C’était annoncé depuis un moment, Netflix avait racheté les droits de la série « You », petit bijoux avec Penn Badgley que l’on connait pour avoir interprété Dan dans la série Gossip Girl. Un tel nom à l’affiche pouvait promettre un nouveau show pour midinette éprises d’histoires d’amour complexes et de mélodrames tirés par les cheveux. Il n’en est rien tant « You » est un objet à part dans l’univers du petit écran. Une romance dérangeante portée par un héro stalker et son obsession pour son héroïne, Beck interprétée par Elisabeth Lail.

You la non romance plus romantique que ce qu’on nous sert habituellement

You beck joe peach

A en juger par la bande-annonce, à se laisser conseiller par les ouï-dire actuels « You », pourrait bien être une nouvelle série banale qui joue le jeu du suspens et du mychtère parce qu’il parait que c’est tendance. Est-ce cliché ? La partie concernant la psychopathie de Joe (Penn Badgley) ne serait-elle qu’une douille? Un peu comme les choix multiple dans le dernier épisode de Black Mirror ? Point du tout! « You » obsède dès ses premières minutes. Pourquoi donc? Parce que la série arrive à faire aimer son personnage principal, son stalker et à justifier ses actions injustifiables. Dès les premiers instants, Joe, propriétaire d’une petite librairie new-yorkaise tombe sous le charme de Guenevere Beck, jolie blonde au sourire ravageur et à l’esprit bien fait. Si le cinéma s’est souvent employé à nous faire aimer son héroïne, la voir dans le regard de Joe et ce grâce à un narrateur en voix off, accentue ce fait. A ses yeux, l’imparfaite Beck devient parfaite, ses doutes, ses peurs, ne sont que des éléments positifs: Joe pourra la rassurer, il saura prendre soin d’elle. Chacune des pensées de notre anti-héro son adressés à sa belle, il lui décrit ses sentiments, explique et justifie ses actions même les moins justifiables. Il la stalke et peut-être que dans un monde où il est de bon ton de fouiller les Facebook et Instagram de tout le monde, sa démarche parait moins lourde, moins étrange qu’elle ne devrait l’être. Peut-être aussi que si Joe est un sociopathe bien écrit, Dan son personnage de Gossip Girl, qui a quand même crée un site pour espionner Serena n’en était pas moins un.

 

2019 et les années qui la précède ne sont pas des années romantiques. Exit les belles love stories pleines de miel sur nos petits écrans, pour vendre une histoire d’amour il faut qu’elle soit sur fond d’intrigues plus globales. Si la recherche du fan qui shipera le couple élu doit bien traverser la tête de nos chers scénaristes, c’est bien ceux de « You » qui s’en sortent le mieux. A tel point qu’ils créent le couple idéal, le petit ami idéal. Même en observant les dérives du petit-ami stalker, dérangé, violent, meurtrier, le spectateur se retrouve régulièrement à mettre de côté les scènes qu’il vient d’observer pour mieux se focaliser sur les attentions de l’homme amoureux et de sa dulcinée. A tel point que Penn Badgley lui-même a dû prendre les devant et rappeler via Twitter aux fans de la série que Joe n’est pas le petit-ami idéal du tout, non bien au contraire. Difficile pourtant de ne pas fondre devant le everythingship et le gâteau scrabble. C’est un tour de force incroyable que nous offre « You ». L’envie que celui qui devrait être « le méchant » de la série s’en sorte, et ce malgré toutes ces mauvaises actions.

Le jeu de miroir avec son jeune voisin, Paco n’est sûrement pas étranger au phénomène. Même s’il est facile d’occulter les mauvaises actions de Joe en raison de toute l’attention qu’il porte à Beck, sa faculté à prendre soin du garçon qui habite au dessus lui apporte une touche d’humanité en plus.  Puisque le personnage de Penn Badgley se révèle être une figure paternelle bienveillante et au petit soin pour celui dont la mère alcoolique et droguée est en plus battue par son compagnon. Outre cet aspect bienveillant du personnage, Paco met en lumière le passé de Joe. Lui aussi a souffert, lui aussi a été abandonné. Tous ces faits constituent des circonstances atténuantes pour notre anti-héro. Le public alors, prompt à pardonner ses excès éprouve alors une compassion sans fin pour lui. Paco dérive et se noie dans la perdition de sa mère. Joe a vécu la même chose. Le public ressent la douleur et la couleur de Paco puisqu’elle nous est montrée à l’écran et imagine volontiers accorder la même dose d’empathie à un personnage devenu adulte mais n’ayant pas appris la frontière entre le bien et le mal. Il n’est ni Barbe Bleue, ni le grand méchant loup et si la capacité à commettre le pire n’est pas innée, alors il est sauvable.

A l’air post « Me too », You reste-t-elle pertinente?

You: Beck et Joe

L’année précédente a été moteur d’un énorme travail sur le féminisme. A travers lui, on a enfin pris le temps d’expliquer qu’une femme n’est pas une petite chose fragile qu’il faut sauver et qu’un couple pertinent s’appuie sur un consentement mutuel. Que dit alors un show qui fait l’apologie d’un personnage qui décide que cette relation doit exister et qui contrôle les faits et gestes de sa compagne? Probablement qu’il pourrait être le méchant ultime de l’année 2019. Un savant manipulateur qui sous couvert de vouloir le bien de l’objet de son affection se permet de prendre les décisions pour elle. La fiction pourtant ne peut et ne doit pas avoir dans tous les cas un rôle d’éducation, même en se situant dans son époque, même en prenant en compte son contexte social, une fiction reste une fiction, elle a pour but de divertir. « American Psycho » n’a jamais dit qu’il serait bon de massacrer ses collègues à la hache en son temps, « Grave » ne fait l’apologie du cannibalisme pas plus que « Le Silence des agneaux ».

Apprendre à aimer le personnage dérangé et qui agit mal ne doit pas pousser à cautionner toutes ses actions. Et bien au contraire, la romance de « You » peut être un révélateur, un miroir de ce qu’est une relation malsaine. Elle peut pousser à s’interroger sur les dérives de la jalousie, du besoin de possession et de l’impression de faire pour l’autre ce que l’on fait en réalité pour soit.

Beck, un personnage fort bien écrit

Beck dans la série You netflix

Si la toile entière semble être tombée sous le charme de Joe, Beck elle déplait. Apparemment mieux vaut être un sociopathe romantique aux « bonnes intentions », qu’une artiste perdue. Et pourtant, la jeune-femme est un personnage complexe et fort bien écrit. Loin de la jeune-fille parfaite, Beck traîne son lot d’incertitudes et de doutes. Elle se cherche en tant qu’artiste et qu’écrivaine, doutant de ses compétences, de ses facultés à créer, rebroussant chemin, ne sachant s’accorder le droit à être heureuse. Comme beaucoup, elle se cherche à travers les autres pour exister. Attachante, entière et réfléchie, elle s’inscrit comme un personnage réel en quête d’elle-même et d’une réussite qui lui permettrait de s’affirmer.

A noter, que, comme son petit-ami dérangé, elle joue aussi à la stalkeuse amateure lorsqu’elle même cherche à en apprendre plus sur certains éléments de la vie de Joe. Miroir, mon beau miroir, dis moi qui ne s’amuse pas à espionner l’être aimé?

Une saison 2 prévue et probablement casse-gueule

Une deuxième saison de « You » est déjà programmée sur Netflix, son tournage et sa date de diffusion n’ont pas encore été révélé.

Pourtant quelques informations ont déjà fuitées sur son contenu. Candace et Joe seront bien sûr de la partie alors que Peach ( Shay Mitchell) et Beck pourraient bien revenir sous forme de flash back. Paco (Luca Padovan), le jeune voisin du tueur et le Docteur Nicky ( John Stamos- aussi connu pour avoir campé les traits du très cool oncle Jessy dans « La fête à la maison ») devraient aussi être de retour.

Si l’on se base sur le second roman de Caroline Kepnes, l’auteure du livre qui a inspiré la série, cette seconde partie devrait se dérouler à Los Angeles, ville que Joe déteste. Le protagoniste a en effet été contraint de quitter New York pour tenter de retrouver une vie normale, sauf que ses tendances obsessionnelles le rattrape.

SPOILERS ALERT: s’il est difficile et peu déontologique de juger d’un objet qui n’est pas encore sorti, la suite de « You » crée néanmoins de belles frayeurs me concernant. L’absence de Beck, du couple qu’on prenait plaisir à suivre et le risque d’une répétition ( nouvelle obsession sur Candace ou sur une autre femme) risquent de peser lourd dans la balance. A l’instar d’un « 13 reasons why » qui a perdu de sa superbe au court de sa saison 2, ou dans « Prison Break » qui est complètement parti en sucette lors de sa saison 3, « You » va devoir marcher sur des œufs pour éviter de sentir le concept étiré pour raisons financières. La présence d’une suite pensée par l’auteure tend quand même à rassurer sur cette suite, à condition que les scénaristes sachent s’arrêter à temps. Réponse d’ici quelques mois….

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