Au début de l’été, un jeune galeriste, fan de BD, que l’on a soutenu à travers ses nombreuses expositions, Art Maniak  se voyait proposer de travailler avec un dessinateur. A l’initiative de l’éditeur Ring, qui se chargeait de la mise en relation, il allait pouvoir proposer d’exposer pour la première fois à Paris le travail de Marsault. Ce dernier, dessinateur à l’humour franchement provoc’ et violent avait su à travers ses dessins s’attirer la sympathie d’un certain public et l’antipathie d’un autre.

marsault exposition art maniak 2018
dr Marsault

Bonne nouvelle donc pour la galerie Art Maniak, qui comme à son habitude cherchait à diversifier ses propositions après avoir exposé Napo, Gab, Artemisia ou bien Jean Chakir. Seulement voilà, l’été est passé par là et les choses ont changé. Si Marsault n’a jamais hésité à se la jouer grande gueule sur les réseaux sociaux, à pousser ses coups de gueule sur la société qui l’entoure et à exprimer une opinion qui ne pouvait que lui valoir des débats houleux, l’été 2018 a été le moment pour lui de pousser ses propos à leur apogée. Quels types de propos me demanderez-vous? Des propos assimilables à ceux de l’extrême droite  ou du moins s’ils ne se revendiquent pas d’un bord politique, parlent de guerres raciales entre autre (le but n’étant pas de tronquer les propos d’une personne ni de les reformuler je vous invite à les lire pour décider par vous-même ce que vous en pensez parce qu’il est important de creuser ses sources). Bref ni une ni deux, c’est un déferlement de débat et de haine qui s’abattent sur Marsault, contraint lui-même de retirer ses écrits des réseaux sociaux pour mieux revenir plus tard avec une caricature d’Hitler et de De Gaule qui conduira à un départ de Facebook. Les débats s’enflamment, les pour mais surtout pas mal de contre. Jusque là normal, on est en démocratie. Bien loin d’avoir envie de proposer ce papier pour parler des opinions défendues par Marsault et par ses détracteurs, d’autres s’en sont déjà chargés, ce sont les questions qui découlent de la suite de cette histoire qui intéressent ici notre propos.

Nous revoilà donc avec un event d’exposition annoncé sur la page d’Art-Maniak. Peu habitué à déchaîner les fureurs des internautes, notre galeriste se retrouve donc pris au milieu d’une tornade complètement inattendue. N’en déplaise à certain partisans de la théorie du complot, non tout n’est pas fait pour faire le buzz. Même en 2018, tout n’est pas calculé pour déchaîner les réseaux sociaux. Au milieu de ces propos, de tout, du « Vous n’avez pas honte » au « faire l’apologie du nazisme » en passant par des personnes venues en masse défendre l’expo et le dessinateur tous s’affairent sur quelques 950 commentaires sur la page d’Art maniak. Ceci est néanmoins la preuve que le débat existe encore.

Et le fameux débat lequel est-il? Celui vieux comme le monde du doit-on séparer l’artiste de son art? Celui qui vaut pour Céline comme pour Picasso, qui vaut pour Hugo Boss ou pour Galliano.

Dans le cas présent, exposer un artiste revient-il à approuver la totalité de ses propos? Revient-il à cautionner une opinion politique?

Liste de questionnements sans avoir pour autant toutes les réponses face à cette affaire.

Avec les personnes en colère tu ne parleras point

Les premiers à commenter, ceux en colère n’ouvrent pas au débat, taxé de néo-nazi elle-même, de raciste, suprématiste, la galerie Art Maniak tente de tenir bon. Il ré-affirme sans cesse son point de vue: il aime le dessin uniquement, ne tient pas à politiser sa galerie, y a déjà accueilli des dessinateurs de tous-bords. Une position qui lui vaut encore de nombreuses critiques : comment ne pas prendre part au débat qui anime les internautes? Celui politique, celui sur les propos tenus par l’auteur. Les choses s’enveniment, les menaces arrivent : destruction du lieu, procès s’ajoutent aux argumentaires.

Le niveau vole encore plus bas, les uns et les autres fouillent leurs pages Facebook pour mieux pouvoir s’insulter sur leurs photos, activités. Hop ta vie privée et ta tête sont sur les réseaux sociaux une bonne manière de te prouver que tu as tord. Je ne sais toujours pas d’ailleurs qui s’est déjà dit « ha ouai il a raison mince je suis moche, ça doit faire de moi un imbécile » mais bon. Tout ça devient quand même gênant, puisque comme souvent le débat central celui qui a un intérêt se perd au profit d’un brouhaha d’insultes peu constructif. Si certains défendent corps et âme la liberté d’expression, le droit à la galerie d’exposer l’artiste, le droit d’aimer son travail mais pas ses propos, voir le droit d’être de son avis , d’autres demandent le retrait pure et simple de l’exposition. Les données personnelles du galeristes sont aussi mis en ligne dans ces mêmes commentaires.

Qu’allait-il se passer réellement à l’exposition?

Les dessins sélectionnés par Art Maniak étaient parmis les moins provocs, il ne s’agissait pas non plus de lui tendre le micro pour lui demander de se plonger dans un grand débat politique. Dans ce cadre doit-on toujours parler de valoriser ses idées? Peut-on regarder ses BD, les aimer ou non en faisant abstraction de ses opinions politiques? Doit-on venir en bande, détruire une galerie tenue par un jeune homme qui se bat au quotidien pour pouvoir vivre de sa passion? Ce qui nous amène à une question primordiale.

Doit-on faire fermer sa gueule à Marsault et à ceux qui ne pensent pas comme nous? Dans ce cas où se situe la limite? Est-ce de la censure ou au contraire est-ce du bon sens que de ne pas vouloir que certaines idées circulent librement?

La question plus juste serait celle-ci : Qui décide de quelle opinion peut être librement exprimé sur le domaine public et quelle opinion  ne doit pas l’être? Est-ce le grand tribunal de Twitter? Je pense plutôt que la loi si elle est bien définie est celle qui devrait avoir ce dernier mot. Rien n’empêche néanmoins de profiter de Twitter, de sa bouche ou de la rue pour exprimer une opinion contraire, s’opposer, se révolter. Mais si on fait simplement fermer sa gueule à celui qui pense différemment, détruit-on le problème pour autant, avance-t-on sur les sujets de société? Fait-on évoluer les mentalités?

La barrière est fine entre s’opposer à une dictature et devenir dictatorial. Un post à ce sujet passait récemment sur les réseaux sociaux expliquant qu’il était tolérable de devenir intolérant face aux intolérants. Un vrai casse-tête qui revient sans cesse au poisson qui se mord la queue. Et pourtant peut-on tout dire quand on est une personnalité publique? Certaines opinions doivent elles être véhiculées? Le danger est-il réel? Risque-t-on vraiment de jouer un jeu qui pourrait réellement nuire à autrui? Dans ce cas sans rentrer dans un processus de censure pure comment peut-on éviter de les propager ?

Faut-il faire demi-tour ?

Il est temps de se mettre un peu à la place d’Art Maniak et de se poser la question: qu’aurai-je fait à sa place? Dois-je maintenir au nom d’une liberté que je chéris et par amour de l’art, quitte à essuyer une tornade? N’ai-je pas aussi un devoir face aux fans de Marsault qui promettent, en nombre, de venir assister à l’événement? Finalement, face aux commentaires, ai-je aujourd’hui un devoir politique à prendre en compte?

Si l’opinion du public ne suffit pas les répercussions professionnelles elles-aussi existent. Certains dessinateurs prennent peur à l’idée d’être attachés à des opinions qui sont fort éloignés des leurs. Voilà des faits intéressant, chacun y va de son pouvoir pour faire passer son opinion. Tous, chaque parti étant persuadé d’œuvrer au nom de la justice.

C’est Marsault lui-même qui finit par trancher et se rétracter peu désireux d’entraîner d’autres dans des opinions qui finalement n’engagent que lui et qui ne sont pas partagés par la galerie Art Maniak.

Est-il possible de pousser le débat en ce sens, l’art vs l’artiste, les propos vs la personne, l’art vs les propos? Passe-t-on à côté de l’essentiel?

Puisque chacun s’attache à revenir à la base 1 du soucis, l’aspect terre à terre, l’opinion exprimée avec laquelle on est ou non est désaccord. Si on ne se contente pas de dénoncer, cautionnerait-on alors les propos tenus?

Les réseaux sociaux deviennent une arme de guerre

C’est bien connu, les réseaux sociaux sont un merveilleux lieu de partage. On y découvre tout types d’informations. On peut si on le souhaite s’y instruire. Sauf que l’anonymat qu’ils proposent en font aussi une véritable arme de guerre. Loin de pouvoir voir le mal que l’on fait à ses interlocuteurs tranquillement au chaud chez soi, les insultes et les harcèlements deviennent d’une banalité incroyable. Art Maniak en a fait les frais, harcelé pour avoir voulu monté une exposition et ce, même après l’annulation de celle-ci. Le but étant, parfois, de détruire la crédibilité de la personne qui a eu l’affront de tenter quelque chose que d’autres trouvent moralement répréhensible. Dialoguer bien sûr, exprimer une opinion contraire est légitime : insulter, menacer sont des choses bien différentes. Elles finissent doucement pas s’immiscer dans la vie réelle où il devient de bon ton de tout commenter à haute voix.

Les questions, faut-il tout simplement se les poser ?

Tout comme Art Maniak, l’auteure de ces lignes ne partage pas les idées de Marsault. Pour autant, certains diront que dans certains cas, les questions il ne faut même pas se les poser. Qu’il faut simplement fermer la porte. Que répondront-ils s’il était estimé par certains que se sont à leurs idées qu’il faut tout bonnement fermer la porte? Qui décide des questions qu’il ne faut surtout pas poser? Et dans ce cas quelles sont les limites? Si aujourd’hui celles-ci souhaitent jouer un faveur d’un Monde égalitaire, qu’adviendrait-il si demain, à l’inverse elles prônaient l’opposé? L’Histoire nous a appris qu’il est bon de continuer à débattre et s’interroger.

Tant de questions auxquelles il n’existe toujours pas de réponse universelle. Il est néanmoins intéressant en tant que spectateur de revenir sur les faits et de permettre à chacun d’en débattre librement. Le but de ce papier n’étant en rien de cautionner mais de s’intéresser aux nombreux débats que provoquent les milieux artistique sans avoir la prétention d’imposer une opinion tranchée.

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