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Julia Escudero

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Julia Holter est une artiste à part dans l’univers musical actuel. Chanteuse rêveuse aux compositions travaillées, structurées et denses, elle crée des mélodies hors cases. Son dernier né « Somehting in the room she moves » sortait le 22 mars 2014. Là encore, il fallait s’attendre à un album à ne pas mettre entre toutes les oreilles – l’incroyable « Sun Girl » et ses presque 6 minutes en introduction en est la preuve – mais surtout d’une grande poésie. Au programme un opus aquatique, centré sur le corps, écrit entre sa grossesse et le Covid, qui parle d’amour. Elle a accepté de répondre aux questions de Pop&Shot et de nous parler de musique mais surtout de maternité, du ressenti interne qu’est le fait de porter un enfant, de composition, de perte d’inspiration et des Beatles. A lire après avoir écouter ce monument de musique.

Julia Holter par Camille Blake
Julia Holter par Camille Blake
P&S : Comment décrirais-tu ton nouvel album à quelqu’un qui ne l’aurait pas encore écouté ?

Julia Holter : J’ai commencé à le décrire comme une sorte de voyage à travers toutes les facettes de l’amour. Une exploration à travers les côtés les plus sombres et les plus extatiques de l’amour. Dans mon album précédent j’avais le sentiment de le vivre comme en dehors de mon corps et celui-ci je l’ai vécu à l’intérieur de mon corps.  J’essaie de personnifier les émotions de manière viscérale et d’une façon sur laquelle je ne m’étais pas focalisée dans le passé.  L’amour romantique, l’amour médiévale, espérer l’amour, aimer dans le passé, se souvenir de l’amour. Cet album me fait me sentir dans le présent et il parle du travail qu’est l’amour, ce qu’il te prend et la manière dont il te change. L’amour le plus profond se vit au présent.

le corps est central dans mon album

P&S : Tu parles d’un album conçu à l’intérieur du corps. La musique y sonne d’ailleurs comme particulièrement aquatique. Le corps étant principalement composé d’eau. As-tu voulu parler du cœur face à la science ? Les sentiments vus de façon scientifiques ?

Julia Holter : J’ai pensé au corps comme étant quelque chose d’aquatique, de liquide. Il y a beaucoup d’eau et de sang et des choses dégoutantes (rires).  C’est parce qu’effectivement le corps est central dedans. J’y parle de l’humain et de ses sensations et j’essaie de les capturer.

Julia Holter par Camille Blake
Julia Holter par Camille Blake
P&S : Pourquoi as-tu voulu parler du corps au présent sur cet album ?

Julia Holter : J’ai eu un enfant dans les dernières années. C’est mon premier album depuis que je l’ai eu.  Tout ne parle pas de ça mais ça en fait partie. Il y a tellement de demandes constantes à vivre dans le présent quand on a un enfant. Ils sont toujours en demande et tu dois toujours faire attention à tout ce qui se passe. Un enfant interrompt souvent le cours de tes pensées.  C’est un retour constant au présent. C’était d’autant plus vrai quand elle venait de naître. Je devais me lever et prendre soin d’elle.  C’est ce qui m’a amenée à vivre dans le présent. Ma personnalité avant ça c’était d’être plus dans mes rêveries.  Et puis il n’y a pas eu que la grossesse. Le Covid aussi est passé par là puisque j’ai commencé à écrire en 2020. Et je pense qu’il y a eu beaucoup à dire sur le corps pendant la pandémie. Il ne fallait pas se toucher, les gens étaient isolés. C’est pour ça que je fais autant de connections sur cet opus entre les gens et leurs corps. Je cherchais les connexions avec les autres et je cherchais l’inspiration que j’avais perdu. La pandémie était si déprimante que je n’étais plus motivée. En plus le premier trimestre de ma grossesse a été très intense pour moi. C’était nouveau pour moi, les hormones étaient folles. Le fait d’être isolée a exacerbé ça.  Tout ça a rendu les choses encore plus étranges.  Je cherchais ma créativité.  Il y a une démo sur laquelle je baille parce que j’étais tout le temps si fatiguée, tout le temps. Je cherchais l’espace où je me rends d’habitude pour être créative. Là où les paroles me viennent naturellement et au lieu de ça, j’éprouvais le besoin de prendre soin de mon corps tout le temps. C’était tout ce qui m’intéressait. J’avais l’impression de m’être transformée en une autre personne. Je n’ai pas pu lire pendant un an. C’était une drôle d’expérience pour moi. J’étais coincée dans mon corps.

Je cherchais les connexions avec les autres et je cherchais l’inspiration que j’avais perdu.

P&S : Tu parles de communication. Dans une précédente interview tu disais que tu n’aimes pas tellement la communication mais que tu aimes la musique qui elle est un langage. Cet album a-t-il été un moyen pour toi de retrouver la communication ?

Julia Holter : Oui je pense. Il y a une sorte de communication qui passe aussi par le toucher, le fait de toucher les mains de quelqu’un. Il y a une chose dont je parle beaucoup sur l’album c’est de l’ocytocine, l’hormone de l’amour, qu’on a pour tout ce qu’on aime, même l’amitié, ou accoucher. J’en ai pris conscience en étant enceinte même si cette hormone a toujours été là. Je voulais capturer ce sentiment chaleureux, qui est une forme de connexion humaine.

P&S : C’est bien que tu parles d’amour dans un spectre large, l’amitié, la maternité, la famille. Souvent la musique parle d’amour romantique …

Julia Holter :  C’est vrai qu’il faut parler de toutes ces formes.

Il y a des éléments sombres dans l’amour.

P&S : Tu parles aussi de dualité. Comment l’amour peut être bon et mauvais. Ton précédent album « Aviary », parlait des douleurs de l’amour, cette fois-ci de son meilleur aspect. Pourquoi ce besoin d’évoquer ces différents spectres ?

Julia Holter : Il y a des éléments sombres dans l’amour. Quand on aime vraiment quelqu’un ça fait peur parce qu’on a tellement à perdre. Mais c’est aussi pour ça que les gens ont peur dans les relations amoureuses et ont des problèmes de pouvoir. C’est parce qu’on se protège. Quand on a un enfant par exemple, on ne peut pas contrôler ça. Il y a cette personne que tu aimes tellement et c’est terrifiant parce que tu sais que tu pourrais perdre quelque chose de tellement crucial. J’ai connu ça quand mon neveux est mort. J’ai eu ma fille et il mort un an ou deux plus tard. C’était le pire des cauchemars pour ma sœur. Ces deux évènements ont pu révéler l’intensité de l’amour. C’est tellement important et puissant et tu peux le perdre. C’est fou. Sur mon album je dis que l’amour peut être bouleversant. C’était ma manière de parler de tout ça. C’est la partie sombre de l’album, ce qui suit est extatique. C’est quelque chose de spirituel.

Julia Holter par Camille Blake
Julia Holter par Camille Blake
P&S : Le nom de l’album « Something in the room she moves » vient des Beatles. Qu’est ce que ce groupe représente pour toi ?

Julia Holter : C’est un peu difficile à expliquer parce que ce n’est pas une référence claire. L’album n’est pas à propos d’eux. C’est quelque chose qui m’est venu sur le moment et est resté avec moi. Je les aime depuis que je suis enfant. Et la plupart de leurs chansons faisaient partie de moi. Je connais toutes les paroles. Quand j’ai eu ma fille et qu’elle était bébé, je lui chantais beaucoup de leurs chansons. C’était les seules chansons dont je connaissais toutes les paroles. Je ne lui chantais pas mes chansons, parce qu’elles sont trop bizarres. Et c’était juste après que j’ai écrit le titre de l’album. En 2020, j’ai écrit des chansons sur un fichier et pour l’enregistrer je l’ai nommé « Something in the room she moves ».  Je ne pensais pas le garder comme titre mais ça m’est venu dans l’instant. J’ai eu envie de le garder, ça m’a amusée que ce soit le nom qui me vienne pour unir toutes les paroles. Je m’y suis attachée. Le fait de bercer ma fille avec ces morceaux a renforcé mon amour pour ce titre. Je suis aussi tombée amoureuse du documentaire « Get Back » au sujet des Beatles. Je ne sais pas si c’est une forme de nostalgie qui vient quand on a un enfant. Je pensais que la nostalgie était une idée ennuyeuse pour la créativité. Mais j’aime les Beatles comme j’aime Yoko Ono, le rôle qu’elle a joué dans ce documentaire. J’ai trouvé beaucoup de choses inspirante.

le fait d’avoir un enfant fait perdre de l’espace.

P&S : C’était également une façon de mettre la femme au cœur de l’action. Est-ce une façon de donner du pouvoir aux femmes ?

Julia Holter : Le fait que la femme fasse l’action ? Oui complètement. Mais ça m’est venu en une seconde. Je n’ai pas chercher pendant des heures à avoir une vision féministe. Ça m’est venu dans l’instant avec un certain humour. On m’a parlé aussi d’un livre de Virginia Wolf en interview et c’est assez pertinent puisque ça parle d’une femme mais, et comme toute personne, qui a besoin d’espace pour écrire. Je pense que ce soit pour mon partenaire ou moi, le fait d’avoir un enfant fait perdre de l’espace. Tu dois utiliser beaucoup de temps et d’espace pour que les choses fonctionnent. Je trouve ça normal et saint de vivre ça mais c’est aussi un challenge. Tu dois te redéfinir un espace pour toi. Quand j’enregistrais la voix, j’avais beaucoup de mal à me concentrer sur l’écriture des paroles. Et ça s’est débloqué à l’entrée en studio. Je suis tombée malade, j’ai perdu ma voix et j’allais enregistrer à la maison. Je n’enregistre jamais la voix en studio parce que je préfère le faire à la maison. Mais cette fois, en studio, avec une journée pour moi, les paroles me sont venues très vite.


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Vivre le live comme une expérience. Et pas n’importe laquelle. L’univers de Fever Ray, immersif, insaisissable, inclassable, pluriel et surtout brillamment écrit s’explore comme si l’on venait de découvrir une nouvelle planète. Il faut s’y plonger radicalement avec le corps et l’esprit pour mieux se laisser porter. Ce nouveau monde est celui de la tolérance et de la liberté de s’affirmer. L’art y excelle. Venez avec nous profiter de la capsule qui nous conduisait à l’Olympia le 4 mars 2024. Le voyage y était saisissant.

Fever Ray – Olympia Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Premier contact

Il y a du monde ce soir dans la salle parisienne pour assister au décollage de l’OVNI Fever Ray. Les admirateur.trices de Karin Elisabeth Dreijer sont légion. Il est d’ailleurs d’emblée évident qu’il s’agit d’un public d’expert.es. Pas de fil d’attente des heures à l’avance, pas de besoin d’être au plus proche de l’artiste dans un mouvement de fanatisme. L’armée Fever Ray est là pour la musique.Personnalité queer, non binaire, connu.e pour officier également au chant avec son frère dans le groupe The Knife, l’artiste suédois.e a su fédérer. Ses concerts portent d’ailleurs la lourde responsabilité du moment promis comme mystique – à raison-.

Fever Ray – Olympia Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Un breuvage cosmique en main, l’attente du début du show s’est  joué au coude à coude au bar et voilà que les lumières s’éteignent. Pas toutes, l’une d’entre elles, un lampadaire vacille sur scène. Cette dernière se pare d’un voile de brume, aussi inquiétant qu’excitant. L’ombre de l’Exorciste plane-t-elle? L’affiche culte trône dans les esprits. Voilà que les hôte.sses de la soirée entrent en scène. Les tenues hallucinantes sont à l’image de la grandeur du spectacle. Alors que les premières notes de « What they Call Us » résonnent, les musicien.nes dévoilent leur parures : un body aux symboles de planètes, un joueur de synthé qui porte un chapeau nuage sur la tête, à la batterie un chapeau en forme d’auréoles pointe le bout de nez. Et puis vient l’iconoclaste 8ème passager.ère (ou plutôt 6ème ici) Dreijer, son costume blanc et ses cheveux coiffés en forme de cornes.  Il n’en faut pas plus pour être entièrement envoûter. La promesse est faite d’un périple indomptable dont le souvenir ne s’effacera pas. La set list se poursuit avec « New Ustensils » extrait de « Radical Romantics », dernier album de la formation. Alors que les 3 premiers morceaux servent à installer le décors et promettent un décollage sans concession, les basses et percussions frappent forts. Elles se déclinent telle une annonce. Faites sonner trompettes et batteries, l’instant est important. A la suite de quoi Dreijer salue enfin son public.

 

O.S.N.I – objet scénique non identifié

L’album « Plunge » s’invite à la fête avec « Must’t Hurry ». La voix rampe sous la peau. Celle d’un alien qui vous veut du bien. Venue en paix c’est évident. Tout comme le fait que de pareilles montées en puissance n’existent que dans une autre galaxie. Les aigus sont insaisissable, parfois le timbre devient métallique. L’exploration se fait tribale. Après tout, Fever Ray sait varier ses influences pour mieux brouiller ses pistes. Sommes-nous perdus quelque part au milieu d’une jungle dans le cosmos ? La musique devient une langue étrangère. Ici tout le monde la comprend et la parle sans jamais l’avoir apprise. Dreijer appelle à la création de scènes artistiques inclusives, interview après interview et passe du discours à la mise en place concrète ce soir. Chaque titre se forme sur une grande montée en puissance. C’est aussi l’image du concert dans sa plus grande globalité. Il se hisse vers les sommets pour devenir une fête hybride, de plus en plus électro et dansante. La part belle est faite au dernier album, « Shiver », « Kandy », « Even it out » s’enchaînent par exemple avec aisance. L’album « Fever Ray », le premier né paru en 2009 fait plus rarement son apparition et rappelle à son bon souvenir sur « I’m not done ». L’euphorie est son paroxysme alors que l’Olympia devient un dancefloor hors normes loin des frontières créées par tout genre.

Fever Ray contre attaque

Le soin tout particulier porté aux mélodie et à la performance ne peuvent qu’être salués. Tout comme le travail de choristes dont les danses frénétiques sont aussi hypnotisantes que leur soutien vocal sans faille. Les deux derniers signaux retransmis depuis la planète Fever Ray sont aussi un voyage dans le temps : « Now Is The Only Time I Know » offre au Monde sa noirceur stratosphérique qui viendra hanter nos nuits . Puis « If I Had a Heart », souffle apaisant et relaxant, chanté pour tous.tes et pourtant susurré à l’oreille de chacun.e..  Avant les salutations, « Coconut » sert à se dire au revoir. Il faut ensuite retrouver le monde réel, loin de celui idéalisé que propose l’artiste. Celui-ci parait bien plus terne, moins possédé, alors que les batailles à y mener sont encore si nombreuses.

Fever Ray – Olympia Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

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Tout change, tout passe, tout avance. Parfois trop vite, à tel point qu’il est difficile de retrouver ses repères. Et pourtant, il est un lieu où nous avons toujours 20 ans et où les codes restent – du moins en immense partie – inchangées. Il s’agit des gigs des artistes issus du  rock des scènes alternatives. En la matière, le concert parisien des britanniques d’Enter Shikari ce 21 février permettait de se reconnecter à une maison constituée d’un cœur humain. Une forme d’insouciance partagée sans pour autant s’abstraire de l’actualité et du difficile contexte politique que nous subissons en ce début 2024. Un moment entre énergie et set très travaillé qu’on vous raconte.

Enter Shikari – Le Trianon Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Communauté engagée

Il y a du monde ce soir au Trianon de Paris. La pluie qui dehors coule à flot depuis le début de la journée semble rapidement se faire obscure souvenir en montant les escaliers de la très belle salle parisienne. A l’intérieur, les t-shirts noirs de groupes sont légions. Ceux d’Enter Shikari évidemment, mais pas seulement. Les fans de rock alternatif partagent un look travaillé mais précis, sorte de repère pour défendre les formations qui leur parlent. Et depuis fort longtemps, le courant est une niche. Certes, il a son public, l’un des plus dévoué qui soit mais aussi l’un des plus communautaire. Ce qui est vrai au Royaume-Unis est loin d’être vrai en France. Outre-Manche, Enter Shikari et leurs comparses remplissent des Arenas. Ici, il faut compter sur des salles de moyennes capacité pour chanter à tue-tête des riffs screamés.  Une configuration qui ne dérange en rien Enter Shikari. Bon joueurs, ils y mettent la même énergie que dans les plus grandes salles. A croire même qu’un certain plaisir se dégage à la perspective d’une proximité retrouvée avec le public. La chose sera d’ailleurs prouvée encore et encore en cette soirée, où, les jeux d’écrans, aussi impressionnants soient-ils ne volaient pas la vedette aux nombreux échanges offerts par Rou Reynolds, le frontman.  Et puis ces salles à taille humaine, elles permettent également de partager des valeurs communes.  Le groupe est en effet ouvertement engagé dans de nombreuses causes qui lui sont chères. Parmi elles on retrouver les luttes pour les droits LGBTQ+ (Reynolds n’avait pas ménagé – à juste titre – le chanteur de For Today suite à ses tweets homophobes) mais aussi engagement pour le climat et le féminisme ( tout leur 4ème album « The Mindsweep », hautement politisé traitait de ces sujets). Des engagements qu’ils apportent avec eux leurs de leurs tournées.

Fever 333 : fièvre pacifiste

Fever 333 – Le Trianon Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

C’est sûrement une des raisons (entre autre de leur talent) qui les ont poussé à tourner avec Fever 333.  Ces derniers signaient ainsi la deuxième première partie de la soirée.  Notons que deuxième première, ça parait plus compliqué à l’écrit que ça ne l’est dans la réalité. Toujours est-il que  le groupe américain mené par Jason Aalon Butler  a lui aussi profité de ce Trianon pour rappeler que le groupe se tient toujours du côté des opprimés. Sans musique,face au public et  parlant avec éloquence, le chanteur ne mâche pas ses mots pour défendre la cause des palestiniens et demander la libération totale de ce peuple comme l’arrêt de cette guerre violente. Un message accueilli par un public qui partage ce même sentiment de profonde injustice. Les applaudissements fournis venant d’ailleurs appuyer le propos. Plus tard, le groupe en profitera pour remercier les membres féminins du public : « Votre simple existence suffit et est une bénédiction »avant de leur dédier un morceau. L’envie de créer une safe place au sein de ces concerts sonne comme une évidence. La rage déployée par les guitares saturées, le rock, les screams,  tout ça forment un exutoire, une occasion de laisser sortir les souffrances, difficultés et d’exprimer les révoltes. Il devient aisé de laisser sortir ses démons. Leur rire au nez même. En la matière l’énergie de Fever 333 a peu d’égal. Au milieu de ses riffs costauds, la formation subjugue la foule, visiblement aussi fan de la première partie que des hôtes de la soirée et connait chaque morceau par cœur. Avant de quitter la scène, Butler s’offrira un saut dans la fosse depuis les balcons atteint par quelques astuces d’escalade. Un premier bain de foule la soirée, les suivants seront réservés à Enter Shikari.

Enter Shikari : Des visuels forts, des lumières muticolores

Ces derniers savent d’ailleurs soigner leur performances. Moins brutes de décoffrage que Fever 333, on voit que la tête d’affiche de la soirée a pris le temps de rôder son live. L’entrée sur « System… » puis le single à succès « …Meltdown » (issu de « A Flash Flod of Colour » publié en 2012) ne sont qu’une très belle mise en appétit.   Il débarquent sur scène avec de gros écrans peuplés de nombreuses vidéos colorées qui viennent habiter leur performance musclée. La scène du Trianon (l’une des plus belles de Paris d’ailleurs en raison des ses balcons élégants) leur va parfaitement au teint. Probablement même mieux que celle de leur dernier passage, un Trabendo en 2022, qui laisse peu de place à ce genre de très grosses scénographies. Ici, Rou Reynolds et ses comparses sortent le grand jeu. Des lumières viennent s’ajouter au live. Elles se font parfois jeu de laser, le chanteur s’amusant à les couper de sa main pour mieux les laisser changer de couleur. La lumière ici ne se contente pas d’aider le spectacle et sa lecture mais devient une véritable actrice de cette scénographie très léchée.

Un nouveau registre et un dernier baiser

Côté son, on ne pourra pas reprocher à Enter Shikari de ne pas avoir su peaufiner son style et lui donner une texture plus accessible, plus mainstream. C’était déjà le cas sur son avant-dernier né « Nothing Is True & Everything Is Possible » paru en 2020 et dont la tournée, retardée par le COVID avait vu le jour en 2022.  La preuve en est à nouveau donnée avec cette dernière sortie en date :  » A kiss for the whole world » paru en 2023 . Ici un électro enragé vient se greffer à un rock sans concession. Les genres s’y croisent et s’y rencontrent. Jim Morrison prévoyait déjà à la grande époque des Doors une telle évolution de la musique. Un rock qui changerait, peut-être perdrait un certain souffle au profit d’une scène électronique travaillée.

Enter Shikari – Le Trianon Paris 2024 – Crédit photo : Louis Comar

On ne va pas faire mentir le maître. Cette modernité pressentie si tôt, elle s’applique à la carrière de ceux qui ce soir enflamment le public. Pogos et slams se côtoient volontiers au milieu de mélodies saturées. Pour autant, l’atmosphère, elle, reste inchangée. Ce qui était vraie dans les années 2000 ( la formation du groupe date de 1999) l’est tout autant aujourd’hui. Les réactions, la manière de goûter au live sur cette scène si particulière se répètent en une grande fête dont on connait la gestuelle. Et Reynolds ne manquera d’ailleurs pas d’en profiter pour s’offrir son traditionnel bain de foule. Morrison disait également qu’un autre courant viendrait prendre la relève du rock. Il avait raison, puisque le Hip Hop a aujourd’hui pris une place dominante dans le paysage musical. Bonne nouvelle : Enter Shikari sait aussi manier le genre, dans le registre néo metal d’ailleurs. En les écoutant, il parait évident de penser au pionniers du genre Limp Bizkit. Le nouvel album a la part belle ce soir notamment sur une interprétation phénoménale de  » Jailbreak ». Et puis pour mieux se calmer, le chanteur s’offre un un titre apaisant en solo, guitare à la main avec « Juggernauts ». La soirée se conclut sur un rappel en deux titres et son grand final pour un dernier pogo transpirant :  » A Kiss for the whole world ». Ce baiser passionné permet de démultiplier l’énergie, la transmettant comme une promesse faite. Au Monde entier d’enfin soigner ses plaies ? Au moins au Trianon ce soir, d’avoir passé un moment mémorable où l’amour se signe en baisers et lâcher prise.


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Maisie Peters – Olympia 2024 – Crédit photo : Louis Comar

C’est la Saint-Valentin et l’amour est dans l’air, particulièrement doux ce soir, de la capitale française. Dans les transports, dans les rues, des bouquets de fleurs géants comme des roses solitaires se baladent de mains en mains. Et c’est dans un lieu tout aussi habitué à en voir des roses, mais celles-là jetées sur scène, qu’il faut se diriger : j’ai nommé l’Olympia. Là nous attend le concert pop et sucré de la britannique Maisie Peters venue défendre son dernier album en date : « The Good Witch ». Un show qui se déguste comme une guimauve devant un teen show : tout en douceur.

Cross my heart

L’amour est en fait partout. C’est Love Actually qui le dit mais pas seulement. A en juger par la devanture de l’Olympia ce soir, il est fort celui que partage Maisie Peters avec sa communauté de fans. Tout le monde est à l’heure, personne ne veut perdre une miette du concert. Du coup dès la première partie, le public est déjà tassé en masse dans la salle. Il faut attendre 21 heures pour que la star de la soirée se présente. L’amour il est aussi dans les petites gestes. Là, au fond, dans le public, une mère pose un casque sur les oreilles de sa jeune fille, pré-adolescente qui y découvre ses premiers concerts, et ses premiers battements de coeur quand les lumières s’éteignent. A peine la salle plongée dans l’obscurité, voilà que retentissent les notes de « So What » de Pink, balancées avec force pour permettre à l’audience de se mettre dans le bain. Enfin la chanteuse fait son entrée. Son décors est à l’image de sa musique : des nuages roses qui ne sont pas sans rappeler la couverture de « Teenage Dream » de Katy Perry. Le bal s’ouvre sur « Coming of Age ». Et dès les premières notes, la foule se met immédiatement à chanter de bon coeur les paroles connues elles aussi par coeur. Ce qui est vrai à la première minute le sera tout au long de la soirée. La fan base investie ne lâche pas un titre de la musicienne, l’accompagnant autant en chantant qu’en dansant. A tel point qu’il est impossible de distinguer les singles des titres moins connus pour une oreille non avertie.

Vêtue de rouge, avec sa voix fluette, la musicienne pourrait rappeler la grande époque des stars Disney, Hilary Duff en tête de liste. La comparaison est aussi évidente avec l’icône la plus en vogue du moment : Taylor Swift. Avec elle, elle partage cette connexion avec son public, ce côté girl next door avec laquelle il serait bon être amie. Bavarde, elle s’adresse au public dès ses première minutes. D’abord en français : « Paris, je t’adore ». Puis reprenant sa langue maternelle pour demander qui ici à un Valentin ou une Valentine. Peu de mains se lèvent. Mais la voilà qui rassure sourire aux lèvres « Ce soir  vous avez toute.s une Valentine : c’est moi ! ». Rapidement, elle prend en main sa guitare et ajoute un petit côté country à sa pop colorée. « Body Better », l’un des singles issus de son dernier opus se fraie rapidement une place dans sa set list tout comme le plus ancien « John Hughes Movie ». Amour encore, amour toujours. Parfois celui-ci tourne mal alors la voici qui explique « Si vous vous dites que vous reconnaissez votre mec dans les paroles de ma chanson il faut le quitter d’urgence. » La blague fait mouche, l’audience est ce soir, plus que réactive.

Maisie + Peters X Olympia 

Maisie Peters a aussi assis sa réputation en travaillant avec Ed Sheeran et en officiant ses premières parties. Avec le chanteur elle partage la capacité à offrir des tubes immédiats, qui s’appréhendent avec aisance mais aussi un show centré sur un.e interprète principal.e à la guitare / voix.  Toujours souriante, toujours prête à communiquer, elle prend à partie l’une de ses fans au premier rang pour  la faire parler de son ex, qui visiblement s’est mal comporté, et l’aider en quelques mots à exprimer devant tout le public qu’elle est bien mieux sans lui. Cheh Joe !

A mi set la musicienne s’offre un medley et en profite pour reprendre Noah Kahan, dont son célèbre « Stick Season ». Pour celles et ceux qui souhaiteraient voir sur scène sa version originale il suffira d’attendre la fin de semaine dans l’exacte même salle. Un joli clin d’oeil à la nouvelle sensation folk, dont la musique aux accents country sont très proches d’une scène pop punk en perdition mais dont la candeur appelle toujours à la retrouver.

Cette musique est autant que le reflet d’une époque que les séries télévisées qui l’ont habitée. En la matière le spectacle de Maisie Peters n’est pas sans rappeler l’atmosphère des « Frères Scott ».  Certain.es se rappelleront le sourire aux lèvres avoir passer des heures à rêver de Three Hill en Caroline du Nord où se déroulait l’action. Là où une petite scène locale accueillait des artistes souvent pop tout aussi souvent rock organisée par Peyton. La même scène qui accueillait Fall Out Boy et qui permettrait à Pete Wentz, le bassiste beau gosse de sortir à l’écran avec une adolescente (mineure, mais passons sur ce moment problématique au niveau du scénario). La comparaison est peut-être d’autant plus évidente que Maisie Peters revendique Fall Out Boy parmi ses influences mais aussi Lilly Allen et My Chemical Romance. Elle est d’autant plus aisée que pour le public, relativement jeune et majoritairement féminin de ce soir, la sensation d’appartenir à une communauté, pareil à celle d’une petite ville est palpable. L’amour est partout, nous le disions.

Maisie Peters – Olympia 2024 – Crédit photo : Louis Comar

Un dernier sort

Le show défile à toute vitesse. « Run » est interprété même si précédé de quelques secondes de « Can’t help falling in Love » visiblement moins dans le ton que Maisie Peters souhaite donner. Les bras en l’air, le public suit le concert titre après titre avant de finir, temporairement – rappel oblige- sur « Cate’s Brother », single sorti en 2022 hors albums.  La fin du titre a un arrière goût de trop peu. Comme avec un bon verre de vin, on en reprendrait bien une lichette. Prêt pour une dernière gorgée de Chateau Olympia 2024 en accord met/ vin avec les petites douceurs de la soirée ?

Voilà donc notre Valentine qui revient pour deux titres. Le premier « History of Man » lui permet d’inviter Paris Paloma, sa première partie, à la rejoindre sur scène. Enfin notre bonne sorcière agite son nez pour réaliser un dernier sort et envoûte la foule sur « Lost the Breakup » issu de « The Good Witch ».  La magie opère, un sortilège d’amour en quelques sorte. Celles et ceux qui y auront vécu leur premier coup de coeur scénique rebaptiseront certainement Maisie Peters Hécate, la déesse des sorcière, lorsqu’iels repenseront avec nostalgie à ce moment envolé.

Maisie Peters – Olympia 2024 – Crédit photo : Louis Comar

 

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