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Julia Escudero

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cat power big thief Simon and Garfunkel Trois albums cultes
 

Le support numérique a radicalement changé les habitudes de consommation de musique. Fini l’attente d’un album pensé dans son intégralité. Bonjour le zapping, les morceaux écoutés jusqu’au refrain, l’attention perdue en moins de trois minutes et bien sûr les conditions douteuses de rémunérations pour les artistes. Pourtant, fort heureusement, à la montée des, convenons-en, bien pratiques plateformes de streaming, s’oppose un retour en puissance de l’objet vinyle. Outre son esthétisme, son très beau son, il permet de (re)découvrir dans sa totalité un album et de s’y immerger face après face. L’été ayant déjà laissé place à l’automne de cette étrange année 2021 et son timide retour à un Monde où concert est synonyme de contraintes pour ses organisateurs, une sélection de vinyle s’impose. Pour aller avec les couleurs de saison, les feuilles qui tombent et les coeurs lourds qui s’imposent à la fin de la trêve estivale, nostalgie, mélancolie et beauté seront au rendez-vous des trois oeuvres parfaites à (re)découvrir track by track ci-dessous.

Simon & Garfunkel « Bridge over Troubled Water »

Simon & Garfunkel - Bridge Over Troubled Water

Paru en 1970, cette pépite est le tout dernier album studio du duo indémodable Simon &  Garfunkel. En 1971,il remporte à juste titre cinq Grammy Awards dont celui du meilleur album. Il figure également à la 51ème place du classement des 500 plus grands albums de tous les temps établi par Rolling Stones. Si son pédigrée est si impressionnant c’est surtout parce que l’attention du duo a été portée sur la composition de chaque titre. A commencer par celui qui ouvre le bal et donne également son nom à l’album. C’est d’ailleurs Clive Davis, le patron de Columbia records qui choisit de placer ce morceau en ouverture de l’opus. Les temps ne changent pas tant que ça, puisque sa longueur (plus de 5 minutes de perfection) était déjà problématique à l’époque. Si l’on en croit le film « Presque Célèbre » de Cameron Crowe (qui avant sa carrière dans le cinéma était journaliste chez Rollin Stones), écouter Simon & Garfunkel en allumant une bougie permettrait de voir son avenir. Une très belle métaphore qui s’applique au ton folk rock de cet opus. Il faut dire que les titres emblématiques s’y enchaînent avec fluidité. A un premier morceau puissant succède « El Condor Pasa (If i could) », ses riffs aériens et sa structure aux nombreux accents envolés. Mélancolique oui mais pas toujours, la galette s’offre des temps joyeux et solaires (« Cecilia », le dansant  « Keep the Customar Satisfied », « Baby Driver », « Bye Bye Love »). L’apaisement est aussi de la partie alors que les sublimes voix des acolytes transportent leur auditeur au confins de la perfection quelque part entre un nuage planant des années 70 et une bienveillance iconique que l’on retrouve chez ces albums qui deviennent de facto vos meilleurs amis.

Big Thief  – « U.F.O.F »

Big Thief - UFOF

Trois notes à pas de velours et une voix envolée, voilà qui ouvre l’intime objet musical non identifié « U.F.O.F » chef d’oeuvre iconique du groupe américain Big Thief.  Cette prise de « Contact » plonge immédiatement l’auditeur dans un bain de bienveillance folk où tout n’est que beauté et volupté. La voix cristalline s’installe dans l’oreille, berce, virevolte. Il n’en faut pas plus pour tomber follement amoureux de la formation menée par la talentueuse Adrianne Lenker. Fondé à Brooklyn, le groupe sortait en 2016 son tout premier opus « Masterpiece ». Et si l’objet portait bien son titre, l’exigence y étant indubitablement au rendez-vous, ce troisième jet s’avère être en réalité le chef d’oeuvre ultime d’une formation qui y touche les étoiles.  Il faut attendre le deuxième titre pour découvrir le morceau « U.F.O.F » qui donne son nom à l’album. Ce single, le premier dévoilé en février 2019, allie la grâce d’une ritournelle poétique à un refrain si joliment travaillé qu’il promet de devenir un allié de force pour regarder la pluie tomber emballé dans un plaid. Chant des sirènes envoûtant qui appelle autant à l’aventure qu’à l’introspection, il précède l’immense et un brin plus entraînant « Cattails » qui fera également l’objet d’une sortie single en mai de la même année.  Sa folk aérienne y a la force des immense Moriarty, à moins que le timbre dream pop de sa chanteuse ne fasse mentir la comparaison. La légèreté et la douceur  font suite sur cette face A poétique où il est bon de se délecter de chaque note. Berceuse fabuleuse et compagnon d’aventure cosmique, il n’est pas étonnant de retrouver cet album parmi les nommés au titre de meilleur album de musique alternative au Grammy Awards 2020. La face B révèle aussi son lot de surprises à commencer par l’enivrant « Century », son refrain répétitif aux notes maîtrisées et sa beauté proche de celle de l’aurore. Il faudra tout écouter et tendre l’oreille sur « Terminal Paradise » avant de conclure sur « Magic dealer » qui embrume les yeux et les têtes comme un calumet fumé un soir de grisaille. Quand vous en aurez finit avec l’écoute, et sûrement répété sa lecture remettant inlassablement le bras sur le tout premier morceau de cette galette, il sera temps de se précipiter sur les sites de reventes de places.  Big Thief s’offre en effet une tournée française au mois de février 2021. 

Cat Power « Moon Pix »

cat power Moonshiner

Difficile de cataloguer l’iconoclaste Cat Power et ses compositions oscillant entre punk, folk et blues. Pourtant, si un mot devait effleurer la qualité de son univers, il faudrait mettre en avant son immense sensibilité. Et ce n’est pas « Moon Pix » paru en 1998 qui fera mentir l’adage. Ses sonorités profondes et mélancoliques y touchent à l’expérimentale et ce dès son exposition sur « American Flag ».  Repérée par Steve Shelley de Sonic Youth dans les années 90 alors qu’elle débarquait à New-York de son Atlanta natale, la musicienne a su s’imposer comme une figure culte, dont les qualités musicales ne peuvent être remises en doute.  De tous ces opus, « Moon Pix », le quatrième est l’un des plus encensés par la critique. Il faut dire que son prédécesseur, un brin plus grunge, lui avait déjà valu les félicitations du milieu estimant qu’elle y avait gagné en assurance. Cette fois-ci composé alors qu’elle vivait seule à la ferme et à la suite d’un état hypnagogique (état de sommeil conscient qui intervient au début de l’endormissement), il s’avère être un voyage hypnotisant, sensoriel et aussi léger qu’un murmure dans la nuit. Les titres s’y jouent avec douceur et s’y enchaînent avec aisance, quasi indissociables les uns des autres. Enregistré à Melbourne en 11 jours par la chanteuse, il est, si l’on en croit le magazine Rolling Stone, le meilleur enregistrée par la musicienne. Les notes aériennes de « Metal Heart » concluent la première face comme un secret partagé. Celui de l’écho d’une période musicale, d’une histoire aussi intime qu’universelle.  Il faudra pourtant attendre la face B pour  se plonger dans le titre « Cross Bones Style », premier single dévoilé de cette pépite qui touche à la perfection. Il pourrait être aisé en 2021, de penser un album comme une succession de singles et d’y imaginer passer aisément d’un registre à un autre. Ici, il n’en est point question tant le tout est construit comme une succession harmonieuse à l’atmosphère glaçante. « Moonshiner » se détache du lot, faisant la part belle à ses instruments sous forme de ritournelle planante et à la voix inimitable de Cat Power qui maîtrise autant ses envolées lyriques que ses chuchotements cassés. Difficile de ne pas se laisser porter, des papillons plein le ventre et des frissons parcourant  chaque millimètre de votre peau par cet objet entier que seul le format vinyle saura sublimer. Un must have pour habiller votre collection automne-hiver 2021 et prendre le temps de faire une pause au milieu de la vie qui reprend à toute allure.


La dixième édition du Champs Elysées Film Festival avait un goût bien particulier. L’évènement qui se tenait du 14 au 21 septembre 2021 sur la plus belle avenue du Monde célébrait un très bel anniversaire mais était également l’occasion de faire revivre le cinéma dans une période post-Covid encore incertaine qui nous avait appris que l’art et la culture n’était pas si essentiels que ça. Et pourtant, à en juger par les spectateurs qui se sont rués sur les lieux proposant de (re)vivre la culture en commun, par les films qui ont été au centre des occupations durant les confinements et couvre-feux, il se pourrait bien que l’adage mente.

Récompenser un cinéma exigent

Et ce n’est pas Sophie Dulac, présidente du festival qui dira le contraire lors de la cérémonie de clôture de l’évènement. « Notre travail est essentiel pour apprendre aux nouvelles générations à réfléchir, développer un esprit critique et ne pas croire tout ce qu’on nous dit. » lance-elle avant une salve d’applaudissements. Le cinéma choisi pour officier n’était autre que le cinéma du Drugstore du Publicis, lieu central puisque munit d’une salle obscure et de sa fameuse terrasse. « Le cinéma est fait pour se regarder en salle!  » ajoute militante et avec la poigne qu’on lui connait la maîtresse de cérémonie de noir vêtue.  Les prix sont nombreux et récompensent un cinéma pluriel. Chaque vainqueur prend le temps de remercier le jury et le public avec émotion.  « Queen of Glory » empoche deux récompenses alors que sa pétillante réalisatrice venue des Etats-Unis avec son bébé de sept semaines amuse l’assistance en expliquant qu’elle aurait dû se maquiller pour l’occasion. « L’énergie positive des Dieux » remporte lui aussi deux prix alors que Laetitia Moller, sa réalisatrice, dépeint un métrage qu’elle a commencé en allant chercher sa caméra dans un collisimo sans savoir comment elle allait mettre en scène cette histoire musicale. C’est aussi un cinéma engagé, encré dans une société actuelle qui est récompensé. Un cinéma miroir du Monde dans lequel on évolue et qui pousse à la réflexion comme aime à le rappeler la présidente du festival dotée de fleurs par son équipe ‘Merci, c’est pour ça que je travaille avec eux. » dévoile-t-elle. Elle en profite pour faire la part belle aux nombreux bénévoles et à l’équipe du festival qui s’est battu cette année pour faire exister l’évènement et fédérer le public parisien autour d’un cinéma exigent. Un pari relevé haut la main depuis dix ans maintenant, trait d’union entre deux nations et le rapprochement de leur analyse de chaque époque.

« Rien à foutre » : une dernière projection au plus proche du vrai

Qui dit cérémonie de clôture dit cinéma. C’est un film français « Rien à foutre » sous-titré en anglais qui a la lourde de tâche de clôturer l’évènement. Le film de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre suit la vie d’une hôtesse de l’air (Adèle Exarchopoulos)  employée par une compagnie low-cost (Wing) vivant sa vie au jour le jour et se réfugiant dans les paradis artificiels pour oublier ses douleurs. Un véritable soucis de réalisme et d’intimité avec son héroïne sont au coeur des préoccupations de cette oeuvre qui multiplie les gros plan pour mieux centrer son propos sur les ressentis d’un personnage blasé qu’il ne juge jamais. Les dialogues sont parlés : pauses, réflexions, fautes, tout est mis en scène avec la justesse de la vie au point d’en oublier la caméra pour mieux se focaliser sur le vrai. L’humour est au rendez-vous autant qu’un sentiment doux-amer lors de cette fuite en avant sensible.  L’actrice principale dans le rôle de Cassandre est très juste et sait se rendre aussi attachante que déroutante. Elle devient l’amie que l’audience a autant envie de secouer que de suivre dans une folle soirée alcoolisée. Pourtant il pourrait être reproché au métrage sa durée qui comble de longs moments parfois vides par des scènes qui s’étirent et manquent d’appuyer un propos. « Rien à foutre » est l’histoire d’un moment de vie qui saura séduire un public pointu, adepte d’un cinéma particulier mais pourrait à contrario laisser sur le carreau un public désireux de découvrir une action plus diffuse, plus proche de l’écran que du monde qui l’entoure.

 

Le Champs Elysée Film Festival se raconte en musique entre Kiddy Smile et Sônge

Champs-Elysees-Film-Festival-2021
Photo : Louis Comar

Place au cinéma indépendant oui mais aussi à la musique indépendante. Le festival pointu a comme chaque année posé ses valises sur le rooftop du Publicis pour faire la part belle à des DJ sets face à l’Arc de Triomphe. Un monument mis en beauté cette année par Christo et Jeanne-Claude « Qu’on aime ou qu’on aime pas ça fait parler. » en profite pour lancer amusée Sophie Dulac lorsqu’elle remercie le lieu.

Le 20 septembre c’est à Kiddy Smile, également membre du jury courts-métrages, de prendre les rênes de la soirée. Au programme dans ce cadre aussi luxueux que paradisiaque : un véritable soin porté à la volupté. Les sens y sont mis en avant : de la beauté pour les yeux avec un espace carré et végétalisé qui fait rêver, le goût y est sollicité avec ses pizzas truffées, salades composées et autres tiramisu, mais aussi l’ouïe. L’exercice du DJ set peut s’avérer compliqué puisque l’artiste y gomme son répertoire pour mieux valoriser celui d’autres qui doit être l’équilibre entre son reflet et sa faculté à faire danser. Cléa Vincent et Silly Boy Blue, elles, avaient  toutes deux choisi de proposer un set mainstream qui poussait à chanter. Kiddy Smile, sans surprise, casse les codes et change de registre. Vêtu d’un long manteau argenté et noir, l’impressionnant artiste électrise le dance-floor. Les sons y sont pluriels, ils prennent des accents world, électro, hip hop, sont connus de tous ou des plus pointus. Les températures clémentes permettent de danser sur les toits, Paris sous les pieds. Dans ce cadre, la culture devient un luxe alors que les mélodies elles, s’adressent au plus grand nombre. Kiddy Smile a cette force folle, celle qui consiste à allier ces deux univers. A être aussi radicalement chic que radicalement ouvert à tous. Son set de haute volée sent la haute couture autant que la fête dans les rues. La fin de cette avant-dernière soirée laisse à tous les chanceux qui ont pu y assister des étoiles plein les yeux , de petites rires aux coins des lèvres, signe de fous-rires partagés, et des jambes emplies de fourmis signe indiscutable d’une folle nuit passée à danser.

Un dernier Sônge

Songe au Champs Élysées film festival
Photo : Louis Comar

Pour son tout dernier acte, il faudra attendre un peu. C’est en effet aux alentours de minuit que le dernier bal du festival ouvre ses portes. Cette fois c’est à Sônge de prendre les platines. Côté rooftop, le  temps s’est rafraîchit mais la pluie, elle, a bien compris qu’elle n’avait pas le précieux sésame pour monter sur la terrasse. Pour moins frissonner, il est possible de déguster une coupe ou une douceur sucrée. C’est une option qui fait sens un premier temps, avant que le lieu ne devienne un dancefloor géant. Dans l’assistance, les personnalités croisent les professionnels. La sublime Agathe Rousselle (Titane) également membre du jury est une des lumières que l’on croise dans les hauteurs. Vêtue d’un costume noir à la pointe de la mode et de longues boucles d’oreilles scintillantes, elle profite du moment tout comme Olivia Merilahti

Songe au Champs Élysées film festival
Photo : Louis Comar

(ancienne The Do, aujourd’hui en solo avec Prudence). Lieu de paix où tous se mélangent, la célébrité ici, est mise de côté. Les chasseurs d’autographes et de selfies ne sont pas conviés. Au contraire tous les convives sont les stars choyées de la soirée. La musique se distille dans les âmes et tout prend un accent festif alors que même « La Macarena » est jouée. Une partie de l’assistante, dominante, danse franchement, déchaînée et bienveillante. Alors qu’une autre profite de son escapade dans les hauteurs pour mieux profiter une dernière fois de la vue et de la nuit. Difficile de quitter ce lieu magique et de retourner à un quotidien plus banal lorsque les musique et les derniers projecteurs s’éteignent. Rien à foutre serait-on tenté de se dire, les souvenirs eux resteront longtemps en mémoire alors que la prochaine édition, cette fois-ci, il faut l’espérer dans des conditions normales, n’arrivera jamais assez vite.


 

Ultrasound movieUltrasound, de quoi ça parle ?

En trois lieux différents, des personnages font chacun l’expérience d’étranges événements sans lien les uns avec les autres, à moins que…

Ultrasound, est-ce que c’est bien ?

Dès ses premiers instants, le réalisateur Ron Shroeder prend un malin plaisir à perdre son spectateur tout en ménageant une ambiance aussi dérangeante qu’hypnotisante. En reprenant les codes du fantastique, automobiliste en panne sous la pluie, gentil couple qui accepte de l’accueillir, il se hisse immédiatement dans les esprits un climat digne d’un épisode de « Black Mirror » ou plus anciennement de « La quatrième dimension ». Un sentiment de trouble et de flou vient parfaite ce démarrage hautement intriguant qui ne manquera pas d’amuser clairement un spectateur alors curieux de l’oeuvre qui lui sera par la suite proposé. Le piège qui va se refermer sur nos étranges protagonistes est alors tendu et laissera ensuite le spectateur tout aussi perdu qu’en besoin de comprendre. Il faut dire que le monsieur sait gérer avec brio un suspens tendu où les nombreux questionnements ne manquent pas. La curiosité est piquée à vif et il semble d’abord impossible de comprendre cette intrigue barrée et génialement menée. Qui sont ces personnages ? Que veulent-ils ? Le métrage sera-t-il même cohérent dans son déroulé ?

Il le sera sans aucun manquement d’explication. Tout vient à point à qui sait attendre alors qu’il semble impossible de comprendre les réaction et intention de chaque personnage très joliment écrit. D’abord désireux d’embrumer les esprit, Shroeder expliquera par la suite, soyez en rassuré son propos, éclaircissant tout et en ayant la finesse scénaristique de ne pas en faire un retournement de situation grandiloquent, lourd et grossier. Non tout est si bien construit que ce moment de clairvoyance n’entame en rien le plaisir qu’il est facile de ressentir face à une oeuvre qui se dévore comme un bonbon. Les liens et connexions sont logiques, les explications se distillent doucement mais avec suffisamment d’encrage pour ne pas y perdre pied. Pourtant ce ne sont pas les révélations qui manquent et l’incapacité de savoir en tout instant à quelle sauce le spectateur sera mangé.

Réalisation carré et trip à la « Black Mirror »

Ultrasound ouvertureOutre les qualité de ce méli-mélo emprunt d’empathie pour le sort de ses protagonistes, « Ultrasound » regorge d’immenses qualités de réalisation. Les décors sont soignés et travaillés, la caméra se place comme un témoin en qui on ne peut avoir confiance, chaque scène est minutieusement travaillée. Les plans précis prennent le temps d’exister dans un univers aseptisé où il est bon se perdre et se laisser berner. Le jeu d’acteur lui est sobre et efficace. Breeda Wool passe d’inquiétante à attachante tout comme Bob Stephensen passe d’attachant à intriguant. Mention spéciale à la délicate Celsea Lopez (Cyndi) qui sait immédiatement donner de la candeur à son personnage.

En plus de maintenir son propos tout au long du film, ce dernier s’amuse franchement à brouiller les pistes pour mieux les créer et dévoiler un propos sans concession sur les enjeux scientifiques, technologiques et de l’utilisation qui en est faite dans les temps actuels. Les meilleurs des intentions peuvent toujours cacher les plus sombres révélations.  Sans jamais en faire des tonnes ni se politiser, « Ultrasound » préfère être un divertissement pointu adressé à un public qui saura s’en délecter. A découvrir sans voir la bande-annonce, sans chercher à comprendre de quoi il retourne pour mieux se laisser surprendre, se perdre et être entièrement guidés corps et âmes dans une spirale infernale.

« Ultrasound » a été dévoilé à l’Etrange Festival qui se tient eu Forum des Images à Paris du 8 au 19 septembre 2021. Un évènement à ne pas manquer en cette rentrée.


 

Elektric-Park_2021
Photo : Louis Comar

L’été 2021 aura été marqué par deux phénomène que tout à chacun voudrait rares : le soleil et les festivals auront été aux abonnés quasi absents. C’est peut-être pour ça qu’une belle bande d’optimistes a décidé de tout miser sur une rentrée qui aurait à elle seule toutes les saveurs de l’été. Parmi ces idéalistes, le célèbre Joachim Garraud qui a choisi le premier weekend de septembre pour offrir aux férus de musiques électroniques, non pas un mais deux jours de festivités sous le soleil du festival Elektric Park. Cette configuration est une première pour le festival qui relève son pari haut la main et rassemble une foule immense emprunte d’une jeunesse en quête de liberté et de convivialité.

Just do the Dance

Au programme donc beats, DJ set, pyrotechnie et beaucoup de couleurs.

Elektric-Park_2021
Photo : Louis Comar

Une fois n’est pas coutume, il faudra se lever tôt pour se rendre à l’Elektric Park. A défaut de faire la fête toute la nuit, c’est un moment gorgé de soleil qui sera proposé aujourd’hui avec une fin de partie relativement tôt. Il faut alors penser à maximiser sa présence sur place. D’ailleurs pas besoin d’attendre d’atteindre le fameux évènement pour que les très nombreux festivaliers  – près de 30 000 personnes avaient  répondus présents à l’invitation – se mettent dans l’ambiance.  Les transports en commun acheminant à l’Ile des Impressionnistes respirent d’ores et déjà la bonne humeur en ce début de journée lumineuse. Quelques uns engloutissent leurs munitions à coup de bières et de sandwichs avalés à la volée. D’autres rient franchement dans leurs tenues aux couleurs sucrées.

La file d’attente sera dense et compacte les deux jours. La fête a manqué à tout le Monde durant ces trop nombreux mois d’enfermement. Alors , le temps d’un weekend, il faudra mettre tous ces souvenirs et toutes ces mauvaises pensées loin là-bas et les noyer sous une montagne de musiques amplifiées et de danses effrénées. Dès l’entrée sur le site, une chose est certaine, il ne sera pas difficile de faire abstraction du reste du Monde. L’Ile des Impressionnistes se constitue en un îlot de bonne humeur, d’amusement et de sourires.

Shots, déguisements et soleil

Outre les shorts, crop tops, robes à fleurs, tee-shits pastels et autres torses dénudées, de nombreux festivaliers ont répondus présents aux consignes données : venir déguisés. On croise un avatar par ci, des aliens par là, un requin ailleurs … Sur la grande scène la foule compacte ondule et se déhanche, inspirées, elle se déchaîne même. Les jets de poudres colorées y sont nombreux tout comme les lâchés de confettis offerts par le festival. Le décors instagramable regorge d’une bonne humeur éméchée que de simples clichés filtrés ne sauraient pourtant reconstituer. Plus loin, trois autres scènes font l’éloge de DJ confidentiels venus du Monde entier. Un manège à sensations fortes a été installé, les food trucks sont légion et quelques stands de vêtements s’ajoutent au décors.

Un premier jour musclé

Le samedi est le terrain de liberté de la précision et du pointu. Exit, les sets grands publics, ceux là auront leur place le dimanche. En ce premier jour, les beats tamponnent fermement sans jamais décroître. D’un bout à l’autre de l’évènement, la musique est forte, elle n’appelle pas simplement avec délicatesse à se mouvoir. Non, elle ordonne avec une certaine force aux mouvements frénétiques. Polo & Pan pourtant coutumiers de moment chill qui riment avec électro soft et après-midi dans l’herbe envoient cette fois des gros sons, ne lésinent pas sur les basses et

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Photo : Louis Comar

profitent comme tout à chacun des nombreux effets mis à disposition des DJ. Busy P, accompagné de Molécule, fait honneur à se réputation et s’amuse au court d’un set pointu, travaillé et offre une véritable leçon de maîtrise de la scène sous un lancé de flammes. Molécule qui offrait d’ailleurs au Chorus des Hauts de Seine un show à 360 degrés propose une expérience ici tout aussi immersive à coup de beats balancés et de rythmiques puissantes. Purple Disco Machine dénote d’un ton en offrant à l’assistance un moment un brin plus grand public, des mélodies connues sur lesquelles il est bon chanter à tue-tête et l’excellent « Hypnotized » que l’on doit à Sophie and the Giants. Le masqué Vladimir Cauchemar électrise la nuit face à une foule déchaînée et inaltérable. Plus sombre que ses compères, il balance sans discontinuer des mélodies puissantes, frénétiques et s’adresse aux experts. Le tout tabasse fort et ce n’est pas le passage de maître de cérémonie, Joachim Garraud, qui contrarie la tournure de cet énorme évènement qui pourrait fort s’apparenter à un concours de beats tant la machinerie aux rouages serrés ne fait que s’accentuer avec le temps. Pour peu, il serait facile de s’imaginer en bord de mer au cours d’une longue et belle fête aux effluves de burgers, rosé, Jagermasteir, bières et autres poulets croustillants. Les pelouses sont envahies, certains

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Photo : Louis Comar

s’y comptent dans mots d’amour yeux dans les yeux, langues dans les bouches, d’autres y enterrent sous des tas des feuilles leurs amis endormis trop tôt. Un stand de paillettes permet de retrouver parmi la foule des visages scintillants. Hasard du calendrier, les villes aussi scintillent puisqu’un feu d’artifice organisé par une commune limitrophe vient compléter le tableau et embellir le set de Bloody Beetroots qui joue cette fois-ci en DJ set et n’offrira qu’un nombre limité de ses compositions. En revanche, l’intarissable musicien semble monté sur ressorts s’autorisant de nombreux sauts dans les airs. Le tout est ponctué par un speaker qui chauffe les foules et des lancements entre les plateau au compte à rebours dignes d’un nouvel an.

Un dimanche pour chanter

Si le samedi était le territoire de l’électro rythmé et puissant, le dimanche s’ouvre sur des festivités un brin plus mainstream. C’est d’ailleurs Salut C’est Cool qui lance le top départ de cette journée qu’aucune goutte de pluie ne saurait voler. Toujours aussi déjantés, prêts à improviser et à chanter des paroles perchées, ceux qui sont aujourd’hui en duo se donnent corps et âme. « Techno toujours pareil » fonctionne toujours aussi bien alors que sous le soleil qui tape, tape, tape, toute la foule chante en choeur en sautant joyeusement. Un ballon gonflable est l’occasion de créer de nouvelles paroles et des messages forts sont scandés : après tout il est vrai qu’on peut tout mettre dans un smoothie. La boisson healthy n’est pourtant pas au coeur des préoccupation de ce moment aussi drôle qu’hors sol. Aujourd’hui, le festival fermera ses portes à 21 heures et il ne s’agirait pas d’en perdre une seule minute. Alors on fait la fête vite mais on la fête bien. On célèbre tout, le droit d’être dehors, les amours d’été, les amitiés retrouvés, les rires ingurgités, les relations qui se créent, les feuilles encore vertes, comme celles qui tombent, les ententes fusionnelles et les connexions communes, la musique, la fin du Monde comme si on y avait enfin échappé et la vie, loin des murs qui enferment.  Les shots se suivent sur la plateforme VIP et dans la fosse compacte qui se dessine en circle pits. Ofenbach séduit l’assistance en mixant des tubes populaires. En un espace temps convivial, les DJ permettent à toute l’assistance de chanter sans avoir le temps de reprendre son souffle. Ce même souffle qui manque au cours de fous rires partagés.

De Kungs à Bob Sinclar

C’est au tour de Kungs de prendre les platines. La star est l’une des plus attendues et s’offre un set carré et pointu loin du simple bal populaire. L’Elektric Park Festival connait les couleurs qui se marient à la foule. C’est ainsi que des confettis rouges, bleus, jaunes, violets sont lancés dans les airs. Alors que les festivaliers plongent dans le bruit distillé par des enceintes puissantes, l’évènement prolonge l’été à coup d’enceintes poussées à leur apogée. Et portés par le soleil, ils dansent pour voir Klingande et son set inoubliable entre vibration et maîtrise. Les coups de soleil sont aussi nombreux que les coups de tempos alors que Joachim Garraud joue son deuxième set du festival. C’est pourtant à l’immense Bob Sinclar de conclure la soirée. Il ne manque pas de distiller ses tubes planétaires de « World, Hold On (children of the sky) » à « Rock this party (Everybody dance now) ». Pas le temps de se reposer sur un transat, il faut encore profiter, retenir les effluves, retenir le moment qui ne peut que finir trop tôt. C’est à 21 heures qu’il faudra quitter cette 11ème édition avec de très nombreux souvenirs en tête et quelques reels pour mieux se les rappeler. La température extérieure n’a pas tellement diminuée pas plus que celle des corps échauffés. Et alors que les oreilles bourdonnent, qu’il est bon de se rappeler qu’on n’est pas seuls et que la musique en plus d’attiser les mouvements unie à l’unisson.