait à la structure, aux instruments, que les compositions soient solides. Chaque partie devait servir un intérêt. Si ça ne servait pas un intérêt alors on le dégageait.

Real Estate - showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Real Estate – showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Popnshot : Le dernier album était marqué par une crise existentielle quand il a été composé. Martin, tu en venais à te demander si dans le contexte actuel faire de la musique pop était important. Ces sentiments étaient-ils toujours là en composant « Daniel » ?

Martin Courtney – Real Estate : Je pense que faire un album comme ça était ma façon de me dire si je dois faire de la pop autant la faire très bien. Ça m’a permis de me sentir mieux sur le fait d’être un artiste. C’est quelque chose que j’explorais pendant plusieurs années ces doutes et peut-être que je les ai encore. Oui, je suis sûrement encore en train de me questionner sur ce sujet, il y a toujours cette confusion. Mais la décision même de faire cet album était un pas en avant. J’ai été plus positif sur le fait que c’est quelque chose que je veux faire. Faire de la musique c’est une partie de ce qu’on est. Ca a été cathartique pour chacun d’entre nous.

 Taylor Swift a un pouvoir extraordinaire et que j’espère qu’elle essaiera de dire aux gens de ne pas voter pour Donald Trump.

Popnshot : Cette crise elle était liée à un contexte politique. Alex, tu as eu l’occasion de répondre à des questions sur ce sujet, donnant ton avis sur les intentions de votes aux primaires américaines. Et il est vrai que les artistes comptent souvent en matière de politique. Aujourd’hui on dit que Taylor Swift pourrait changer le résultat des élections présidentielles aux Etats-Unis à titre d’exemple… Comment l’art peut-il influencer les gens sur ces domaines selon vous ?

Alex Bleeker – Real Estate : Je ne pense pas qu’on soit proches du profil de Taylor Swift même si on aimerait (rires). On porterait cette immense responsabilité. Elle est une personne publique qui a un pouvoir extraordinaire et c’est mon point de vue personnel mais elle devrait utiliser ce pouvoir. Comment elle le fait c’est à elle de voir. Mais je tiens à dire que j’espère qu’elle essaiera de dire aux gens de ne pas voter pour Donald Trump. Je ne veux pas qu’il soit le prochain président des USA, je le dis clairement même si je ne pense pas que j’aurai de l’influence. Mais je suis heureux de le dire pour moi-même (rires). Et je ne pense pas que ça contrariera la majorité de nos fans que je dise ça. Je pense que c’est peu controversé chez les amateurs de Real Estate. Je pense qu’on a des fans qui eux se sentent du côté de Trump, je ne veux pas leur dire qu’ils doivent dégager. S’ils aiment notre musique, ils peuvent continuer de l’écouter sans avoir à être du même avis que nous. Cet album n’est pas politique.

Martin Courtney – Real Estate : C’est une réaction personnelle.

Alex Bleeker – Real Estate : Je veux dire que ce n’est pas un album politique de façon traditionnelle. Mais ça ne veut pas dire que nous ne sommes pas conscients de ce qui se passe en politique mais aussi dans l’horrible et terrifiante réalité qui se déroule sous nos yeux en ce moment. Je pense que dans ce contexte, c’est une bonne chose que les artistes apportent de la clarté, du soulagement et de la joie. On demande aux artistes de se positionner, de parler et je pense que c’est bien pour certain.es d’entre eux. Quelqu’un d’aussi populaire que Taylor Swift devrait avoir l’obligation de dire ce qu’elle pense. Mais le rôle de l’artiste c’est aussi celui de créer des points d’attache et d’expérience pour les gens. Et c’est bien aussi de parfois se consacrer à des choses plus petites et plus personnels.

Dans le contexte actuel, c’est une bonne chose que les artistes apportent de la clarté, du soulagement et de la joie.

Popnshot : A un moment de la carrière de Real Estate la presse qualifiait tous vos albums de « la B.O idéale pour l’été ». A force vous étiez fatigués de lire toujours cette même phrase. Aujourd’hui, alors que les temps sont plus obscurs, est-ce une idée à laquelle vous souhaitez revenir ?

Alex Bleeker – Real Estate : Ca nous faisait rire de lire ça, et c’est marrant parce que c’est la réplique classique. Surtout parce qu’on espère que l’album marche toute l’année mais si vous voulez l’écouter au soleil ça nous va (rires). Il y a cette phrase cliché genre « juste à temps pour ces deux jours ensoleillés » et ça me fait rire d’avoir autant vu cette phrase. Mais il y a une sorte de luminosité accessible volontaire sur cet album. Ce n’est pas une mauvaise chose à dire sur celui-ci en tout cas.

Martin Courtney – Real Estate : Honnêtement, juste après notre album, il y a eu le confinement, j’avais composé pour Real Estate et j’ai fini par utiliser ce que j’avais fait en solo. Toute cette période de temps, j’ai essayé d’écrire pour faire les choses bien. Il y a assez de choses auxquelles penser. Même si personnellement, il y a beaucoup de stress dans ma vie. Je veux faire de la musique qui fasse du bien à faire. Pour moi c’est plus difficile d’écrire des paroles. J’essaie de le faire sans y penser. On essaie de faire des choses plaisantes. De faire en sorte que quelqu’un se sente bien.

Real Estate - showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Real Estate – showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Popnshot : C’est un véritable album feel good en toute honnêteté.

Martin Courtney – Real Estate : On voulait que ce soit plaisant, parce que c’est bien mixé, bien enregistré. Et moi j’ai du plaisir à écouter ces fréquences.

Nos cerveaux se focalisent sur une époque où il n’y avait pas d’anxiété globales

Popnshot : Votre dernier single, vous vouliez qu’il sonne comme le générique d’un sitcom des années 90. Mais cette période revient aussi dans le clip du premier extrait de l’album. C’est une période que vous associez au bonheur ?

Alex Bleeker – Real Estate : Il y a ce retour à l’innocence de l’enfance. On peut voir cette période, aux USA, là où on a grandi comme un moment de calme politique. Mais ce n’est pas si vrai, c’est un mensonge lié à l’enfance dans une période où il était facile de croire en cette impression de prospérité. On a eu des enfances stables. Nos cerveaux se focalisent sur une époque où il n’y avait pas d’anxiété globales mais on ne pouvait pas en avoir parce qu’on était des enfants. Je ne pense pas que c’était délibéré mais j’ai cette pensée qui me vient maintenant que tu en as parlé. Musicalement parlant parce qu’on voulait faire ses mélodies pop et accrocheuses, dans les 90’s nos genres de groupes ont fait des albums à énorme succès avec ce genre de son et de la guitare. Notre genre de musique. Bien sûr il y avait Nirvana mais ce n’est pas de ce genre de musique des années 90’s dont on parle là. On pense au soft alternatif.

Popnshot : Qui par exemple ?

Alex Bleeker – Real Estate : The La’s « There she goes »,  The Rambrants et le thème de Friends, REM, ou même Oasis. Ce genre de permanence de guitare hyper mélodiques avec ce doux son, accrocheur. Ca a toujours été dans notre ADN. On craignait peut-être de l’embrasser en se disant, non nous on est indie rock.

Martin Courtney – Real Estate : J’associe ça à la musique que j’entendais quand ma mère conduisait. Les gamins cool des années 90, ceux qui aimaient le grunge et l’indie, ils détestaient ce genre de musique.

Alex Bleeker – Real Estate : Mais même Third Eye Blind, ils avaient ces morceaux extraordinaires .

Popnshot : C’est amusant parce que nous qui les avons conneus, voyons les 90’s comme une période joyeuse. Peut-être parce que nous étions des enfants à cette époque. Mais les jeunes d’aujourd’hui ont aussi une nostalgie de cette époque qu’ils n’ont pas connue et l’imaginent joyeuse. C’est peut-être à cause de l’art et de morceaux très légers et lumineux parus à cette époque.

Alex Bleeker – Real Estate : C’est marrant de vieillir. Je ne dis pas qu’on est vieux mais définitivement plus vieux qu’on ne l’a été, comme tout le monde. C’est arrivé si vite. Les millenials ne sont même plus les plus jeunes aujourd’hui. Je pense que toutes les générations ont cette surprise  quand une nouvelle génération arrive. Tu sais que tu ne seras pas la génération du moment pour toujours mais quelque part tu penses que si. Et c’est vrai qu’il y a une profonde nostalgie des années 90 pour la génération Z.  La mode en est un bon exemple. Et je peux pas croire que je vais dire ça mais en voyant ça on se dit mais c’était notre truc à nous. Les jeans, les vans c’était à nous. Et j’ai des amis qui font partis de la Gen Z (rires) et ils sont très cools et je me suis retrouvé à leur dire ce genre de choses. Et c’est sûrement la pire chose à dire. Et je me rends compte qu’on est aujourd’hui plus loin des années 90’s qu’on ne l’était des années 70’s dans les années 90’s. Et ça les rend très rétros. Et c’est incroyable d’être plus âgés et de voir toutes ces choses revenir.

Martin Courtney – Real Estate : Et amener cette période dans notre album ce n’était pas intentionnel . Je me rends compte qu’il y a des références en l’écoutant mais pour moi c’est un album intemporel. Si on avait vraiment voulu en faire un album des 90’s, on aurait plus forcé le trait, importé plus de sons.

les playlists des plateformes nous font nous demander qui choisit mes goûts en musique ? Moi ou une machine ?

Real Estate - showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Real Estate – showcase at Agnès B @ Pénélope Bonneau Rouis
Popnshot : Une dernière question. Avec toutes les méthodes actuelles, vous faites comment vous pour découvrir des artistes et des albums que vous ne connaissez pas ? Qu’ils soient récents ou anciens ?

Alex Bleeker – Real Estate : Je pense que la meilleure façon de faire est de demander à tes amis ce qu’ils écoutent en ce moment. Aussi en tournée avec des groupes j’écoute toujours ce qu’ils écoutent dans le van. J’en trouve aussi beaucoup aussi sur Spotify. Ca semble être une méthode courante de nos jours. Je mets quelque chose que je veux écouter et je laisse le flow se faire. L’algorithme est assez intelligent sur ce sujet. Mais ce qui est triste c’est que souvent je me souviens pas des noms de ces albums ou des morceaux. Mais si quelqu’un me demande tu écoutes quoi en ce moment ? Je me dirai je connais ce titre, je l’ai écouté en boucle la semaine dernière mais je ne me rappelle pas le nom du groupe. Je pourrai mieux m’engager sur ce sujet mais je pense qu’il y a une forme d’écoute passive de la musique qu’encouragent les applications. Sinon pour éviter ça il faut acheter des albums. Je continue d’acheter des albums récents ou pas parce que ça crée un lien. C’est la meilleure façon de faire. Je vais chez le disquaire. Je l’ai fait récemment à Londres, prendre un album que je ne connaissais pas du tout et l’acheter. Comme ça je n’oublie pas le nom.

Martin Courtney – Real Estate : J’ai une réponse un peu similaire. Demander à des amis. J’en ai qui font beaucoup de playlists et les postent. Je ne demande rien, je regarde directement. J’ai fait aussi une tournée solo il y a quelques années et on avait fait une énorme playlist participative. Il y avait tellement de choses que ne connaissais pas dessus. Je peux en trouver aléatoirement sur les plateformes et si ça me plait j’irai me renseigner sur les artistes et m’immerger dans leur univers. C’est amusant de découvrir le catalogue de quelqu’un et avoir l’impression de le posséder. Et acheter de la musique c’est bien. Vous devriez le faire aussi. Ce qu’on possède finalement c’est ce qu’on veut le plus écouter. La gratuité c’est cool mais finalement ce n’est pas ce à quoi on tient le plus.  C’est un engagement même si c’est un bon argument pour le capitalisme (rires).

Alex Bleeker – Real Estate : Finalement les playlists des plateformes nous font nous demander qui choisit mes goûts en musique ? Moi ou une machine ?


Cabane

 

Cabane by Thomas Jean Henri
Cabane by Thomas Jean Henri

Musicien et photographe, Thomas Jean Henri aka Cabane, dévoilait son second album « Brulé » le 26 janvier. L’artiste belge y signe son retour après « Grande est la maison » qui avait reçu un très bel accueil du public comme de la presse. Pour ce nouvel opus le musicien a su bien s’entourer. On retrouve au casting les voix de Sam Genders (Tunng) et de la perle montante Kate Stables (This Is The Kit) dont l’ascension méritée se fait à toute vitesse. Mais on ne pouvait que s’y attendre en la voyant signée sur le label de l’excellence, j’ai nommé Beggars. Côté sonorités, il est peu dire que l’artiste aime les grands espaces, c’est d’ailleurs ce qui ressort de ces mélodies aériennes.  Certes, la folk y est pour beaucoup, elle sait surdimensionner la musique et donne cette approche naturelle au son tout en faisant rêver à l’évasion. Seulement, là où Cabane percute fort c’est lorsqu’il en fait un objet sonore hybride. Le voilà qui ajoute à son édifice de la pop orchestrale. Sans jamais tomber la grandiloquence, l’artiste bouscule et vire au grandiose. Il y a une véritable délicatesse à son œuvre qui touche naturellement à l’élégance. Le travail instrumental embrumé y est sophistiqué, la réflexion s’y ressent sans que l’inaccessible ne soit pris à partie. Si « In Parallel » introduit l’album c’est pour mieux apaiser les cœurs dès ses premiers notes à l’apesanteur assumée et la mise en place dosée. L’appétit est ouvert. Le voyage italien de notre hôte, « Italian Mysteries », « Rome » n’en est que plus riche.  Pas étonnant que parmi les artistes similaires soit cité Sufjan Stevens dont le « Mystery of Love » illustrait le périple italien amoureux pour  la BO de « Call Me by Your Name ».  Ces ressemblances dans le titre et le pays se retrouvent aussi sur la capacité à se ré-approprier les codes de l’un des plus beaux courants de ce que la musique a à offrir. Aussi celui le plus à fleur de peau. Photographe, nous vous le disions, Cabane offre un opus visuel qui saura stimuler l’imaginaire. Difficile de mieux commencer l’année et de mieux en illustrer l’hiver et ses frissons. Au demeurant « Tout Ira Bien » comme le promet le dernier titre et ses jolies répétitions en boucle. Un let motiv s’il en est.


Fontanarosa

 

FONTANAROSA 2023Crédit : Célia Sachet • Celia Seven Photography
FONTANAROSA Crédit : Célia Sachet • Celia Seven Photography

L’indie-rock a de beaux jours devant lui aussi bien en France  que du traditionnel côté UK.  Dans la famille des talentueux représentant du registre dans nos vertes contrées  je demande les lyonnais de Fontanarosa. Il signeront le 19 avril 2024 leur retour avec un second album : l’excellent ‘Take A Look At The Sea ». La magie opère d’ailleurs dès les premiers instants.  C’est avec un naturel élégant que Paul Verwaerde, le frontman, ouvre ce nouveau jet en faisant du « Door to Door » pour mieux convaincre les foules. Son écoute, d’emblée très accessible n’enlève rien à la précision symphonique qu’offrent ici nos musiciens. L’artiste né en Angleterre, a grandit en Espagne avant de vivre à Sao Paolo. Une multitude d’influences qu’il apporte dans sa musique et qu’il décrit volontiers comme son port d’attache. S’il est vrai que cette dernière peut être le point centrale d’une vie, celle de Fontanarosa invite à l’introspection. Le soin porté à la précision de chaque titre y est d’ailleurs particulièrement impressionnant. Que se soit sur les instruments, les arrangements, la voix ou la production, rien n’est laissé au hasard au cours de cette balade envoûtante et esthétique. Le successeur d' »Are You There? » sorti en 2022 a tout du classique instantané. On s’y engouffre comme dans un lieu connu, on s’y laisse porter, sans jamais basculer dans l’easy listenning pour autant. Certains titres se prennent comme des vagues. Les instruments y sont poussés jusqu’à des hauteurs vertigineuses, des tourbillons dans lesquels il est bon se perdre. « Endless Track » que l’on voudraient sans fin est d’ailleurs de ceux-là. Pour rappel, le premier né du groupe était avant tout la réconciliation entre Paul Verwaerde avec l’adolescent qu’il avait été. Cette fois-ci, en plein accord avec l’adulte qu’il est devenu, le voilà qui prend le large. Père de ses créations, il l’est aussi à la ville, de quoi chambouler, penser aux générations qui ont précédées et écrire avec le cœur. C’est d’ailleurs à son père qu’il pense en écrivant « Care », un hymne puissant aux guitares énervées et son juste dosage entre force naturelle et douceur des voix. Chez Fontarosa, la route est sombre, elle se fait parfois folk, parfois rock, parfois électrique. Les influences sentent le Royaume-Unis, ses pubs comme son tea time, son raffinement et son énergie. Le voyage n’en est que plus beau.


BADBADNOTGOOD

 

BADBADNOTGOOD by Sylvain Chaussee
BADBADNOTGOOD by Sylvain Chaussee

C’est le morceau dont nous avions besoin sans le savoir. Prenez la puissance jazz des originaires de Toronto, BadBadNotGood, additionnez la voix du vocaliste texan reggie, mélangez le tout et laissez vous surprendre. Voilà que les genres se croisent et se mixent en un titre solaire : Take What’s Given. Le résultat est aussi pluriel qu’impressionnant. On y croise de la funk, de la country, une voix envoûtante à la chaleur naturelle, de la précision, de l’amour des instruments et du travail bien fait. Enregistré au Valentine’s Studio de Los Angeles en 2023, la pépite dévoilée le 30 janvier 2024, a gardé de la cité américain ses hautes températures et ses accents angéliques pour ne pas dire célestes. Exit néanmoins la superficialité qu’on lui prête, ici les mélodies sont profondes et travaillées. Il faut dire que le groupe canadien multiplie depuis 2021 et la sortie de son opus, « Talk Memory », les collaborations heureuses. Turnstiles, Charlotte D Wilson, Daniel Caesar en font notamment partie. Pour ce qui est de sa genèse c’est en assistant à un programme de jazz au Collège Humber à Toronto que le trio s’est rencontré. C’est pourtant leur amour du Hip Hop qui a su unir nos talentueux musiciens. Biberonnés à MF DOOM, vouant un culte à ODD future, les voilà qui mettent à profit leur savoir-faire jazz, probablement l’une des écoles les plus exigeante en matière de musique, pour embellir leur registre préféré. C’est finalement Tyler, The Creator qui le permet de rencontrer le succès en partageant leur vidéo The Odd Future Sessions Part 1. Un beau cadeau que le Flower Boy a fait au monde, créateur d’effervescence c’est vrai, défricheur de talents, encore plus.

 


Mui Zyu

 

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Entrez dans l’univers aérien d’Eva Liu plus connue sous le nom de Mui Zyu. L’artiste britannique originaire d’Hong Kong, distille un cocon musical unique fait de douceur et de partitions finement pensées. Au mois de mai, sur la pointe des pieds, la ballerine dévoilera avec subtilité un très joli nouvel album « Nothing or something to die for ». Pour le présenter la voilà qui dévoile le morceau Everything to Die for, une prouesse pleine de grâce à la mélodie savamment pensée. Certainement en raison de sa voix aérienne, Mui Zyu rappelle l’immense Björk. Peut-être aussi par sa capacité à torde les registres avec délicatesse et y glisser son univers hors cases. Ce dernier est aussi l’occasion de se reconnecter avec ses racines et donc d’offrir des mélodies aux croisement des mondes. Son nouveau né, le plus introspectif de tous est à fleur de peau. On y entre à pas de velours, pour mieux se laisser porter par une mélancolie exacerbée. La sensibilité y est maîtresse. Il promet une expérience entière, à la légèreté bien  faite pour le successeur de « Rotten Bun for an Eggless Century ». Dream Pop idéaliste pour un voyage aux confins de l’imaginaire, le Monde selon Mui Zyu a de quoi séduire et apaiser. Composé en collaboration avec Luciano Rossi, qui était déjà co-producteur de sa dernière galette, elle y expérimente plus que jamais. Échappée une semaine au Middle Farm Studios dans la région du Devon, elle en profite pour tester de nouveaux instruments. De l’électro pour mettre en avant la vie aseptisée aux passages instrumentaux pour évoquer les moments de doutes, s’aventurant parfois vers le psyché, la musique y a des nombreux visages. A explorer sans plus attendre.


C’est officiel ! Avec la fin de l’année 2023 et le froid qui a pris d’assaut l’Hexagone on peut déjà se réjouir en pensant à l’été. Les principaux festivals ont d’ailleurs commencé à annoncer leurs programmations. Parmi eux, le plus engagé de tous, Solidays promet comme chaque année un moment festif autour d’une programmation forte et de moments éducatifs autour de la lutte contre le SIDA mais aussi de sujets qui lui sont chers : écologie, féminisme, lutte contre le racisme et l’homophobie. Autant de bonnes raisons de s’offrir au plus vite un pass.

En 2023, le célèbre festival situé sur l’hippodrome de Longchamp affichait complet. Pas besoin de connaître la totalité des artistes qui s’y produiront pour savoir que ce sera, une fois de plus, l’évènement à ne pas manquer. Cette année, le festival a mis les petits plats dans les grands, s’adressant à un public pluriel pour mieux faire plaisir aux attentes des festivaliers.

 solidays-2024-Solidays 2024, demandez le programme !

En 2024, il faudra réserver ses 28, 29 et 30 juin. D’autant plus qu’on retrouvera sur scène : Sam Smith, Brutalismus 3000, Adèle Castillon, Louis Attaque, Diplo, Gazo & Tiakola, Martin Garrix, PLK, Pomme, SDM et Zola. 

Une première salve d’annonce qui fait très envie en attendant d’en savoir rapidement plus. Et elle tombe d’autant mieux au mois de décembre que le 1er était également la journée mondiale de la lutte contre le VIH et le SIDA.

Puisque loin de simplement mettre en avant ses musiciens, le festival saura aussi mettre en avant les thématiques qui lui sont chères. Conférence, cérémonie de recueillement contre l’oubli et débats promettent d’éduquer sur des sujets d’une importance capitale.

Pour le lancement de sa billetterie et comme chaque année, Solidarité Sida met en vente 25 000 Pass 3J à partir de 39€. Les pass 1 jours sont eux aussi disponible. Il faudra néanmoins faire vite. Les pass 3 jours sont déjà presque épuisés. Pour ne rien rater, rendez-vous de toute urgence ici.


Voilà maintenant 40 ans que l’incroyable Klaus Nomi, révélé par David Bowie, nous quittait. Il était tragiquement la première victime célèbre du SIDA et emportait avec lui son esthétique alien comme sa capacité à unir les genres, magnifiant la new wave avec sa voix de baryton basse à contre-ténor. Aujourd’hui, Legacy Recordings a pris le pari de ré-éditer sa discographie, de fouiller dans les archives et de dévoiler des clips et titres inédits. L’occasion de redécouvrir l’œuvre de celui qui aura marqué et inspiré jusqu’au cinéma actuel, aux créateurs (de Givenchy à Jean-Paul Gautier) mais aussi la pop, Lady Gaga en tête de liste.

Klaus NomiL’homme venu d’une autre planète

Il n’est pas surprenant que se soit David Bowie lui-même qui ait découvert Klaus Nomi. Né en 1944 et originaire de  Bavière, Klaus Gerbe, de son véritable nom était aussi obsédé par les voix des ténors que par celles des cantatrices. Le destin lui octroya la capacité de reproduire celles de ces dernières, le promettant à un carrière hors normes. Homme frêle et délicat, il se lance dans la pâtisserie avant de décrocher en 1960 un poste de placeur au Deutsche Oper de Berlin. Obsédé par le monde du spectacle, il attend qu’il se fasse tard pour pouvoir performer. Il offre ainsi à la clientèle d’une discothèque gay qu’il fréquente ses interprétations de la Callas, qu’il imite volontiers.

Berlin est trop petit pour ses rêves de grandeurs, il doit partir sur une autre planète : celle qui permet d’exhausser les vœux et de toucher les étoiles. Le voilà qui arrive à New-York en 1972, là où les courants artistiques et de pensée se font : l’East Village.

Klaus Nomi - The Cold Song (censored version)

Son arrivée ne passe pas inaperçue.  Rapidement il se produit dans des cabarets entouré d’une troupe au look tout droit sorti des films de SF des années 50. Passé la surprise, son répertoire qui va de Camille Saint-Saëns à la pop sixties intrigue un certain public subjugué par sa voix. Le bouche à oreille opère, ses happening et la particularité de ses spectacles intriguent et interpellent. Pas au point de faire fortune pour autant, son spectre reste la scène underground.

Mais les choses tournent en la faveur de Klaus Nomi ( Nomi, nom qu’il utilise maintenant lui vient d’une référence à la revue Omni). Il est appelé par David Bowie lui-même pour l’accompagner sur le show télévisé Saturday Night Live en 1979.Une chance incroyable pour l’artiste que de pouvoir se produire en compagnie de son idole.  Bowie porte alors son fameux  costume de smoking géant qui pour la petite histoire nécessite deux hommes pour le porter tant il est lourd. Nomi alors choriste en arrière plan s’éprend pour cette tenue et s’en crée rapidement une version au rabais. Et sa performance, portée par son incroyable voix lui permet de se faire remarquer.

Le style comme arme maîtresse

Klaus Nomi - costumeKlaus Nomi se crée alors un personnage. Vêtu de noir et blanc, dans des costumes géants en plastique, les cheveux en M, un immense nœud papillon autour du cou, de la poudre blanche sur le visage et du rouge à lèvre noir pour parfaire le tout. Des allures de clown ? Non, il refuse cette appellation et préfèrera dire que son personnage est un extra-terrestre. Et ce style marque, en fait même une icône. A tel point qu’il traversera les générations : on le retrouve dans les créations de Givenchy, de Jean-Paul Gautier, dans les looks de Lady Gaga ou encore dans le cinéma, notamment la saison 11 d' »American Horror Story ». Mais ça ne suffit pas à lui apporter la fortune. Cherchant toujours à vivre de son art, il se désespère, mais ne lâche pas la musique pour autant.

Il enchaîne alors les relations sexuelles à risque, fréquente de nombreux hommes, on lui prête même une relation avec Jean-Baptiste Basquiat. Ce n’est que temporaire, les choses vont rapidement tourner en sa faveur. C’est finalement le producteur Miles Copeland qui accepte de lui donner une chance. Mais pour se faire il doit changer d’image et  laisser tomber son groupe originel. Il accepte. Transformé il est signé chez RCA et rencontre enfin le succès. En 1981, il publie son premier album « Klaus Nomi » puis en 1982, son chef d’œuvre ultime « Simple Man ». Il est déjà malade et décline à vu d’œil. A l’époque , le SIDA qui le ronge est encore méconnu. La peur d’être contaminé se fait sentir. Ses proches n’osent plus l’approcher, il ne peut plus poursuivre sa carrière. Beaucoup trop vite, beaucoup trop jeune, il est alors seulement âgé de 39 ans,  il décède. Avant de mourir en 1983 il sera néanmoins enfin reconnu comme un authentique chanteur d’opéra comme il en rêvait.

Deux albums, sublimes hybrides

Au court de se courte carrière Klaus Nomi signe donc deux sublimes albums : « Klaus Nomi » ( 1981) et « Simple Man » (1982). Tous deux des pépites sombres et excessivement écrites qui varient leurs influences pour donner naissance à une œuvre atypique et jamais consensuelle.  On y retrouve autant l’attrait pour l’opéra que pour le rock’n’roll de l’artiste à la voix de ténor. Inclassables, à ne pas mettre entre toutes les mains tant ils sont pointus, ces joyaux trônent chez les plus mélomanes. Ces albums subjuguants sont peuplés de titres forts comme « Total Eclipse » et ses rythmiques presque militaires ou encore le culte « The Cold song ». Ce dernier, dramatique et puissant comme « La Traviata », hypnotise, surprend et émeut au plus haut point.

Si puissant qu’il se voit remixer par Arnaud Rebotini puis par Valdimir Cauchemar. Ce n’est pas le seul titre à vivre une deuxième vie en 2023. Deux albums de remixes de Klaus Nomi sont sorti au mois de septembre et décembre 2023. Sur le premier on retrouve notamment Agar Agar, Para One, Vince Clarke ou encore Mud Deep. Le second dont la parution est prévue au 15 décembre mettra à l’honneur  Leonie Pernet, Superpoze, Ascendant Vierge ou encore GGGG.

Autant de façon de continuer de faire vivre génération après génération un artiste dont l’éphémère vie est loin d’être à l’image de son œuvre, elle immortelle.